12/06/13

“Je m'ennuie au milieu de ces cotes toujours à la même place. Ça finit par me taper sur le système.”

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Ce récit m'est apparu comme la logorrhée inépuisable d'une bibliothécaire aigrie par son travail. Un matin, au moment de prendre son poste, elle tombe sur un lecteur qui a passé la nuit dans la bibliothèque. Elle est surprise et rouspète, puis se met à lui parler, parler, parler. C'est long ! D'autant plus, qu'à aucun moment, son interlocuteur ne va intervenir, aussi se demande-t-on si cet individu existe vraiment !

Aussitôt la femme embraie sur son métier, son fonctionnement, expliquant ainsi la fameuse classification décimale de Dewey (cf. le titre du livre). Puis elle s'échappe dans de nombreuses digressions, ses réflexions deviennent acerbes, elle ne supporte pas ses collègues, elle vilipende la direction, trouve qu'ils ont mauvais goût, elle est frustrée d'être au sous-sol, rayon géographie, elle aurait préféré l'histoire.

Et puis, elle se sent transparente, inexistante, elle fait partie des murs, même les rares lecteurs qui descendent jusqu'à elle ne lui prêtent aucune attention, elle soupire, elle grince des dents, parfois elle se venge, elle fait aussi une fixation sur un certain Martin. Sauf que tout ceci ne la console pas de sa détresse. En gros, elle ne trouve aucun épanouissement dans son travail, elle le sait, et nous aussi. A peine les premières pages lues, on le ressent tout de suite.

Ce petit livre m'a donc semblé déconcertant, très amer et un peu lassant. Son flot de paroles, qui apparaît comme un gros bloc interminable et sans chapitre, a été pour moi un enfermement, c'est étouffant, tour à tour usant et agaçant. Je me suis sentie totalement étrangère au désarroi de la bibliothécaire, sa hargne contre le monde extérieur a fini par me gonfler, je n'ai jamais trouvé ça piquant, ou acide, ou drôle. Tant pis.

La cote 400, par Sophie Divry
10/18 (2013)  ou aux éditions Les Allusifs, 2010

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09/04/09

Enterrez-moi sous le carrelage ~ Pavel Sanaïev

« elle m'aimait plus que la vie, et ses amies, éblouies par un tel bonheur, hochaient la tête, émerveillées »

enterrez_moi

Sacha a dix ans et vit chez ses grand-parents depuis six ans, loin de sa mère divorcée qui s'est installée avec « un nabot buveur de sang ». Ce n'est pas l'enfant qui s'exprime ainsi, c'est plutôt son incroyable grand-mère. Nina, une septuagénaire qui mériterait qu'on lui savonne la bouche tant elle est grossière et insolente, élève son petit-fils dans la démesure. Trop d'insultes, trop de protection, trop de mensonges.

L'enfant a une santé fragile, il est chétif et a peur de tout. C'est la faute de Nina qui le couve trop, lui fait porter un bonnet la nuit et une paire de collants pour éviter les refroidissements, lui mouline ses repas pour qu'il ne s'étrangle pas, l'abstient d'aller à l'école parce qu'il risque d'être culbuté par des armoires à glace, l'abreuve de granules et autres vitamines à des heures fixes, et j'en passe. Les exemples ne manquent pas, comme la séance du bain, qui ouvre le roman, elle répond à un vrai cérémonial qui frise le grotesque, et toutes les anecdotes qui suivent sont du même acabit.

Alors, grotesque ? Pathétique ? Ridicule ? Non, l'histoire racontée par le garçon flirte effectivement avec l'insouciance, l'humour et le détachement. Mais on finit par soulever quelques voiles qui montrent une grand-mère différente de la despote suggérée. On découvre alors une femme rongée par la douleur et la folie de son amour. C'est troublant, voire poignant. Cette ambivalence constante dans le roman permet de relativiser le sentiment d'incompréhension qui nous gagne. Les preuves d'amour de la grand-mère sont bien maigres, maladroites et contradictoires. Ses effets vont à l'encontre de ses espoirs, et on la plaint davantage. Mais c'est cette discordance qui est intéressante.

J'ai lu ce roman qui figure parmi la sélection du prix littéraire d'aufeminin.com, et c'est ainsi que je le découvre. Je serai très probablement passée à côté. Du coup je suis reconnaissante de cette agréable trouvaille.

Les allusifs, 2009 - 266 pages - 23€
traduit du russe par Bernard Kreise

Lu pour le prix de la révélation littéraire auFeminin.com   logo   

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« Vous savez, Véra Pétrovna, quand j'ai fini de lui faire prendre son bain, je n'ai plus la force de vider la baignoire et je me lave dans la même eau. (…) Je sais que lorsque j'y entre après lui, cette eau est comme un ruisseau qui coule sur mon âme. Je pourrais la boire cette eau ! Il n'y a personne que j'aime ou que j'ai aimé autant que lui ! C'est un petit imbécile qui s'imagine que sa mère l'aime encore plus, mais comment pourrait-elle l'aimer plus, dès l'instant qu'elle n'a pas autant souffert pour lui ? Une fois par mois, elle lui apporte un jouet : est-ce que c'est de l'amour, ça ? Moi, je respire par lui, je ressens par ses sentiments ! Je crie après lui, mais c'est par peur, et ensuite je me maudis de l'avoir fait. La peur que j'éprouve pour lui, c'est comme un fil qui me relie à lui, qui s'étire, et où qu'il se trouve, je ressens tout (...). Un amour pareil est pire qu'un châtiment, il n'en résulte que de la douleur, mais qu'y puis-je s'il est ainsi ? Je pourrais hurler à cause de cet amour, mais sans lui pourquoi devrais-je vivre ? »

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Posté par clarabel76 à 07:45:00 - - Commentaires [17] - Permalien [#]
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