15/11/08

Monsieur Pan - Kressmann Taylor & Princesse Camcam

 

 

 

 

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Tout est magnifique dans cet album ! L'histoire commence de la sorte :

« Monsieur Pan mourait un peu chaque jour. Il habitait près des remparts de la ville, dans une petite maison au portail de laque rouge, dont la porte était ornée de carreaux émaillés, bleus comme une eau peu profonde, à motifs de roseaux et de feuilles de riz. Dans le jardin, un bosquet de bambous vert pâle poussait à côté d'un bananier vert sombre. Un joli bassin à poisseaux rouges s'étendait à l'ombre des bambous, un bassin bordé de carreaux vert clair décorées de fleurs de pêcher et arborant les six idéogrammes d'un vieux poème :
Quand aucun pied n'approche,
La fleur de pêcher reste sans parfum.

Dans la maison se trouvaient des nattes de paille propres, deux chaises sculptées et six délicates tasses à thé blanc et bleu.
»

mr_pan

Tout est beau et précieux chez Monsieur Pan. Mais l'homme est seul et timoré. Il souffre du moindre mal, il craint de se noyer, d'être piqué par une araignée venimeuse ou un scorpion, d'être atteint de lèpre. Une toux banale annonce sa fin proche et Monsieur Pan s'enferme chez lui. Il refuse de mettre un pied à l'extérieur, même lorsqu'on lui apprend la grave maladie de sa soeur, qui le réclame à son chevet.

Monsieur Pan s'y rend, mais trop tard. Sa soeur est morte, laissant trois jeunes enfants orphelins.

« Les larmes de tristesse arrosent la fleur du souvenir. » confie-t-il à ces trois bambins qu'il emmène chez lui. Et la vie de Monsieur Pan revêt les couleurs d'une vie désormais plus bruyante, chahutée par des jeux, des pleurs et des sourires.

« Il vit la laque rouge gravée et abîmée, les nombreuses tiges de bambou cassées, penchées au milieu des tiges vertes. Le bassin aux poissons rouges avait été vidé de toute vie, et les riches herbes du jardin étaient mortes piétinées, de sorte que beaucoup d'endroits nus laissaient voir la terre brûlée par le soleil. Sous une feuille de bananier, on apercevait le fragment d'une tasse bleu et blanc, brisée par Petite Branche de Saule en faisant la vaisselle. »

La perfection n'est plus, cependant Monsieur Pan est beaucoup plus riche.
Il est sain de corps et la sérénité règne en son âme.

monsieur_pan

Ce très beau texte, signé par l’auteur de "Inconnu à cette adresse", est également servi par les illustrations fabuleuses de Princesse Camcam. Beaucoup d'élégance, de poésie, une histoire au service du retour à l'essentiel : moins se regarder le nombril et voir loin (au-delà des remparts de la ville) et admirer les collines bleues comme une porcelaine rare, s'emplir les poumons et sourire une fois de plus.

Brillant !

Par Kressmann Taylor

credit illustration : Princesse Camcam
présentation sur son blog

Editions Autrement jeunesse, Octobre 2008 / 14,50€
traduit de l'anglais par Laurent Bury

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15/07/08

(lectures de vacances - 3)

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Qu'est-ce que j'ai été déçue par ce livre ! Au menu, on trouve sept nouvelles, aussitôt précisées comme étant caustiques, féroces et intraitables avec le dogme de l'apparence, le féminisme et le poids de la société qui influence l'estime de soi. Et franchement je n'y crois pas aux critiques, "On se tient les côtes. Ces femmes sont drôles, tordues, actuelles." (Madame Figaro) "A lire pour se réconcilier avec sa cellulite." (Biba)... Ah bon ? Autant le dire de suite : non je n'ai pas ri. J'ai plutôt senti combien ces histoires étaient tristes, sans appel et pitoyables pour les êtres mis en scène.

Au choix : dans une société du futur, dirigée par le bistouri, le Botox et la silicone, les hommes pleurent d'être de plus en plus privés du moelleux de la femme ; aux élections présidentielles, une femme a décroché le poste suprême et décide d'ouvrir des maisons closes pour femmes respectables ; une épouse devient l'objet sexuel mis au centre des contrats à négocier par son mari et son patron ; un anniversaire de mariage met à plat les coucheries des uns et des autres ; une femme au foyer a choisi de briser l'habitude en couchant à droite et à gauche avec le postier, le boulanger, le boucher etc.

Je suis passée totalement à côté. Je n'ai pas souri un instant, je me suis pratiquement ennuyée. J'ai trouvé les portraits de ces femmes pas loin d'être pathétiques, mais surtout ça m'a fichu un voile glacial sur tout le corps. Plus je lisais les nouvelles et plus je m'enfonçais dans une énorme tristesse. La vision du couple, par exemple, est terriblement amère, désespérante. Non désolée, ça ne prend pas avec moi...

Eloge de la cellulite et autres disgrâces - Dominique Dyens

Editions Héloïse d'Ormesson, 2006 - Livre de poche, 2008. 180 pages.

... sur un conseil de Laure ;o)

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Celui-ci est un roman, mais il est constitué de dix courtes histoires pré-publiées dans des magazines sous forme de nouvelles. Le tout assemblé se lit d'une traite, se cogne, se fait signe et se répète... c'est la règle. Mais ce n'est jamais redondant, au contraire. On souligne combien la mort du père, par exemple, a morcelé la vie des deux garçons, dont le narrateur, le cadet. Il y a eu un avant, et il y aura ensuite l'après, les restes, la vie qui tente de continuer...

Au centre, demeure cette figure céleste et sublime de la mère. Son nom, Maria Dolorosa. En espagnol, cela signifie la Mère des Chagrins. Coquette, féminine, la touche de Shalimar dans les airs, rêveuse, pointilleuse et secrète, cette femme est l'image même de la fascination pour le jeune garçon. Avec son nouveau copain du quartier, Denny, le fiston aimait se faufiler dans les placards de la mère et se pavaner avec ses toilettes. A onze ans, avec le décès brutal du père, le garçon reçoit une gifle cinglante quand ses cachotteries sont mises à jour... Tu seras un homme, mon fils. C'est la phrase qu'on peut lire entre les lignes, jamais noir sur blanc. La mère pressent, tremble et pourtant elle refuse de l'admettre. Promets de ne jamais devenir homosexuel, lui souffle-t-elle lorsqu'elle le surprend en train d'écouter des disques de Piaf.

Les derniers chapitres du livre concernent de loin en loin les souvenirs d'enfance, ciblent les deux fils devenus adultes. Davis va connaître une morte violente et prématurée, la mère va vieillir en perdant la tête et le narrateur, au centre, cherche à assumer son identité sexuelle, malgré les réminiscences d'une enfance encadrée de reproches, de non-dits et d'évidences tues :  "Je savais déjà , je suppose, que j'étais le fils de ma mère, tout comme Davis était le fils de notre père." Une nostalgie sourde résonne, un arrière goût de chagrin mêlé à un sentiment d'observation. Le narrateur partage avec le lecteur son portrait de famille et la peinture d'une époque (l'Amérique des années 50) avec tendresse et mélancolie. C'est joli, mais la fin est désolante et a gâché mon plaisir...

La mère des chagrins - Richard McCann

Editions des Deux Terres, septembre 2006 pour la traduction française / Points, 2008

traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Anne Damour

Les avis de Lily & Cathulu

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Et si l'amour n'était qu'un rêve ? La question est posée, elle nourrit sept textes assez courts et dont l'autre point commun est de mettre en scène des personnages féminins. Elles se prénomment Harriet, Anna, Madame, Ellie Pearl et Rupe Pearle. Elles n'ont pas le même âge, ne sont pas issues du même rang social mais elles attendent toutes l'amour. Ce n'est pas un sentiment qui les sauve, parfois cela les plonge dans un profond désarroi, mais cela procure quelques pages de divertissement pour le lecteur impassible que nous sommes (ou que je suis, tout simplement).

Car hélas, ces sept histoires sont trop vites lues. C'est bien la première fois que je m'entends me plaindre d'un livre trop court ! En fait, ce qui frustre ici, c'est que j'ai l'impression qu'on a raclé les fonds de tiroir. Ce sont les derniers récits, inédits, de Kressmann Taylor. Je me rappelle avoir lu et beaucoup apprécié Ainsi mentent les hommes, son précédent recueil, sauf que les nouvelles me paraissaient plus consistantes. Ou peut-être aurait-il été plus judicieux de compiler les textes dans un seul ensemble.

Bref, je retiens de ce maigre butin une très bonne impression avec Ellie Pearle. Cette jeune fille a grandi dans les montagnes, un milieu rudimentaire et difficile pour les conditions féminines. Par le soutien de sa mère, elle est partie en ville suivre des leçons de dactylo, gagner son propre argent et s'élever coquettement. De retour chez les siens, pour une semaine de vacances, Ellie Pearle retrouve son ancien petit copain Tige Tagard, le fermier rustre par excellence, et voit là un conflit d'attirance - sa vie rêvée en ville ou ses amours passionnelles dans les montagnes. Personnellement, je pense que ce texte aurait pu nourrir un début de roman plutôt appétissant... Dommage.

Ainsi rêvent les femmes - Kressmann Taylor

Editions Autrement, 2006 pour la présente édition /  Livre de Poche, 2008

Nouvelles traduites de l'anglais (Etats-Unis) par Laurent Bury

Lu par Lilly (très enthousiaste) ; Laurence (déçue, comme moi)

Posté par clarabel76 à 11:45:00 - - Commentaires [9] - Permalien [#]
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