“Il y a des fleurs partout pour qui veut bien les voir.” (Henri Matisse)
C'est l'été. Damienne et sa maman sont au bord de la mer, dans une grande villa qui appartient au couple qui les emploie pour la cuisine, le nettoyage et le baby-sitting. Mais Damienne souhaite une autre vie et l'imagine en grand, aussi raconte-t-elle une toute autre réalité aux jeunes de la plage en commençant par se rebaptiser Isild.
A partir du moment où Damienne a mis un pied dans l'engrenage (du mensonge), les jeux sont faits et les ennuis vont commencer. Pas facile de jongler entre les non-dits, les personnalités multiples et les choses concrètes. Car la jeune fille veut plaire à tous, surtout à Nathan, mais pense qu'il ne s'intéresserait jamais à une adolescente aussi quelconque qu'elle, alors elle préfère saupoudrer son existence de poussière de fée.
On sourit beaucoup face aux enchaînements calamiteux auxquels se confronte notre héroïne, car même si elle raconte des bobards, c'est difficile de lui en vouloir, surtout lorsqu'il est question de rabaisser le claquet de certaines péronnelles un brin prétentieuses. L'histoire ne s'embarrasse d'aucun détail superflu, on va à l'essentiel, sur un rythme joyeux, attelé au principe du bon vieux quiproquo. Cela se lit vite et bien, telle une comédie pétillante et allègre qui plaira aux jeunes lectrices (dès 11-12 ans).
Meilleur jeune espoir féminin, par Marie-Sophie Vermot
éditions Thierry Magnier, mars 2013 - illustration de couverture : Barroux
Camille aime pas danser
Quand j'étais petite, je croyais que la vie ressemblait aux histoires que j'inventais en jouant avec mes figurines Playmobil. Je croyais qu'il suffisait de bâtir des maisons, comme celles que faisait papa, et d'y installer un père, une mère, des enfants et des animaux de compagnie pour que ça fonctionne. Quand j'étais petite, j'étais sûre que le bonheur coulait de source. Que la vie était solide, et que jamais rien de mal ne pourrait nous arriver.
Camille a grandi dans l'ombre de sa soeur Anastasia, plus brillante, plus belle, plus charismatique. Lorsque celle-ci révèle son début de grossesse, la nouvelle assomme la mère qui choisit de fuir ses responsabilités. Alors que s'organisent les rendez-vous au planning familial et les mesures plus radicales, Camille observe sans comprendre. Pourquoi le silence de sa soeur ? pourquoi l'égoïsme de sa mère ? pourquoi ce rôle de Zorro, assumé par son père, qui déboule de l'autre bout de la planète pour secourir les siens ? pourquoi ce sentiment de ne pas être à sa place et de ne plus trouver ses repères ? pourquoi croire que l'amour ne sert à rien alors qu'un sourire d'un inconnu dans un train peut vous donner des fourmis dans les jambes ?
Ce petit roman est bien trop court, seulement 110 pages. Mais il est juste, très bon et vous fait sentir une petite boule au ventre à de nombreuses reprises. On assiste au côté de Camille au naufrage de sa famille confrontée à une grossesse non désirée et à l'avortement. A aucun moment l'adolescente ne va juger sa soeur ou sa mère (pourtant, celle-ci a une attitude choquante et inacceptable). Au contraire, elle porte un regard lucide, tantôt drôle, tendre ou cruel. Souvent elle gratte là où ça fait mal, n'est pas dupe des défauts des gens qui l'entourent et elle semble faire avec. Après tout, elle n'est pas parfaite non plus, à sa façon elle fuit les autres, se moque d'être prise pour ce qu'elle n'est pas et cultive sa différence avec intelligence. J'ai vraiment beaucoup aimé ce petit roman, de toute façon je suis rarement déçue par ce qu'écrit Marie-Sophie Vermot, et je trouve la couverture de Véronique Figuière particulièrement attirante.
Camille aime pas danser - Marie Sophie Vermot
Editions Thierry Magnier, 2011 - 110 pages - 8€
Accepter de vivre et d'en être heureux.
Imaginez : Matthias était en cours de math. Un individu a fait irruption dans leur classe et a zigouillé tout le monde. Lui seul est sorti "indemne" de ce cauchemar. Comment ? Pourquoi ? Autant de questions qui se bousculent dans sa tête. Autant de remords et de responsabilité qu'il a du mal à assumer. Autant de visions d'horreur qui défilent dès que ses yeux se ferment. Autant de réponses qui ne viendront jamais. Il quitte Paris pour se réfugier chez ses grands-parents en Italie. Il y rencontre Bianca, qui l'aide à réviser ses leçons. C'est une femme à l'allure triste et secrète, auprès de qui Matthias se sent en confiance, alors il lui parle de son trauma. En échange, Bianca lui confie qu'elle aussi a connu le pire, sauf que cette révélation sera trop bouleversante et Matthias n'est pas prêt à l'entendre.
C'est un petit roman triste, très triste, parce qu'il porte le poids qui pèse sur les épaules de Matthias. Conséquence pour le lecteur, lui aussi se sent un peu déprimé. Le chagrin et les remords de l'adolescent nous collent à la peau. Impossible de s'en détacher. D'un autre côté, l'Italie tente d'imposer sa beauté, son calme, sa nonchalance, rien n'y fait. Comme Matthias, le poids de la culpabilité nous oppresse. Pour lui, le plus dur est là : il est en vie et doit assumer ça. Cela peut paraître aberrant, mais justement l'histoire nous prouve que non. Qu'il est aussi difficile d'être celui qui reste. Le regard des autres persiste. Le regard sur soi, également. Il faut apprendre à se reconstruire, à accepter - de vivre et d'en être heureux, par exemple.
Tout le monde est une idole ? Parce que tout le monde a une histoire qui a pu détruire pendant un moment, mais qui a pu ensuite servir à bâtir une autre vie. Et Matthias va le découvrir, s'en inspirer en prenant un bout de confession de tous les gens qui l'entourent. Ce n'est certes pas toujours gai, mais ce petit roman a su créer un lien entre le lecteur et les personnages, c'est habile et efficace, de l'empathie qui permet de se secouer, au lieu de s'appesantir avec la main sur le coeur. J'aime mieux ça.
Tout le monde est une idole - Marie Sophie Vermot
Editions Thierry Magnier (2010) - 140 pages - 8,00€
Dernier jour de beau avant la pluie ~ Marie-Sophie Vermot
Médium de l'Ecole des Loisirs, 2009 - 116 pages - 8,50€
L'histoire raconte le chagrin et la mélancolie de Chloé, dix-huit ans, inconsolable depuis vingt et un mois. Depuis la mort accidentelle de sa soeur jumelle, Beryl. L'histoire raconte donc la mise au vert de Chloé, son frère Alban et leur meilleur ami Félicien. Tous trois se sont isolés dans le cabanon familial, perdu au coeur d'un vallon, niché dans un jardin sauvage, bordé par une source. Ils ont décidé de bûcher sérieusement, avant les examens. Chloé n'a pas du tout la tête à ça, c'est la première fois qu'elle remet les pieds au cabanon depuis la disparition de Beryl. Son absence lui pèse. Tous, pour la plupart, ont su remonter à la surface, effectuer leur deuil, reprendre goût à la vie. Chloé en est incapable.
Poussée par les siens, dévisagée par ses camarades au lycée, elle n'en fait qu'à sa tête. Songer à prendre le large. Tourner le dos à cette existence qui l'étouffe.
Pensant avoir trouvé la solution à ses soucis, Chloé a invité sa nouvelle amie Madeleine. Elle est d'une présence irradiante, tout sourire, tout enthousiasme dehors. Sa fraicheur de vivre fait plaisir, pourtant elle ne contamine pas Chloé.
Veut-elle vraiment guérir de son chagrin ? Ne porte-t-elle pas une responsabilité trop lourde pour elle ? Que cache-t-elle au fond ?
D'un état d'esprit introverti et mélancolique, ce roman évite toutefois de sombrer dans la morosité pure. Point de cafard à l'horizon, si ce n'est dans le comportement de Chloé, constamment léthargique, plongée dans ses pensées noires, à ressasser un passé éteint, douloureux, mort. La finesse du roman se trouve dans le décor idyllique du cabanon, endroit coupé du reste du monde, petit paradis terrestre, une bulle réconfortante et apaisante. Vivre à quatre des journées en plein air, sous une chaleur accablante, déguster des grillades, manger des fruits, lire dans le hamac, se baigner, plonger du haut de la cascade, se lancer des défis... A travers ses diverses activités, grisée par l'enchaînement intense de ses vacances pas comme les autres, Chloé finira par ressentir le déclic final. Point d'honneur à un long, lent travail de maîtrise de soi.
Un joli roman de vacances, teinté de douceur de vivre et de spleen.
Illustration de couverture : Franck Juery
Autre avis : Reno a également apprécié toutes les subtilités de ce roman sensible et intelligent.
Voilà pourquoi les vieillards sourient ~ Marie Sophie Vermot
Décidément la collection Do A Do des Editions du Rouergue jeunesse ne cesse de me surprendre ! Le choix éditorial est assez ambigu, assez osé et percutant. "Voilà pourquoi les vieillards sourient" est un livre assez triste où un vieil homme de quatre-vingt ans, Gramp, vend sa ferme pour partir en résidence pour personnes âgées. Au même instant, son petit-fils Harold s'envole vers l'Amérique pour un stage d'un an. Cette dernière journée se ponctue par les derniers préparatifs avant le départ : les cartons, les meubles, les adieux aux paysages de la vigne. Gramp est assis sur son banc et affronte son petit-fils sur les secrets de la famille : la disparition de ses parents, la véritable identité de sa grand-mère, la discorde de Gramp avec son frère Jacob, chez qui Harold part séjourner. Gramp va tenter d'expliquer au garçon des secrets vieux de cinquante ans. Mais il s'aperçoit tristement que ce passé ne touche pas le garçon de vingt ans comme il aurait espéré. Des histoires du passé, dit-il ... Marie-Sophie Vermot aborde délicatement le sujet de la mémoire et du passé qui s'effrite et qui s'appréhende différemment selon les générations. Dans ce livre, elle laisse découler une peine et un chagrin refoulés et que les concernés ont du mal à exprimer. C'est un peu triste de voir cet homme quitter un endroit qui lui reste cher, de voir les choses s'en aller, de tourner la page. Jusqu'au bout on s'attend à un sursaut ou un revirement de situation. Mais jusqu'au bout la boule reste ancrée chez le lecteur, comme chez les personnages du roman. On a beau cracher, disent-ils, elle reste là... Ce qui rend la lecture assez poignante et tristounette.
lu en décembre 2004