Cauchemars, de Jason Segel & Kirsten Miller
Charlie Laird, douze ans, a toujours habité à Cyprès-les-Bains, avec son petit frère Jack et son père Andrew qu'il pensait inconsolable depuis la mort de sa mère. Et puis, son père a rencontré Charlotte BelCanto qu'il a épousée... onze mois plus tard. Depuis, ils vivent tous ensemble dans son vieux manoir peint d'un affreux violet. Charlie est non seulement indigné par la trahison de son père, mais vit aussi un vrai calvaire depuis qu'une sorcière vient hanter ses rêves nuit après nuit. Pour lui échapper, le garçon s'empêche de dormir et se barricade dans sa chambre avec des tonnes de cartons, mais ses insomnies finissent par lui taper sur les nerfs et le rendent de plus en plus agressif. Se confier à son père ? Impensable. Charlie a ouvertement exprimé son opinion sur sa marâtre, en apparence charmante et excentrique. Son arrivée en ville et l'ouverture de sa boutique d'herboristerie avait pourtant fait sensation auprès des habitants, finalement séduits et envoûtés par ses potions. Seul Charlie n'est pas tombé dans le panneau. Il la soupçonne même d'être en relation avec des puissances occultes et de pratiquer des charmes et des maléfices en cachette. Se sachant incompris par sa famille, le garçon trouve refuge auprès de ses camarades d'école, Paige, Rocco et Alfie. Tous ont en commun de souffrir d'angoisses chroniques qu'ils vont finalement mettre à plat lorsque les événements vont se précipiter et conduire notre jeune héros vers un monde alternatif, le Royaume des Ténèbres, là où l'attendent ses pires cauchemars. Avant d'en arriver là, l'histoire installe longuement son décor, son ambiance, ses personnages et son contexte, mais c'est suffisant pour plonger le jeune lecteur dans un délire paranoïaque. Tout est absolument mystérieux, inquiétant et sombre. On n'en mène vraiment pas large et on avance avec précaution dans l'histoire qui dévoile ses secrets au compte-gouttes. Outre son aspect effrayant, le roman évoque aussi le chagrin, la perte et le deuil qui brident les élans et coupent les ailes. On découvre un jeune Charlie encore profondément marqué par la mort de sa maman, prostré dans sa tristesse et sa détresse, mais l'exprimant sans ambages et maladroitement. Avant d'ouvrir le livre, je n'avais pas capté que l'auteur Jason Segel était en fait l'acteur de la série How I Met Your Mother ! Pourquoi pas ? Après tout, j'avais beaucoup aimé la série de John Barrowman, Le réveil des créatures, dont la suite n'a jamais été traduite à ce jour. :/ Un acteur qui profite de sa notoriété pour donner goût à la lecture... je dis OUI. « Cauchemars » est une trilogie qui exploite un imaginaire assez noir et émouvant, tout en distillant de l'héroïsme, de l'humour et du suspense pour plaire aux plus jeunes. Le cocktail se déguste, tantôt séduisant, tantôt désinvolte. Dommage que l'édition française ne dispose pas des illustrations de Karl Kwasny qui rendent la lecture VO encore plus flippante !
Bayard jeunesse, 2017 - Trad. Marion Roman {Nightmares}
Kiki Strike dans la Cité Clandestine ~ Kirsten Miller
« il a suffi d'une seule et unique phrase pour que Kiki Strike devienne mon obsession »
Tout commence quand Ananka fait la connaissance de Kiki Strike dans les souterrains new-yorkais (le sol s'est effondré en plein centre du parc, sous les fenêtres des Fishbein ; n'écoutant que son courage, Ananka s'est faufilée jusqu'au trou). Mais l'histoire s'arrête là. Ananka croit avoir rêvé d'une simple apparition, jusqu'au moment où l'adolescente de douze ans s'aperçoit de la présence de Kiki Strike dans sa classe ! Aussitôt elle est obnubilée par cette fille, totalement atypique, elle est menue, ses cheveux sont clairs, proches du blanc, sa peau est pâle, et elle est vêtue tout en noir. En plus d'être mystérieuse, Kiki Strike est fascinante, et pourtant personne ne s'étonne de sa présence, c'est comme si on l'oubliait aussitôt qu'elle quittait une pièce.
Ananka va longtemps la guetter, la suivre dans la rue, mais ne tente pas de l'approcher. C'est Kiki Strike elle-même qui lui donne rendez-vous, et sans expliquer ses projets plus longuement elle entraîne Ananka à des réunions de scoutes. Par quatre fois, Kiki approche des filles et leur confie une enveloppe dorée. Ananka l'ignore encore, mais le club des Irrégulières (clin d'oeil à Sherlock) est en train de se créer sous ses yeux.
De qui s'agit-il ? Betty, Oona, Luz et DeeDee sont des filles banales en apparence, mais elles ont chacune des capacités extraordinaires (dans l'art de se déguiser, de pirater l'informatique, de bidouiller la chimie ou des explosifs). Kiki Strike a une idée derrière la tête, en réunissant tous ces petits génies : découvrir la Cité Clandestine. Ce n'est pas une lubie, cette cité existe dans les sous-sols de New-York depuis des centaines d'années. Elle a été creusée pour satisfaire des ambitions clandestines, le marché noir, le rendez-vous de pirates, mais aussi pour ouvrir des saloons, des tripots et des dancings underground.
Pour motiver ses troupes, Kiki Strike parle aussi d'un trésor ! Les filles sont folles de joie, excitées par l'aventure, la découverte et l'originalité du projet où il leur faudra, en plus du reste, devenir des espionnes, des archéologues, et stoïques face à l'adversité. Place au spectacle, avec ces héroïnes précoces, plongées au coeur d'une action haletante, doublée d'aventure et de mystère, et qui sera pimentée par le souffle d'un complot politique en deuxième partie du roman.
Personnellement j'ai eu un peu de mal à entrer dans l'histoire, pourtant séduite par la jolie couverture, j'ai cru jeter l'éponge quand, enfin, au bout de 150 pages j'étais totalement dans l'histoire. C'est qu'elle est devenue aussi beaucoup moins lisse, avec des lacets entortillés autour d'une figure phare, celle de Kiki Strike. La jeune fille s'était gardée de dévoiler certaines informations à son sujet, on en apprend donc au fil des pages, c'est excitant, entre les disparitions et les trahisons, c'est un vrai champ de bataille. Au final, grosse bonne surprise comme roman ! C'est aussi un coup de coeur international, le roman a déjà été traduit dans vingt pays. Je ne dis pas ça comme une surenchère, mais plutôt parce que je trouve le succès avéré. D'ailleurs une suite a déjà été écrite !
Pocket jeunesse, 2009 - 458 pages - 15€
traduit de l'anglais par Julie Lafon
illustration de Tara McPherson