La Dernière fille, de Riley Sager
Survivre à un massacre, c'est le point commun entre Lisa, Samantha et Quincy. Cette dernière a mis dix ans pour remettre sa vie sur les rails ou reprendre un semblant de vie normale jusqu'à l'annonce du suicide de Lisa. D'abord sous le choc, Quincy a de plus en plus la certitude d'un meurtre masqué. Sam prend alors contact avec elle, prétextant qu'elles doivent se serrer les coudes contre leurs démons.
Ce roman est finalement plein de méfiance et de flou car on perçoit qu'il ne faut pas juger selon les apparences. Non, Sam n'est pas nette. Non, Quincy n'a pas tout dit de son weekend cauchemardesque. Non, leurs retrouvailles ne transpirent pas la sincérité.
En clair, la lecture est carrément flippante ! Pour ses flashback, ses révélations, ses personnages, ses excès, ses rebondissements. On en prend plein les yeux, on frissonne d'horreur. Parfois c'est abusé - on soupire beaucoup - on se dit aussi qu'on cherche trop à nous mettre la tête à l'envers. Et pourtant, ça m'a tenue en haleine le temps d'un trajet en voiture car je ne voulais - ou ne pouvais - plus en décrocher avant de connaître le fin mot de l'histoire.
Un roman scotchant, même si fignolé à la truelle.
Michel Lafon (2019) - traduit par Michel Pagel
Jour Quatre, de Sarah Lotz
Piscine, excursions, soirées spectacles, bar à cocktails, cours de fitness, et même un casino ! La croisière Foveros vous convie sur Le Rêveur Magnifique pour un voyage inoubliable ! Qu'on se le dise...
Les trois premiers jours sont idylliques et vendent du rêve aux plaisanciers visiblement enchantés. Arrive le quatrième jour, et là... tout dérape.
Mais le drame se produit insidieusement. Ce sont de menus détails qui viennent gripper la belle mécanique et, par le cumul, plonger la croisière de rêve en véritable cauchemar. Tout commence par des problèmes techniques, des pannes d'électricité, des moteurs en rade, tous les moyens de communication hors-service.
On découvre aussi une jeune femme assassinée dans sa cabine, son tueur qui jubile non loin, mais aussi plusieurs cas de maladies et autres incontinences réjouissantes, surtout avec des toilettes qui ne fonctionnent plus, sans compter des événements paranormaux et l'illusion de voir des fantômes se promener à bord du paquebot !
C'est à devenir fou. D'ailleurs, cela ne manque pas, l'ambiance devient irrespirable, tendue, angoissante et incontrôlable. Un seul mot d'ordre : survivre. Après quoi, tous les coups sont permis.
On a aussi envie d'y croire jusqu'au bout, mais voilà... c'est un peu longuet. Et pour le coup, c'est un peu dommage. Un scénario catastrophe doit envoyer du lourd, du concis, de l'improbable, du vif, du poignant. On en a ici un vague aperçu, même si on se traîne un peu. Qu'importe.
Les croisières qui ne s'amusent plus me font souvent délirer, et là j'ai aimé retrouver cette ambiance confinée, où l'on finit par se taper sur le système, les personnages sont d'ailleurs tous tordus et méritent, pas loin, leur triste sort. ^-^ Cette lecture réveille donc nos bas instincts sadiques !
Traduit par Michel Pagel (Day Four) pour les éditions Fleuve Noir, Mars 2016
Trois, de Sarah Lotz
Construit à la façon d'un documentaire journalistique, rassemblant témoignages, articles de presse et messages électroniques, ce livre se lit avec un certain détachement, mais non sans délectation. C'est aussi une formidable enquête pour comprendre le mystère des « Trois » qui a nourri les plus folles spéculations.
Le 12 janvier 2012, quatre avions de ligne s'écrasent, l'un au Portugal, l'autre au Japon, le troisième aux États-Unis et le dernier en Afrique centrale. Des milliers de morts sont à déplorer, la planète est sous le choc et atterrée de découvrir, parmi les décombres, trois enfants miraculés. Jessica Craddock, Bobby Small et Hiro Yanagida. Après l'émotion, place à l'interrogation... puis à l'indignation. On accuse les enfants d'être les Cavaliers de l'Apocalypse, des Extraterrestres ou des entités possédées par le démon.
Les journaux s'emballent, les rumeurs enflent sur le net, des mouvements évangéliques voient le jour et la théorie du complot est montée en épingle. Sans le vouloir, Sarah Lotz nous décortique le phénomène de la surenchère médiatique avec un réalisme glaçant, à travers un roman haletant et original. J'ai beaucoup apprécié, malgré quelques longueurs, me plonger dans cette lecture imprévisible et angoissante.
Pourtant, il n'y a aucune séquence brutale ou surprenante, juste une sensation de malaise filtré au compte-goutte. Car la tension du livre s'insinue de façon perfide, en collectant des faits anodins suggérant une anomalie galopante. Cela intervient par des coïncidences étranges (un grand-père atteint d'Alzheimer qui recouvre la parole) ou des attitudes différentes (une fillette qui semble deviner les pensées de ses proches ou un garçon qui s'exprime par le biais d'un androïde). Entre conclusions hâtives et nouveaux drames, il n'y a qu'un pas.
Et franchement, c'est bluffant ! Ou comment une histoire déroutante peut tyranniser son lecteur en le plaçant en mauvaise posture jusqu'à la frustration finale, qui restera une éternelle énigme ! J'ai bien joué le jeu et j'ai aimé ça.
Fleuve Noir, mai 2014 ♦ traduit par Michel Pagel (The Three)