Rituel (Jack Caffery 3), de Mo Hayder
Pour une première rencontre, Jack Caffery (flic désabusé) et Flea Marley (plongeuse obsessionnelle) vont immédiatement sauter dans le grand bain. Une main sectionnée vient d'être repêchée dans le port de Bristol. Caffery débarque à peine, pensant se mettre au vert après avoir quitté Londres, et renoue avec le glauque et le sordide. Très vite, l'enquête va les confronter à l'impensable (drogue, prostitution, magie noire, sorcellerie...). Certes, ce n'est pas comme s'ils en avaient été épargnés jusque-là ! Caffery et Marley traînent tous deux de grosses casseroles (Flea, la disparition tragique de ses parents, et Jack, l'enlèvement de son frère dans sa jeunesse). Toutefois, si on m'avait dit que ces démons allaient également occuper toute la place, j'aurais réfléchi à deux fois avant de m'y lancer ! Oui... c'est trop long, trop mou, l'enquête est plate, si ce n'est l'incursion vicieuse de détails bien glauques et une ambiance...hello Darkness my old friend... je ne vous raconte pas la sinistrose. Cela m'a déplu et déçu. Les romans de Mo Hayder sont nerveux et amers, mais cette fois l'histoire est creuse et se fourvoie dans des quêtes désespérées, peut-être fondamentales pour les personnages, mais ce n'est pas pas du tout palpitant à suivre (les rencontres avec le Marcheur ou les expériences interdites pour flirter avec le paranormal...euh ?). Ce rendez-vous m'a donc paru bien décevant, malgré une lecture virtuose par François Hatt, cela ne rattrape pas la sensation d'une lecture passable et pénible.
©2008 Presses de la Cité. Traduit de l'anglais par Hubert Tézenas (P)2018 Audible Studios
- Lu par : François Hatt
- Série : Jack Caffery, livre audio 3
- Durée : 12 h 50
Viscères (Jack Caffery 7), de Mo Hayder
Septième enquête de Jack Caffery & plus de respect pour l'ordre de lecture, tout se perd... Ceci dit, cette lecture m'a vraiment époustouflée avec sa construction inattendue, mais tout à fait percutante. Pour commencer, il n'y a pas de crime. Pas de meurtre violent. Pas de victime mutilée. Pas d'enquête à ouvrir. Alors, quoi ? On a bien les lieux d'un drame, les Tourelles, la propriété de la famille Anchor-Ferrers, où deux jeunes gens ont été massacrés dans les bois quinze ans plus tôt. Même si le tortionnaire croupit derrière les barreaux, la famille est encore profondément marquée par cette tuerie et vit repliée dans la maison. C'est là que tout bascule. Deux hommes se pointent chez eux et prétendent mener une enquête de police. Les Anchor-Ferrers paniquent aussitôt, pensent au double assassinat et au déséquilibré relâché, ils craignent pour leur vie et celle de leur fille Lucia. Les deux types s'introduisent dans l'imposante demeure, et la porte se referme. Je vous laisse découvrir ce qu'il va suivre ... mais c'est juste dur, dur, dur pour les nerfs ! Et il fait quoi, Jack Caffery, pendant ce temps-là ? Il promène un chien. Un chien abandonné. Et il recherche ses maîtres. Il espère obtenir, en échange, des informations sur la disparition de son frère Ewan. Si, si. Nous en sommes toujours là. Notre flic hanté par son passé, qui tourne sur lui-même, incapable d'avancer si on ne lui donne pas LE coup de pied aux fesses pour décrocher une fois pour toutes. Les révélations tomberont-elles ? Oui. Alleluia. Mais elles vous flanqueront un sacré coup au moral.
Pour qui souhaite un grand rendez-vous d'angoisse et de terreur, cette lecture tombe à point nommé. L'histoire en vase clos confère un sentiment d'étouffement, qui prend vite aux tripes. La position est inconfortable, on meurt de trouille et on se fait du mauvais sang, mais en même temps on n'en démord pas, on a envie de connaître la suite et on l'ingurgite d'un trait, oubliant le reste du monde, sursautant au moindre mouvement de clenche, vérifiant même s'il n'y a aucune ombre suspecte derrière la porte. Mo Hayder a réussi son coup en créant un énorme effet de surprise, avec une intrigue d'une intensité psychologique remarquable et poignante, où tout repose simplement sur l'attente et la supposition. C'est diabolique, et j'en redemande.
Pocket, Janvier 2016 ©2015 Presses de la Cité. Traduit de l'anglais par Jacques Martinache (P)2015 Audible FR
>> Ce livre audio en version intégrale vous est proposé en exclusivité par Audible - uniquement disponible en téléchargement.
Birdman (Jack Caffery 1), de Mo Hayder
Forte de ma découverte l'an dernier (cf. Fétiches, épisode 6 de la série Jack Caffery), j'avais prévu de reprendre les livres de Mo Hayder depuis le début, avec notamment Birdman qui nous introduit de façon redoutable dans cet univers policier avec (scènes macabres & détails glauques à gogo. Ce livre sert néanmoins à dresser un profil d'inspecteur attachant, à la fois secret et terriblement humain. Jack Caffery est un homme brisé, qui vit dans la hantise du passé, depuis le jour où son frère Ewan a mystérieusement disparu. Ses parents en ont eu le cœur brisé et ont tout abandonné pour déménager le plus loin possible. Depuis, Jack n'a eu de cesse de ressasser les indices et traquer les pistes, cherchant à piéger son principal suspect, Ivan Penderecki, un voisin pervers, au passé peu reluisant, qui a cependant réussi à passer entre les mailles du filet. Caffery n'échappe pas aux clichés du flic taciturne, brisé et obsédé par sa quête, en plein échec sentimental, incapable de construire une vie décente, et se consacre à son boulot comme sa seule bouée de secours. Nouvellement promu au Service régional des enquêtes sensibles, il n'a pas le temps de dire ouf qu'une étrange affaire l'attend déjà. Cinq cadavres de femmes, aux corps mutilés, ont été découverts dans un terrain vague, avec pour signature scabreuse, un oiseau cousu à l'intérieur de leur poitrine. Et aussitôt notre super flic se distingue. Loin de suivre l'un de ses collègues, occupé à faire le mariole et conduire l'enquête à la catastrophe, Jack centre ses investigations sur un pub fréquenté par des prostituées, des trafiquants de drogue et des employés de l'hôpital voisin... et fait la rencontre de Rebecca. Cela peut sembler lugubre et lourd à encaisser, mais la lecture n'en est pas moins fluide et captivante à écouter. On ne s'attache pas ici à chercher le coupable de l'histoire, on le connaît déjà, mais on n'en absorbe pas moins le choc de l'enquête avec courage et impassibilité. Celle-ci déploie une intensité de l'horreur, d'une violence sidérante, qui met carrément nos nerfs et nos émotions à rude épreuve. Un vrai supplice. Ceci dit, malgré son caractère insolite et éprouvant, le roman est d'une efficacité redoutable et se lit étonnamment bien.
>> Ce livre audio en version intégrale vous est proposé en exclusivité par Audible - uniquement disponible en téléchargement.
©2000 Presses de la Cité. Traduit de l'anglais par Thierry Arson (P)2015 Audible FR
>> Disponible chez Pocket
En poche ! #36
Ont été lus et appréciés. Ils sont désormais disponibles en format poche !
La Conjuration primitive, de Maxime Chattam
Fétiches, de Mo Hayder
La Mort en Rouge, de Pierre Gaulon
Les choix secrets, d'Hervé Bel
Fétiches, de Mo Hayder
Je n'avais lu qu'un seul livre de Mo Hayder à ce jour (Tokyo), aussi je ne connaissais pas l'inspecteur Jack Caffery, mais ce que j'ai pu en soupçonner me donne grandement envie de fouiller et de lire ses autres enquêtes ! Dans Fétiches, le monsieur est soucieux, accaparé par une autre affaire, une belle jeune fille a disparu, on n'a jamais retrouvé son corps, la mère éplorée s'accroche et mobilise la presse. Son supérieur souhaite pourtant reléguer le dossier, devenu trop coûteux, mais Caffery demande un sursis. Ce qu'il ne dit pas, c'est qu'il aurait une piste et doit faire preuve de diplomatie pour mettre l'agent Flea Marley dans sa poche...
Aaaah, c'était un peu frustrant de ne pas en savoir plus sur leur relation. Je me suis promis de lire toute la série, en commençant par Birdman. Fétiches est un roman qui a su me convaincre. Je l'ai aimé d'un bout à l'autre, complètement embarquée dans l'histoire, j'ai même souri aux petites notes d'humour et aux références de pop culture. L'ambiance n'est pas aussi glauque que j'aurais pu le craindre, bien que l'histoire se passe dans un asile psychiatrique. Les patients sont perturbés et parlent d'un fantôme, celui d'une ancienne infirmière naine, la Maude, qui se livrait à des tortures sadiques. AJ LeGrande, le coordinateur en chef, résiste à l'envie de basculer dans cette psychose... mais certains événements deviennent plus que troublants et il veut en avoir le coeur net en menant une enquête interne.
L'histoire s'écoule sur un rythme limpide, avec chapitres alternés et une galerie de personnages très charismatiques. N'imaginez pas une lecture à cent à l'heure, avec moult descriptions terrifiantes et un suspense à couper le souffle. C'est tout le contraire, car l'ambiance se repose sur une tension psychologique latente, mais très prenante. Le dénouement ne surprendra peut-être pas les foules, mais il ne décevra pas non plus. C'est un rendez-vous à l'opposé de ce qu'on aurait pu s'attendre, c'est tout aussi bien et cela m'a, de plus, donné envie d'en lire davantage !
Audiolib, février 2014 ♦ texte intégral lu par François Hatt ♦ traduit par Jacques Martinache pour les éditions Presses de la Cité
Encore un Audiolib qui a su me conquérir, grâce à François Hatt dont la lecture est parfaite à tout point de vue. Aucune crispation concernant les voix féminines, le comédien a juste saisi l'atmosphère étouffante du livre, s'en est imprégné et s'est mis à lire en modulant le ton pour capturer l'intérêt du lecteur. C'est une réussite, car jamais on ne détourne notre attention vers autre chose que ce qu'il nous raconte !
Tokyo - Mo Hayder
Qui est Grey ? Derrière la façade de l'étudiante anglaise, qui a tout plaqué pour venir à Tokyo et rencontrer un homme censé la renseigner sur un sujet qu'elle bûche depuis neuf ans, sept mois et une dizaine de jours, qui est-elle ? De prime abord, Grey est une jeune femme mystérieuse, mal fagotée, les cheveux plaqués derrière les oreilles, obnubilée par la guerre en Chine et le massacre de Nankin par l'armée japonaise. Sans argent ni bagages, Grey accepte d'être hébergée chez Jason, dans une vieille bicoque délabrée, et trouve un emploi d'hôtesse dans un club privé, le Some like it hot.
Ce ne sont pas ses charmes qu'elle offre, mais sa compagnie, sa prévenance à servir des verres, allumer des cigarettes et faire la conversation pour égayer des messieurs venus se distraire. Cela fait passer le temps, car elle espère toujours que son professeur Shi Chongming change d'avis et accepte de la revoir pour négocier ce qu'elle attend de lui. C'est alors que celui-ci fait volte-face et propose de monnayer le précieux film qu'elle brûle d'avoir contre un autre objet de sa convoitise. Objet non identifié, bien sûr. Chongming sait d'avance que Grey parviendra à mettre la main dessus, mais où ? Dans l'antre de l'enfer. Elle doit se faufiler chez un redoutable yakuza, client du Some Like It Hot, un dénommé Junzo Fuyuki, bloqué dans son fauteuil roulant et toujours affublé de sa Nurse, une personne étrange au physique tout aussi impressionnant.
Entre-temps, se mêle le récit d'un journal intime rapportant le sinistre désastre de l'automne 1937 à Nankin. C'est dans ce sombre décorum qu'on s'enfonce en retenant tantôt un hoquet de dégoût ou en haussant les sourcils de stupéfaction. Le livre peut mériter toutes les appelations, il n'en demeure pas moins bluffant. Accroché aux basques de la jeune héroïne, on découvre les travers d'un Tokyo malsain, où fleurissent la transgression, la perversité et la sensualité. Et croyez-le ou non, mais impossible de décrocher !
Cette histoire est fascinante, derrière son goût de l'interdit et de l'horreur. Je ne vous cache pas qu'au début j'ai eu un peu de mal, j'étais dégoûtée, non pas par l'atmosphère poisseuse, mais plutôt par la personnalité complexe de Grey. Son jeu d'effarouchée est inquiétant, limite agaçant. (On comprend mieux après de longs, longs chapitres, mais en attendant il faut serrer les dents.) J'ai craint aussi le pire avec l'introduction de la pègre nippone, du club privé (la propriétaire a remporté toute ma sympathie, derrière sa pâle imitation de Marilyn), des locataires russes dans la grande maison abandonnée, et "du pas de deux sophistiqué" avec Jason (personnage encore plus tordu que Grey !). Or, finalement, tout se place plutôt bien, comme des morceaux de puzzle.
J'ai été séduite par Tokyo, mais j'admets que c'est un roman qui peut déconcerter. Sa violence sournoise gronde longtemps avant de nous exploser dans les dernières pages, et les révélations de cette intrigue nouée sont assommantes. C'est tout à fait le genre de lecture qui ne nous épargne pas... (à lire, donc !)
Presses de la Cité, 2005 - traduit par Hubert Tézenas
Pocket, 2007 - 475 pages.
Je me rappelle combien Tatiana avait été scotchée par ce livre...