14-18 : lectures pour ne pas oublier
14-18 : Une minute de silence à nos arrière-grands-pères courageux par Dedieu (Seuil)
La Vie au bout des doigts, par Orianne Charpentier (Gallimard jeunesse, Scripto)
Force Noire, par Guillaume Prévost (Gallimard jeunesse, Scripto)
Cheval de guerre, par Michael Morpurgo (Gallimard jeunesse)
Mais aussi,
Avant la tourmente (tome 1 de La saga des Reavley) d'Anne Perry (10/18)
Une lettre de vous, par Jessica Brockmole (Presses de la Cité)
Le retour du capitaine Emmett, par Elizabeth Speller (10/18 Grands Détectives)
Toutes ces vies qu'on abandonne, de Virginie Ollagnier (Points)
Par un matin d'automne, de Robert Goddard, (Le livre de Poche)
Mauvaise Graine - Orianne Charpentier
Après La petite capuche rouge, Orianne Charpentier nous raconte l'histoire de Jérémy, un garçon de quinze ans, pas très grand, pas bon à l'école, un peu mal dans ses baskets, et qui n'aime pas du tout sa vie tout en rejetant la faute sur ses parents. Chez eux, c'est triste, c'est gris, c'est petit. Même les repas de Noël sont surfaits, ça sent l'étroitesse et l'ennui.
Jérémy a beau vivre à la campagne, avec des champs à perte de vue, il étouffe et il a besoin d'espace. En fait, il a du mal à s'accepter et passe à côté des choses importantes, ou essentielles. Il ne voit pas l'inquiétude de ses parents, ou trop tard. Il ne comprend pas ce que cache la mine soucieuse de son père, les commentaires acides de la voisine, ne supporte plus les bavardages de sa soeur aînée, qui suit des études à Paris, et qui sans le savoir l'écrase encore plus, le faisant se sentir minable et incapable.
Quand Jérémy découvre la maladie de son père, son comportement aussi va changer. Il va s'intéresser à la vie des siens, aimer ce qui l'entoure, ne plus espérer l'impossible, se rapprocher de Méthilde, qui est belle, intelligente mais impossible à amadouer. C'est d'ailleurs un prolongement de la même petite bande aperçue dans le précédent roman d'Orianne Charpentier, il y a Sarah et Léopoldine aussi, et j'espère qu'à leur tour elles auront leur mot à dire dans d'autres romans.
Car l'auteur possède beaucoup de finesse pour décrire l'adolescence en perte de vitesse, pour raconter l'errance, les doutes et les angoisses de l'âge ingrat. Cela me rappelle aussi le roman de Martin Page, Le club des inadaptés, parce que c'est une histoire quasi universelle, celle de jeunes gens qui manquent de confiance en eux et qui n'ont pas encore trouvé leur place. La maladie sert de prétexte pour mettre à plat tout ce qui va de travers et permettre ainsi au garçon de quinze ans de moins se regarder le nombril et de s'assumer un peu mieux. Je trouve juste un peu dommage le choix de cette couverture, les illustrations de Sébastien Mourrain me manquent !
Gallimard, coll. Scripto (2010) - 135 pages - 7,50€
« J'ai peur d'être comme ces champs que nous traversons. De rester là immobile pour toujours, entre mon village et la forêt, à regarder le blé pousser et les nuages s'enfuir, sans que rien ne change jamais pour moi. J'ai peur de voir tous les gens que j'aime me quitter un à un sur les ailes du vent, pour aller voir ce qu'est le métro de Paris ou le Sahara, et que leur vie ressemble à un grand courant d'air qui passerait trop loin. »
« Je venais de découvrir que la vie, ma vie, changeait selon les mots que je trouvais pour la décrire. Ce n'était pas une question de mensonge, c'était une question de point de vue. Au bout d'un moment, j'ai décidé que je n'étais pas un garçon de quinze ans parmi des grands champs vides : j'étais un garçon de quinze ans avec un ciel immense au-dessus de lui. »
La petite capuche rouge - Orianne Charpentier
Méthilde a quatorze ans. C'est une adolescente qui se sait belle, intouchable et redoutable aux yeux de ses camarades d'école. Elle a une logique implacable, surtout en mathématiques. Elle écrit des tonnes de fiches, surtout pour ses cours et pour mieux gérer les nouvelles choses qu'elle rencontre (comment embrasser la première fois, par exemple). Car en fait, sa vie n'est pas toute jolie ni toute rose. Le problème concerne sa maman, étrangement absente, et cela pèse sur sa conscience et ses humeurs. Méthilde a donc choisi d'affûter ses paroles - assassines - pour être crainte des autres. Sa façon à elle de se protéger est de paraître toujours forte et inébranlable.
Ce matin-là, Méthilde choisit de mettre un joli pull rouge qui lui va comme un gant. Et ce vêtement a sur elle un effet électrique : elle a envie d'être gentille et serviable. Pour la première fois, elle va se rendre chez Sarah pour l'aider à réviser les maths. Elle se rappelle avoir été odieuse avec cette fille, cinq ans plus tôt, en la traitant de pouilleuse. Aujourd'hui, Méthilde a toujours la réplique sèche et méchante au bord des lèvres mais une voix intérieure la force à se retenir. Bizarrement, elle se montre compréhensive et douce avec Léopoldine, son ennemie jurée, qui est également la meilleure amie de Sarah. Toutes les trois se font des confidences, quand soudain une tempête est annoncée et Méthilde doit rentrer chez elle. Avant de partir, la mère de Sarah lui confie un panier de victuailles à remettre à une amie de la famille, qui habite sur le chemin qui passe par la forêt.
Notre petit chaperon rouge, très contemporain, va braver le vent, la pluie et l'obscurité naissante. Méthilde a peur, elle se sent seule et perdue. En route, elle croise son Sauveur mais ce dernier a la dente dure contre la jeune fille, car il ne lui a jamais pardonné d'avoir insulté sa famille. La nuit promet d'être longue, pénible pour Méthilde. Pour la première fois, elle fait face à ses erreurs, doit expliquer pourquoi elle a ce comportement et ce qui la pousse à ne pas se faire aimer des autres.
Un très, très joli roman sur l'amitié et l'amour naissant ! La petite capuche rouge est un conte revisité, écrit avec une fraîcheur et une pertinence qui font plaisir à découvrir (Orianne Charpentier a déjà signé un premier roman, Madame Gargouille). L'héroïne peut paraître antipathique au début, et pourtant on l'apprécie énormément. Son esprit mordant est une qualité, à mes yeux, car on devine que sa méchanceté est une carapace. Le fait qu'elle change et comprenne ce qui cloche chez elle ajoute aussi à la rendre plus attachante. A conseiller, à partir de 11 ans.
Gallimard jeunesse, 2008 - Coll. Hors-piste - 116 pages. 7€
Illustrations de Sébastien Mourrain.