La Team Sherlock : Le mystère Moriarty, de Stéphane Tamaillon
En cette rentrée au prestigieux collège international de Comte-de-Phénix, Celandine, Haruko et Alejandro vont se découvrir une passion commune pour les énigmes et les phénomènes inexpliqués. En effet, plusieurs événements étranges sont survenus dans les enceintes de l'école - des camarades disparaissent ou sont agressés dans leur chambre par une entité surnaturelle. C'est assez pour exciter la curiosité de nos jeunes enquêteurs, qui décident de porter leur suspicion sur le vieux bibliothécaire, un certain Watson.
On s'ébroue aussitôt dans notre fauteuil en tournant les pages du bouquin. Voilà le parfait petit roman qui introduit au genre policier et qui initie en finesse aux héros classiques de Conan Doyle. On savoure d'avance les prémices de cette série conduite avec intelligence, humour et simplicité. L'enquête soulève quelques frissons (le regard fantôme, les chutes du reichenbach, le testament du dieu tibétain), même si le dénouement est sans surprise. Après tout, la lecture est abordable pour les plus jeunes, dès 9-10 ans, qui apprécieront l'ambiance du pensionnat avec ses mystères. Les personnages sont sympathiques, tour à tour curieux, intrépides et maladroits. J'ai juste trouvé que l'illustration de couverture ne les mettaient pas à leur avantage, ceci étant le premier aperçu d'une histoire, il m'a fallu dépasser cette appréciation pour me plonger aveuglément dans l'ouvrage. Clairement, l'ambiance est la réussite du livre. Mais contrairement à la série Ultramonde, celle-ci cible davantage les plus jeunes lecteurs. C'est le seul détail qui a été pour moi une barrière pour adhérer pleinement à ce je découvrais.
seuil jeunesse, 2017 - illustration de couverture : alban marilleau
Lock & Mori, de Heather W. Petty
Toujours dans ma monomanie holmesienne, j'ai opté pour le roman suivant - Lock & Mori, qui propose une nouvelle interprétation du couple fatal de Sherlock et Moriarty.
Direction l'Angleterre du XXIe siècle. Lock et Mori sont tous deux lycéens, lui est un excentrique passionné de chimie, qui s'enferme dans un laboratoire sous le théâtre de l'école pour se livrer à des expériences improbables, et elle... oui ELLE, porte le nom de James “Mori” Moriarty et affiche une morgue pour mieux se protéger car la jeune fille vit un drame personnel dont elle a honte. La rencontre entre ces deux-là n'est malheureusement pas explosive, mais leur relation ne va pas se tisser sans heurt ni passion. Tout commence par un défi, lancé par Lock à Mori : démasquer ensemble le tueur en série qui sévit dans les rues de Londres. Même si la compétition fait rage, leur enquête ne doit pas étouffer les indices trouvés et faire état de toutes les observations glanées en chemin. Seulement, Mori va déroger aux règles établies et ne pas partager certains secrets et autres doutes qui vont rapidement poindre. Or, si elle ose en parler, c'est toute sa vie qu'elle met en péril.
D'abord déçue par la couverture du livre, j'ai ensuite été chagrinée par son contenu : pas de vrai suspense, des personnages sans relief, manque d'alchimie et une propension au mélodrame un poil trop présente. Cette mise en scène contemporaine des personnages mythiques de Sherlock Holmes et Moriarty n'est finalement pas à la hauteur des attentes, l'auteur focalise l'attention sur les tourments de l'adolescente qui vit dans un foyer plongé dans le cauchemar depuis la mort de la mère. Son père, pourtant inspecteur de police, a sombré dans l'alcool, la dépression et la violence... mais nul n'en a conscience car Mori prend garde à préserver ses frères. Elle encaisse les coups et les humiliations en serrant les dents, d'où son attitude fuyante avec Lock, alors qu'il l'attire beaucoup. Mais leur relation est très en-dessous de son potentiel, c'est plat, sans sucre, sans miel, sans sel, sans piment. Complètement fade. Sans compter qu'on voit tout venir à des kilomètres à la ronde, il n'y a aucune surprise, que ce soit dans l'intrigue policière ou dans l'évolution de leur histoire amoureuse. C'est fichtrement banal et languissant. Suis très déçue. On a là une lecture insipide malgré une initiative savoureuse en imaginant Sherlock Holmes et Moriarty hors de leur contexte habituel. Le flop total.
Traduit par Luc Rigoureau pour les éditions Hachette - Octobre 2016
Nom de code : BlackBird, tome 1 : Cours ou meurs, d'Anna Carey
Une jeune fille se réveille sur les rames du métro, au moment où celui-ci surgit à toute vitesse et pile in extremis. Sous le choc, elle préfère se sauver avant l'arrivée des secours. Pire, la voilà totalement amnésique et paumée, à courir à perdre haleine dans les rues de Los Angeles. En chemin, elle rencontre un jeune dealer qui la prend sous son aile, puis découvre qu'on cherche à la tuer mais sans savoir pourquoi. Elle dispose simplement d'un sac à dos, a un tatouage au poignet, pas la moindre idée de son identité.
Quelle histoire palpitante ! 280 pages à lire d'une traite, pour tenter de comprendre dans quel pétrin on vient de se jeter. Au centre l'héroïne est encore plus désemparée, mais refuse de céder à la panique (eh bien, bravo !). Elle multipliera les pistes pour connaître la vérité, n'hésitera pas à se jeter dans la gueule du loup, au risque de mettre en danger tous ceux qui l'approchent ou veulent lui donner un coup de main. Elle a bien quelques flashes de souvenirs, pour l'instant trop flous, qui lui permettraient de recomposer tout le puzzle.
En attendant d'en savoir plus, on nage en plein brouillard. Visibilité nulle. Du moins, le rythme est intense. Il y a beaucoup d'action. Le mystère est épais. Cela fonctionne à merveille, et on ne décroche pas avant la fin. La narration à la 2ème personne du singulier est un peu pertubante au début, mais on s'y fait rapidement tant on est pris par l'histoire. Vivement la suite, c'est une série en deux tomes.
Bayard, avril 2015 ♦ traduit par Eric Moreau (BlackBird)
Fille de l'eau, d' Emmi Itäranta
Noria sait qu'un jour elle sera Maître de thé comme son père, qui lui enseigne déjà tous les secrets de son art, selon les rites ancestraux. Leur vie, pourtant, est menacée dès l'instant où le commandant Taro met un pied en ville. Ce type, intransigeant et acharné, a donné pour mission à ses troupes de surveiller l'approvisionnement en eau de la population et démanteler tout trafic illégal. La neige ayant disparu, l'eau est devenue une denrée rare. Appauvries par la sécheresse, les contrées sont donc rationnées pour leur besoin personnel. Le commandant Taro est persuadé que le Maître de thé possède en secret une source d'eau douce pour sa cérémonie, dont les traditions séculaires ne sont plus en phase avec les privations subies par la population (trop de gaspillage, selon lui). Pensant que Noria est naturellement dans la confidence, il tente de l'intimider pour obtenir les précieuses informations. Or, elle a juré de ne jamais évoquer cet « endroit qui n'existe pas ». Son existence paisible, vouée à reprendre le flambeau de son père, va alors basculer dans le chaos.
Cette lecture m'aura finalement inspiré un profond sentiment de lassitude et d'ennui. Non pas que l'histoire soit inintéressante (elle montre l'importance de l'eau et la nécessité de la préserver pour notre survie). C'est simplement la façon de la raconter qui est particulièrement accablante. L'intrigue est pesante et dramatique, le ton monotone, l'héroïne désespérée et l'action lente. Tout ça baignant dans une atmosphère austère et glaciale, pas étonnant de se sentir oppressé, avec l'envie pressante d'en sortir ! Je n'ai donc pas été sensible aux charmes de cette histoire poignante, un brin déroutante, limite cafardeuse. Et malgré l'atmosphère poétique et le contexte original, on s'y sent mal à l'aise et peu inspiré. Dommage.
Presses de la Cité, janvier 2015 ♦ traduit du finnois par Martin Carayol (Teemestarin kirja)
Le Chat botté de Charles Perrault et Raphaël Gauthey
À la mort de son père, un jeune homme se retrouve seul au monde. Sans argent ni maison, il s'en va par les chemins avec son chat. Oui mais voilà, ce n'est pas n'importe quel chat !...
Penchons-nous maintenant sur cette version proposée par Raphaël Gauthey, au ton plus vif et moderne, sans le moindre soupçon de second degré. Soupirs.
A vrai dire, ce qui m'a plu, immédiatement, dans cet album, c'est son format, son esthétisme et son beau papier. On comprend tout de suite qu'on a entre les mains un ouvrage d'une qualité remarquable ! Je suis moins sensible aux images et à l'ambiance générale de cette adaptation, mais c'est une question de point de vue...
Le Chat botté de Charles Perrault et Raphaël Gauthey (éditions Milan, septembre 2013)
"You can't just turn your heart off like a faucet; you have to go to the source and dry it out, drop by drop."
C'est un des premiers romans de Sarah Dessen, et franchement il est très beau, annonciateur de toutes les qualités qui seront sa marque de fabrique.
Halley, bientôt seize ans, rentre de vacances en découvrant la mort d'un garçon dont sa meilleure amie Scarlett était amoureuse. (Quelques mois après, elle découvrira qu'elle est enceinte et fera tout pour garder son bébé.) De son côté, Halley est tombée folle amoureuse de Tristan Faulkner, un garçon très différent d'elle, et parce qu'il incarne l'interdit et l'impertinence, elle est attirée par lui. De fil en aiguille, elle se coupe de l'attention trop protectrice de ses parents, elle commet des petites bêtises et elle ment. Alors qu'elle entretenait une relation de confiance et de complicité avec sa mère, elle réalise qu'elle veut autre chose, vivre de nouvelles expériences, avoir ses propres opinions, mais le dialogue entre la mère et la fille passe mal.
Ouhlala. Voilà donc un très joli roman qui aborde, avec tendresse et douceur, les liens qui se tissent dans une vie, ceux avec nos parents, nos amis et nos amoureux. C'est souvent compliqué à gérer, mais il y a un temps pour tout. Halley doit apprendre à grandir en se cassant les dents, sa mère doit se tenir à distance mais garder un oeil sur elle, parce que c'est son rôle aussi, et en même temps celle-ci découvre ce que c'est de "redevenir" une fille lorsque sa propre mère vieillit et perd la tête. *Instant d'identification totale.*
Plus d'une fois je me suis sentie proche des personnages, parce qu'on commet tous des erreurs, on est trop ou pas assez présent pour les autres, on pense bien faire, et ce n'est pas vrai, ou on panique et c'est pire encore. Halley, qui se sentait comme une coquille vide, apprend donc à piocher des couleurs ci ou là pour donner une dimension à ce qu'elle est, selon ses goûts et ses propres attentes (non pas selon celles des autres, c'est tellement courant !). De manière générale, j'ai trouvé que ce roman donnait un vrai sens au fait de grandir et de devenir femme à travers les différents portraits croisés dans l'histoire. Vraiment, un très joli moment à partager.
Quelqu'un comme toi, par Sarah Dessen
Pocket jeunesse, 2011. Traduction de Véronique Minder.
Merci Alya ! ♥
“There are some things in this world you rely on, like a sure bet. And when they let you down, shifting from where you've carefully placed them, it shakes your faith, right where you stand.”
When the morning comes...
un auteur qui connaît la recette du bonheur, faite de simplicité et d'humour, j'ai nommé : Catharina Valckx.
dans Waldo et la mystérieuse cousine, l'ours Waldo veut échapper à l'hiver et propose à son ami Dédé, un lapin débordé par sa nombreuse famille, de rendre visite à sa cousine Jenny qui vit au bord de la mer. Sur place, il découvre une moule dépitée car prisonnière d'un sortilège lancé par une vilaine sorcière qui ne se souvient plus de la formule magique. Quel micmac ! En réunissant les bribes d'informations pêchées à force de patience, Waldo comprend qu'il lui faut trouver un prince charmant (bonjour monsieur d'Embadechémoi, sanglier mal brossé, en pantoufles dans son château, grand amateur de fléchettes) et que ce dernier danse au son des castagnettes pour sauver Jenny ! Que d'émotions au programme, mais Waldo est enchanté de son voyage, il s'est fait un nouvel ami et a décidé de rester au coin du feu en savourant son thé à l'artichaut avec un peu de gâteau au miel, loin, très loin de l'hiver...
Le bison est un texte tout aussi drôle et fanfaron. Billy le hamster veut devenir un bon cowboy comme son père et se lance comme défi d'attraper au lasso un bison ! « Le jour où un hamster attrapera un bison au lasso, je mangerai mon chapeau. » affirme son père en levant les yeux au ciel. Il s'en retourne à ses noisettes tandis que son fiston s'enfonce dans la plaine pour s'entraîner avec son ami Jean-Claude, le ver de terre. Passant par là, Josette la souris lui apprend qu'un bison se trouve justement dans la rivière, en train de se rafraîchir. C'est un miracle pour Billy, l'heure de vérité a sonné, il ne doit pas louper cette occasion. Aussitôt dit, aussitôt fait. Billy s'approche du lieu du crime et contemple la bête... magnifique, imposante et compréhensive. Oui, ça peut servir. Après un rodéo sans heurt, le hamster et le bison vont parvenir à un accord. Que ne ferait-on pas pour des noisettes grillées ?!
Sur le site de L'école des Loisirs, Catharina Valckx précise qu'elle aime écrire des histoires "concrètes et pleines de fantaisie", des histoires qu'elle veut "réconfortantes et drôles", et à l’humour un peu absurde. "Celui qui ne fait pas rire, mais sourire. Celui qui me réconforte, moi aussi." J'aime et je cautionne cette formule, elle me va comme un gant !