08/02/16

Demain est un autre jour, de Lori Nelson Spielman

Demain est un autre jour

À la mort de sa mère, Brett Bohlinger pense qu’elle va hériter de l’empire de cosmétique familial. Mais, à sa grande surprise, elle ne reçoit qu’un vieux papier jauni et chiffonné : la liste des choses qu’elle voulait vivre, lorsqu’elle avait 14 ans. Pour toucher sa part d’héritage, elle aura un an pour réaliser tous les objectifs de cette life list ...

J'avais très, très envie de découvrir ce livre depuis un bon moment, pressentant une lecture agréable et de détente. Souvent envisagé pendant mes vacances, sans cesse remballé dans mes valises sans avoir eu le temps de l'ouvrir, ce roman a donc énormément végété en ma compagnie. J'anticipais déjà la rencontre, bim bam boum, et j'étais certaine de tenir là un coup de cœur. Et puis, non. Avouons-le de suite. Cette lecture n'a pas été une déception mais m'a laissé une sensation tiède. Je vous le jure, monsieur le juge, c'est la faute, la très grande faute du personnage central : Brett Bohlinger.

Âgée de 34 ans, cadette d'une fratrie propre sur elle, amoureuse d'un avocat mégalo, puisant dans ses dernières ressources pour s'intéresser à l'art du business, plus dans l'idée de reprendre le flambeau familial, elle qui se sentait très proche de sa maman, veillant sur elle dans son combat, jusqu'au bout, se sent légitimement abandonnée et malheureuse au moment de sa mort, avant d'éprouver cette sensation - terrible - de trahison. C'est concrètement le portrait qu'on tente de tirer, au mieux. Car ce qu'on découvre ensuite ressemble à une détestable princesse, déchue de ses droits, confrontée à une réalité douce-amère, dans laquelle elle chouine beaucoup, se plaint superficiellement et tombe amoureuse toutes les trente secondes. Ouhlala. C'est peu de dire que j'ai été exaspérée par ses caprices... Et il en va ainsi, sur presque 10 heures d'écoute fluide et entraînante, avec une histoire au déroulement étonnamment plein de vivacité et de gaieté.

Brett va finalement relativiser sa situation, en fonction de ses nouvelles rencontres et de ses expériences. Eh oui, c'était aussi le but de la liste : apprendre à grandir et tenter de construire quelque chose pour faire de sa vie une réussite. Je n'ai pas trop compris pourquoi sa mère n'avait jamais pris le temps de lui dire entre quatre yeux qu'elle se fourvoyait jusqu'à présent, préférant le lui suggérer post-mortem en l'appâtant avec le pactole. Je chipote, je chipote, car ce roman comporte de nombreux détails incongrus et des éléments invraisemblables, sur lesquels on ferme volontiers les yeux, comme de coutume. Et même si Brett Bohlinger est, dans son genre, à claquer, son parcours, avec ses déboires et ses bonnes surprises, reste une façon consolante de se changer les idées. C'est mimi à souhait, en plus de véhiculer un message positif et inspirant. 

Ingrid Donnadieu, la lectrice, interprète cette princesse des temps modernes avec fraîcheur et entrain, pour une exécution très agréable à écouter, en plus de réveiller le souvenir du personnage de Lady Mary dans Downton Abbey, puisque la comédienne est aussi la voix française de Michelle Dockery. ;-)

Audiolib / Janvier 2016 ♦ Texte lu par Ingrid Donnadieu (durée : 10h 56)

Téléchargez l'extrait (mp3, 3 Mo)

Traduit par Laura Derajinski (The Life List) pour les éditions Le Cherche Midi

Pocket, Édition Collector / Novembre 2015


07/01/16

Goat Mountain, de David Vann

Goat Mountain

Automne 1978, dans le nord de la Californie. Quatre hommes, dont l'un à peine sorti de l'enfance (le narrateur), se rendent sur les terres de Goat Mountain pour l’ouverture de la chasse. Pour ce môme de onze ans, c'est un baptême attendu avec impatience, lui qui a grandi avec les armes et dans la culture de la chasse, initié par son père, son grand-père ou Tom, l'ami de la famille. Pour la première fois, il va pouvoir abattre son propre gibier. Alors qu'ils parcourent les centaines d'hectares du ranch, les quatre hommes tombent sur un braconnier qu'ils observent depuis la lunette de leur fusil. Un excès de confiance. Un soupçon de complicité. Un semblant d'initiation. Et là, la maladresse, le tressaillement, le drame... Nos chasseurs émérites s'effondrent, de dépit, de stupeur, d'effroi. La partie de chasse vire au chaos. C'est le règlement de comptes. Le pétage de plomb. L'enfant qu'on accuse et qu'on accule. La famille qui se dresse. Cela vire au cauchemar. Et très franchement, David Vann y prend plaisir. Petits meurtres en famille. Ou comment vous désillusionner sur les liens du sang, sur l'éducation, sur le dialogue et le partage. Le vide sidéral. La lecture nous plonge alors dans un profond désarroi, auquel je n'arrive décidément pas à m'habituer (cf. Sukkwan Island qui m'a également déplu). Ceci ne remet pas en cause les qualités du roman, « sa prose poétique, précise et obsédante », simplement je reste hermétique à cet univers, trop rude, trop opaque, trop rudimentaire. La description des paysages, de la nature belle et sauvage, côtoie une violence latente dans ce qui s'apparente être un parcours initiatique conditionné aux instincts primitifs. L'histoire n'est pas très longue, racontée par un Eric Herson Macarel éloquent et efficace. Seulement, la perspective que donne l'auteur de l'humanité n'est clairement pas glorieuse et me laisse de plus en plus déconfite. 

Sixtrid,  juin 2015 ♦ Interprété par Eric Herson Macarel (Durée : 7h 42) ♦ Traduit par Laura Derajinski pour les éditions Gallmeister