L'île aux mensonges, par Frances Hardinge
J'ai tout aimé dans ce roman : son atmosphère, son écriture et son histoire hors du commun. Je peux comprendre que certains n'y adhèrent pas du tout car c'est l'exemple typique d'une lecture qui exerce ce pouvoir d'attraction dès les premières pages et auquel tu ne peux résister ou qui te semble complètement indéchiffrable. En bref, c'est instinctif. Pour ma part, j'ai totalement succombé.
L'histoire se déroule au cours d'une saison froide et pluvieuse de l'année 1860. Avant que le scandale éclabousse sa famille, le révérend Erasmus Sunderly (célèbre naturaliste de son époque) décide de s'exiler sur une petite île aux larges des côtes anglaises. Il a été invité à rejoindre des fouilles que des notables de Vane ont entreprises. Malheureusement l'accueil promis est aussi cinglant qu'une gifle. Et très vite les Sunderly comprennent que les rumeurs d'escroquerie ont déjà traversé les mers et percuté les insulaires. La jeune Faith est sensible à cette disgrâce et veut soutenir son père coûte que coûte. Seulement, ce dernier se renferme dans son atelier et ses petits secrets. Il claque la porte et se montre intraitable. Les domestiques ont tôt fait d'alimenter sa sombre réputation. C'est pourquoi le drame survient et ne nous surprend guère !
La lecture est un mélange de thriller et de conte fantastique. On accompagne l'héroïne dans sa quête de la vérité mais on parcourt aussi une terre foulée par les duperies. Ambiance très XIXe siècle et frémissements scientifiques. On explore un monde parfois archaïque et dépeint avec exactitude. L'hostilité envers les femmes ou l'inconnu est flagrante. On avance souvent à tâtons ou comme dans un brouillard. En fait, c'est tout ce qui me fascine - ambiance brumeuse et impénétrable dans un milieu clos et pas très glamour. L'intrigue également m'a convaincue. Oui, oui j'ai été conquise. Totalement. ♥
Gallimard Jeunesse (2017) - Traduit par Philippe Giraudon
⭐⭐⭐⭐
L'Héritier de l'Arc-en-ciel (Shikanoko #4), de Lian Hearn
Rappel des tomes précédents : L'Enfant du Cerf ; La Princesse de l'Automne et L'Empereur Invisible
Dans cet épisode, les derniers pions vont trouver leur place sur l'échiquier. L'heure des retrouvailles va donc sonner entre les amis et ennemis d'hier. En tête, Shikanoko est un personnage brisé mais porté par un destin incroyable. Jamais il ne reculera devant ses responsabilités et acceptera son sort avec dignité. D'autres vont également se distinguer... en bien, en mal. De toute façon, il règne une ambiance particulière dans ce roman. Comme un souffle d'espoir et de nostalgie qui chante sur les dernières pages.
Et pourtant, les sacrifices ne manquent pas. Lian Hearn a un certain penchant pour les amours impossibles et brode son histoire en mettant l'accent sur les drames... Mais c'est tout à fait supportable car très lyrique et riche en émotions. D'ailleurs une belle surprise finale vous attend car cette série introduit délicatement un autre monument littéraire (Le clan des Otori).
Gallimard jeunesse (2017)
Traduction de Philippe Giraudon
Le ciel est plus menaçant que jamais, laissant planer sur l'Empire des Huit Îles l'ombre de la mort... Les esprits jouent une dernière partie de go. Les pièces de l'échiquier tombent une à une tandis que l'étau se resserre sur chacun des personnages confronté à son destin. Shikanoko choisit alors de livrer son ultime combat pour la justice.
Un final flamboyant porté par une écriture captivante. Lian Hearn déploie un univers plein de magie, de dangers et de beauté pour clore la magnifique épopée qui annonce le Clan des Otori.
⭐⭐⭐⭐
L'Empereur Invisible (Shikanoko #3), de Lian Hearn
... de l'eau a coulé sous les ponts depuis le début de ma lecture & découverte de cette série ! Cela a été difficile de se remettre dans le bain. #staystrong
Suite à La Princesse de l'Automne, Shikanoko s'est éloigné du monde terrestre pour absorber son chagrin. Ses enfants démons ont été contraints de s'assumer seuls et vont peu à peu se tourner vers la magie la plus sombre. Il règne toujours un mystère autour du fils de l'empereur, caché désormais parmi des saltimbanques, mais seule Hina a connaissance de son identité. L'amie d'enfance de Shikanoko a été recueillie par une courtisane qui soigne son éducation pour faire d'elle son joyau sur ses bateaux de maisons de plaisir.
La destinée des uns et des autres est vraiment poignante et dramatique. Mais malgré des revers difficiles, les personnages font toujours preuve de noblesse. C'est aussi grâce à la plume de Lian Hearn, poétique et raffinée, que la lecture ne perd ni en intensité ni en beauté.
Vraiment super !
Gallimard jeunesse (2016)
Traduction de Philippe Giraudon
La saga épique de Lian Hearn se poursuit, puissante, envoûtante : dans ce nouveau récit, les pièces maîtresse de l'échiqiuer se mettent en place. Les sombres intrigues de pouvoir menacent plus que jamais de tarir la source claire des sentiments.
⭐⭐⭐⭐
La Princesse de l'Automne (Shikanoko #2), de Lian Hearn
Aux sources du «Clan des Otoris»... Le deuxième livre de la nouvelle épopée fantastique de Lian Hearn.
Cette suite à L'enfant du Cerf est sans temps mort (un petit résumé ouvre le livre pour ceux qui ont la mémoire qui flanche). On retrouve donc Shikanoko en mauvaise posture : seul et abandonné dans la forêt. Il retrouvera néanmoins son vieux sorcier et la belle enchanteresse dont il recevra en mission la charge de son étrange progéniture.
Mais tout est lié. On se souvient d'une prémonition selon laquelle Shikanoko devait tuer les jeunes démons. Trop tard, le destin est enclenché. La Princesse de l'Automne a également scellé son sort : elle devait escorter le fils de l'empereur vers une cachette sûre, et puis son chemin a croisé celui de Shikanoko.
Les deux clans ennemis sont en guerre, les espions grouillent, les traîtres vont et viennent, les secrets sont dévoilés, les esprits rôdent et la vengeance s'arme de patience pour s'abattre sans pitié. C'est une lecture qui n'en finit pas de nous surprendre et de nous enchaîner à sa narration hypnotique et captivante.
Avec toujours le cœur battant la chamade et les yeux écarquillés de stupéfaction !
On passe à la suite sans attendre : L'Empereur Invisible
Gallimard jeunesse (2017) - traduit par Philippe Giraudon // Superbe couverture, illustrée par : Yuko Shimizu
⭐⭐⭐⭐
L'Enfant du Cerf (Shikanoko, #1) par Lian Hearn
C'est encore une immersion hallucinante que nous propose Lian Hean à travers cette série (en quatre tomes) qui s'inspire des grandes épopées guerrières du Japon médiéval. Comme souvent avec les romans japonais, les noms des personnages me freinent un peu pour me sentir à l'aise et naviguer à l'aveugle. J'ai besoin de temps pour m'acclimater et mémoriser la distribution.
Nous suivons donc le jeune Kazumaru, orphelin de père, condamné par son oncle, abandonné en pleine montagne où il rencontre un sorcier et reçoit un masque de cerf au pouvoir remarquable. Désormais Shikanoko (son nom adulte) voyage en compagnie d'un vieux sage et d'une belle enchanteresse qui fera tourner les sens du seigneur Kiyoyori. Lorsque son fils, le jeune Tsumaru, est enlevé, l'homme n'a plus trop le choix que de se rendre chez le prince abbé pour prêter allégeance. Une conspiration contre l'empereur gronde, mais Kiyoyori reste fidèle à ses valeurs.
Humm... en fait, c'est pratiquement mission impossible de présenter cet ouvrage car l'intrigue est nouée de mille nœuds qui cadenassent le plan de façon remarquable. Plus on progresse dans la lecture, plus les liens nous apparaissent et nous ébranlent.
Car c'est une sempiternelle histoire de pouvoir, de vengeance, d'amour et de jalousie. Une histoire avec des accents fantastiques car les bois sont hantés par des esprits, les personnages sont possédés et la magie circule dans l'air. C'est assez sombre aussi car les ambitions - et les passions - sont dévorantes. Je ne vous raconte pas la fin, mais j'étais sous le choc !
Impossible de ne pas ouvrir La Princesse de l'Autumne dans la foulée.
Gallimard jeunesse, 2017
Couverture illustrée par : Yuko Shimizu
Traduit (anglais) par : Philippe Giraudon
Lian Hearn dévoile dans ce «prequel» les origines mythiques du «Clan des Otori». Elle nous plonge dans un monde envoûtant où se mêlent les aventures de samouraïs traditionnelles et une dimension surnaturelle d'une grande originalité.
⭐⭐⭐⭐
La Voix des Ombres, de Frances Hardinge
Une atmosphère à part, une écriture envoûtante, un rythme assez lent, une intrigue complexe... Beaucoup de points positifs, et pourtant cette lecture aura également suscité doute et interrogation.
L'histoire se déroule dans l'Angleterre du XVIIe siècle, sous Charles Ier. Makepeace est une petite fille qui fait chaque nuit des cauchemars. Elle voit des fantômes, des monstres... bref. Sa mère la pousse à lutter contre ses crises et à tirer un trait sur leur passé. En effet, elle doit tout ignorer de son père et ne jamais envisager de le retrouver. Au décès de sa mère, Makepeace est malgré tout expédiée dans sa famille paternelle. Nouveau monde, nouvelle vie. Ce qui l'attend risque fort d'exacerber ses angoisses et ses terreurs... mais ne nous hâtons pas.
Car vraiment l'histoire s'inscrit lentement pour décrire son univers - tout semble si étrange et glaçant. Le charme opère, doucement, difficilement, et le début est laborieux. J'aime bien, j'aime pas. Nous sommes loin de la petite promenade insouciante dans la forêt enchantée... bien loin de là. J'avais toutefois envie de connaître la suite car une aura incroyable se dégage du livre. Invisible mais palpable. Avec tout plein de mystères, de zones d'ombre, de complots, de guerres, de trahisons, de personnages malveillants, avec des histoires de possession, de malédiction et des secrets. C'est indescriptible mais grandiose.
Preuve que le charme opérait : cela ne me déplaisait pas de m'installer dans un coin pour replonger dans mon gros bouquin de 500 pages. J'y trouvais même une forme d'excitation et d'impatience. C'est là aussi le pouvoir ensorcelant du roman ! Un drôle de phénomène qui inspire des sentiments confus et contradictoires... mais jamais, non jamais négatifs.
Gallimard Jeunesse (2019) - Traduit (anglais) par Philippe Giraudon
Illustrateur de couverture : Aitch
Le clan des Otori, de Lian Hearn
édition spéciale, incluant les trois premiers volumes de la saga !
Ce volume contient :
Livre I - Le Silence du Rossignol
Livre II - Les Neiges de l'exil
Livre III - La Clarté de la lune
Tomasu vit dans les montagnes avec sa famille et échappe in extremis au massacre des troupes du clan des Tohan. Il doit sa survie à un voyageur solitaire, un certain Shigeru du clan des Otori, qui l'embarque avec lui. Le garçon doit désormais s'appeler Takeo et devient son fils spirituel. Mais Shigeru est contraint de sceller une alliance avec les Tohan, qui retiennent en otage la très belle Kaede, porteuse d'une malédiction (ses fiancés meurent les uns après les autres). En l'épousant, Shigeru fragilise sa position et celle de son clan, déjà secoué par des conflits internes.
“Le Clan des Otori” est une saga follement romanesque, dont la trame ne cesse de nous captiver du début à la fin ! Elle nous transporte au cœur d'un Japon médiéval flamboyant, avec ses traditions et ses légendes, où les notions d'honneur sont souvent bafouées par la folie des hommes. La lecture réserve son lot d'action, d'amour, de drames, de trahison, mais aussi de destinées bouleversantes et bouleversées, avec une multitude de personnages (et un memento fort appréciable, à la fin, pour s'y retrouver dans les clans, les familles et les liens entre tous).
C'est donc une fresque fabuleuse et enchanteresse, qui figure parmi mes incontournables et mes valeurs sûres ! Cette belle édition réunissant les trois premiers volets paraît opportunément pour les fêtes... et quel cadeau magnifique !
Gallimard jeunesse, novembre 2014 ♦ traduit par Philippe Giraudon (Tales of the Otori)
Le Clan des Otori : Les Neiges de l'exil & La Clarté de la lune, par Lian Hearn
*** spoilers, spoilers, spoilers ***
Eh oui, j'ai enfin lu la suite ! ;o) Alors je fais un topo rapide.
Dans le 2ème tome, Takeo et Kaede sont séparés : lui a rejoint la Tribu pour renouer avec ses racines, sans grand enthousiasme non plus, il se sent davantage l'héritier spirituel de Shigeru du clan des Otori mais a conclu un pacte et doit désormais s'acquitter de sa part du contrat, la famille Kikuta va lui mener la vie impossible en représailles. De son côté, Kaede part retrouver sa famille dont elle avait été séparée depuis des années, des retrouvailles qui ne s'annoncent pas follement grisantes non plus, car de nouvelles alliances sont déjà mijotées dans l'ombre. Pour notre beauté éplorée d'avoir été séparée de son amant, les épreuves n'ont pas fini de jalonner son chemin.
Surprise ! le troisième tome voit notre couple réuni ... et marié ! Ils ont bravé tous les interdits et excité la colère des uns et des autres. Sire Araï est sur le pied de guerre, il veut la tête de Takeo et déclare haut et fort le mariage nul et non avenu. Le garçon affiche ses ambitions et cherche à étendre son pouvoir, mais pour apporter la paix sur les Trois Pays. Il est guidé par une prophétie, « quatre victoires et une défaite », se sent galvanisé, même s'il garde au fond de lui l'annonce de sa mort « de la main de son fils ».
Et puis, rebelote, notre couple est séparé, déchiré, confronté à des événements douloureux. Kaede fait montre d'incohérence en se jetant dans la gueule du loup, Takeo est acculé, meurtri, résigné. Un piège diabolique se referme sur nos amants maudits, à ce stade, n'en doutez plus, on tourne les pages du livre à toute vitesse. Même les personnages secondaires nous interpellent, avec leurs propres drames, comme Shizuka, l'ancienne dame de compagnie de Kaede, ou Yuki, belle et rebelle, folle amoureuse de Takeo.
Cette saga se boucle avec panache, la lecture n'aura eu de cesse d'être palpitante, avec de l'action, de l'amour, des drames, de la trahison, des destinées bouleversantes et bouleversées, des personnages multiples (heureusement, il existe un memento à la fin des livres pour se repérer, parfois les noms japonais nous embrouillent...).
Cette série est indiscutablement à la hauteur de toutes les louanges qui l'entourent. Elle permet de voyager, rêver, trembler, soupirer, c'est magique ! Je vais finalement lire les deux autres livres qui se sont greffés à la trilogie. Comme une envie de ne pas quitter cet univers trop tôt...
Folio, juillet 2004 (pour le tome 2) et octobre 2005 (pour le tome 3) - traduit par Philippe Giraudon pour les éditions Gallimard jeunesse
Le Clan des Otori, tome 1 : Le Silence du rossignol, par Lian Hearn
J'avais entamé la série en 2008, mais j'avais négligé de la terminer. À force de remettre à plus tard, j'ai fatalement tout oublié des nœuds de l'intrigue, en plus des noms et des clans à retenir, des lieux, des enjeux, des drames, des trahisons. Bref, je n'avais plus d'autre choix que de m'y replonger et d'avaler cul-sec !
L'histoire : Tomasu vit dans les montagnes avec sa famille et échappe in extremis au massacre orchestré par les troupes de sire Iida, chef du clan des Tohan. C'est un voyageur solitaire, un certain Shigeru du clan des Otori, qui lui sauve la mise et l'embarque avec lui. Le garçon doit désormais s'appeler Takeo et devient le fils spirituel de Shigeru.
Ce dernier est contraint de sceller une alliance avec les Tohan - argh - en acceptant d'épouser la très belle Kaede, une héritière des pays de l'Ouest, retenue en otage par le seigneur ennemi. La jeune fille, porteuse d'une malédiction, est instrumentalisée pour fragiliser Shigeru et son clan, lequel semble déjà affaibli par des guerres internes qui font rage.
De toute manière, toute l'intrigue n'est qu'un vaste complot visant à éliminer les uns et les autres, à semer le chaos, à brouiller les cartes. Même le jeune Takeo devient un pion au centre de ce grand échiquier, lui dont les origines apparaissent sous un jour nouveau, faisant craindre les plus endurcis et distiller de la duplicité chez les plus fidèles.
Ce début de saga est absolument romanesque, bouleversant et palpitant ! J'ai été totalement emballée par cette épopée, au cœur d'un Japon médiéval flamboyant, avec ses traditions et ses légendes, mais surtout ses notions d'honneur souvent bafouées par la folie des hommes.
Folio, septembre 2003 - traduit par Philippe Giraudon pour les éditions Gallimard jeunesse