Désordre, de Penny Hancock
C'est peu de dire que j'enchaîne les lectures avec des personnages cinglés et des histoires bizarres ! Cette fois encore, une femme en pleine dépression franchit la ligne jaune et séquestre un môme de 16 ans dans son garage. Sonia mène pourtant une vie confortable dans sa maison familiale, sur les bords de la Tamise, devenue également un sujet de dispute au sein de son couple. Son mari souhaiterait vendre, mais Sonia n'est pas prête. La maison fourmille de souvenirs. Même si sa solitude pèse sur son moral, elle a façonné son rythme de vie dans cet écrin, depuis que sa fille est partie à l'université et son époux en déplacement professionnel constant. Sonia vit désormais dans la nostalgie du passé et ressasse son aventure avec Seb... son frère. Adolescents, ils ont bravé tous les interdits, fait les 400 coups, vécu avec fougue et déraison. Mais Seb est mort et Sonia porte en elle la responsabilité de cette tragédie. Lorsqu'elle ouvre la porte au jeune Jez, elle se surprend à ressentir du désir. Rien de sexuel. Simplement, elle ressent pour lui un élan qu'elle veut à tout prix garder intact et décide alors de retenir le garçon sous son toit. Sans nouvelles, la famille va alerter la police dont l'enquête se focalise sur Helen, la tante du disparu (également une amie de Sonia). Le problème de Helen ? Elle boit. Beaucoup. Ses témoignages sont flous, son angoisse peu sincère. Heureusement la petite copine de Jez va croire en elle et s'allier contre tous pour éclaircir cette affaire. De son côté, Sonia reste imperturbable, conservant une parfaite maîtrise de la situation.
Je pourrais vous dire que le ton est glaçant, l'atmosphère étouffante et le désarroi immense. Sauf que le bouquin fouille également dans vos entrailles et vous noue l'estomac en infusant une peur panique indéchiffrable. On sentirait presque les effluves poisseux de la Tamise nous envelopper dans son brouillard... à nous d'en sortir. Ou pas. Je ne sais pas si j'ai réellement aimé ce roman, mais je lui reconnais des qualités indéniables. Comme d'avoir su me chambouler et d'être parvenu à m'ensorceler malgré moi. Un roman envoûtant et terrifiant, dit-on, c'est tellement vrai !
Sonatione Éditions (2013) - traduit par Julie Sibony - repris en Livre de Poche
Après Les Visages de Jesse Kellerman,
après Avant d’aller dormir de S. J. Watson,
après Les Apparences de Gillian Flynn,
la nouvelle découverte Sonatine.
Chère Mrs Bird, de AJ Pearce
Emmeline Lake a toujours rêvé de devenir reporter de guerre et plaque sans hésiter son poste de secrétaire pour celui d'assistante aux éditions du London Evening Chronicle. Son imagination s'emballe jusqu'à ce qu'elle réalise sa méprise : elle a été embauchée pour ouvrir le courrier de Mrs Henrietta Bird, qui tient la rubrique cœur chez Woman's Friend, le magazine féminin du même groupe. Sa joie est rapidement douchée face au caractère intraitable de la rédactrice en chef, laquelle exige un triage rigoureux des doléances, refusant avec véhémence les Sujets Scabreux : en gros, tout ce qui concerne l'amour et les sentiments... Mrs Bird est de la vieille école : du courage et du patriotisme, indispensables en ces temps douloureux.
En effet, Londres essuie les bombardements intempestifs des allemands. Emmy, également bénévole à la caserne des pompiers, reçoit des milliers d'appels pour venir en aide aux familles désœuvrées. Si les soirées sont lugubres, l'ambiance au sein de l'équipe n'en reste pas moins pimpante et enjouée. Notre héroïne est une jeune femme compatissante, curieuse et dynamique. À la lecture des lettres de lectrices aux abois, elle ne peut se résoudre à rester sourde à leur détresse... et décide de répondre, de sa propre initiative, en signant le nom de sa patronne. Un pur scandale. Mais la vie d'Emmy l'entraîne rapidement dans un tourbillon d'émotions : son fiancé ne donne plus de nouvelles, sa meilleure amie Bunty flotte sur un petit nuage et un mariage se prépare !
Loin des promesses vendues par l'éditeur, ne cherchez surtout pas un quelconque rapprochement avec Le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates, si ce n'est dans l'esthétisme de la couverture et la période au cours de laquelle se déroule l'histoire (Londres, 1941). Cela vaut mieux pour éviter toute déconfiture.
Ce roman est donc à part et réussit à nous embarquer dans sa propre ambiance, à la rencontre de personnages attachants. On y découvre leur quotidien, entre insouciance et fracas, on ressent leur fabuleuse énergie et leur envie d'en découdre. La guerre fait rage mais la vie continue, les gens veulent aimer, prendre des risques et parfois perdre, qu'importe. Emmy est une jeune femme de vingt-quatre ans, entourée d'amis sincères, qui ignore ce que l'avenir lui réserve mais qui croit énormément en ses capacités. Touchée par les confidences des lectrices anonymes, elle réalise que toutes ont beaucoup en commun et méritent d'être entendues. C'est donc par pur altruisme qu'elle va se lancer dans ses petites manigances, sans pleinement mesurer la portée de ses paroles ou de ses actes, car Emmy est souvent naïve et trop impulsive.
En bref, la lecture est une véritable bulle de fraîcheur et un rendez-vous en toute simplicité. L'histoire mêle tendresse et émotion avec succès. C'est doux, charmant et attendrissant. J'ai beaucoup aimé m'imprégner de son atmosphère : british & vintage à souhait !
Belfond (2018) - traduit par Roxane Azimi
Les Jonquilles de Green Park, de Jérôme Attal
Quel joli roman sur l'enfance - pourtant mise à mal par la violence du Blitz qui chamboule le quotidien des londoniens en cette année 1940 - roman qui parvient à s'extirper du chaos pour nous plonger dans la vie turbulente et facétieuse de la famille Bratford !
L'histoire s'attache avant tout au jeune Tommy, 13 ans. Un chic môme amateur de comics et de Mila Jacobson, la fille la plus formidable de Londres. On suit donc ses folles escapades en ville, souvent avec son pote Oscar, qui vient de Pologne et dont le père a rejoint la Royal Air Force. Tous deux s'échappent de la réalité avec leurs jeux et leurs lectures, craignent un prochain exil à la campagne mais ne s'étonnent plus d'interrompre leur réveillon de Noël pour se planquer dans une cave en écoutant la nouvelle radio de son père. Dans la famille Bratford, on compte aussi un joli panel de personnalités excentriques et attachantes - il y a d'abord le père, qui passe son temps à inventer des choses farfelues, comme un tatou de la taille d'un brontosaure, censé protéger la population des bombardements, son épouse s'en va pédaler en chantant jusqu'à son usine d'ampoules électriques, et Jenny, leur fille de seize ans, est en quête du grand amour, à défaut de rencontrer Clark Gable.
Ce portrait de doux-dingues est coloré, charmant, joyeux et insolite, ce qui rend la lecture radieuse et espiègle. Mais sous l'humour, l'insouciance et la légèreté, on ne traite pas moins des heures sombres de cette guerre effroyable, qui éprouve les familles dans un contexte de sursis. J'ai été séduite par la plume de Jérôme Attal, par son exercice à jongler entre le rire et les larmes, par son hommage voilé à la désinvolture des jeunes années, par sa poésie à chasser le gris des bombes en évoquant les jonquilles de Green Park.
En bref, c'est un roman lumineux, très touchant. Une très belle découverte, lue dans le courant de mon été... d'où mes souvenirs un peu vagues, si ce n'est d'avoir aimé fort, fort, fort. ♥
POCKET, 2017
Blackout Baby, de Michel Moatti
Londres, 1942. Alors que la ville sombre en plein chaos, essuyant les bombardements intempestifs de la Luftwaffe, la population se rue dans les abris et panse ses plaies dans l'attente de jours meilleurs. Pourtant, les britanniques ne se démontent pas et enchaînent leur routine avec morgue et insouciance.
Dans ce tumulte indescriptible, un type hante les rues de la ville, se faufile parmi la foule et séduit des jeunes femmes au gré de ses rencontres. Ses inclinations ont néanmoins un sévère penchant vers la folie furieuse et le morbide, car ce dangereux pervers assassine froidement et sauvagement ses conquêtes.
On n'ignore hélas rien de ses pulsions, encore moins de ses obsessions ni de son modus operandi, car on le suit dans ses dérives, on assiste avec effroi à ses séances de torture et on retient son souffle.
Les services de police aussi sont aux abois, face à ce « Blackout Ripper » qui réveille les vieux cauchemars du tristement célèbre Jack R. D'où l'apparition d'Amelia Pritlowe, infirmière déjà croisée dans Retour à Whitechapel, sollicitée pour apporter ses lumières et se servir de son expérience pour soulager cette inquiétante enquête.
L'histoire, inspirée de faits réels, nous plonge dans une atmosphère opaque et oppressante, et c'est là une grande richesse. Elle donne en effet à la lecture une aura particulière, non dénuée d'intérêt. Sensible à l'époque et aux détails historiques, j'ai été transportée dans ce roman globalement prenant et rondement mené.
10x18 Grands Détectives / 2016
Retour à Whitechapel, de Michel Moatti
À la mort de son père, en septembre 1941, Amelia Pritlowe apprend dans sa lettre testamentaire sa filiation avec Mary Jane Kelly, la dernière victime de Jack l'Éventreur. Amelia n'avait que deux ans au moment des faits, confiée aux bons soins paternels, jamais personne n'a osé lui avouer toute la vérité sur l'identité de sa mère, prétendant que celle-ci était décédée d'une maladie pulmonaire. Cinquante ans plus tard, alors que la ville de Londres subit les bombardements sauvages des allemands, Amelia, qui est infirmière au London Hospital, convoque les membres de la Filefox Society, tous ripperologues actifs, pour se plonger dans les archives et revoir chaque pièce du dossier. La tâche est ardue, mais également minutieuse et exaltante, car Amelia va littéralement remonter dans le temps pour revivre les heures sombres de la plus grande énigme criminelle et raviver les cendres froides des dépouilles du serial killer, entre août et novembre 1888. Le lecteur aussi va participer à cette étude longue et pointilleuse de l'affaire, en s'immergeant jusqu'au cou dans les quartiers pauvres pour constater la misère sociale, avec un souci du détail parfois pesant et indigeste. L'atmosphère nocturne et angoissante de l'East End du XIXe siècle y est dépeinte sans artifice. C'est glauque, miteux et effroyable, cela procure une sensation inconfortable et étourdissante. La reconstitution est d'ailleurs semblable à celle du film From Hell, dans sa volonté de souligner l'antagonisme social et d'apporter une autre lumière à cette intrigue. Michel Moatti propose en effet sa propre solution quant à l'identité de Jack l'Éventreur en une démonstration, aussi hypothétique soit-elle, pertinente et crédible. En gros, ses conjectures tiennent la route. Après, il faut s'attendre à une lecture au style factuel et un peu lourd, même si le livre se lit avec intérêt et s'apprécie pour son authenticité et son thème obsessionnel - Jack l'Éventreur reste un mythe absolu et alimente les spéculations les plus folles aux plus sordides. L'ouvrage découle d'un travail de longue haleine (Michel Moatti était employé aux archives victoriennes de Londres et membre de la Whitechapel Society). C'est peu de dire qu'il connaît son sujet sur le bout des doigts ! Lecture appréciable et intéressante.
10-18, coll. Grands Détectives, décembre 2015
# Mois Anglais 2016 : Meurtre à l'anglaise
Bogueugueu goes to London !
Bogueugueu va à Londres ~ Béatrice Fontanel
Illustrations Marc Boutavant
Troisième aventure avec Ferdinand Pompon et son copain bègue Basile Tambour, plus connu sous le nom de Bogueugueu ! (cf. Bogueugueu entre en sixième)
Toute la classe va passer une journée à Londres. C'est une grande nouvelle. Ferdinand et Bogueugueu s'y voient déjà, dans un bus rouge à deux étages, visitant le British Museum, Big Ben, le palais de Buckingham, Trafalgar Square, la Tour de Londres et la maison de Sherlock Holmes... A eux le plaisir du five o'clock tea, du plum pudding, du breakfast et des baked beans. On s'en pourlèche d'avance !
Manque de bol, au cours de la visite, Bogueugueu, distrait, oublie de descendre du bus. Ferdinand prévient la prof, Madame Rosmorduc, qui saute dans le premier taxi (noir) pour sauver la situation. C'est trop d'émotions pour elle, et elle s'évanouit. Les british policemen interviennent à temps et notre ami Bogueugueu est retrouvé sain et sauf, une bonne glace pleine de crème rose fluo entre les mains, et la bouche en coeur, pratiquant un very fluent english !
Chose curieuse, Bogueugueu s'exprime en anglais sans aucun bégaiement ! Cela lui donne une idée... plus tard, il viendra vivre en Angleterre. En attendant, retour en France via le tunnel sous la Manche (grosse rigolade à ce sujet, à imaginer des baleines ou des calamars géants autour du petit tunnel !!!). C'est encore mieux qu'un guide touristique, parce que ici c'est plus coloré, merveilleusement illustré et puis c'est drôle ! Cela reste une excellente façon de présenter Londres (dans toute sa superbe... image d'Epinal !), de donner envie aux enfants de traverser la Manche et de se fondre dans la masse, enfin moi je prendrais bien la poudre d'escampette !
Gallimard jeunesse, 2009 - 44 pages - 9€
Montmorency - Eleanor Updale
Présentation de l'éditeur
Dans la nuit londonienne en cette fin de XIXe siècle, une ombre surgit du réseau d'égouts nouvellement construit... Les policiers, eux, sont perplexes, un mystérieux cambrioleur accumule les forfaits et les bijoux de grande valeur, mais reste insaisissable. Et ce Montmorency, élégant personnage qui a élu domicile dans un grand hôtel, qui est-il vraiment? Voici les pièces d'un bien étrange puzzle... Dans la lignée des grands romans à suspense, une aventure captivante à l'époque de l'Angleterre victorienne. Un régal de lecture pour tous dans une atmosphère envoûtante.
Montmorency est un personnage qu'on qualifie très vite de gentleman-cambrioleur. Dans ce 1er tome, l'auteur Eleanor Updale nous invite à découvrir et pénétrer les coulisses d'une mise en scène qui va gagner en puissance pour s'achever en ... Suspense !
L'ascension de Montmorency est admirable, de l'escroc à la petite semaine, rescapé d'une chute terrible qui aurait pu lui coûter la peau, ce criminel va purger sa peine et échafauder un petit plan grâce au tout nouveau réseau d'égoûts établi dans Londres. Ses combines vont lui permettre de faire sa fortune et de gagner une place honorable parmi la Haute Société britannique. Mais Montmorency a un double, plus rustre et malfaiteur, qui agit dans l'ombre.
On sent déjà les références à plein nez : Arsène Lupin, Dr Jeckyll et Mr Hyde, Frankenstein et Sherlock Holmes ! Ce 1er livre se lit d'une traite et déjà le lecteur s'impatiente de découvrir la suite des aventures. Elles ne vont pas manquer de piment, et s'annoncent tout aussi alléchantes ! De plus, l'Angleterre victorienne sert d'apanage à cette ambiance tout à fait exquise ! A découvrir. 238 pages / A partir de 11 ans. (Avril 2004)
Encore plus d'action dans ce 2ème tome ! On y croise un Montmorency tenaillé par une dépendance qui était hélas en vogue dans cette Angleterre du 19ème siècle... Son ami Lord Fox-Selwyn va lui venir en aide, n'hésitant pas à mettre en péril la couverture de cet ancien escroc reconverti en gentleman respecté. Car depuis cinq ans, Montmorency a évolué et mis au placard son passé de cambrioleur. Or, Lecassé n'est jamais bien loin, prêt à reprendre du service. Et avec lui, les vieux démons de Montmorency reviennent vite peupler ses nuits. Pour notre héros, il n'y a pas d'autres issues. D'abord il doit lutter pour se guérir de son mal et part se réfugier en Ecosse. Pensant couler une retraite tranquille, Montmorency va cependant être témoin de morts inexplicables sur l'île de Tarimond. Et en même temps, une série d'actes terroristes dans les gares londoniennes met la police en branle et requiert le retour de Montmorency dans la capitale ! Pourquoi ?
Dans ce 2ème tome beaucoup plus étoffé, on retrouve quelques personnages attachants aperçus dans le précédent livre, comme les femmes Evans, le Dr Farcett ou Cissie. Les intrigues sont cette fois-ci plus poussées et élaborées. On y croise plusieurs affaires, des pistes passionnantes et qui rappellent le double tranchant de cette société victorienne. L'idée de s'échapper vers la campagne écossaise donne aussi une idée plus pittoresque et charmante. Oui, inutile de tergiverser, cette série écrite par Eleanor Updale a de sérieux atouts à offrir aux jeunes lecteurs, et à ceux qui ne pensent pas que l'étiquette "jeunesse" soit un gage de qualité inférieure et dépréciable ! C'est une bonne série d'aventures avec des enquêtes, du rebondissement et une peinture de la société victorienne très bien brossée. A lire, donc. 345 pages (Juin 2005)
Gallimard jeunesse, Folio Junior. (Un 3ème tome vient de paraître en Avril 2007)