27/09/16

La Vérité sur Anna Klein, de Thomas H. Cook

la vérité sur anna

Pour avoir fortement apprécié Dernière conversation avec Lola Faye, je me faisais une joie de commencer cet autre titre de Thomas H. Cook brassant les thèmes d'espionnage, de duperie et de trahison sur fond de guerre. De plus, l'histoire se propose de nous entortiller à nouveau entre le présent (New York, 2001) et le passé (1939) alors que le narrateur, Thomas Danforth, se livre à une confession fleuve auprès d'un jeune homme attentif. Ce procédé avait préalablement su me régaler, tant il avait réussi à me tenir en haleine, à force de révélations et autres rebondissements étourdissants. Las, cette fois la recette n'a pas produit le miracle attendu et m'a un peu embrouillée avec une histoire longue et lassante.
En 1939, l'existence de Thomas Danforth est déjà gravée dans le marbre. Fiancé et héritier des affaires familiales, il est alors contacté par un ancien copain qui lui demande un service : prêter sa maison de campagne pour accueillir une jeune femme, afin de la préparer à une formation secrète pour servir un Projet d'envergure (assassiner Hitler). En rencontrant Anna Klein, Thomas est aussitôt troublé, charmé, prêt à tout quitter pour suivre ses camarades dans leur mission suicidaire. Sans surprise, le Projet va capoter et entraîner la mort de nombreux complices. Anna elle-même est portée disparue, après avoir été arrêtée et molestée par la Gestapo. Danforth refuse toute évidence et va se lancer dans une périlleuse enquête pour la retrouver. 
J'avoue avoir été séduite par les prémices de l'intrigue et emballée par la construction du roman. L'auteur a tissé un voile épais autour du personnage d'Anna Klein, la femme aux mille visages. Toutes les spéculations courent à son sujet, et le mythe s'installe. Mais l'émotion manque au compteur. À aucun moment, je n'ai été touchée par la pièce sentimentale jouée par le couple de Danforth et Anna K. ni fébrile quant au sort qui leur est destiné. On ne nous laisse guère dans l'expectative. Et lorsque survient le dénouement, je n'étais plus du tout surprise. En bref, la lecture a été longue et redondante. Elle a pêché par excès d'effets de style et échoué tristement à m'embarquer sur la distance. J'attends néanmoins le prochain titre avec impatience - Sur les hauteurs du mont Crève-Coeur, disponible en octobre. 

Texte lu par Marc Henri Boisse pour les éditions Sixtrid - Juin 2016 (durée : 11h 04)

Traduction de Philippe Loubat-Delranc pour les éditions Points Roman Noir 

La vérité sur Anna Klein


12/04/16

Le Tabac Tresniek, de Robert Seethaler

Le tabac Tresniek CD

À la fin de l'été 1937, le jeune Franz Huchel a dix-sept ans et quitte ses montagnes, et les jupes de sa mère, pour venir travailler à Vienne avec Otto Tresniek, un buraliste unijambiste, qui tient haut et fort des discours libertaires dans un contexte politique particulièrement agité (montée du nationalisme, de l'antisémitisme, annonce imminente de l'Anschluss). Au Tabac Tresniek, les classes populaires et la bourgeoisie juive ont coutume de se fréquenter dans un joyeux tohu-bohu, d'où une effervescence stimulante pour notre jeune héros mal dégrossi. Franz ressemble à un Candide perpétuellement émerveillé par ses découvertes et ses rencontres. Celles-ci ne manquent d'ailleurs pas de prestige, car Franz va croiser à plusieurs reprises le professeur Sigmund Freud, dont la réputation n'est plus à faire, et va échanger avec lui son cas d'école : il est fou amoureux d'une inconnue, la voluptueuse Anezka, une artiste de cabaret qui occupe toutes ses pensées, mais ne sait pas comment l'approcher. Otto Tresniek aussi lui confiera quelques leçons de séduction de son cru, tout comme il lui enseignera la lecture des journaux et le monde des cigares. Cette insouciance générale ne sera hélas que passagère, vite rattrapée par la colère ambiante, celle qui gronde dans la rue et incite à la vilenie. Le temps de la fête n'est plus, les commerces sont vandalisés, les réfractaires sont rués de coups, les amis plient bagage et l'amertume s'installe.

Le roman parvient à raconter, avec une certaine virtuosité, cette ambiance sournoise et délétère de la ville de Vienne à la fin des années 30. Au début, l'histoire est en apparence guillerette et niaiseuse, à l'image de son héros, l'ingénu Franz, en plein apprentissage de la vie. C'est insidieusement qu'elle bascule dans une atmosphère plus sombre et poignante, nous confrontant à une réalité fielleuse et mordante. Ce volte-face, sans tambour ni trompette, est déstabilisant et peut inspirer autant d'inconfort et de malaise. Seulement, l'auteur reste toujours à la surface et ne creuse jamais son sujet. Son style elliptique relate des faits, des changements, la poussée de tension sur le même mode, sans force ni âpreté. Même l'émotion est contenue mais reste hélas sur l'estomac comme une lourde pâtée à ingurgiter. La lecture se termine donc en demi-teinte, malgré l'interprétation éloquente de Marc Henri Boisse.

Traduit par Élisabeth Landes (Der Trafikant) pour les éditions Sabine Wespieser

Lu par Marc Henri Boisse pour les éditions Sixtrid, Octobre 2015 - durée : 6h 28

Le tabac Tresniek

Disponible en format poche chez Folio (Février 2016)

Posté par clarabel76 à 09:00:00 - - Commentaires [2] - Permalien [#]
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