24/02/17

Sans feu ni lieu, de Fred Vargas

sans feu ni lieu

Dans ce Fred Vargas datant de 1997, on retrouve le fameux trio des Évangélistes, Marc, Lucien et Mathias, ainsi que Louis Kehlweiler, dit l'Allemand, chargés de défendre l'indéfendable - Clément Vauquet, un benêt au physique disgracieux, accordéoniste et livreur occasionnel de fougères, soupçonné d'être le tueur aux ciseaux qui sévit dans Paris. Seule une ancienne prostituée, Marthe Gardel, également sa mère nourricière, est convaincue de son innocence. Ce garçon est le dindon d'une farce morbide. Aussi bassine-t-elle Louis pour le sortir de ce guêpier. Malgré ses réticences, l'Allemand mobilise ses troupes et reprend contact avec ses vieilles relations dans la police pour bûcher le dossier.
La manière dont procède Fred Vargas pour dérouler ses intrigues est toujours extraordinairement originale, en apparence simple et bavarde, mais au final incontournable et parfaite. Son intrigue policière n'a certainement pas à rougir de ses prétentions modestes, car l'auteur fignole les moindres détails et excelle dans l'art des personnages. Ses Évangélistes sont trois sympathiques gaillards, trois historiens sans le sou qui partagent une baraque pourrie, en compagnie du Parrain, un vieil oncle qui les chouchoute en concoctant des gratins copieux et savoureux. Kehlweiler est un type plus froid, difficile à cerner, ancien homme d'action il s'est replié chez lui pour traduire la biographie de Bismarck et a pour seul compagnon son crapaud Bufo ! Quand on songe aussi qu'un poème de Nerval peut démêler les nœuds d'une pelote de laine... Sérieusement, on ne trouve pas ça partout. Et c'est ce qui me plaît tant dans les livres de Vargas, cette propension à l'excentricité qui ne déborde pas non plus vers des sentiers improbables ou absurdes. C'est décalé, assez drôle et faussement timbré. Philippe Allard, pour la technique, exerce son numéro d'équilibriste avec brio. Son timbre de voix colle à merveille avec les personnages imaginés par Vargas. C'est âpre, écorché, nonchalant et en même temps vibrant. Il y a ce “truc” indéfinissable qui rend le mariage évident et réussi. En bref, c'est tout bon !

Texte lu par Philippe Allard (durée : 7h 46) pour Audiolib - Février 2016

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29/07/16

Un plus plus loin sur la droite, de Fred Vargas

Un peu plus loin sur la droite audiolib

Assis sur un banc dans un square parisien, Kehlweiler remarque un bout d'ossement humain dans des déjections canines et s'épanche auprès de l'exubérante Marthe, une ancienne entraîneuse, dont la gouaille mordante lui rétorque de ne pas pinailler. Ce serait mal connaître notre homme.
Après des heures d'observation et de réflexion, Louis finit par débusquer une piste conduisant dans un petit port breton, où il se rend avec son crapaud de compagnie et son nouveau complice, Marc Vandoosler, un médiéviste désargenté qui occupe une vieille baraque avec deux autres historiens, Mathias et Lucien, et son oncle Armand, un ancien flic (cf. Debout les morts), également une vieille connaissance de l'Allemand.
Et de nouveau, nos deux compères, friands d'intrigues alambiquées, se perdent en contemplations et autres conclusions aléatoires parmi des locaux revêches ou excessivement conviviaux, qui tenteraient de masquer un crime parfait derrière des bavardages futiles, des passions sordides ou des discussions embrumées dans les vapeurs de l'alcool.
Kehlweiler et Marc sont attentifs aux moindres détails, surveillant les habitudes ambiantes, écoutant les potins, rencontrant les figures de proue, sympathisant avec l'ennemi et réveillant parfois la flamme éteinte d'un premier béguin. 

C'est encore une fois une lecture peu coutumière du genre policier, Fred Vargas y trempe un orteil en brandissant les flonflons, les mystères, les crimes et les soifs de vengeance mais procède à une exécution atypique pour livrer son histoire, qui nous régale par sa dose d'excentricités, sa plume facétieuse et ses personnages insolites. 
Après des débuts lents et précautionneux, l'enquête amorce un virage plus complaisant pour retrouver cette atmosphère si caractéristique de l'auteur. Du charme, de la folie douce, de la finesse, de l'humour et de la subtilité font de cette lecture un rendez-vous excitant. Rien n'est laissé au hasard et, contrairement aux apparences, pas si banal ou pantouflard. Même le dénouement parvient à nous surprendre en nous cueillant là où on ne s'y attend pas. 

Très bonne lecture audio proposée par Philippe Allard, dont il s'agit du troisième enregistrement des ouvrages de Fred Vargas. Son interprétation est impeccable, pleine d'humour et de vivacité, respectant ainsi le registre de l'auteur avec brio, pour une écoute pertinente et très agréable. 

Audiolib, Juin 2016 - Lu par Philippe Allard (durée : 7h32)

 

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18/04/16

Debout les morts, de Fred Vargas

DEBOUT LES MORTS

L'ancienne cantatrice Sophia Siméonidis se réveille un matin et découvre dans son jardin un hêtre planté sous sa fenêtre. Un signe de mauvais augure, selon elle. Après avoir longuement observé ses nouveaux voisins prendre leurs quartiers dans la Baraque pourrie, elle se présente à eux pour les embaucher dans une délicate mission : déterrer l'arbre et fouiller ses racines. Marc, Mathias et Lucien obéissent aux caprices de la dame mais font chou blanc. La graine est cependant plantée dans l'esprit de nos historiens, grands amateurs des explorations de tous genres, et lorsque Sophia disparaît de la circulation, leurs trois cœurs battent à l'unisson, noués par l'inquiétude et l'angoisse. Le Parrain prend alors les commandes de l'enquête. Armand Vandoosler, un vieux flic à la retraite, s'ennuie dans son grenier et va canaliser l'énergie papillonnante de nos trois zozos pour tirer au clair le mystère de l'arbre et de la cantatrice évanouie. C'est lui aussi qui leur donne le surnom des Évangélistes (Marc, Matthieu, Luc), « une fantaisie vaniteuse et puérile », qui va leur coller à la peau.

La conduite de l'intrigue est en soi originale et insolite, stimulée par l'humour cabotin des personnages, leur excentricité et celle de l'énigme. Nos historiens fauchés vont fouiller, supputer, comploter, rallier les fronts d'Est en Ouest et dépenser leur énergie à résoudre ce casse-tête. La lecture est également agréable à écouter, grâce à Philippe Allard et sa voix de jeunot, qui correspond bien au caractère des Évangélistes. Le comédien module son intonation suivant les personnalités et ajuste le dosage parfait pour les rôles féminins (on ne soupçonne pas l'effet rédhibitoire d'une interprétation travestie trop poussée). Cette première rencontre au sommet appelle de prochaines retrouvailles, avec la parution en juin, chez Audiolib, du roman Un peu plus loin sur la droite.  

Texte lu par Philippe Allard (durée : 8h) pour Audiolib, Avril 2016

21/03/16

Ceux qui vont mourir te saluent, de Fred Vargas

Ceux qui vont mourir

Cet épisode introduit les singuliers personnages de Claude, Tibère et Néron, trois éternels étudiants affublés des noms d'empereurs romains. Installés dans la capitale italienne, nos trois amis promènent leur nonchalance et vivent dans l'attente de chaque visite de la fascinante Laura Valhubert, la jeune épouse du père de Claude. Et pourtant, un soir, tout dérape. Henri Valhubert est retrouvé assassiné devant le palais Farnèse. Nos comparses sont effondrés mais s'inscrivent d'office sur la liste des suspects, aux côtés de la veuve et sa fille Gabriella. Dépêché sur place, à la demande du ministre d'État, Richard Valence ne cache pas son amertume et sa grande perplexité face à cette affaire, laquelle fait exploser d'autres vérités peu avouables, entre trafics d'œuvres d'art et secrets d'alcôve. Pour leur première apparition sous la plume de Fred Vargas, Claude, Tibère et Néron font profil bas mais parviennent difficilement à masquer leur folle excentricité, leur érudition et leur remarquable personnalité. J'avoue avoir été séduite par ce triumvirat hors du commun. L'histoire, ensuite, nous balade dans les rues de Rome autour d'une intrigue criminelle pas franchement nébuleuse et au dénouement sans esbroufe. Mais tout l'art de Fred Vargas réside dans son ambiance, ses personnages et cet ensemble jubilatoire. Le roman s'inscrit néanmoins dans la grande tradition du roman noir, avec ce supplément d'âme qui n'appartient qu'à l'auteur. Audiolib continue d'ailleurs de combler les fans et a prévu d'éditer deux autres titres en avril (Debout des morts) et juin (Un peu plus loin sur la droite) pour prolonger le plaisir. Je m'en réjouis d'avance ! ;-)

Audiolib / Février 2016 ♦ Texte lu par Philippe Allard (durée : 5h 20)

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06/09/14

Trois mille chevaux vapeur, d'Antonin Varenne

Trois mille chevaux vapeur

Après une mission désastreuse en Birmanie, le sergent Arthur Bowman s'est réfugié à Londres, devenu alcoolique et opiomane, il traîne dans des bouges infâmes. Mais l'homme se voit accusé d'un crime et clame son innocence, sauf que les tortures subies par la victime lui rappellent étrangement son expérience cauchemardesque dans la jungle birmane. Pétri de doutes, il décide de retrouver tous ses compagnons d'infortune pour démasquer parmi eux le véritable coupable. Commence alors un (interminable) périple qui conduira notre héros taciturne jusqu'au fin fond de l'Amérique, dans la Sierra Nevada, lui faisant croiser au passage d'autres âmes dévastées et maudites.

Le décor est planté, et quelle lecture ! L'écoute audio, en 19 heures, a bien failli ébranler ma patience tendue à l'extrême. Car ce roman ambitieux fascine, autant qu'il effraie son lecteur. En majeure partie, je l'ai trouvé très bon, entraînant, écrit sans complaisance, porté par un personnage central charismatique, un type bourru et brisé par les nombreuses désillusions. L'histoire prend vite la tournure d'un western, dévoilant des décors magnifiques, authentiques et bruts. De plus, l'auteur ne triche pas, c'est âpre, sans état d'âme. Un emballage peaufiné, pour une histoire sombre et amère.

Et pourtant, quel sacerdoce ! De longues descriptions, un récit qui s'enlise... les 19 heures d'écoute représentent une rude épreuve. Pas dans le sens où l'interprétation de Philippe Allard est décevante, ou pénible, ou loupée, c'est simplement une question de dosage. Pour ce livre, c'était trop lourd et accablant. Néanmoins, pour qui aime les récits épiques aux multiples péripéties, la trouvaille est parfaite ! 

Audiolib, mai 2014 ♦ texte intégral lu par Philippe Allard (durée : 19h 05) ♦ suivi d'un entretien avec l'auteur ♦ en format papier : Albin Michel 

28/02/14

L'anneau de Moebius, par Franck Thilliez

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J'ai réalisé, un peu tardivement, que j'avais DÉJÀ lu cette histoire, sauf qu'il ne m'en était resté que de très vagues souvenirs ! Pour ma défense, il faut reconnaître que l'histoire s'appuie sur un scénario invraisemblable, à propos de théories insensées sur les voyages spatio-temporels, mais surtout concernant des rêves, qui seraient à la fois des visions et des prémonitions. Un synopsis digne d'un épisode de la Quatrième dimension. ♥

Stéphane Kismet fait donc des cauchemars où il se voit traqué par la police, accusé d'un crime sur une petite fille. Comprenant qu'il peut peut-être changer le cours de son destin, il se lance sur la piste de son futur hypothétique. En parallèle, Victor Marchal, qui débute dans la PJ, est confronté à sa première enquête ardue : un tueur en série, des scènes de crime insurmontables, des victimes à la pelle, tout ça grouillant dans un milieu abject et sordide.

Chassé-croisé infernal, canevas serré et impitoyable, le roman est épuisant à suivre, mais aussi absolument bluffant. On s'y perd un peu, c'est sûr, mais le rythme vif du récit nous rend tout bonnement accro. Je suis sortie de cette lecture complètement éreintée, et honteuse de ma fascination morbide. Quelque part, ce livre m'a fait penser à la série de films - Destination finale - dans lesquels les personnages se débattent pour contrer leur destin, auquel ils ne pourront JAMAIS y échapper. C'est flippant, flippant, flippant.

Ce cher monsieur Thilliez se donne à coeur joie dans la description de scènes nauséeuses, de quoi heurter la sensibilité des lecteurs, je constate surtout que c'est de plus en plus une marque de fabrique chez nos auteurs français (Maxime Chattam, Karine Giebel...). Dans l'entretien accordé à l'équipe d'Audiolib, Franck Thilliez explique que c'est probablement dû à l'influence des films comme Seven ou Le silence des agneaux. En clair, nous appartenons à une génération marquée au fer rouge, en quête d'émotions fortes, et qui pousse à bout cet attrait pour l'inexplicable. Tant pis, j'assume. ;o)

Audiolib, février 2009 - texte intégral lu par Philippe Allard (durée : 13h 30) / ** merci Bladelor pour le prêt ! ** / en format poche chez Pocket, janvier 2011 pour la présente édition

Note sur l'Audiolib : L'interprétation toute en tension de Philippe Allard accompagne l'auditeur dans cette vertigineuse plongée dans un temps devenu réversible. Suivi d'un entretien exclusif avec l'auteur.

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27/02/14

Une vérité si délicate, par John le Carré

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Je vous propose une petite partie de poker menteur, avec John le Carré en guise d'arbitre et de maître d'oeuvre. Au centre, nous avons une opération secrète, à Gibraltar, en 2008, avec pour intervenants : des militaires anglais, une poignée de mercenaires, des diplomates, des secrétaires d'état, des conseillers américains et des terroristes potentiels... Bref, vous malaxez tout ça et vous obtenez une affaire qui se finit en eau-de-boudin, autour de laquelle il est formellement interdit d'extrapoler.

Vous vous dites, vous n'avez pas tout compris, et c'est normal. Cette histoire n'est pas très nette, officiellement elle n'a jamais existé, les curieux ont été écartés, les plus naïfs manipulés corps et âme. Sauf qu'elle n'a pas fini de hanter les uns et les autres, trois ans plus tard, elle vient même tenter un jeune secrétaire aux dents longues, désireux de percer ce mystère à jour, de brusquer les conventions, de fouiller les dossiers, de rencontrer les témoins, d'obtenir des aveux, de risquer sa peau, de voir son existence sombrer dans un chaos indescriptible.

Tout ça, tout ça, vous dis-je. N'attendez surtout pas à avoir le tournis pour autant, l'enquête en cours est assez lente, sans grande action, puisqu'on suit le mouvement imposé par l'auteur, à savoir un assemblage pointilleux de tous les acteurs, témoignages et autres révélations de cette affaire. Car l'intrigue est nébuleuse, inquiétante et stressante à souhait, avec la petite pointe d'humour british en sus, c'est toujours appréciable.

Il s'agissait du premier livre de John le Carré que je découvrais, et j'en sors totalement conquise par son style faussement pompeux et démodé, qu'on retrouve aussi chez des auteurs comme Ruth Rendell, P.D. James ou plus récemment Robert Galbraith. Classique et traditionnel, mais délicieusement guindé, un poil caustique, pesant, ahurissant (le microcosme politique tel qu'on l'imagine... pourri jusqu'au trognon !). La fin, par contre, laisse perplexe... 

Réussite totale quant à l'adaptation Audiolib, qui livre une lecture subtile, admirablement maîtrisée pour cette histoire ô combien tirée par les cheveux. Philippe Allard “passe avec brio du récit haletant au registre intime des débats qui déchirent chaque personnage de ce roman sans concession”. On sort de là satisfait. Tout bonnement.

Audiolib, décembre 2013 - texte intégral lu par Philippe Allard (durée d'écoute : 11h 23) - traduit par Isabelle Perrin pour les éditions Seuil.

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