Enfance(s)
Couleur Mirabelle est une plongée en enfance, et plus particulièrement dans celle de l'auteur. Olivier Larizza exprime avec simplicité et sincérité ses souvenirs de petit garçon, celui qui aimait Goldorak et savourait les carambars, mais aussi celui qui voulait dédier un poème de Maurice Carême à sa mère, pour tout l'amour et l'admiration qu'elle lui inspirait, ou celui qui évoquait un portrait attendrissant du grand-père, un homme formidable, passionné de cyclisme et du Tour de France.
On sent une enfance heureuse, reconnaissante, bienveillante, où il fait bon vivre et aimer. Il est temps aujourd'hui de chuchoter ces mots d'amour, de se baigner dans le souvenir de ces jours heureux. Et je trouve qu'en cette période morose, porteuse de nouvelles pas toujours gaies, il est bon de se réfugier dans un ouvrage de textes courts, un ouvrage dont la lecture procure une sensation de douceur, de tendresse et de nostalgie. Couleur Mirabelle apporte un sentiment de sérénité aussi, c'est reposant, vraiment j'étais sous le charme même si je ne sais pas trop expliquer exactement pourquoi. Ou peut-être si, peut-être est-ce le secret de ce livre, mais Couleur Mirabelle a également la couleur de notre propre enfance ! Pas seulement celle des années 80 et de la génération Casimir, mais tout bonnement une enfance au goût de barbe à papa, sucrée et vaporeuse.
Couleur mirabelle, par Olivier Larizza
Orizons 2011. 10€
(Extrait du livre)
Le choix des âmes - Olivier Larizza
Comment raconter la petite histoire de ce livre ?
En fait, il faut remonter le temps. Olivier Larizza est l'auteur du roman "Mon père sera de retour pour les vendanges" (Anne Carrière, 2001) que j'ai lu en février 2004 (oui, ça date!). J'avais beaucoup apprécié sa plume et son histoire. C'était déjà à propos de la première guerre mondiale, des Poilus coupés du monde, dans l'enfer des tranchées, déprimés et dégoûtés par le carnage dont ils seront les témoins. Ce petit roman se plaçait du point de vue d'un garçon de 10 ans qui attend le retour de son papa et va lire en cachette de sa mère les lettres qui lui révèlent l'atrocité du conflit.
C'était une approche séduisante et rafraîchissante. Mais Olivier Larizza n'a pas voulu en rester là, il revient sur le sujet de la guerre et des Poilus avec ce nouveau roman : "Le choix des âmes". On n'aura jamais tout dit, tout écrit sur cette prétendue "der des ders". Et c'est bon de ne pas oublier non plus.
Le roman s'ouvre sur cette phrase : "J'ai trente-deux ans et je vais mourir." Elle est prononcée par un soldat qui vit un vrai calvaire. Horloger de son état, installé à Nantes, il a été mobilisé et conduit au Vieil-Armand, une montagne d'Alsace surnommée HWK. Pas peu fier d'avoir tenté d'esquiver l'offensive - l'homme a perdu un doigt lors d'un entraînement - il s'imaginait exempté pour rentrer chez lui, auprès de Natacha, sa jolie femme venue de Martinique. Mais l'Etat Major n'a eu aucune pitié.
Ce que notre malheureux confie à son carnet est un rapport sur les heures de combat, les pluies d'obus et la menace du gaz, la solitude, l'ennui, le désolement, la maladie et les rats qui galopent à leurs côtés. Vision très sombre et amère d'une guerre qui ne découvrait pas son vrai visage dans les journaux ! Pour le moral des troupes, on mentait, on cachait, on édulcorait. Sur le terrain, les hommes deviennent prêts à tout pour fuir ce gourbi (désertion, auto-mutilation, suicide). Tout plutôt que retourner au combat !
A force de voir ses camarades tombés comme des mouches autour de lui, notre narrateur a fini par craquer et secrètement choisi la date butoire de septembre. Il lui faut trouver une solution, lors de sa trop brève permission - durant laquelle il goûte très peu au retour d'une vie normale - mais il ne souhaite plus retourner sur le mortel HWK.
Confession sinistre, mélancolique, douloureuse d'un soldat perdu dans une lutte à laquelle il n'entend rien.
Ce récit révèle aussi la formidable solidarité entre les gars, l'amitié et les temps forts, quelques miettes de bonheur grapillées un peu honteusement. Mais l'instinct de survie trône.
Motivé par l'écriture de ce journal, tel un exutoire, le narrateur se découvre le goût de partager et raconter son histoire, en même temps que la fibre paternelle naît en lui.
Le Choix des âmes, qui paraît quelques semaines avant le 90e anniversaire de l’armistice de la Première Guerre mondiale, jette la lumière sur ce site hallucinant, classé monument national au même titre que Verdun et pourtant peu connu, où plus de 60 000 soldats français ou allemands ont trouvé la mort. C’est que son souvenir a toujours gardé quelque chose de tabou, tant la guerre y a éclaté dans sa logique la plus absurde. Source : Anne Carrière
Un extrait, très convaincant sur la morosité ambiante, la rage teintée de désespoir de cet homme, résolu et lucide :
"Je ne sais pas si je dois persister à raconter cette guerre, à me perdre dans ses méandres, à nommer l'innommable. Parfois je me convaincs de ne coucher sur le papier que les moments agréables, les instants de joie, les rires et les nostalgies heureuses, les regards emplis d'émotions telles des ombres en duel... J'écris pour me soulager mais également, et surtout, pour qu'on me lise, plus tard. Je veux être lu, compris, aimé. Je veux qu'on se souvienne de moi et de ce que je pouvais faire de mon coeur, de mes neufs doigts : de la dentelle. De celle que je tresse avec la dixième phalange, qui m'est la plus chère : ma plume.
Ca fait bien longtemps, néanmoins, que je ne crois plus à la postérité. La postérité a été inventée pour les gens comme moi, comme nous, petits hommes bleus. Elle a été créée pour les esprits trop vifs ou trop rebelles ou trop gourmands d'une existence empêchée : dans le but de leur faire admettre qu'ils ne perdent rien à rater leur présent, à gâcher leur vie réelle, puisqu'une autre la prolongera, qui aurait la beauté de l'éternité. Ces salades, je ne les gobe plus ! Que ce soit en religion, sciences guerrières ou même littérature, je ne crois plus du tout à la postérité, je m'en fous ! D'abord, aucun corps ne peut profiter de sa prolongation spirituelle. Ensuite la postérité dépend de la survie de l'humanité et de sa bienveillance, or les deux me semblent salement compromises. La postérité est une imposture."
Anne Carrière, septembre 2008 - 256 pages - 18€
Merci l'auteur !
Mon père sera de retour pour les vendanges ~ Oliver Larizza
Ce livre est le premier roman que je découvre de ce jeune auteur, Olivier Larizza. Et je n'ai pas été déçue!
Cette histoire nous est contée par un enfant de dix ans, son père part au front, nous sommes le 1er août 1914. Ignorant que le conflit allait s'enliser, le père était parti confiant, en promettant d'être de retour pour les vendanges. La saison arrive, mais point de papa !
Cette histoire reste candide car elle est racontée par les yeux d'un enfant. La guerre nous apparaît sous ses mots, une triste et cruelle vérité qu'il découvre en lisant les lettres de son père en cachette de sa mère.
Et cette guerre est également l'occasion de dévoiler non seulement les âmes torturées, mais aussi les rencontres humaines que fait son père. C'est un homme plein de poésie, de philosophie et très attachant!
D'un autre côté, on découvre la vie de ceux qui attendent - la fin de la guerre, le retour des poilus, une permission, une lettre, l'appel de combattre au front... Le jeune garçon est un spectateur de première ligne, il observe aussi sa jolie maman qui rencontre de plus en plus souvent un homme blond.
Son père va-t-il rentrer? Son absence pèse et les nouvelles ne cessent de bouleverser le petit monde du jeune garçon.
Un roman, bourré de poésie, d'humour et d'émotions multiples à recommander. Un auteur à suivre !
février 2004