Germania, de Harald Gilbers
Traumatisée par La Trilogie berlinoise, je ne voulais pas me retrouver avec un ersatz de Bernie Gunther en la personne de Richard Oppenheimer ! Mais ouf, ce n'est pas le cas.
Oppenheimer est un ancien commissaire de la police berlinoise, comme il est juif, il a interdiction d'exercer son métier. Nous sommes en 1944 et la guerre prend un tournant défavorable pour les allemands. La capitale subit de plus en plus de bombardements, les convocations au front ou à disparaître se multiplient. Le climat est délétère, donc méfiance générale.
Oppenheimer est réveillé en pleine nuit par un agent SS qui l'engage pour ses anciennes compétences à tirer au clair une affaire de meurtre. Ce n'est pas un crime banal, mais bien une série morbide avec des jeunes femmes retrouvées mortes, nues et mutilées, devant des monuments aux morts de la Première Guerre mondiale.
J'ai finalement été happée par cette intrigue et par l'ambiance générale. On sent une terreur sournoise et oppressante, la débâcle est proche, la propagande plus verrouillée que jamais. On découvre la guerre en plein cœur du Reich sauf qu'elle est rapportée par un indésirable (selon les exigences du parti en place) ! Oppenheimer va bénéficier d'une dispense exceptionnelle pour mener son enquête - pourquoi lui ? - d'où sa prudence et sa méfiance. Le type est normal (en comparaison du très misogyne B. Gunther) et il est coriace, intelligent, redoutable. Il a une épouse (aryenne) et une amie proche dont l'époux est un éminent médecin honteusement ambitieux.
L'histoire va d'ailleurs explorer les faces obscures du régime, le Lebensborn, les bordels pour officiers, les espions, les jeunesses hitlériennes etc. Franchement, tout se complète dans cette lecture, entre les exactions du tueur en série et le contexte politique, historique etc., il y a matière à captiver le public tout en lui changeant les idées.
J'inscris sur mes tablettes Les fils d'Odin (livre 2), à lire sans tarder.
©2015 Éditions Kero. Traduit par Joël Falcoz (P)2018 Sixtrid
- Lu par : Xavier Thiam
- Durée : 12 h env.
Un enquêteur juif. Un suspect nazi. Démasquer le coupable sera-t-il plus dangereux qu'échouer ?
DISPONIBLE EN FORMAT POCHE CHEZ 10x18
Un tout petit rien, de Camille Anseaume
«... ma bosse, ma tumeur, mon erreur, mon accident, mon avorton, mon rien, mon tout, mon embryon, mon clandestin, mon sans-papier, mon tout-petit, mon envie, ma folie, mon amour. »
Camille, 25 ans, découvre qu'elle est enceinte et voit son amant claquer la porte en l'apprenant. Choquée et effondrée, pleine de questions et de doutes, elle se retrouve face à une montagne de responsabilités, comme annoncer la nouvelle à des parents déçus et désemparés ou prendre une décision radicale : le garder ou pas. Bref, Camille surprend, Camille affole mais Camille est « seul juge de la situation de détresse ».
Ce récit, bref et intense, raconte avec des mots simples et une grande sincérité l'envie de bien faire, de ne pas se tromper et d'assumer les conséquences d'une grossesse non désirée. Toutes les femmes pourront facilement se mettre à sa place et seront touchées par la force de son récit, à l'humour caustique et féroce.
Il y a, certes, un côté exhibitionniste assumé, où l'on se raconte sur 284 pages (tout ça pour ça), avec des effets de style qui font mouche. Mais le ton vif et passionnel de Camille Anseaume remue les tripes et résonne en écho à des interrogations légitimes et existentielles. Cela peut agacer, comme cela peut émouvoir le lecteur. Personnellement, j'ai aimé la sensibilité que reflète ce témoignage.
Pocket, février 2015 ♦ À découvrir par curiosité !
« Je suis pour que les gens aient le choix de donner naissance à un enfant ou pas, je suis contre ceux qui célèbrent le miracle de la vie en prônant que chaque grossesse en est un, je suis contre ceux qui érigent leurs valeurs personnelles en principes universels. »
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« Je te regarde à nouveau et en observant ton ventre qui s'emplit et se vide doucement, je pense à ma mère et à son bébé dont le pyjama ne s'est jamais soulevé. Je comprends qu'elle a vécu l'innommable et que je perdrais pied dans la seconde si ton pyjama arrêtait de se soulever. Alors je ne lui en veux plus, puisqu'elle a fait ce qu'elle a pu. On dirait que c'est ça, couper le cordon. En quelques minutes, j'ai coupé celui qui me reliait à ma mère et celui qui me reliait à ma fille, je me sens tout d'un coup libre, et en déséquilibre... »