L'Étrangleur est de retour, de Sandrine Beau
Quel doux paradoxe de se réjouir du retour de l'étrangleur ! En fait, c'est l'idée d'avoir une suite à ce petit roman (L'étrangleur du 15 août) qui avait su me surprendre et m'enchanter, mais surtout procurer des émotions fortes, condensées en un minimum de pages, qui me délecte. De plus, ce livre est destiné à un lectorat plus jeune (entendez, facile, lisse, léger, pas méchant), sauf que cela ne lui pose aucun problème de distiller suspense, tension psychologique et clin d'œil au Maître du genre (M. Hitchcock)... Tout ça, tout ça... Sandrine Beau sait nous gâter !
Nous retrouvons donc Thomas et sa mère Juliette, un an après les événements tragiques de ce fameux 15 août. Le criminel est sous les verrous, du moins il l'était jusqu'à ce qu'il parvienne à s'échapper lors d'un simple transfert. Argh, le lieutenant Lebarre court aussitôt prévenir le garçon et sa maman car il suppose que l'individu va chercher à se venger. Bingo, en un claquement de doigts, le danger est déjà là, il rôde, plus pressant que jamais.
Et il faut saluer toute la prouesse de l'auteur qui réussit facilement à nous plonger dans l'ambiance : c'est flippant, flippant, flippant. Rien que par quelques phrases, le couperet tombe et on n'en mène pas large. Je trouve ça particulièrement génial de trouver un bouquin pour enfants qui les initie déjà aux règles du polar ou du roman noir. C'est fait avec intelligence, beaucoup de minutie et avec aussi de l'humour (Momo est un copain formidable). Thomas et lui font souvent preuve d'inconscience, mais c'est ce qui rend la lecture aussi saisissante et prenante. Un retour gagnant, j'ai follement aimé !
Oskar éditeur, coll. Court-Métrage, octobre 2014 ♦ design & illustration de couverture : Jean-François Saada
Y a des souvenirs quand on les jette, Qui r'viennent sans faute dans les maux d'tête...
Lou, quatorze ans, ne connaît pas son grand-père. Ce dernier a été placé dans une maison de retraite, car il ne pouvait plus vivre seul depuis la mort de son épouse, mais ce choix de vie n'était pas de son goût puisqu'il vient de disparaître. Il a pris la route, à 80 ans, et sa fille est sens dessus dessous.
Lou comprend que les réactions intempestives de sa maman sont liées à son enfance délavée de tendresse, puis marquée par son divorce, c'est désormais une femme en colère, qui n'entend pas recevoir une psychanalyse de la part de son adolescente de fille ! Lou serait en pleine crise ? Allons donc, elle décide avec sa copine Najette de prendre la poudre d'escampette, sous couvert de retrouver elles-mêmes le grand-père en vadrouille.
Et le roman de nous proposer un joli portrait croisé des deux bouts de la chaîne : Lou, et ses premières fois, curieuse, soucieuse, pleine d'interrogations, un peu à la découverte de son moi profond, et son grand-père, au crépuscule de sa vie, avec son lot de dernières fois, ses trouilles, son amertume, son refus d'être parqué dans un mouroir et sa ferme intention de choisir où et quand il passera l'arme à gauche.
En chemin, Lou et Najette vont apprendre à se parler et s'apprécier (ce sont leurs mères qui sont copines à la base), mettre à plat des idées reçues, partager leurs rêves, leurs espoirs et leurs histoires de famille aussi. On assiste à la naissance d'une très belle amitié, en plus de percer les travers de l'adolescence, l'heure de tous les drames et autres remises en question permanentes. C'est amené en douceur, finement, sobrement, avec une note de poésie tellement appréciable. Même les interludes avec le grand-père sont extrêmement touchants. Souvent, ça a trouvé un petit écho en moi ...
J'ai terminé mon livre en soupirant bien fort, signe que j'ai passé un très bon moment et qu'il faut désormais que ma fille le partage à son tour !
Une histoire à vieillir debout, par Carole Prieur
Oskar éditeur, 2012 - illustration de couverture : Jérôme Meyer-Bisch
Moi, j'avais le cerveau qui bouillonnait de mille idées. J'avais envie de connaissances ! Oui, tout à coup, allongée sous un bosquet, dans un pull en laine, j'ai eu une bouffée de vie, une grande bouffée de vie : j'ai tout l'avenir devant moi, à moi de décider ce que je vais en faire ! Quelle liberté tout à coup ! Comment dormir avec cette pulsion-là, avec tous ces possibles qui naissaient en moi ! Il est possible de choisir, il est possible de fuguer, il est possible de se débrouiller seule, il est possible d'aimer ses parents loin d'eux, il est possible d'avoir de bons souvenirs... Ces nouvelles sensations ne pouvaient me pousser qu'à l'insomnie ! Y a urgence à vivre, il faut la bouffer, la vie, il faut en profiter au maximum, donc ne pas dormir, respirer le bon air frais de cette nuit à la belle étoile. Ecouter tous les bruits partout autour. Sentir que chaque partie de son corps est là, prête à bouger, à toucher, à vivre de nouvelles aventures. Mon corps est prêt, je suis prête, je suis en VIE ! Waouh, quelle ivresse !
"Il laissa un message étouffé : — S’il vous plaît, venez vite. Il est chez moi."
Le début du roman fait penser au film d'Alfred Hitchcock, Fenêtre sur cour. Thomas est coincé chez lui, dans son appartement, avec une jambe dans le plâtre. Sa mère s'est absentée parce qu'elle avait un concert à donner, son meilleur pote est en vacances, reste la voisine qui a promis de jeter un oeil sur lui. Soudain, un hurlement dans la rue l'interpelle. Par la fenêtre, il découvre avec horreur un type en train d'étrangler une femme. Il réagit aussitôt, sans réfléchir, mais l'individu le dévisage et le temps s'arrête. Thomas est fait comme un rat.
C'est incroyable ce qu'un petit livre d'à peine 50 pages peut inspirer comme angoisse et sueur froide ! Très vite, le roman nous met dans l'ambiance : atmosphère lourde et oppressante, tension qui monte d'un cran, menace galopante, escalade dans la violence et la folie... C'est peu de dire ô combien cette lecture est flippante ! Mais on en redemande. C'est un thriller pour enfants, qui se lit vite et bien, la mécanique est parfaitement huilée, l'auteur va à l'essentiel, en appuyant bien là où ça fait mal, les poils se dressent sur les bras, et on tourne la dernière page encore un peu sous le coup du stress. De quoi chatouiller les jeunes amateurs de sensations fortes.
L'étrangleur du 15 août, par Sandrine Beau
Oskar éditeur, coll. Court-Métrage, 2012 - design & illustration de couverture : Jean-François Saada
Teaser Tuesday #39
Ses yeux m'ont dit la peur de la ville. La peur des lumières, des bruits, des magasins et des gens qui sont partout et nulle part à la fois. Ses yeux m'ont dit les rêves, la liberté et l'amour des forêts.
Tout au fond de ma poitrine, ses yeux ont caressé mon coeur.
Alors j'ai noué mon écharpe rouge autour de son cou et j'ai amené le loup chez moi.
C'est une histoire d'amitié qui fait mal, une histoire d'hommes en colère et d'un monde qu'on découvre teinté de violence et frappé par la peur. C'est aussi une histoire d'animaux qu'on met en cage, d'animaux qui rêvent de liberté pour donner de la couleur aux villes.
C'est une histoire triste, une histoire grise, une histoire meurtrie, une histoire avec une écharpe rouge qui vole au vent, au nez et à la barbe des mécontents, une écharpe rouge qui rappelle une rencontre et qui devient comme un aveu. Le signe d'une impuissance et d'une indignation.
C'est une lecture coup de poing, une lecture qui vous retourne la tête, une lecture qui fait de la peine. On y trouve des mots vrais, des mots forts, des regards qui se perdent, des sourires qui se tordent, des visages qui se ressemblent. C'est beau, c'est vrai mais ça vous rend chagrin et amer.
Le loup sous le lit, par Stéphane Servant & illustrations de Benoit Morel (Oskar, coll. Trimestre, 2012)
Elle est à tout le monde, la mer ! Tout le monde... A nous aussi, y a pas de raison !
- Oui, on va aller à la mer, déclare-t-elle d'un ton absolument résolu. La vraie mer, celle qui est à 503 km, qui a des vagues, qui porte les bateaux, celle qui va loin, loin, jusqu'en Amérique...
- Celle qui est salée ! crie Johnny.
- Celle qui a des crabes ! crie Noah.
- Des pirates ! Des requins ! hurle Noah.
- Des baleines ! Des sirènes ! ajoute la maman en riant.
- Et du saumon fumé, dit Johnny pour voir ce que ça fait de mettre de la poésie dans la conversation.
Et il va ajouter : « Et des beignets. Au chocolat, même, des fois. »
Johnny n'est pas un élève brillant, certaines choses le dépassent, comme la poésie ou les livres à la bibliothèque. Il aime bien y aller toutes les semaines, avec sa classe, mais ce qu'il préfère ce sont les voyages en bus, sa place derrière le chauffeur, pour bien voir la route.
A la maison, la famille ne sort pas beaucoup et ne peut pas se payer des vacances non plus. Est-ce que ça le chagrine, Johnny ? Non, pas vraiment. C'est sa maman qui a soudain le blues et qui décrète qu'ils iront, eux aussi, cet été à la mer, la mer qui se trouve à 503 km.
Voilà un roman pétillant, optimiste, jovial et léger comme une bulle. C'est un petit texte à l'effet magique, qui évoque les rêves et la poésie, avec pour héros un garçon très attachant, gentil, simple et attendrissant. Je ne vous raconte pas le bonheur que cette lecture procure... A découvrir, tout bonnement !
Je veux aller à la mer (Où l'on apprend que la mer est à 503 km) par Jo Hoestlandt, illustré par Jean-Pierre Blanpain
Oskar éditeur, coll. Trimestre, 2012
Faut croire qu'on aime ça, les mystères.
Un an a passé depuis les tumultueux évènements survenus au 180 rue des Innocents, Youri, Tomaso et Emma ont regagné un semblant de quiétude, et paf ! leur clodo Félix, qui fait partie des murs, est retrouvé baignant dans une flaque de sang, sauvagement battu, entre la vie et la mort. Aussitôt Flora accourt pour l'accompagner aux urgences, et puis plus rien ! Tomaso et Youri n'ont plus de nouvelles, mais refusent de rester inactifs. Ils décident alors de retrouver la fille de Félix, une certaine Sophie, pour que le pauvre vieux n'imagine pas qu'il est seul au monde en ayant raté sa vie.
De son côté, Emma, amoureuse, a pris ses distances avec les garçons avant de réaliser la couleur amère de sa jolie romance. Hop, il est temps de rentrer au bercail et d'apporter son aide aux copains. Mais leur enquête ne s'arrête pas à retrouver une enfant perdue, c'est surtout flirter avec le danger, encore une fois. Près du corps de Félix, figuraient des inscriptions à connotation fasciste. Les suspects sont désignés, ne manquent plus que les preuves... Et là, attention, DANGER !
Une nouvelle fois, l'histoire trempe ses doigts de pied dans une réalité sordide et qui met mal à l'aise. Il y a l'agression de Félix, la découverte de son passé mais aussi la confrontation avec les milieux extrémistes, racistes. Décidément, le fond de l'histoire ne fait pas dans la dentelle, c'est un roman noir, au goût âpre et qui colle au palais. Mais c'est aussi un roman sensible, alors que les paroles de Félix nous prennent à la gorge, surgissant de nulle part, mettant à nu le désespoir de l'homme. Et c'est enfin et surtout l'occasion de retrouver notre trio composé de Tomaso, Youri et Emma, ils sont drôles, ironiques, réceptifs à la détresse de leurs proches et on les aime pour ça. A ce propos, bonne nouvelle : le triangle amoureux a trouvé sa solution, plus de perte de temps et d'énergie, et c'est tant mieux. Non, parce que ces trois-là s'aiment, mais ils sont indissociables et n'ont pas besoin de se conter fleurette pendant des pages et des pages, ce serait du gâchis.
De toute façon, la vie au 180 (marque déposée) ressemble à un tourbillon de petits et grands drames de la vie : Olga, la soeur de Youri, a besoin d'un jus de raisin qui fait office de remontant, les parents sont dépités, Flora a disparu, Ben le musicos fait son Johnny, madame Robert peut aussi être une aide très précieuse, et le Capone toujours... l'habituel QG de notre petite bande, au décor kitsch réconfortant, avec ses bonnes odeurs et Irina qui devine tout. La bonne adresse, à l'image de la série, aux charmes et aux atouts fort sympathiques.
Rouge Bitume (Roulette Russe #2), par Anne-Gaëlle Balpe, Sandrine Beau & Séverine Vidal
Oskar éditeur, 2012
Roulette Russe : Noël en Juillet, par Anne Gaëlle Balpe, Sandrine Beau & Séverine Vidal
Les éditions Oskar jeunesse ont décidément pris le parti d'offrir à leurs lecteurs un été qui donne des frissons. En voici encore la preuve avec ce Noël en Juillet. L'histoire vous glace les sangs, croyez-moi !
Dans la cour d'un immeuble, trois adolescents s'improvisent enquêteurs pour démasquer le tordu qui zigouille les chats après avoir suspendu leurs cadavres en une sinistre mise en scène. Et pour mieux pimenter l'intrigue, le timbré en question nous livre ses apartés à vous dresser les cheveux sur la tête.
A côté de ça, il y a aussi le triangle amoureux qui se joue entre Youri, Tomaso et Emma. Il y a l'amitié, certes, mais aussi la trahison, les mensonges, les déclarations sur le bout des lèvres et la confusion des sentiments. C'est doux, c'est beau mais ça n'évite pas le drame.
Ahlala, quelle tension ! Et ce dénouement qui n'empêche nullement l'amertume de pointer son nez... C'est un roman sans pitié mais réussi. Un polar noir où l'écriture de trois drôles de dames coule et roule sur un fil, révélant toute la subtilité du pouvoir des mots et de la portée des événements. Troublant, mais fort.
Oskar jeunesse, 2011
Les Chroniques Etranges des Enfants Trotter : La Malédiction Shakespeare, par Anne Ferrier & Régine Joséphine
Voilà un petit roman que j'ai beaucoup apprécié ! Demandez le programme : Stratford-upon-Avon, Shakespeare (forcément), un tombeau violé, une malédiction farouche, un jeune garçon féru de magie, une statuette Harry Potter, une grande soeur frappée de révélation, une tante indépendante, un jeune acteur charmant, un rôdeur qui ne compte pas pour des prunes... Vous me secouez tout ça et vous obtenez un récit vif et enlevé.
Suite au départ précipité de leurs parents, Albane et Victor sont confiés à leur tante Agatha, journaliste de son état, qui elle-même doit s'envoler pour l'Angleterre, dans la ville de Shakespeare. Tous les trois concluent un pacte de cohabitation forcée mais sans heurts. Or, à peine arrivés, les enfants sont livrés à eux-mêmes, se baladent dans la rue comme des âmes en peine (du moins, Victor) alors que Albane est bousculée, victime d'un vol de portefeuille. En tentant de rattraper l'individu, elle s'engouffre dans une église en travaux, Victor à ses trousses, et là ... leur cauchemar commence. Ont-ils réveillé un fantôme endormi et seraient-ils, alors, victimes de la malédiction proclamée par le dramaturge anglais ?
Je me suis délectée de la tension cachée dans ce livre, l'histoire de Victor et sa soeur est stressante et palpitante. J'ai également beaucoup apprécié l'utilisation du folklore de Stratford et de la légende qui entoure Shakespeare (sa mort, ses écrits, sa malédiction...). C'est grisant et terriblement excitant ! Est-ce que la fin présagerait d'une suite ? (Bah oui, j'aimerais bien.)
Oskar jeunesse, 2011
Pêle-mêle Clarabel #32
C'était notre découverte d'un soir, Le bébé tombé du train par Jo Hoestlandt & illustré par Andrée Prigent.
J'ai été ravie par cette lecture, en fait ! C'est l'histoire d'un vieil homme seul, Anatole, dont la maison se situe près d'une voie ferrée. Il est coutume qu'il retrouve toutes sortes de choses dans son jardin, comme des lettres ou une brosse à cheveux, le genre de détails auxquels il a fini par ne plus prêter attention... jusqu'au jour où il découvre avec étonnement un bébé, un vrai bébé qui rampait dans les herbes. Aussitôt Anatole décide de l'adopter et prend soin de l'enfant ; commence alors une belle relation entre le vieil homme et le petit Virgile. Le temps passe, on toque à sa porte mais Anatole rembarre les gendarmes, mais pas cette jeune femme qui se présente à lui. Je me suis laissée porter par l'histoire, n'ayant rien deviner malgré les indices, et la fin a été un beau cadeau que j'ai déballé avec ravissement. J'aime définitivement cette collection (Trimestre, chez Oskar jeunesse) où la voix d'un auteur devient complice du talent d'un illustrateur pour un plaisir de lecture garanti.
Nous avons également lu le dernier roman d'Agnès de Lestrade, Le jour où j'ai abandonné mes parents.
Karla-Madeleine n'a pas seulement un prénom impossible à porter, elle a aussi des parents insupportables, tellement différents l'un de l'autre qu'ils passent leur temps à se chamailler. Et quand arrive un gros souci domestique dans la maison, pendant les vacances, et qu'il leur faut donc plier bagages pour aller au camping, Karla-Madeleine ne va plus vouloir supporter les querelles entre ses parents et va choisir de vagabonder entre les allées. Elle y fera une bien étrange rencontre ! Ceci l'amènera à mettre son grain de sel dans les relations conflictuelles de ses parents, en réalisant qu'il existe bel et bien de la tendresse et un amour fou entre eux, puis elle voudra raccomoder ses parents avec leurs familles respectives à l'occasion d'un évènement inattendu. L'histoire doit son rythme enjoué et agréable à son héroïne pétillante, car c'est drôle et facile à lire, même si j'ai trouvé la première partie plus avenante (les situations finales me semblaient trop téléphonées). Très sympa et idéal pour les vacances ! (Rouergue, coll. Dacodac, 2011).
Lu aussi La mensongite galopante d'André Bouchard.
Voilà une lecture particulièrement loufoque ! Adrien a besoin d'attirer l'attention de ses copains et s'invente donc un oncle imaginaire, Honoré Aubenard, milliardaire après avoir déterré un poireau, soldat de Napoléon et portant désormais un oeil de verre en diamant. Aussi, quelle surprise pour lui lorsqu'il croise dans la rue cet homme pour de vrai et lorsque celui-ci prétend que Adrien est en toc ! L'oncle fait alors tout pour prouver qu'il a raison, convoque même Napoléon pour une partie de cartes avec les parents d'Adrien, fait des merveilles auprès des copains en les invitant à bord de son hélicoptère personnel. Bref, c'est un cas grave de mensongite galopante (une maladie contagieuse qui fait qu'on ne peut pas s'arrêter de mentir) ! C'est d'ailleurs une surenchère perpétuelle entre Adrien et cet oncle imaginaire-qui-existerait-pour-de-vrai, car tous deux, en fin de compte, apprécient d'être la vedette et n'aiment pas qu'on la leur prenne ! Chaque nouvelle page tournée promet un mensonge encore plus dingue et délirant, c'est un texte rigolo, qui montre surtout le bon côté du mensonge (et ses conséquences démentielles) parce que cela ouvre la porte à la folle du logis, et le jeune lecteur appréciera probablement. (Gallimard jeunesse, 2011)
La dernière année
Ou pourquoi et comment le Père Noël décida d'arrêter - et pourquoi il ne recommença jamais.
avec le poster !
Ça l’avait toujours énervé, ces gugusses qui se déguisaient en lui. Leurs baskets dépassaient de leur manteau mité. Souvent, ils n'avaient pas de gros ventre. Leurs barbes étaient en coton, parfois crasseuses. Ils invitaient les enfants à monter sur leurs genoux pour qu'ils soient photographiés tout contre eux. Ils faisaient peur aux petits, et les grands se moquaient d'eux. Dire que le Père Noël prenait tant de précautions pour ne pas être aperçu par les enfants la nuit du 24 décembre... Ces guignols, eux, s'exposaient sans gêne à tous les coins de rue ! Comment, en les croisant ainsi à répétition, les enfants pouvaient-ils continuer à croire en lui ?
Il faut absolument lire et faire lire cet ouvrage ! C'est l'histoire du Père Noël qui est devenu amer, face aux enfants qui ne croient plus, aux commandes de jouets en masse, aux désirs formatés, aux rêves qui s'effacent, aux parents qui ne jouent plus le jeu et se contentent de faire des chèques, à la folie commerciale... bref Noël n'est plus ce qu'il était, et si l'on regarde plus loin que le bout de son nez, il n'y a pas de Noël pour tout le monde, des enfants reçoivent, des noms sont inscrits sur des listes, alors que d'autres non... Et pendant ce temps, on voit à la télé des reportages avec des enfants à l'orphelinat, le regard triste, qui attendent.
Le Père Noël est un vieil homme usé, mais il est fatigué par le système. Cette année, il se sent dégoûté, dépassé, plus capable de faire comme si. Il choisit donc d'arrêter. Et contrairement à ce qu'on pouvait imaginer, non cela ne le rend pas triste. Bien au contraire.
Parce que, quand quelque chose se termine (parfois à cause d'une simple petite pièce qui se brise), cela ne veut pas dire pour autant que tout est terminé. Quand quelque chose se termine, quelque chose peut commencer. Et parfois une vie qui change, ça se passe comme ça, du jour au lendemain.
Chacun lira ce qu'il a envie dans cette histoire, une dénonciation du trop et un laisser-aller général, une fête en perte de vitesse et une magie qui s'étiole, si on ne fait pas plus attention... Mais il y a aussi ce regard sur ce qui nous entoure, sur le monde bancal et le bilan d'une vie pleine et riche, jusqu'au point de non-retour. C'est assez triste, surtout la fin, mais je trouve aussi que ce texte fait réfléchir, qu'il est fort et revigorant, qu'il permet d'attendre Noël avec une autre impatience. Ce livre ne brise pas les rêves, au contraire. Il participe à les entretenir, il ne prend pas les enfants pour des imbéciles, il leur raconte une histoire intelligente, qui dit que chacun fait ce qu'il veut après tout, mais que ce serait dommage aussi de fermer les yeux.
Alors, je vous le répète, lisez ce livre ! Et donnez-le à lire à vos enfants !
Gaëlle vient également de le lire et est encore sous le charme...
La dernière année, par Thierry Lenain
(l'année dernière, il avait signé un brillant et très culotté Père Noël, mes fesses !)
Illustrations : Benoît Morel
Oskar jeunesse (2010) - 12,95€
Collection Trimestre : chaquée année 4 titres, 4 auteurs, 4 illustrateurs.
4 coups de coeur pour réfléchir, s'émouvoir...