La Commode aux tiroirs de couleurs, par Olivia Ruiz
Je ne peux résister aux histoires de famille qui figurent au centre des romans. Cette fois encore, il est question d'un héritage chargé de mystère et d'émotion autour d'une commode ayant appartenu à la grand-mère.
Après son décès, le meuble est légué à la narratrice qui s'enferme toute une nuit pour ouvrir ces fameux tiroirs de couleurs (qui ont nourri ses rêves de petite fille) et qui vont ainsi révéler des pans entiers du passé de son Abuela.
C'est aussi, et surtout, une histoire qui court sur quatre générations de femmes (persécutées par la dictature franquiste ayant entraîné drames en cascade), de leurs origines espagnoles, de leurs amours et de leurs choix de vie. On apprend beaucoup, chaque histoire étant empreinte de force et de sacrifice, mais leur évocation est inestimable, avec une conclusion éclatante : il faut tout accepter, ne pas juger.
J'ai choisi de découvrir ce roman en format audio car il est lu par Olivia Ruiz elle-même. Et je dois dire qu'elle excelle dans le rôle de lectrice ! C'était poignant et piquant de l'écouter. Si son histoire au style pétillant est profonde et agréable à suivre, elle n'est sans doute pas fondamentalement mémorable non plus. Mais l'exercice de style est une franche réussite - bravo !
©2020 Olivia Ruiz (P)2021 Audiolib
- Lu par : Olivia Ruiz
- Durée : 4 h env.
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La Commode aux tiroirs de couleurs signe l'entrée en littérature d'Olivia Ruiz, conteuse hors pair, qui entremêle tragédies familiales et tourments de l'Histoire pour nous offrir une fresque romanesque flamboyante sur l'exil.
Chanteuse et artiste multi-facettes, Olivia Ruiz offre une lecture intimiste agrémentée de virgules musicales originales créées avec David Hadjadj, comme un cadeau offert à son public.
⭐⭐⭐
“Ecrire pour le journal de l'école ne fait pas de toi la prochaine Jane Austen, tu sais.”
Quelle merveilleuse surprise que ce petit roman, qui chipe les bonnes astuces du roman gothique en l'assaisonnant à sa sauce (roman jeunesse oblige), mais qui parvient à vous filer une bonne chair de poule à force de rebondissements et autres tours de passe-passe dignes des plus grands ! L'histoire se passe à Londres, en 1899. L'héroïne s'appelle Penelope Tredwell, elle a treize ans et a hérité du magazine Le Frisson illustré à la mort de son père. C'est grâce aux histoires à succès de Montgomery Flinch que le magazine a pu redresser la barre et connaître un succès fulgurant. Mais en fait, l'auteur de ces histoires terrifiantes n'est autre que Penelope elle-même, sauf qu'il lui est impossible de le revendiquer, aussi a-t-elle embauché un obscur comédien pour la représenter publiquement.
S'affichant à ses côtés comme étant sa nièce, Penelope et le faux Montgomery vont rencontrer le directeur d'un asile qui a constaté des agissements troublants chez ses patients, quelques minutes avant minuit. Incontrôlables, ils se mettent à rédiger des propos sans queue ni tête, avant de retomber dans leur léthargie. Au moment de prendre connaissance avec ces Ecrits de Minuit, le trio constate avec stupeur qu'ils ont disparu de la circulation ! Intrépide et curieuse, Penelope ne va pas relâcher ses efforts pour démasquer ce mystère, quitte à mettre sa propre vie en péril.
Action, suspense, ambiance... Franchement, tout est là, réuni autour d'une intrigue efficace et habilement construite, qui vous laissera une méchante impression d'angoisse perfide et latente, surtout si vous portez une haine farouche envers les araignées (erk !), vous risquez donc d'en voir de toutes les couleurs ! J'ai cru que l'auteur allait jouer petits bras, mais pas du tout, son roman nous entraîne vers les tréfonds des ambiances fantastiques du XIXe siècle et réussit à nous toucher, nous embarquer, nous donner des sueurs froides. C'était vraiment très, TRES bien ! Sur cette belle lancée, deux autres titres vont paraître.
Douze Minutes Avant Minuit, par Christopher Edge (Flammarion, mai 2013 - traduit par Laurence Kiefé - ill. de couverture : Eric Orchard)
Marathon de lecture d’Halloween : Samedi 12 et dimanche 13 octobre
orchestré par Lou, Hilde et Karine,
nous y participons joyeusement la journée du samedi, de 10 h à 22 h, et nous rendrons compte de cette folle aventure ICI !
happy weekend !
“Chaque question doit-elle avoir une réponse ?” (Hiver, Audiolib)
Quelle sensation déconcertante de lire un roman sur l'hiver, alors que la saison est belle et estivale, cela vous donne presque des petits frissons de soulagement ! De plus, l'histoire est particulièrement glauque et affligeante, puisqu'elle nous présente la violence et la folie au sein d'un foyer familial qui vit complètement en marge de la société... Avant cela, le roman s'ouvre sur la triste découverte d'un corps pendu à un arbre, la victime était un pauvre type solitaire, affublé d'un physique disgracieux, sujet à toutes les moqueries.
L'inspectrice Malin Fors et son collègue Zeke sont sur des charbons ardents, cette morte suspecte devient leur priorité absolue et ils vont ainsi fouiller dans l'existence de l'homme, mettant à nu des réalités sordides, comme une horrible affaire de viol jamais résolu, une enfance maltraitée, une mère despotique, un père aux abonnés absents et quelques autres réjouissances. Triste tableau, je dois admettre, j'avais le cœur au bord des lèvres.
Sans quoi, tout le reste m'a plu ! J'ai aimé les personnages, Malin est intuitive et têtue, elle est aussi maman d'une adolescente de 14 ans qui vit sa première relation amoureuse, gare aux griffes de louve protective, mais on s'identifie facilement à ses réactions. Je crois qu'on a encore beaucoup à découvrir sur elle, ce qui m'amène à vouloir poursuivre cette série, que je trouve attachante et superbement dépaysante (un voyage en Suède, comment le refuser ?!).
Hiver, par Mons Kallentoft
Audiolib (2011) / Le Serpent à Plumes (2009) - traduit par Max Stadler et Lucile Clauss
Texte intégral lu par Alexandra Dima (durée d'écoute : 11 h 35)
L'histoire du soir #32 : L'invité de Noël, par France Quatromme & Mélanie Allag
Envie d'un conte de Noël ? Voici l'histoire d'un invité pas comme les autres, qui se glisse dans les maisons, en laissant des traces de pas sur le tapis et des miettes de gâteau sur la nappe, mais qui n'oublie pas de déposer quelques paquets sous le sapin ! Le petit garçon avait tout préparé la veille, en décorant le sapin et en préparant les souliers près de la cheminée, alors le matin il s'inquiète et mène son enquête, sous le regard complice de ses parents, de son chat et de son chien !
Ambiance douce et chaleureuse pour cet album qui retranscrit bien l'esprit des fêtes. J'aime en particulier les illustrations de Mélanie Allag, qui ne sont pas sans me rappeler celles d'Aurélie Guillerey... Un charme fou, beaucoup de tendresse et de délicatesse. C'est tout simple et tout mignon.
L'invité de Noël, par France Quatromme et Mélanie Allag (L'Elan Vert, 2012)
L'histoire du soir #15 : Swinging Christmas, un conte musical de Benjamin Lacombe (d'après une nouvelle d'Olivia Ruiz)
Il faut que je vous avoue une chose : j'avais cru que l'histoire de Swinging Christmas serait lue par Olivia Ruiz. Aussi, en glissant le CD dans le mange-disque, quelle surprise ! Pas d'histoire lue, mais une floppée de notes musicales... Olivia & The Red Star Orchestra en bande sonore, c'est tout de même un bel accompagnement !
Dans un paysage hivernal et enneigé, nous faisons connaissance avec Robin, qui n'aime ni l'école, ni les livres. Un jour, sa mère le charge de porter des provisions chez le pauvre ermite qui vit seul dans son manoir. La perspective fiche la trouille au garçon, mais il n'a pas le choix.
A l'approche de la maison, il sera toutefois accueilli par une musique qui lui fait l'effet d'une caresse ! L'enfant est sous le charme, à tel point qu'il oublie d'avoir peur au moment de rencontrer monsieur Bernard, engoncé dans son manteau de fourrure. L'homme ne se vexe pas du tout d'impressionner le jeune Robin, il lui parle aussitôt de Gargantua et propose de lui faire un peu de lecture puisqu'il ne connaît pas.
Aussitôt, la magie des mots associée au pouvoir de la musique transporte le garçon. Robin est conquis, il tente de poser quelques questions sur la belle chanteuse qui s'affiche partout, sur les murs de la maison, mais monsieur Bernard ne dit pas un mot. Ce sera pour un autre jour. Et le temps va passer, ces deux-là vont tisser une relation tendre et complice. Robin va apprendre à ne plus craindre les livres, car les mots sont comme la musique, il faut trouver le bon tempo.
J'ai refermé le livre, et pratiquement au même instant la musique d'Olivia Ruiz avait fini son tour de piste. Un court moment, je suis restée songeuse. J'étais tellement imprégnée par l'ambiance musicale et poétique, j'étais comme troublée d'en sortir. A vrai dire, l'histoire de monsieur Bernard m'a bouleversée, c'est triste comme secret, j'étais émue à la fin. Aussi, je me suis sentie sincèrement nostalgique d'avoir terminé de lire ce joli conte. L'espace de quelques précieuses minutes, j'avais été enfermée dans une petite bulle, complètement sous le charme, avec les belles illustrations de Benjamin Lacombe, et cette mélodie d'un autre temps... c'était très agréable !
Swinging Christmas, un conte musical de Benjamin Lacombe, d'après une nouvelle d'Olivia Ruiz
avec un Cd de 5 chansons d'Olivia Ruiz & The Red Star Orchestra
Albin Michel jeunesse, 2012
@ ILLUSTRATIONS : BENJAMIN LACOMBE
L'histoire du soir #9 : Madame le lapin blanc, de Gilles Bachelet
Alors, il nous raconte quoi, ce Gilles Bachelet ?
Une histoire étonnante, drôle et savoureuse. Oui, oui. Je vous explique tout ça.
Vous connaissez le lapin blanc de Lewis Carroll, celui qui est toujours en retard. Alors maintenant imaginez qu'il est marié et père de famille, et que c'est sa délicieuse épouse qui va nous tracer son portrait, ou disons le tableau de leur vie intime, bardée de tâches ménagères et d'enfants nombreux à gérer, une vie où la belle harmonie familiale serait crispée, parce que Mme Lapin frise la crise de nerfs !
Vous n'y êtes pas du tout si vous imaginez que le journal intime de l'épouse usée serait grinçant et chargé d'amertume, vous n'avez pas tout compris, en fait. Mme Lapin est simplement blasée par son quotidien trop rempli, ses enfants tous plus excentriques les uns que les autres, les habitants du village trop causants, son mari souvent absent et toujours étourdi...
Voyez-vous, il lui arrive d'oublier que c'est l'anniversaire de sa dulcinée, ce n'est pas sa faute, il a un boulot de dingue, il faut le comprendre. Cher journal, non ce n'est pas une vie de rêve mais elle ne manque pas de tendresse !
A la sauce Gilles Bachelet, vous obtenez une lecture farcie de détails loufoques et de clins d'oeil amusés à Lewis Carroll. Un régal, vous dis-je. Un régal.
Madame le lapin blanc, par Gilles Bachelet (Seuil jeunesse, 2012)
L'histoire du soir #6 : Les monstres n'existent pas ! de Kerstin Schoene
L'allemande Kerstin Schoene nous raconte l'incroyable histoire d'un monstre, outré de constater que la masse populaire ne croit plus en son espèce. Il n'aura de cesse de fournir des preuves de son existence, en tant que monstre, il est cruel, fort et redoutable. Petits et grands ont tout à craindre de lui !
Mais voilà, rien n'y fait. Sur les murs, le débat fait rage et on ne cesse de répéter que non, les monstres n'existent pas. Point à la ligne. C'est désolant pour notre ami monstrueux.
A force de tour de passe-passe, l'auteur partage avec facétie les tribulations d'un monstre qui voudrait tant qu'on le remarque. C'est très drôle, ou comment détourner de son registre une créature qu'on croyait vouée exprès pour les histoires qui font peur. La preuve que c'est l'exception qui confirme la règle. Je conseille fortement cet album ! La lecture est drôle et décalée. Une chouette découverte, incontestablement.
Les monstres n'existent pas ! par Kerstin Schoene (Pastel, 2012)
"Lorsque toutes les solutions logiques se sont révélées fausses, il faut chercher dans l'illogique."
Gare de Lyon, à Paris, un soir de décembre, quelques jours avant Noël. Le TGV 175 s'apprête à partir, les passagers s'entassent dans les wagons, c'est l'effervescence mais ce voyage va étrangement ressembler à un épisode de la Quatrième Dimension.
Rappelez-vous, la série créée par Rod Serling : "Nous sommes transportés dans une autre dimension, une dimension faite de sons, mais aussi d'esprit. Un voyage au bout des ténébres où il n'y a qu'une destination : la Quatrième Dimension."
Super ambiance, bien flippante.
Les acteurs de ce drame sont en fait des adolescents, qui vont basculer dans l'horreur, victimes d'hallucinations (ou pas ?), certains verront des fantômes, d'autres un vampire ou un tueur en série ou même un officier Nazi... Le TGV est lancé à une vitesse éclair, puis c'est la panne, sur un viaduc. La panique monte d'un cran, à bord du train le contrôleur tente de calmer le jeu, mais sa rame est devenue le théâtre de l'enfer : plus d'électricité, plus de vivres, des adolescents qui pètent un câble, il faut gérer les angoisses et les délires des uns et des autres, bref ça s'éparpille dans tous les sens et ça ressemble à une grande foire d'empoigne où on ne sait plus trop ce qu'il faut croire.
Jo Witek a réalisé un véritable tour de force en établissant ce climat oppressant où le surnaturel s'entremêle à une réalité sordide, le mélange est quelque peu déstabilisant, j'avoue, je ne m'y suis pas sentie à l'aise. C'est à la fois stressant et dérangeant, mais je n'ai pas réussi à accrocher même si l'ensemble n'est pas désagréable à lire non plus. Ma curiosité a été titillée du début à la fin.
Me reste le sentiment d'avoir plongé dans une lecture pas commune et très, trop bizarre.
Peur Express, par Jo Witek
Actes Sud junior, coll. Thriller, 2012
« Ecrire, c’est emmener les mots en promenade. »
Le roman de David Almond ne se raconte pas, et se résume encore moins. Il s'agit en fait du carnet de Mina, une demoiselle qui ne va plus à l'école, où elle ne se sentait pas à sa place. Elle était régulièrement rabrouée par son institutrice, Mme Scullery, jusqu'au fameux jour des évaluations, le jour de trop, le jour où Mme McKee est venue récupérer sa fille, sans gronder, mais avec compassion. Elles sont reparties toutes les deux dans leur maison, en jurant qu'elles ne mettraient plus jamais les pieds dans cette école. Et depuis, Mina suit ses cours chez elle. Elle passe son temps à écrire ce qui lui passe par la tête, elle se perche sur un arbre et parle aux oiseaux, elle observe ses voisins, la vie dans le quartier est sinistre, soupire-t-elle, Mina a envie de vie et de joie, alors elle gribouille encore plus ses idées folles dans son carnet.
Son carnet ne ressemble qu'à elle : il est sincère, vrai, touchant, bizarre, très personnel, onirique, poétique et j'en passe. Il fait fi des règles et des conventions, il s'ébroue comme un jeune chien fou, égaré en pleine nature, il souffle, il respire, il est heureux. Et nous aussi. J'ai été très touchée par ce roman, pas facile à expliquer pourquoi il donne autant le sourire, pourquoi il touche et pourquoi les mots de Mina, en apparence simples et naïfs, renferment plus de vérité et de beauté que tous les discours de grands. C'est a priori un méli-mélo de pensées farfelues, de rêves et de comptes-rendus qui nous embarque dans un univers enfantin et routinier, mais c'est aussi et surtout une façon d'expliquer le pouvoir des mots, de l'imagination et de l'écriture. Graphiquement, le livre est également un petit miracle et ne ressemble pas à un roman classique. C'est ce qui nous rapproche de la narratrice, Mina est la petite camarade de Michaël, le héros de Skellig, un autre roman de David Almond qu'il faut lire ou relire après celui-ci.
Je m'appelle Mina, par David Almond
Gallimard jeunesse, 2012. Traduction de Diane Ménard.
“Words should wander and meander. They should fly like owls and flicker like bats and slip like cats. They should murmur and scream and dance and sing.”