Nous les menteurs, de E. Lockhart
Une famille belle et distinguée. L'été. Une île privée.
Quatre adolescents à l'amitié indéfectible.
Un accident. Un secret. Une héroïne brisée.
L'été de ses 15 ans, alors qu'elle est en vacances sur l'île du clan Sinclair, Cady manque de se noyer et finit aux urgences avec un trauma crânien. La mémoire en vrac, les migraines foudroyantes. Pour son bien, la jeune fille est éloignée du giron familial où elle y reviendra deux ans plus tard. Les médecins pensent que ce retour aux sources sera bénéfique pour raviver ses souvenirs. Et effectivement, impatiente de retrouver ses cousins, Mirren et Johnny, ainsi que Gab, son grand amour, Cady compte sur eux pour l'aider à se rappeler les causes de son accident. Mais l'ambiance à Beechwood n'est plus la même, les silences sont lourds et les secrets pesants. Cet été 17 porte définitivement les couleurs amères de la vérité.
Cette lecture d'ambiance estivale est perfide sans franchement l'avouer ! Prenez garde, on s'imagine partager un moment de calme et de douceur dans un cadre enchanteur avant de réaliser les fissures émergeant sous l'épaisse couche de vernis. Et on gobe tout, sans réfléchir plus loin. On se laisse bercer par le ronron des vagues, par les odeurs de cuisine ou les parfums du jardin, on se prélasse au soleil, on bouquine paresseusement, on rit, on joue, on pleure... Les apparences sont trompeuses, inutile de le préciser. On le devine déjà au ton grave et cérémonieux de Cady, dépossédée d'une histoire dont elle redessine les contours avec parcimonie. On la suit attentivement, on guette les signes et on échafaude des théories. La réalité, elle, enflammera les turbines de votre imagination ! Et si vous me demandez comment ça se termine, je mentirai bien évidemment. ;-)
Gallimard jeunesse ♦ Mai 2015 ♦ Traduit par Nathalie Peronny (We The Liars)
La théorie Gaïa, de Maxime Chattam
Un couple de scientifiques, Peter et Emma DeVonck, accepte sans réfléchir une mission secrète qui va les conduire, l'un à l'observatoire du pic du Midi et l'autre à Fatu Hiva, en Polynésie française, dans le but de vérifier si les équipes de chercheurs sur place ne profiteraient pas de financements occultes pour se livrer à des expériences interdites. Or, la réalité sur le terrain est beaucoup plus effarante.
À l'instar des personnages totalement incrédules, on avance à l'aveugle, dans ce cauchemar sans nom. L'histoire, racontée par alternance, donne également le tournis en proposant deux ambiances différentes, l'une glaciale et l'autre tropicale. Mais toutes deux ont en commun d'être mystérieuses et angoissantes à souhait. L'auteur n'a pas fini de nous surprendre et nous réserve encore un tas de surprises et de sensations fortes. Car Chattam est redoutable, dans ce livre il fait peu de cas de l'action (lente et quasi inexistante), au profit de la suggestion. Un principe que j'ai trouvé diaboliquement efficace ! Du moins, les émotions sont palpables et le suspense entier. Chaque fin de chapitre est terriblement frustrante, puisqu'il faut généralement attendre le tour prochain pour connaître la suite (surtout pour l'histoire d'Emma... nettement plus effrayante, j'enrageais après chaque chute !).
En bref, c'est du bon, du brut, du suggestif, pour un thriller qui donne à réfléchir sur nos actes et les conséquences sur la planète (réchauffement climatique). La tension constante du récit est parfaitement rendue par l’interprétation sobre et intense de Laurent Jacquet. Excellent audiolib qui fait passer les 14 heures d'écoute comme une lettre à la poste.
Audiolib, juin 2008 ♦ texte intégral lu par Laurent Jacquet (durée d'écoute : 14h environ) ♦ suivi d'un entretien de 45 minutes avec l'auteur
Ce livre s'inscrit dans le Cycle de l'homme et de la vérité, en troisième position après Les arcanes du chaos et Prédateurs. Nul besoin de les lire dans l'ordre établi.
Tombée du ciel, par Cecelia Ahern
Adam et Christine se croisent une nuit sur le Ha’penny Bridge à Dublin. Lui se tient sur le pont, prêt à sauter, désespéré d'avoir été largué. Et elle... apprenant que son trente-cinquième anniversaire approche, choisit de se lancer un défi incroyable : lui prouver en deux semaines que la vie vaut la peine d’être vécue. Certes, elle aussi traverse une période de chamboulement, elle est en pleine reconstruction de sa vie (échec conjugal, séparation douloureuse, une vie de famille envahissante et aucune perspective d'avenir...). C'est donc autant pour elle, que pour Adam, qu'elle doit improviser un programme de choc.
Christine pioche des idées dans un manuel de coaching (dont elle est particulièrement accro), même si les solutions proposées sont du genre médiocre. Mais qu'importe, le couple devient inséparable, parcourt la ville à perdre haleine, apprend à se connaître, cherche à cerner la source du problème, lance une campagne de séduction pour reconquérir la fiancée perdue (en se déguisant comme Charlie, un must !).
C'est assez drôle, mais surtout tendre et très attachant. On craque complètement pour les personnages (la famille frappadingue, la copine libraire au bord du désespoir, son assistante excentrique, qui connaît tous les bons plans pour draguer...), J'ai beaucoup aimé ce roman, qui s'apprécie sur la durée, lentement et doucement. C'est de la littérature sans prétention, mais généreuse et qui fait un bien fou. On se surprend à quitter le livre avec un pincement au cœur, en regrettant cette belle aventure, simple et romantique.
Une très jolie surprise.
Flammarion, juin 2014 ♦ traduit par Florence Bellot (How to fall in love)
La Vie épicée de Charlotte Lavigne, de Nathalie Roy
Charlotte Lavigne est une jeune femme pétillante, qui adore boire, cuisiner, sortir avec ses amis et partir en quête du mari idéal. Son dernier amant en date, Maximilien, est un diplomate français ambitieux et snob, mais avec lequel elle se sent merveilleusement bien. Pour l'impressionner, elle n'hésite pas à mettre les petits plats dans les grands, l'invite chez elle et manque de mettre le feu à l'appartement, perd tous ses moyens, noie son désarroi dans la vodka, se ridiculise ... et nous, on se marre !
Pourtant, Charlotte connaît aussi son lot de galères, quand sa meilleure amie se la joue vamp d'un soir pour séduire Maxou, ou quand celui-ci la traite avec condescendance lors d'un repas guindé, on se sent tout chamboulé pour elle. Notre trentenaire québécoise, qui n'a rien à envier à Bridget Jones ou Becky Bloomwood, nous réserve donc de bouleversantes et tumultueuses aventures, au boulot (elle est documentaliste pour une émission de télé mais rêve de décrocher un poste d'animatrice), avec ses amis Ugo (un amour) et Aïcha (assez peste), mais aussi sa famille (sa mère, une croqueuse d'hommes !).
En bref, c'est frais, rigolo, pas prise de tête. Tous les ingrédients pour la parfaite comédie romantique sont réunis - charme, humour et dérision. Mais j'aurais tellement voulu m'attacher aux personnages, à commencer par Charlotte et son Maxou (lui, non... pas possible !). Je me sentais souvent en décalage avec les choix de la jeune femme, même si j'avais envie de passer outre, parfois ça coinçait un peu. Sinon, j'ai beaucoup aimé l'ambiance, la culture québécoise, les références culinaires et la bidonnade générale. Un bon moment de lecture, juste pour décompresser.
Pocket ♦ Avril 2014 ♦ Tome 2 à paraître en juin ♦
Memento (tome 2) de Jennifer Rush
Cette suite est excellente ! L'intrigue semble pourtant élémentaire sur certains points, malgré tout on arrive encore à être surpris et à tourner les pages avec avidité. Rythme soutenu, action, réaction, suspense et autres révélations à foison font de la lecture un petit phénomène de foire. On adhère, et on adore ! ;o)
Les personnages sont tous très attachants, à commencer par Anna qui cherche à comprendre son histoire, à recoller les morceaux de son passé, quitte à se lancer vers l'inconnu et à accorder sa confiance à des personnes ne le méritant peut-être pas. Contrairement à elle, le lecteur est tout le temps aux aguets. On copie l'instinct de méfiance et de survie des garçons !
Les garçons... ah, quelle fameuse bande ! Sam, Cas, Nick et aussi Trev sont des gaillards mystérieux, redoutables et brisés par cette Agence, autour de laquelle tant de secrets semblent encore courir. Le livre nous réserve de sacrées surprises à son sujet, en plus de retrouvailles inespérées ! C'est très, très prenant. L'histoire est faiblement romantique, tant mieux, cela me convient parfaitement. Mais tout rapprochement est aussi délectable, Sam est un garçon fermé et pudique, Nick est un éternel bougon, pas de triangle amoureux à déplorer, mais je trouve qu'il y a matière à remettre en doute certains penchants... Je dis ça, je dis rien.
L'ambiance générale est électrique, ça castagne dur, sec, ça tue aussi, mais ce qui m'interpelle le plus, c'est sans doute le fait que nos petits chéris s'en sortent toujours avec quelques égratignures et surmontent toutes les épreuves sans frémir ! L'action prime, après tout ce n'est pas un mal non plus. J'ai beaucoup aimé, pas vu le temps passer et suis très curieuse de lire le 3ème tome (dont on annonce un changement de narrateur !).
Albin Michel, coll. Wiz, février 2014 - traduit par Cécile Chartres
Vengeeeaaance !!!
Je ne suis pas mécontente d'avoir tourné la dernière page, car s'il était possible de commettre un meurtre sur un personnage de papier, j'avoue de suite ma culpabilité. Bon sang de bon sang, cette princesse Alera a eu le don de m'exaspérer au plus haut point, mais vraiment, c'est incroyable les sentiments écoeurants qu'elle a pu éveiller chez moi.
Parce qu'elle est désormais coincée dans un mariage de convenance, ce qui officie son titre de reine au passage, Alera a une attitude épouvantable avec son époux. Ce n'est pas lui qu'elle aime, et l'élu de son coeur s'est fait la malle, il est parti chez l'ennemi, disons très franchement que c'est un traître, mais Alera refuse de l'entendre et cherche à le défendre.
Son royaume se prépare à un conflit sanglant, tous les généraux sont à cran, mais notre souveraine se soucie de sa petite personne, de son amour contrarié, et bien entendu elle ne voit pas tous les efforts pour lui plaire de son époux, qu'elle juge définitivement sarcastique et imbu de sa personne. Argh.
Cette lecture exige une forte dose de patience, croyez-moi. J'entends bien les battements de coeur, les rouages des amours contrariées, la solitude et l'effroyable sensation d'être à court de solution, mais voyons... Alera a dix-huit ans, elle a des responsabilités, elle se doit de penser à ses sujets avant ses soucis personnels, croyez-vous qu'il en est ainsi ? Non, forcément.
Toute la première partie de l'histoire est assez calme, cela se passe au château d'Hytanica, on suit les déboires maritaux d'Alera et de Steldor (je l'adore), au loin on devine les tourments politiques, ça gronde, ça rage... et paf ! l'ennemi déclenche les hostilités en kidnappant un membre de la famille royale. Notre chère Alera est effrondée pendant quelques lignes, et puis zou ! ... que devient son Narian chéri ? serait-il coupable d'avoir retourné sa veste ? mais pourquoi, pourquoi ?!
Les atermoiements de l'héroïne sont franchement INSUPPORTABLES. Je crois que le point culminant survient alors que Narian s'introduit en douce dans les appartements de la reine pour lui filer un rendez-vous clandestin pour le lendemain. Notre cruche dit banco ! Grrr.
La fin du roman est plus intense, Alera tente une approche différente, c'est en femme forte et conquérante qu'elle veut apparaître, mais à ce stade, mes nerfs étaient tellement à vif que plus rien ne me surprenait. Les décisions trop tardives de la jeune femme n'ont pas su m'attendrir... J'étais dégoûtée !
La trame romanesque n'est pas mauvaise, c'est simplement la personnalité trouble et immature de l'héroïne qui est responsable des nombreux agacements que cela a pu m'inspirer. Si on peut faire abstraction de ce détail, je pense que cela reste une lecture agréable !
Le Temps de la Vengeance (Alera #2) - Cayla Kluver
MsK, 2012. Traduit par Nicole Ménage.
“And I am more alone than ever before.”
Deux silhouettes féminines, enveloppées dans des capes rouges, se baladent dans la forêt, armées d'une hache et de couteaux aiguisés. Elles guettent les Fenris, ces créatures humaines qui se métamorphosent en loups dès que le désir pour la chair fraîche les tenaille. Scarlett et Rosie March sont soeurs, l'aînée a été défigurée sept ans plus tôt en voulant protéger sa famille, elles sont seules au monde, entraînées pour livrer un combat acharné contre leurs ennemis.
Silas, leur ami d'enfance, est de retour dans leur petite ville de Géorgie. Il a longtemps été le partenaire de Scarlett jusqu'à ce qu'il décide de prendre l'air pour profiter un peu de la vie. C'est ce qu'il tente de suggérer aux soeurs March, de souffler, de ne pas se consacrer entièrement à la chasse. Rosie, plus sensible, se laisse séduire par les discours du garçon et tombe sous son charme. Scarlett, par contre, refuse de se laisser attendrir et sent un fossé se creuser entre elle et sa cadette.
Parce que les évènements à Ellison deviennent plus douloureux à gérer, les trois camarades comprennent qu'il faut bouger et emménager à Atlanta pour poursuivre leur traque. Ils ont en effet eu connaissance de l'existence d'un Potentiel, le seul et véritable appât qui captive les Fenris. Trouver celui-ci permettrait aux March et à Silas de remporter un avantage considérable.
Mais Atlanta est une ville impressionnante, où Scarlett perd pied et considère ses repères habituels complètement inexistants et inefficaces. De son côté, Rosie devient libellule et s'éloigne de plus en plus de sa soeur.
D'une part, la complicité entre Scarlett et Rosie est très, très importante dans le roman. C'est le ciment de l'histoire, au-delà des scènes d'action (nombreuses) et du climat d'ensemble (lourd et oppressant). La relation des soeurs est forte et fragile à la fois, teintée de sentiments multiples comme la reconnaissance, l'amour, la culpabilité et les non-dits. Le désir d'indépendance de l'une est très mal vécu par l'autre, laquelle refuse d'admettre sa propre fragilité et son besoin de pouvoir compter sur son socle familier (sa soeur et son ami d'enfance). Silas, à sa façon, devient le petit grain de sable qui affecte l'équilibre désormais précaire puisque sa présence fait battre le coeur d'une demoiselle March, et on voit bien que cette prise de conscience la perturbe énormément, ça l'attire et l'effraie, cela implique un brusque changement qu'elle n'est pas encore capable d'assumer.
Globalement, le roman se lit vite et bien. Son aspect sombre et implacable n'est pas sans charme, il s'agit bel et bien d'un conte cruel, où des filles sont harcelées, pourchassées, agressées et tuées. Beaucoup de violence, donc. Le sens de la justice de Scarlett est très prononcé, en parallèle la personnalité de Rosie est au stade de l'épanouissement (et personnellement, j'ai trouvé qu'elle était plus intéressante à suivre). C'est naïf, et pourtant chargé de sous-entendus sexuels (le cours de dessin, par exemple... un grand moment !).
Dans l'ensemble, j'ai bien aimé mais j'ai trouvé l'intrigue sans surprise. J'avais tout deviné avant la fin, et j'aurais apprécié que l'auteur aille jusqu'au bout de ses idées.
La couverture est très jolie !
Sisters Red, par Jackson Pearson
Albin Michel jeunesse, coll. Wiz, 2011 - 425 pages - 15€
traduit de l'anglais (USA) par Patricia Reznikov