Provoque Moi (Insaisissable #5) de Tahereh Mafi
Cette nouvelle saison est, sans conteste, différente des premiers tomes de la série et pourtant elle vient compléter l'histoire en fournissant des détails inattendus (mais cohérents). Dans ce cinquième tome, l'action est quasi inexistante, ou se diffuse plus sournoisement, du fait de la situation des personnages.
Spoiler alert. Suite au carnage survenu lors du symposium, les rebelles voient leur position menacer. Juliette a disparu, Warner aussi. Kenji et ses camarades doivent bouger du Secteur 45 et songer à une contre-attaque, malgré l'absence de leurs leaders.
Loin, très loin de là, Juliette est entre les mains de ses tortionnaires. Sa mémoire est en vrac, ses souvenirs refluent, la folie guette. Brutalement, tout lui revient : sa famille, ses liens avec Warner, son rôle dans le Rétablissement. Accrochez-vous. Ce sont aussi des révélations qui vont éclairer beaucoup de choses !
Entre souvenirs d'enfance et premières rencontres, retrouvailles et évidences, chaque déclaration n'en est que plus bouleversante. De son côté, Warner aussi croupit dans une cellule. Empoisonné. Amaigri. Blessé. Il refuse néanmoins de s'apitoyer sur son sort et garde espoir de sauver Juliette. Moins sûr quand les fantômes resurgissent en braquant une arme, bras ouverts pour une accolade. Quel enfer.
De par cette configuration, les instants partagés entre Warner, Juliette et Kenji sont rares. Nous avons dans ce roman trois voix, trois parcours, trois visions d'une intrigue qui rend compte d'un engrenage implacable. Un passé poignant. Un présent foutu. Un avenir tellement incertain. Et au final, les dernières pages précipitent les personnages vers une issue (bizarrement) apaisante. Comme une pause dans le temps. Hmm.
L'ambiance de la saga s'est métamophosée ! Tahereh Mafi se concentre sur la tension psychologique, le drame romantique, les manipulations scientifiques, les personnages à fleur de peau. Sa plume lyrique fait le reste. C'est prodigieux ! On découvre cette lecture pour toutes ces raisons, moins pour l'attrait de l'adrénaline et d'un univers renversant. Évidemment, j'aime beaucoup.
Éditions Michel Lafon, 2019 - Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Philippe Mothe
“... it didn’t matter how many times he reset the story or remade the introductions— Aaron always fell in love with her. Every time.”
⭐⭐⭐⭐⭐
Love letters to the dead, par Ava Dellaira
« Je sais que May est morte. Je veux dire, j'en suis consciente mais j'ai l'impression que c'est pas pour de vrai. Qu'elle est toujours là, avec moi. Qu'une nuit, elle rentrera par la fenêtre après avoir fait le mur et me racontera ses aventures. Peut-être que si j'arrive à lui ressembler plus, je saurai mieux vivre sans elle. »
Laurel doit rendre un devoir d'anglais consistant à rédiger une lettre au mort de son choix. De Kurt Cobain à Judy Garland, River Phoenix ou Amelia Earhart, Janis Joplin et Amy Winehouse, l'adolescente mixte entre l'admiration qu'ils lui inspirent et son histoire personnelle. Sa sœur aînée vient de mourir, sa famille a volé en éclat mais elle n'est pas prête pour en parler. Secrète et pudique, elle a donc choisi un lycée où personne n'a eu vent de la tragédie, elle passe son temps à raser les murs et rêve de loin d'un garçon mystérieux (Sky). Seules ses lettres lui permettent d'évacuer son trop-plein d'émotion, de raconter son année dans ce lycée loin de chez elle, avec ses rencontres, ses nouvelles amitiés, ses découvertes musicales, sa première histoire d'amour, et insidieusement le drame de sa vie, la cause du décès de sa sœur. La lumineuse et éblouissante May, qui faisait la joie de ses parents, qui était toujours très entourée, aimée par tous, avec une forte personnalité, indépendante et frondeuse. Laurel n'a eu de cesse de se sous-estimer et tente de faire son deuil en se glissant dans la peau de sa sœur, en revêtant ses toilettes ♪♫the lady in red♫♪, et en imaginant ainsi absorber toute son aura pour se rendre plus importante aux yeux des autres ! J'ai été un peu déçue par l'écriture (ou la traduction) de ce roman, généreusement comparé à celui de Jandy Nelson, mais il est nettement moins bon et ne m'a pas touchée de la même façon. L'histoire n'est pas inintéressante, elle aurait pu être bouleversante mais je n'ai pas eu le déclic. Par contre, pour l'amatrice de musique que je suis, certains passages sont du petit lait à boire. Dommage pour le reste. Cette promesse de lecture n'a pas été à la hauteur des attentes initiales...
Michel Lafon, mai 2014 ♦ traduit par Philippe Mothe