25/02/17

Captifs, de Kevin Brooks

captifsLecteurs claustrophobes, passez votre chemin ! Ce roman, hautement perturbant, a le sombre dessein de vous entraîner dans une lente, lente descente en enfer.
Coincés dans un bunker souterrain, six individus croupissent dans un confort spartiate et à la merci d'un tortionnaire invisible. Les uns après les autres, ils ont été piégés, drogués, kidnappés pour être finalement conduits, via un ascenseur, dans cet espace criblé de caméras. Leur vie ne leur appartient plus. Linus, un adolescent de seize ans, livre dans son carnet leur calvaire. Les jours passent, les questions se bousculent, la folie guette, le désespoir monte en flèche. Autour d'eux, ce sont six chambres séparées, une salle de bains, une cuisine, une table avec des chaises pour tenir leurs conciliabules et une bible pour tuer le temps. Ils n'ont rien en commun, Jenny est une fillette de neuf ans, Anja une trentenaire un peu folle, Fred un toxico en manque, William Bird est rustre et violent, Russell Lansing un vieil homme malade. Ils sont terrés comme des rats, confrontés à eux-mêmes. Viennent les doutes, les tentations, les psychoses délirantes, les désillusions et les prises de conscience tardives. Sont-ils fichus ? Qui leur inflige ce supplice ? Pourquoi ? Ce sont autant d'interrogations qu'on se pose, tout en tournant les pages du bouquin. Le mieux à dire, c'est que la lecture est flippante et démoralisante. La violence ronge les parois de leur prison, la détresse suinte par les quelques failles du système, on se sent voyeur impuissant et témoin halluciné de cette exécution programmée. C'est l'histoire d'une lente agonie, d'une révolte, d'une condamnation sans explication, sans règle, sans torture. C'est l'histoire d'une tension psychologique implacable. Où le poids des mots est immense, l'attente insupportable et écrasante. J'étais complètement abrutie, à la fin. 

10x18 - Février 2017

Traduit par Marie Hermet pour Super 8 Éditions [The Bunker Diary]

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30/05/11

iBoy

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Tom Harvey, seize ans, s'est pris un iPhone sur la tête (lancé du 30ème étage d'un immeuble) et a été mis k-o par le choc. Les médecins ont pu réparer les dégâts mais n'ont pu lui enlever quelques-uns des débris coincés dans son cerveau. Conséquence bizarre, le système intégré avec WIFI fusionne avec ses neurones. Tom, lui, découvre qu'il peut désormais surfer sur le net, s'infiltrer dans les réseaux téléphoniques et autres i-technologies en un simple battement de cils. Mais il n'en parle à personne, pas même à sa grand-mère avec qui il vit chichement dans un petit appartement au coeur d'un quartier mal famé. Et c'est alors que sa meilleure amie Lucy est victime d'une agression par la bande de petits caïds du coin, le crime est voué à rester impuni, ce qui révolte l'adolescent. Il crée ainsi iBoy, celui qui va venger l'honneur de Lucy.

L'histoire ressemble énormément à Spiderman, sans la piqûre d'araignée bien entendu. L'auteur ne s'en cache pas et y fait même référence avec humour (au moins, ça casse un peu avec l'ambiance déprimante). C'est un roman qui se lit avec rapidité, la technique est efficace et stressante aussi. On est pris par le rythme de l'intrigue, par l'atmosphère sombre et sans pitié, et par ce qui se bidouille dans la tête du garçon. Franchement c'est prenant, on déteste les méchants et on soutient le superhéros dans sa quête de vengeance. Sauf qu'il ne s'agit pas simplement d'un roman fantastique, mais un thriller psychologique. Tom, alias iBoy, se moque de faire le bien ou le mal, il est dicté par la colère et le sentiment d'injustice, ce qui est contraire aux principes des superhéros ! (Il existe une règle tacite. Ne cherchez pas.) L'adolescent carbure à l'instinct, il est déchainé et cela ne le rend pas meilleur et ne fait pas de lui un type extraordinaire - au pire, lui aussi est un monstre.

Tout ceci, simplement pour souligner que, même si c'est un formidable roman d'action, un roman redoutablement efficace, calibré pour divertir et plaire au plus grand nombre, c'est aussi un roman qui fait réfléchir, qui questionne et qui interpelle notre sens de la justice et les limites qu'on se pose. A lire, c'est vraiment un très bon roman !

iBoy - Kevin Brooks
La Martinière J. (2011) - 281 pages - 12,90€
traduit de l'anglais par Sabine Boulongne

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30/06/08

Being - Kevin Brooks

"Je respirais, je mangeais, je buvais, je consommais. Je chiais. Je dormais. Je rêvais. Je souffrais. J'étais sensible aux drogues - alcool, anesthésiant. J'éprouvais des sentiments - bons, mauvais. Des désirs. Je ressentais la fatigue. Je pensais à des choses - bonnes, mauvaises, inutiles. Je n'avais pas envie de mourir. Je riais. Je souriais. Je fredonnais, je sifflais, je bâillais. Je fonctionnais comme un organisme. Mais je semblais être fait de matériaux non organiques... Cela n'avait vraiment aucun sens."

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Suite à une banale endoscopie, un adolescent de seize ans, Robert Smith, est tiré de son anesthésie et surprend une conversation des chirurgiens penchés sur son corps ouvert, tout de plastique et de métal... qu'est-ce que cela signifie ? Quand, au-delà de la douleur, l'ado bondit et surprend l'assistance, l'arme au poing, et parvient à s'extirper de ce cauchemar. Mais qui est-il ? Quelle part cachée sommeille en lui ?

Pas le temps de réfléchir, Robert s'enfuit et se réfugie dans une chambre d'hôtel. Dans la presse du lendemain matin, il apprend qu'il est recherché par la police pour avoir assassiné un médecin ! Ne sachant plus à qui se fier, ignorant encore qui sont ses poursuivants, Robert va taper à la porte d'une certaine Eddi Ray, une faussaire rencontrée par le biais d'une tierce personne, du temps où sa vie était "normale".

Robert a perdu tous ses repères, il hésite à confier son destin entre les mains de cette fille et pourtant il n'a pas le choix et va la suivre jusqu'en Espagne. De fil en aiguille, une attirance physique les pousse l'un vers l'autre. Cela n'éloigne pas la menace, toujours présente, qui bientôt se présentera à leur portillon.

Quelle pression ! Kevin Brooks, très inspiré par les thrillers vus au cinéma, signe là un roman stupéfiant, écrit à l'arraché, d'une plume froide, terriblement implacable. On étouffe littéralement, on suffoque à l'approche des hommes en costards qui poursuivent le jeune Robert Smith (aucun rapport avec The Cure !) ; cette écriture sans état d'âme et sans fioriture est une volonté d'aller de l'avant, toujours plus loin des limites fixées.

On se sent dans ce livre comme dans un univers filmé (on devine une ambition cachée ?). Bref, ce serait presque génial mais le climat trop rigide rend finalement la lecture accablante. Et puis je suis restée sur ma faim, tout ce qui concerne l'état de Robert Smith et son pourquoi restent dans le flou artistique. Robert a été abandonné à la naissance et a grandi dans des familles d'accueil ; le dernier couple, Bridget et Peter Young, n'existe d'ailleurs qu'à travers la citation. La suite du roman ne se base que sur cette sempiternelle question, qui nous taraude tous : qui est Robert Smith ?

Voilà donc un roman à haute portée psychologique, dramatique et dans la veine du véritable thriller, qui lorgne un tantinet sur la science-fiction... On dépasse les rebondissements (nombreux), les scènes qui font de l'adolescent un personnage cruel et menaçant, mais aussi un type dépassé par ce qu'il vient de découvrir, déboussolé et en quête d'un "moi". On obtient alors un roman qui offre une profonde réflexion existentielle sur l'identité, la mémoire, la solitude de ce garçon hors norme. 

La fin ouverte pourrait également inciter à penser qu'une suite est envisageable...

Editions du Rouergue, janvier 2008 - Coll. doAdo noir - 350 pages. 15€

traduit de l'anglais par Ariane Bataille

A été fort apprécié par Melanie (Book in)

Posté par clarabel76 à 08:30:00 - - Commentaires [16] - Permalien [#]
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