03/02/15

Le ciel nous appartient, de Katherine Rundell

« Sophie eut du mal à tenir en place. Elle mordilla le bout de sa natte. Elle remua les orteils en tous sens. Elle s'interdit de se ronger l'ongle du pouce, puis se désobéit. Finalement, elle avait presque rejoint le pays des songes quand trois violons, un violoncelle et un alto entrèrent en scène, escortés par leurs musiciens.
Ils se mirent à jouer, et ce fut une musique différente. Plus douce, et plus sauvage aussi. Sophie se redressa convenablement, puis s'avança tellement sur son siège qu'à peine un centimètre de son postérieur le touchait encore. C'était si beau qu'elle en avait le souffle coupé. Si la musique avait émis une lumière, pensa Sophie, alors cette musique-là aurait été éblouissante. C'était comme si toutes les voix de tous les chœurs de la ville résonnaient ensemble dans une seule et unique mélodie. Elle eut l'étrange sensation que son cœur se gonflait dans sa poitrine.
- C'est comme huit mille oiseaux, Charles ! Charles ! Tu ne trouves pas que c'est comme huit mille oiseaux ?
- Oui ! Mais chut, Sophie.
La mélodie s'accéléra, et le cœur de Sophie battit la mesure. C'était famillier et nouveau à la fois. Ça lui chatouillait les doigts et les orteils.
La fillette n'arrivait plus à tenir ses jambes tranquilles. Elle s'agenouilla sur son siège. Puis, au bout d'un moment, elle se risqua à un murmure : Charles ? Écoute ! Le violoncelle ! Il chante, Charles ! 
Quand le morceau prit fin, elle applaudit jusqu'à ce que tous les autres spectateurs aient cessé d'applaudir et jusqu'à ce que ses mains brûlent et se couvrent de taches rouges. Elle applaudit jusqu'à ce que tous les regards soient tournés vers elle, la petite fille aux cheveux de la couleur des éclairs, et dont les yeux et les souliers illuminaient toute la deuxième rangée.
Il y avait un je-ne-sais-quoi dans cette musique qui parlait à Sophie.
- J'ai l'impression, expliqua-t-elle à Charles, d'être chez moi. Tu vois ce que je veux dire ? C'est comme une bouffée d'air pur. »

Le ciel nous appartient

Sophie a survécu au naufrage d'un paquebot, après avoir été découverte dans un étui à violoncelle flottant au beau milieu de la Manche. Charles Maxim, un doux rêveur, a pris l'enfant sous son aile, lui promettant une existence harmonieuse et libre de toute contrainte. Ce ne sera pas du goût des services sociaux, qui vont établir que la demoiselle, à l'âge de 12 ans, ne peut plus partager le même toit qu'un célibataire du sexe opposé.

Charles et Sophie plient bagage pour la France où ils espèrent retrouver la trace de la mère de la jeune fille. Depuis toujours, elle est convaincue que celle-ci existe et l'attend quelque part. Charles n'a jamais prétendu le contraire, sans totalement l'encourager dans ses fantasmes. Après tout, « you should never ignore a possible » ! La suite de l'aventure est tout aussi stupéfiante, fantasque et exubérante.

Car cette lecture fait du pied à votre âme d'enfant, elle lui redonne du souffle et un formidable élan qui vous fait gravir des sommets (ceux des toits de Paris !). L'ambiance est magique, pleine de tendresse, de poésie, de fougue et d'espoir. Sophie et Charles sont deux personnages enchanteurs, elle amoureuse des livres et maladroite, lui “parlant anglais aux personnes, français aux chats et latin aux oiseaux”. Quel beau duo !

Leur cavale, menée sous le signe de l'espoir, ponctuée de jolies rencontres (Matteo et sa bande de danseurs du ciel), offre un plaisir rare d'évasion et de fraîcheur. À déguster avec un sourire béat aux lèvres. 

éditions des Grandes Personnes, août 2014 ♦ traduit par Emmanuelle Ghez (Rooftoppers) ♦  

Prix Sorcières Romans Juniors 2015

prix sorcières2015


01/10/14

Velvet, de Mary Hooper

Velvet

Velvet travaille dans une blanchisserie, pour un salaire de misère et dans des conditions pénibles. Elle rêve naturellement d'une vie meilleure et enjolive son enfance (pourtant, peu reluisante et chargée d'un lourd passé) pour échapper à un avenir sordide. Aussi, saisit-elle sa chance lors de sa rencontre avec la célèbre Madame Savoya, réputée pour ses talents de médium, qui lui propose de devenir sa demoiselle de compagnie. 

Velvet accepte sur le champ et quitte son quartier populaire de Chiswick pour Regent Park, où elle est accueillie avec effusion par le séduisant majordome, George. La jeune fille tombe sous le charme. Elle oublie ses racines, néglige ses amis d'enfance et tourne le dos à son soupirant, l'adorable Charlie. Plus rien ne compte à part cette existence idyllique, à côtoyer du beau monde, participer aux soirées occultes et autres séances de spiritisme. Velvet est littéralement fascinée.

Et c'est vrai que ce roman exerce un véritable magnétisme ! La plume de Mary Hooper est toujours aussi élégante et décrit avec réalisme la société victorienne à travers ses us et coutumes, comme la pratique controversée de la voyance et la divination, qui était très à la mode à l'époque et attirait des personnalités comme l'écrivain Arthur Conan Doyle (qu'on croise dans le livre). Mais cette immersion est vécue via l'expérience d'une héroïne naïve et facilement impressionnable, d'où cette sensation frustrante d'être témoin d'une supercherie, d'en deviner les bouts de ficelle mais de demeurer impuissant pour la tirer de sa rêverie. Aussi assiste-t-on à son naufrage avec une certaine compassion.

J'ai beaucoup aimé ce roman, charmant et précieux dans sa conduite, alléchant par son histoire, attentif à broder une vraie trame romanesque et soucieux du contexte historique. De plus, le choix d'associer les couvertures françaises aux illustrations de Pierre Mornet sont aussi un atout de séduction et un attrait stylistique majeurs !

éditions Des Grandes Personnes, septembre 2012 ♦ traduit par Fanny Ladd et Patricia Duez

Posté par clarabel76 à 08:45:00 - - Commentaires [2] - Permalien [#]
Tags : , , , , ,

11/12/13

Les Enfants du Roi, de Sonya Hartnett

IMG_0146

Jeremy et Cecily Lockwood quittent Londres avec leur mère pour vivre à la campagne, chez leur oncle Peregrine. C'est le début de la guerre, la ville a décrété un blackout et les premiers raids aériens se font attendre. En route, les Lockwood recueillent une jeune évacuée, May Bright. Elle a dix ans, elle est toute mignonne et timide, Cecily décide d'en faire “sa chose”, mais la demoiselle est rebelle.

Finalement, sans prévenir, elle part se promener dans les jardins ou les bois, elle fait même une découverte étonnante dans les ruines du château et propose à Cecily, revêche, de la suivre. Deux garçons, deux frères, sont là. Méfiants, blessants, moqueurs. Cecily prend la mouche, tandis que May est intriguée. Peu de temps après, l'oncle Peregrine leur fait part d'une vieille légende (triste et effrayante) au sujet de Richard III et du mystère des Princes de la Tour.

Plus qu'un simple roman historique, c'est aussi une plongée dans un monde chimérique (avec des fantômes, des mystères, des secrets). On y trouve aussi une ambiance surannée, des personnages crispants (surtout Cecily), du charme, une écriture remarquable, tout en poésie et en subtilité. On se laisse séduire, en dépit de nos doutes ou de nos réticences, ce qui est assez inhabituel. Je pense d'ailleurs que c'est une lecture qui plaira davantage aux adultes, mais qui risque de laisser les enfants dans une certaine perplexité. 

éditions (Les Grandes Personnes), avril 2013, traduit par Fanny Ladd et Patricia Duez, illustration de couv. : Gérard Dubois

Posté par clarabel76 à 12:30:00 - - Commentaires [1] - Permalien [#]
Tags : , , , , ,

L'Innocent de Palerme, de Silvana Gandolfi

IMG_0129

Santino a 6 ans et vit à Palerme avec ses parents et ses grand-parents. La vie à la maison serait plus facile si l'argent ne venait pas à manquer autant, surtout pour organiser le repas de la première communion du garçon. Alors le père, en homme d'affaires pas toujours avisé, va accorder sa confiance aux mauvaises personnes, et puis paf, ses associés le rappellent à l'ordre. Sauf qu'en Sicile, ça vire forcément en bain de sang...

Le garçon, témoin du massacre, finira cloué sur un lit d'hôpital. Traumatisé, il refuse de parler. Son oncle lui parle d'honneur et d'infamie, jusqu'au jour où Santino rencontre un type, Francesco, qui est aussi magistrat et qui va lui donner toutes les clefs pour se sortir de ce dilemme. Pour briser l'omerta.

En parallèle nous suivons l'histoire de Lucio, 11 ans. Il vit à Livourne, en Italie. Son père est parti trouver du travail au Venezuela, c'est donc lui le nouvel homme de la maison, lui qui doit s'occuper de sa petite sœur et secouer sa mère qui se prétend malade et refuse de sortir. Un jour, sur la plage, il rencontre la jolie Monica et se prête à rêver d'une vie insouciante et légère.

La connexion entre les deux histoires demeure longtemps invisible, elle est cachée mais prête à pointer son museau au moment où on ne l'attend pas. Et c'est ce qui est très appréciable, aussi, dans cette lecture, car on prend le temps d'avancer dans le roman en se posant des questions, mais en savourant ce qu'on découvre. C'est touchant, tendre et révoltant. Il y a aussi beaucoup de suspense et d'émotion, et même si la fin est facile et peu crédible, c'est tout de même un roman poignant sur l'innocence brisée, qui se reconstruit sur le fil du rasoir.

éditions (Les Grandes Personnes), septembre 2011, traduit par Faustina Fiore, illustration de couv. : Jean-François Martin

Prix Sorcières du Roman Ados 2012

Posté par clarabel76 à 08:15:00 - - Commentaires [2] - Permalien [#]
Tags : , , ,

04/12/13

Un jour, par Morris Gleitzman

IMG_0102

Pologne, 1942.
Félix a dix ans et vit dans un orphelinat, en attendant le retour de ses parents (disparus depuis trois ans). Ces derniers, libraires, parcourent le pays pour sauver les livres et éviter qu'ils terminent au bûcher. Félix patiente en écrivant des histoires. Il a une imagination débordante, pas du tout conscience du danger et clame sa candeur à longueur de pages. Quelque part, c'est drôle et très attachant, même si cette naïveté fait un peu froid dans le dos. Car tout ce que nous raconte le garçon ne masque pas la terrible réalité : l'occupation allemande, l'horreur nazie, l'holocauste, etc.

Un jour, Félix décide de quitter l'orphelinat pour retrouver ses parents. En chemin, il sauve une fillette de six ans, Zelda, d'une maison en feu et entreprend de continuer l'aventure avec elle. Ils seront, hélas, arrêtés et conduits au ghetto juif où un vieux dentiste, Barney, va les prendre sous son aile. Nouvelles arrestations, autres tentatives de fuite, bref les péripéties ne manquent pas ! Et notre cœur bat à tout rompre.

Ce petit roman est extraordinaire. Il alterne les émotions fortes aux séquences légères et désopilantes, puisque l'histoire est racontée par Félix lui-même. Rappelez-vous, il est jeune, dix ans seulement, et d'une naïveté confondante. Mais son innocence fait aussi tout le charme du livre ! Confronté à la réalité du terrain (les fusillades sauvages, les convois vers la mort, la délation, le vol des biens d'autrui, etc.), l'enfant sera meurtri et déçu, mais conservera cette volonté de toujours se raconter des histoires, pour oublier la laideur qui l'entoure et se donner du courage.

Cette lecture, c'est vraiment une petite perle de douceur (et d'humour) dans un univers de brutes ! C'est un livre adorable et attachant, qui devrait d'ailleurs être indispensable dans toutes les bibliothèques des écoles.  

éditions (Les Grandes Personnes), janvier 2011, traduit par Valérie Le Plouhinec, illustration de couv. : Henri Galeron

Posté par clarabel76 à 08:15:00 - - Commentaires [2] - Permalien [#]
Tags : , , ,


22/11/13

Temps de chien pour les requins, de Morris Gleitzman

IMG_0094

Oliver a dix ans et passe tout son temps devant la vitrine d'une animalerie, en rêvant du jour où il pourra adopter un chien. Pour l'instant ses parents ne sont pas d'accord, ils ont trop de boulot, une banque à faire tourner et des gouvernantes à embaucher pour veiller sur leur fiston. C'est ainsi qu'il retrouve Nancy, son ancienne nounou, énervée d'avoir perdu toutes ses économies, par la faute d'un mauvais placement. Elle accuse les parents du garçon et veut lui faire payer leur erreur.

Notre jeune héros a une semaine pour trouver une solution, il tentera alors de faire fortune sur le dos de ses camarades d'école avant de se rétracter, impossible aussi d'avoir une conversation avec son père ou sa mère, tous deux tiennent un discours rigoureux sur l'argent, la confiance et le système bancaire implacable (pas de sentiment en affaires !). Mais Oliver a pris fait et cause pour les problèmes de Nancy, depuis sa rencontre avec Rose et Meuh, leur dromadaire.

C'est toute une ferme, finalement, qu'il faut sauver, en plus du chien Barclay. Ajoutez que la crise financière s'invite à la fête, créant un séisme sans précédent. La famille Owen veut sauver ses actifs, prendre la poudre d'escampette. Trop, c'est trop pour notre cher Oliver ... qui décide de se faire oublier, puis de réclamer une rançon à ses parents en prétextant avoir été kidnappé dans le bush australien !

L'histoire est complètement loufoque, mais elle a pour elle de traiter de la crise des subprimes et des excès de la finance de façon ludique, tout en apportant un fond de vérité. On suit Oliver à travers des situations invraisemblables, au cours desquelles le garçon pose un regard naïf mais aiguisé sur le monde qui l'entoure, sur ses parents surtout et sur la vie telle qu'il rêverait de la vivre (un retour aux vraies valeurs). C'est une jolie découverte, avec un jeune héros particulièrement adorable.

éditions (Les Grandes Personnes), septembre 2013, traduit par Valérie Le Plouhinec, illustration de couv. : Olivier Latyk

Posté par clarabel76 à 08:00:00 - - Commentaires [1] - Permalien [#]
Tags : , , ,

21/11/13

☼ Mon été mortel, par Jack Gantos ☼

IMG_0091

Jack a douze ans et vit dans la petite ville de Norvelt, en Pennsylvanie. Nous sommes en 1962, c'est l'été mais le garçon doit rester confiné dans sa chambre. Un, il a joué avec une arme japonaise interdite. Deux, il a fauché tout le champ de maïs de sa mère (son père veut construire un abri antiatomique, ou plutôt une piste d'aviation, mais le projet est top secret !). Seule consolation, Jack a droit de se rendre chez la vieille Mlle Volker, qui ne peut plus se servir de ses doigts (elle plonge ses mains dans de la paraffine brûlante pour les assouplir !), et a besoin de lui pour rédiger ses nécrologies.

Par un fait étrange, la ville de Norvelt est frappée d'une vague de disparitions soudaines. Les unes après les autres, toutes les petites vieilles tombent comme des mouches. Jack commence à trouver ça douteux, mais Mlle Volker est persuadée qu'il s'agit d'une malédiction. Quelques jours plutôt tôt, un motard a été aplati par un camion. Une bande de Hells Angels a fait irruption pour réclamer le corps, avant de repartir en maudissant la ville et ses habitants.

Ce n'est pas tout ça, car il se passe une multitude de petites intrigues au cœur de l'histoire, qui nous régale sur toute la ligne (pour mémoire, la visite en tenue de Faucheuse, pour vérifier si une petite dame est bien morte, suivie d'un dialogue surréaliste, mais à mourir de rire !). C'est tendrement saugrenu, riche en mésaventures hilarantes, avec une bonne brochette de personnages excentriques et attachants (l'insupportable Spizz, amoureux transi éconduit, qui circule en tricycle !).

C'est un roman très drôle, avec un sens de la dérision absolument divin. J'ai beaucoup aimé !

éditions (Les Grandes Personnes), août 2013, traduit par Valérie Le Plouhinec, illustration de couv. : Jean-François Martin

13/11/12

« Parce que tout commence pour finir »

IMG_8167

Dans une petite ville danoise, sans histoire, une classe de 4ème assiste sans broncher à la sortie théâtrale de leur camarade, Pierre Anton, qui clame que « tout commence pour finir » et que ça ne vaut pas le coup de se donner la peine du moindre effort. Sur ce, il se réfugie sur une branche de son prunier et n'en bouge plus. Y aurait-il du vrai dans ses propos ? Les adolescents en doutent car ils trouvent le garçon insupportable. Toujours est-il que la petite graine a fait son chemin, et sous prétexte de réfléchir sur le sens de la vie, toute la classe décide d'édifier un Mont de la Signification dans une scierie abandonnée.

Au départ, les intentions sont honnêtes et animées d'un investissement sincère et cohérent. Mais petit à petit, le cercle va déraper et exiger des uns et des autres des preuves toujours plus exigeantes et qui ne souffrent aucun refus. Sous nos yeux ébahis, ces adolescents se transforment alors en monstres intransigeants, aux esprits échauffés et incontrôlables. C'est effrayant, extrêmement dérangeant mais fichtrement impressionnant. J'ai tout de suite été effrayée par leur logique, car même s'ils prétendent agir au nom de leur quête philosophique, ils s'en sont véritablement éloignés et ont sombré dans la démence.

Bien évidemment cette lecture est dure et effroyable, pourtant je ne regrette pas un seul instant d'avoir ouvert ce livre ! Qu'importe mon sentiment de malaise et d'écoeurement, j'ai été scotchée par ce visage d'une adolescence faussement naïve, attirée par le morbide et flattée d'exister à travers la provocation. Ce livre est perturbant, mais ça m'a plu d'être bousculée de la sorte. A ne pas prendre à la légère, toutefois !

Rien, par Janne Teller
(Les Grandes Personnes, rééd. 2012) - traduit du danois par Laurence W.O. Larsen
illustration de couverture : Jean-François Martin

Posté par clarabel76 à 08:00:00 - - Commentaires [4] - Permalien [#]
Tags : , , ,

05/04/12

Daylight saving

IMG_7144

La couverture vous inspire très certainement une sensation d'étrangeté et de malaise, et vous avez bien raison de vous y conforter. Car ce roman est très particulier, c'est l'histoire d'un père et son fils en vacances dans un centre de loisirs au cadre aseptisé (la piscine est sous bulle, par exemple). C'est un duo en perdition, la mère a mis les voiles quelques mois plus tôt, depuis le père noie son désarroi dans l'alcool et le garçon n'a aucun aplomb (il est en léger surpoids mais le vit comme une honte indélébile).
A Leisure World, Daniel rencontre Lexi, une adolescente fuyante et forcément mystérieuse. Daniel a envie de la connaître et gagne sa confiance, mais plus il découvre des facettes de sa personnalité, plus il réalise qu'il devient le témoin de faits troublants, comme des marques de torture physique sur son corps. Daniel est un peu paumé, nous aussi.
C'est fascinant comme ce petit roman parvient à capter notre intérêt en nous entraînant dans cette histoire au parfum étrange flirtant entre fantastique et psychologie. L'atmosphère est pesante, pour ne pas dire dérangeante. On sent venir à tout instant le basculement vers l'horreur ou le drame, tant la tension est palpable. J'avais un arrière-goût d'amertume dans la bouche, et pourtant je n'ai jamais cessé de tourner les pages du livre pour connaître le fin mot de l'histoire, j'étais prise dans l'engrenage, c'est tenace, pas désagréable finalement, car le rythme est vif et le dénouement foudroyant, vous avalant d'une traite avant de vous recracher pour vous permettre de respirer. Et c'est avec un grand soulagement que vous tournez la dernière page !
Une expérience de lecture mémorable, pas forcément originale, mais juste efficace parce qu'elle ne laisse pas dans l'indifférence.

La nuit de la 25e heure, par Edward Hogan
(Les Grandes Personnes), éd. 2012 - traduit de l'anglais par Valérie Le Plouhinec 
illustration de couverture : Jean-François Martin 

Posté par clarabel76 à 11:30:00 - - Commentaires [6] - Permalien [#]
Tags : , ,

30/08/11

Waterloo Necropolis

IMG_5212

Waterloo Necropolis est un roman qui parvient subtilement à nous piéger entre ses chapitres. On y suit l'histoire de Grace, et de sa soeur, Lily, qui est simple d'esprit. Toutes deux sont orphelines et vendent du cresson dans la rue pour joindre les deux bouts. Elles logent dans une pension de famille délabrée jusqu'au jour où les autorités décident d'expulser tous les locataires sans se soucier du devenir de ces pauvres hères. C'est alors que Grace choisit de faire appel à Mrs Unwin, rencontrée sur un quai de gare, dans des circonstances qu'elle aimerait oublier. Six mois plus tôt, en effet, la jeune fille de seize ans a accouché en secret d'un enfant mort-né et s'est rendue à Waterloo Necropolis pour y glisser son "paquet" dans un cercueil anonyme. La pratique était courante à l'époque, pour ceux qui n'avaient pas les moyens. 

Bref, Mrs Unwin est l'épouse d'un riche entrepreneur qui travaille dans les pompes funèbres. Elle est séduite par la beauté délicate de Grace et lui propose de l'employer comme pleureuse, tandis que Lily se voit promettre de suivre une formation de domestique auprès de leur fille Charlotte. Tant de générosité fait plaisir à voir, sauf que les intentions de la famille Unwin sont loin d'être honnêtes. La construction du roman laisse supposer un scénario habile et efficace, là deux hommes se frottent les mains en découvrant l'annonce dans le Times d'une recherche active d'une héritière, là une dame se promène avec son bébé dans le parc, là encore une odeur d'huile de macassar donne des frissons dans le dos... Impossible d'être dupe quant au dénouement de l'intrigue, mais ce serait dommage de se priver de la suite du film, Mary Hooper fait preuve d'une grande ingéniosité aussi et nous charme, à sa façon, avec son récit. 

Comme c'était déjà le cas avec La Messagère de l'au-delà, le roman dénonce une réalité sordide en nous plongeant dans les quartiers pauvres du Londres victorien. Le commerce autour de la mort est également passé à la loupe, d'autant plus qu'au cours de l'hiver 1861 le prince consort décède subitement et plonge le pays dans un grand deuil. Très franchement, ce livre est très appréciable, il est intelligent, réaliste et romanesque. J'ai beaucoup aimé (même si la fin semble trop belle pour être réelle).

Waterloo Necropolis - Mary Hooper
(Les Grandes Personnes), 2011 - 300 pages - 17,50€
Traduit de l'anglais par Fanny Ladd et Patricia Duez
illustration de couverture : Pierre Mornet 

> A été lu et apprécié par Sophie

Posté par clarabel76 à 12:15:00 - - Commentaires [5] - Permalien [#]
Tags : , ,