Des chauves-souris, des singes et des hommes, de Paule Constant & Barroux
Cette adaptation en bande dessinée du roman de Paule Constant est étonnante ! Étonnante par ses couleurs, son graphisme, sa mise en page, son histoire aussi... qui est toujours étrange et fascinante, poétique et tragique. J'avais lu et écouté le roman en format audio (lu par Marie-Christine Barrault). J'avais été séduite, scotchée, envoûtée. Cette nouvelle déclinaison n'a fait que confirmer tout le bien que je pensais de cette œuvre !
Pour rappel, l'histoire commence dans un village africain, où une petite fille désœuvrée se console avec une chauve-souris qu'elle a trouvée en se promenant. Pendant ce temps, les garçons de son âge ramènent crânement le cadavre d'un gorille silverback. La dépouille est immédiatement dépecée, mijotée en ragoût et servie à tour de bras pour célébrer l'abondance et la rareté d'un mets aussi raffiné. À côté de ça, on croise aussi une jeune française, dans une mission humanitaire, un sociologue-ethnologue fraîchement débarqué, et un Docteur Désir qui vogue sur le fleuve pour vendre sa camelote. Tous ignorent encore qu'un mal pernicieux est en train de se propager silencieusement, qu'il trace sa route funèbre jusqu'au point final, où alors « le nom d'ebola se répand en lettres rouges dans la presse du monde entier » !
L'histoire est terriblement glaçante, mais elle est racontée avec beaucoup de lyrisme, d'où le décalage et la sensation d'une sentence implacable et abrutissante. Ajoutez la touche de Barroux, avec son univers brut et faussement naïf qui nous transporte au cœur de cette Afrique folklorique, avec ses couleurs, ses exubérances, ses légendes, ses cris et ses larmes. La plongée est stupéfiante. On en prend plein les yeux et on ressent un vrai choc au fil des pages. C'est une belle réussite. Je recommande ! ☺
Gallimard Bande Dessinée, 2018 Feuilleter
Des chauves-souris, des singes et des hommes, de Paule Constant
Collection Folio (n° 6348) - Parution : 07-09-2017
Dans un village africain, la jeune Olympe trouve dans la forêt une chauve-souris qu'elle ramène chez elle pour la dorloter comme son doudou. Dans la foulée, ses frères et d'autres garçons ramènent fièrement le cadavre d'un Silverback, qu'ils vont mitonner en ragoût et organiser un festin pour la tribu. Le Docteur Désir, célèbre camelot de passage dans la région, convoite avec envie la peau du singe et poursuit son chemin en se frottant la panse et les mains. Pas très loin, dans une mission humanitaire, Agrippine se désespère de recevoir son stock de vaccins dans les plus brefs délais. Elle vient de lier connaissance avec Virgile, jeune sociologue et ethnologue fraîchement promu, dont les idées réfractaires à toutes formes de colonialisme répondent quelque part à un désir d'émancipation familiale. Dans cette partie du nord Congo, longée par le fleuve et ses affluents, un chaos indescriptible est en train de se mettre en place, de façon pernicieuse et radicale. L'hécatombe frappe d'abord le village d'Olympe, alors accusée d'avoir introduit le malheur avec sa chauve-souris. Puis, la pirogue sur laquelle voyagent Agrippine et son équipe doit rebrousser chemin, échaudée par l'imprécation d'une vieille sorcière. La mort est en train de semer ses petits dans les moindres recoins, drainant un vent de panique et de malédiction.
C'est tout bonnement ahurissant comment ce roman parvient à nous captiver par sa magie, en quelques pages, la tension dramatique s'installe au-delà des espérances. Car se déroule sous nos yeux la naissance d'une pandémie, à travers un mécanisme anodin, des gestes innocents, un enchaînement de circonstances malheureuses. L'impact émotionnel est poignant, et en même temps l'histoire ne verse pas dans le pathos. On a davantage le sentiment de lire un conte africain, avec son folklore, ses grigris et ses légendes, avec aussi de l'humour et de l'ironie, du défaitisme et de la rage, sans toutefois négliger d'épingler les grands coupables (la mondialisation, entre autres) ni d'édulcorer le drame en puissance.
J'ai été littéralement absorbée par cette lecture, alternant le roman et le livre audio. Paule Constant a choisi Marie-Christine Barrault pour interpréter cette tragédie aux allures de conte poétique. Un choix de raison, une exécution solennelle et péremptoire, pour une écoute assez pesante. La transition des deux supports a donc permis d'apprécier autrement cette histoire, d'en estimer les qualités et les subtilités, avant d'en sortir avec une sensation de chair de poule. Verdict : la lecture est sombre et désenchantée, mais inspire beaucoup d'empathie et invite à la réflexion. Je recommande !

Lu par Marie-Christine Barrault - Durée d'écoute : environ 5 h
« Malédiction! C’était trop grave. La mère appela le Chef. De mémoire, il n’avait rien entendu de semblable, un singe mangé sans les rituels. Il savait que dans l’ordre des interdits on ne pouvait trouver pire. Il n’y avait plus qu’à aller consulter Reine Mab. Son nom disait long déplacement, coût exorbitant, pratiques compliquées et engueulade assurée. »