Les filles de Brick Lane, Tome 1 : Ambre, de Siobhan Curham
Adolescente rêveuse, fascinée par Oscar Wilde, Ambre aime s'habiller comme un dandy, écrire ou photographier des oiseaux morts. Ses excentricités ne sont toutefois pas du goût de ses camarades, qui ne se gênent pas pour la railler et la traitent de lesbienne, simplement parce qu'elle vit avec deux papas. Un soir, elle décide de lancer une bouteille à la mer et de créer une société secrète en faisant appel aux Filles de Brick Lane “qui rêvent de liberté et d'aventure” et “veulent décrocher la lune”. Sky et Maali répondent à son annonce, ainsi que Rose.
La première, Sky, est aussi une jeune poète virtuose. Elle vit sur une péniche avec son père et ne se rend pas au lycée car elle suit des cours à domicile. Toutefois, leur bulle de confort va être compromise par la décision paternelle de vivre sous le toit de son amoureuse, qui n'est autre que la mère de Rose ! Cette dernière n'accueille pas non plus la nouvelle en sautant de joie. Élevée dans le culte du mannequinat, l'adolescente est en guerre avec sa mère. Lassée des castings, Rose souhaiterait se lancer dans la pâtisserie... brisant ainsi les rêves et l'ambition dévorante de sa mère. De son côté, Maali souffre de sa timidité maladive et aimerait briser sa coquille, sans aller à l'encontre des valeurs de sa famille hindoue.
Entre désirs refoulés, espoirs fous ou lubies assumées, les Filles de Brick Lane se livrent peu à peu une confiance aveugle et partagent leurs peines, leurs soucis, leurs angoisses. Le roman aborde aussi des thèmes actuels et marquants, comme le harcèlement, l'homophobie, l'agression sexuelle ou le slut-shaming, malheureusement le traitement général apparaît trop prévisible, avec des héroïnes lisses et stéréotypées. La lecture est hélas convenue et lassante (cible public dès 13 ans). Série à suivre, parution du tome 2 fin août 2017.
Flammarion Jeunesse, 2017 - Trad. Marie Hermet [The Moonlight Dreamers]
Tout pour se déplaire, de Jen Klein
Chic, encore une lecture qui met en joie et de bonne humeur ! Le roman de Jen Klein a pour lui de nous embarquer dans son histoire sans prétention, mais où les sentiments sont vrais, sincères et spontanés, en plus d'avoir une bande-son à la fois tonitruante et dégoulinante de guimauve... N'en jetez plus, l'aventure s'annonce piquante, drôle et savoureuse !
Parce que leurs mères sont copines de fac et ont conclu ensemble un accord pour leurs enfants, sans même leur demander leur avis, June et Oliver font donc route tous les matins pour se rendre au lycée. La jeune fille appréhende cette intimité forcée car elle imagine un garçon fidèle aux archétypes du genre sportif, populaire et désinvolte. Elle le met aussitôt au pas, arguant que cette dernière année au lycée est insipide et futile, car la vraie vie ne commence qu'après. Oliver prétend le contraire et cherche à lui démontrer les aspects positifs de leur passage au lycée. Ils mettent ainsi en jeu les titres de leur playlist du matin, chacun pouvant l'enrichir s'il obtient l'argument irréfutable. Car, autre point de discorde, June et Oliver ont des goûts musicaux diamétralement opposés. Là aussi, la guerre est déclarée... avec sourires malicieux et étoiles dans les yeux.
On s'attend à une romance cousue de fil blanc, sauf que c'est bien mieux, car c'est avant tout l'histoire d'une complicité, d'une découverte et d'une ouverture. June est par exemple obstinée, revêche et prétentieuse. Elle qui se prétend au-dessus de la mêlée a pourtant tendance à cataloguer hâtivement ce qu'elle mésestime. À l'inverse, Oliver est un garçon adorable, charmant et différent de son image superficielle. C'est entendu, ils vont rapidement déposer les armes pour discuter tout naturellement de musique, de famille, d'amitié et d'amour. En vrai, ils sont tous deux engagés dans une relation officielle (lui avec la pom-pom girl fétiche de l'école, bien entendu) mais on sent déjà une June fébrile sur le sujet (durant l'été, séparée temporairement de son copain, elle a embrassé un autre type en vacances). Et on réalise ainsi qu'elle n'est qu'une carapace en toc et qu'elle a beaucoup, beaucoup de zones d'ombre à éclaircir ! Tout se goupille à merveille, sans situation saugrenue, sans tension inutile ou autres malentendus lourdingues. C'est une délicieuse friandise à déguster sans culpabiliser. C'est bon, doux, réconfortant et craquant à souhait. J'ai passé un très, très bon moment. ♥
Gallimard Jeunesse, coll. Scripto - Trad. Marie Hermet [Shuffle, Repeat] - 2017
Captifs, de Kevin Brooks
Lecteurs claustrophobes, passez votre chemin ! Ce roman, hautement perturbant, a le sombre dessein de vous entraîner dans une lente, lente descente en enfer.
Coincés dans un bunker souterrain, six individus croupissent dans un confort spartiate et à la merci d'un tortionnaire invisible. Les uns après les autres, ils ont été piégés, drogués, kidnappés pour être finalement conduits, via un ascenseur, dans cet espace criblé de caméras. Leur vie ne leur appartient plus. Linus, un adolescent de seize ans, livre dans son carnet leur calvaire. Les jours passent, les questions se bousculent, la folie guette, le désespoir monte en flèche. Autour d'eux, ce sont six chambres séparées, une salle de bains, une cuisine, une table avec des chaises pour tenir leurs conciliabules et une bible pour tuer le temps. Ils n'ont rien en commun, Jenny est une fillette de neuf ans, Anja une trentenaire un peu folle, Fred un toxico en manque, William Bird est rustre et violent, Russell Lansing un vieil homme malade. Ils sont terrés comme des rats, confrontés à eux-mêmes. Viennent les doutes, les tentations, les psychoses délirantes, les désillusions et les prises de conscience tardives. Sont-ils fichus ? Qui leur inflige ce supplice ? Pourquoi ? Ce sont autant d'interrogations qu'on se pose, tout en tournant les pages du bouquin. Le mieux à dire, c'est que la lecture est flippante et démoralisante. La violence ronge les parois de leur prison, la détresse suinte par les quelques failles du système, on se sent voyeur impuissant et témoin halluciné de cette exécution programmée. C'est l'histoire d'une lente agonie, d'une révolte, d'une condamnation sans explication, sans règle, sans torture. C'est l'histoire d'une tension psychologique implacable. Où le poids des mots est immense, l'attente insupportable et écrasante. J'étais complètement abrutie, à la fin.
10x18 - Février 2017
Traduit par Marie Hermet pour Super 8 Éditions [The Bunker Diary]
#Challenge Il était trois fois Noël 2015 : Café givré, de Suzanne Selfors
Toute la vie de Katrina tourne autour du café de sa grand-mère Anna, qui l'a élevée comme sa fille, depuis que celle-ci a perdu ses parents durant l'enfance, mais hélas les affaires vont mal et menacent de fermeture son havre de paix. Comble de malchance, leur voisin a ouvert un café branché et moderne, qui leur vole toute leur clientèle. La jeune fille fait alors la rencontre d'un type à la beauté troublante - un clochard avec un kilt - un dénommé Malcolm. Katrina est méfiante, mais son bon cœur lui fait porter des petits gâteaux et une boisson chaude. Malcolm prétend aussi être un Messager et a pour mission d'offrir à Katrina ce qu'elle désire le plus. Il lui confie trois grains de café pour exaucer ses désirs les plus fous. La jeune fille ne le prend pas au sérieux et doit d'ailleurs gérer les nombreux soucis qui s'accumulent et mettent en péril ses remparts de protection.
J'ai littéralement dévoré ce roman, tellement il est savoureux, réconfortant et romanesque pour de vrai. Il y a de jolies choses qui surviennent dans l'histoire, parfois prévisibles et d'autres fois non. Quoi qu'il advienne, ce livre saura vous séduire car il parle de confiance en soi et évoque l'amitié comme étant fondamentale pour se sortir la tête de l'eau. Katrina est loin d'être seule, en plus d'Elizabeth et Vincent, ses amis de lycée, elle peut compter sur les Garçons (une bande de petits vieux fidèles clients du café Chez Anna) et sur Irmgaard, qui a fait vœu de silence et qui n'a pas son pareil pour cuisiner des soupes. L'ambiance fait penser à un cocon douillet, où il fait bon s'y nicher et où on s'y sent instinctivement bien, à l'aise, comme chez soi... Un régal de lecture en cette saison bien tristounette.
Flammarion / Janvier 2012 ♦ Traduit par Marie Hermet (Coffeehouse Angel)
3 femmes et un fantôme, de Roddy Doyle
« Écoute, il faut que ça cesse.
- Quoi donc doit cesser ?
- Ce truc, là, tu-ressembles-à-ta-grand-mère. Tu ressembles à ta grand-mère, tu parles comme ton grand-père, tu aboies comme le chien de ta grand-mère.
- Mary !
- Et tu as la langue aussi bien pendue qu'elle, dit Tansey. Mais c'est juste. Aucune jeunesse n'a envie qu'on lui dise qu'elle ressemble à une vieille.
- C'est pas ça du tout, dit Mary. Tout ça est stupide.
- Mary !
- Et je ne suis pas insolente, dit Mary à Scarlett. Je ne le suis pas ! Mais c'est vraiment stupide. Genre, tu ressembles à ta grand-mère, je ressemble à la mienne. Et alors ? Ta grand-mère est un fantôme et la mienne va mourir. Et c'est la seule chose ici qui ne soit pas stupide. »
Mary, douze ans, rencontre le fantôme de son arrière-grand-mère, Tansey. Morte d'une grippe à seulement vingt-cinq ans, elle ne s'est jamais consolée d'avoir abandonné sa petite fille de trois ans, Emer. Aujourd'hui celle-ci est sur son lit d'hôpital, malade et affaiblie, mais avec toujours le sens de l'humour pour accueillir chaque visite de sa petite-fille.
La présence soudaine du fantôme dans leur vie fait délier les langues. Les souvenirs remontent à la surface, chacune raconte son enfance, la rencontre de l'amour, l'espérance d'une vie longue et merveilleuse, le drame, le chagrin et la perte incommensurable. Mary n'en perd pas une miette, derrière ses airs de friponne qui rouspète tout le temps. Elle devient la dépositaire d'une histoire familiale pétrie de tendresse, de chaleur et d'abnégation.
Et c'est beau de suivre ces portraits croisés, entre mère et fille, ces récits de partage et de transmission, où retentit avec force la fibre maternelle. Roddy Doyle rend un vibrant hommage aux racines et à l'amour maternel, sans jamais sombrer dans le mélo. C'est au contraire parsemé d'humour et de sarcasme. La lecture en devient touchante, attachante, bouleversante et on a autant envie de rire que de pleurer ! Une jolie découverte.
Flammarion, coll. Tribal, septembre 2013 ♦ traduit par Marie Hermet (A Greyhound of a Girl)
« Est-ce que les fantômes boivent du thé ?
- Non, mais ce fantôme-ci aimerait beaucoup voir une tasse de thé posée devant elle. Ce serait bien plaisant. »