Highland Fling, de Nancy Mitford
Que d'ironie dans cette comédie anglaise, qui nous fait croiser un tas de personnalités sottes et caricaturales à un point ! ... C'est délectable, j'avoue.
Albert Gates est un jeune artiste incompris, après deux années d'exil à Paris, il rentre à Londres auprès de ses amis Walter et Sally Monteath. Ces deux-là vivent d'amour et d'eau fraîche. Lui est poète, elle est pimpante, mais leur rente commune ne suffit pas à subvenir aux besoins de leur train de vie dispendieux. Aussi, lorsque sa tante Madge l'informe être dans l'incapacité de recevoir ses hôtes pour leur traditionnelle partie de chasse à la campagne, dans leur château écossais, Sally se fait une joie de la remplacer au pied levé. Leur amie Jane Dacre, une jeune célibataire un peu fleur bleue, fille d’aristocrates, se joint à la compagnie. Et la farce peut commencer. Albert et Jane vont rapidement scandaliser ces vieux Lords et leurs épouses aux manières compassées par leurs propos indécents ou leur absence de convenances (cf. le pique-nique gloutonné dans le dos des convives avant de prétendre l'avoir égaré en conduisant, les critiques sur les militaires et leurs excentricités à conter fleurette). Tant de désordre offusque notre assemblée conformiste et c'est tout l'art de Nancy Mitford de tailler des dialogues piquants et savoureux qui rendent les échanges fabuleusement cocasses !
Paru en Angleterre en 1931, Highland Fling est en fait le premier roman de l'auteur. Et celui-ci révèle déjà son penchant pour épingler ses contemporains en usant d'un humour mordant qui pique sournoisement cette bonne soirée bourgeoise de l'entre-deux-guerres, à la fois celle soucieuse des traditions, mais aussi celle frivole et inconséquente. On découvre là une représentation tendre, drôle et cruelle du faste et des frasques de ses pairs oisifs et capricieux dans un roman certes perfectible, et néanmoins délicieux.
Traduit de l’anglais par Charlotte Motley pour Christian Bourgois Editeur
Repris chez 10/18 - Août 2016
Charivari, par Nancy Mitford
Noel Foster vient de toucher une fabuleuse fortune, suite au décès d'une vieille tante, et part en quête d'une riche héritière avec l'aide de son ami Jasper Aspect. Celui-ci est sans le sou, issu d'une famille aristocratique, il n'hésite pas à vivre aux crochets de Noel en s'installant à l'auberge Jolly Roger à Chalford. Ils font la connaissance de la pétulante Eugenia Malmains, ravissante mais excentrique, qui prône haut et fort son penchant pour les idées nationales socialistes. Peu de temps après, Noel et Jasper croisent à l'auberge deux jeunes femmes, Miss Smith et Miss Jones, qui sont en fait en opération camouflage afin de rompre les fiançailles de l'une en toute discrétion et s'éviter un scandale. Cette découverte fait frétiller d'excitation notre sympathique Jasper, oui, même si au départ je trouvais le personnage culotté et sans-gêne, je l'ai nettement préféré à Noel, passablement niais et affable. Celui-ci vient d'ailleurs de s'enticher de la beauté locale, Anne-Marie Lace, mariée à un major ennuyeux, qui voue une passion pour ses vaches. Tout ce petit monde va s'affairer dans la préparation d'une pièce de théâtre, sur la propriété de la grand-mère d'Eugenia, autrement décrite comme La Pauvre Vieille Chose, et aussi faire valser les cœurs, les sentiments, les têtes, etc. Vous obtenez ainsi une délicieuse et savoureuse comédie, à l'humour so british, mais ne masquant pas la critique acerbe des mœurs de la bonne société britannique, sur fond d'avènement du fascisme. Une lecture féroce, mais très enthousiasmante !
[Paru en 1935, ce roman n'a pas été réimprimé pendant près de 70 ans. Ceci à la demande de Nancy Mitford elle-même, qui souhaitait mettre un terme à la brouille que sa publication avait provoquée avec ses sœurs, Unity et Diana, qui lui reprochaient la caricature à peine masquée qu'elle faisait du mari de Diana sous les traits du charismatique et très nationaliste Captain Jack.]
10-18, avril 2012 - traduit par Anne Damour.