16/11/10

Lecture du soir #2

Le mercredi, il a plu toute la matinée.
Par la fenêtre, j'ai regardé mon hamac se tremper, s'alourdir sous le poids de l'eau et dégouliner sur l'herbe.
J'ai vu les gouttes de pluie se rassembler et former des ruisseaux de boue le long de la terrasse et sous les rocailles de fleurs. J'ai vu que des animaux différents prenaient la place de ceux qui étaient partis se cacher dès les premières gouttes ; des escargots, des limaces, des grenouilles et les canards d'une maison voisine. Ils étaient cinq qui marchaient en se dandinant, l'eau glissait sur leurs plumes comme si de rien n'était. Je me suis dit que j'aimerais avoir ce pouvoir.
- Quel pouvoir ?
Maman avait lu dans mes pensées ?
- De quel pouvoir tu parles, ma chérie ? a-t-elle insisté.
J'avais dû encore penser tout haut comme ça m'arrive parfois. Maintenant, j'étais bien obligée de lui répondre :
- Que l'eau glisse sur mes plumes comme les canards. Que les choses désagréables ne me touchent pas.
- Mais elles nous touchent forcément, m'a répondu maman en souriant. Ce n'est pas toujours ce qu'on préfère mais il ne peut pas arriver que des choses agréables dans la vie.
- Alors, je veux bien qu'elles me touchent, je veux bien les sentir, mais qu'elles ne me fassent pas mal. Tu vois ? Comme les canards !
Maman a trouvé que c'était une très bonne façon de voir les choses, m'a félicitée et s'est replongée dans son livre.

extrait de : Comme le soleil, par Jérôme Lambert

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Non, ce n'est pas un roman de saison, mais qu'importe... Ou d'un autre côté, il a su nous apporter un peu de soleil en ces froides journées qui ont tout l'air de basculer dans l'hiver, brrr. C'est une histoire super mignonne, qui raconte les vacances de Laura, une petite fille solitaire, qui s'ennuie un peu mais n'ose pas s'ouvrir aux autres, alors elle s'invente un ami, Jérémy, un blondinet qui se cache pas très loin du hamac où elle se prélasse, qui lui montre les petits cailloux pour ne jamais perdre son chemin, qui n'aime pas la pluie et qui n'apparaît que lorsqu'il fait beau. Ses parents se font un peu de souci, tout en comprenant que l'imagination est précieuse chez les enfants, Laura par exemple s'en sert pour passer le temps, pour tuer l'ennui et la solitude. C'est une vision simpliste mais pas niaise non plus, la lecture se veut réconfortante, auréolée par les tendres illustrations de Kimiko, vraiment un atout de charme à ne pas négliger. Et puis, Jérôme Lambert nous souffle à l'oreille une histoire très jolie, pleine de douceur et de tendresse (je me répète), mais cela a été comme une bulle chaleureuse, une sensation de bonheur et de bien-être, c'est un livre que nous relirons à la belle saison, ou pas. Il est la garantie d'un grand coup d'amour, lui aussi !

Mouche de l'Ecole des Loisirs (2006) - 46 pages - 7,50€

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07/11/10

Lecture du soir #1

Je suis allongée depuis à peine cinq minutes que se pointe un garçon des CEP : classes des enfants précoces, rebaptisées par nous "classes des bouffons". Je fais mine de dormir parce qu'il est hors de question que je lui donne le moindre espoir de sympathiser avec moi.
J'entends le deuxième lit qui grince et je sens une odeur qui couvre celle d'eau de Javel de l'infirmerie. Et pour couvrir l'eau de Javel, il faut mettre le paquet.
En l'occurence, le paquet, ce sont ses chaussettes.
- T'as quoi exactement ? me demande-t-il.
Cet enfant précoce est peut-être un festival de neurones à lui tout seul, mais côté physique, ça laisse à désirer. Petit, gringalet, boutonneux et chaussettes pourries en prime, il coche toutes les cases. J'ai pas franchement envie de lui faire la conversation, alors histoire de m'en débarrasser une bonne fois pour toutes, je lance :
- J'ai un indien dans le jardin.
Evidemment, je m'attends à ce qu'il ouvre des yeux ronds comme des billes. A la place, il s'agite sur son lit, ce qui fait remonter l'odeur de ses chaussettes jusqu'à mon nez, et il déclare :
- C'est drôle, parce que moi, j'ai une grenouille affamée dans la tête ! Elle saute, elle saute jusqu'à ce que je lui trouve un truc à manger ! Et j'te jure sur la vie de ma mère que c'est épuisant !
C'est pile à ce moment-là que je découvre ses yeux d'un vert gazon. Des yeux tellement incroyables qu'ils pourraient me faire oublier la guirlande de boutons qui clignotent tout autour.
- La prochaine fois que tu verras ton Indien, compte les plumes sur sa tête. Chaque plume représente une épreuve remportée haut la main, comme tuer un bison, communiquer avec les esprits. Alors si ton Indien est tout déplumé, c'est que c'est un naze.
Puis il enchaîne en me disant qu'il s'appelle Youssef et qu'il est une sorte d'Indien avec son QI gros comme un oeuf de pintade qui l'encombre au moins autant que des plumes sur la tête.

extrait de : Un indien dans mon jardin, d'Agnès de Lestrade IMG_0722

Ce petit roman est génial, très drôle, il raconte l'histoire farfelue d'un homme - le papa de Mia - qui se réveille un matin en se prenant pour un Indien. En fait le problème est plus profond et la conséquence de vieilles plaies mal cicatrisées. Quand il était plus jeune, le papa de Mia a vécu quelques mois dans une réserve de la tribu walla-walla aux Etats-Unis, et ce après la mort de ses parents. Les années ont passé,  il n'a jamais pu oublier sa tribu et constate aussi qu'il n'a pas totalement fait son deuil. Il a donc besoin de chercher un signe, au coeur du cercle magique, afin de boucler la boucle (soulager sa conscience, en somme). Cela perturbe toute la famille, la vie sera chamboulée pendant un mois, pas de souci, chacun y mettra du sien, quitte à trouver des excuses bidons pour écarter les copains et les voisins trop curieux. Même tatie Ronchon, qui n'est pas née de la dernière pluie, rendra un grand service à tous en dévoilant sa moitié que personne n'avait jamais vue.
Ce petit roman est absolument charmant et étonnant car, sous l'humour, il vous raconte des tas de choses : Parfois, même les mots, ça fait trop mal. Ou parfois les signes sont juste sous nos yeux, il suffit de savoir les regarder.
C'est une jolie lecture qui parle des angoisses des parents vues à travers le jugement (ou l'inquiétude) des enfants, des signes qui surgissent sans crier gare (un bouquet de fleurs dans les bras, des yeux vert gazon), du soutien familial, de tendresse et d'espoir. Et en prime une nouvelle expression pour dire un truc bizarre : Y'a un Indien dans le jardin !

Dacodac du Rouergue (2010) - 57 pages - 6€

Posté par clarabel76 à 20:30:00 - - Commentaires [2] - Permalien [#]
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