La plus belle de toutes, de Rachel Corenblit
LPBDT revient pour sa deuxième saison avec six nouvelles candidates en quête de gloire, de fortune et de célébrité ! Elles ont seize ans et signé un contrat en béton, dans lequel elles s'engagent à partager six jours et cinq nuits dans un Palace, sous les yeux des caméras, jouant le jeu de la production avide de séquences fortes. Pas de place pour les états d'âme. Le public réclame des larmes, du buzz et du glamour. Que le show commence !
Sous le vernis artificiel, au-delà des portraits figés sur papier glacé, se dévoilent finalement des personnalités beaucoup moins anecdotiques et superficielles. Ainsi, nos six prétendantes - Eloane, Juliette, Barbara, Sacha, Kamélia et Shannon - vont prouver qu'elles ne sont pas de simples étiquettes, et encore moins des marionnettes entre les mains d'un système perfide et malsain.
Le procès n'est pas nouveau et Rachel Corenblit livre une analyse caustique de la téléréalité dans ce roman cruel et amer (cf. le dénouement). La mise en scène est assez expéditive - on assiste à peu de coups bas entre ados aux dents longues. Celles-ci vont au contraire s'entraider et faire capoter les plans du programme. On s'attend alors à une dénonciation dans les règles de l'art, et bim ! l'orchestration finale est verrouillée par les mains habiles d'une animatrice mégalo et rancunière.
La couverture est géniale, l'idée prometteuse et insolite. Cette lecture rappelle qu'au-delà du strass et des paillettes - « La télé est plus forte que tout. L'amitié, l'amour. Même la possibilité de se révolter n'existe plus. Tout est faux. » - amen. ☺
doAdo aux éditions du rouergue (2018)
Encore plus de bonheur, de Rachel Corenblit
Nouvelle saison pour l'héroïne de Que du bonheur ! dans laquelle Angela est décidée à tout déchirer et se défaire de son image de boulet du lycée.
Donc, maintenue en seconde après des résultats très moyens l'an passé, l'adolescente prend de haut ses camarades qu'elle juge mal dégrossis, en particulier ce Félix Arthaud immédiatement classé parmi les irrécupérables. De toute manière, Angela a d'autres priorités et encore le cœur brisé par ses précédents déboires.
Sur le plan familial, tout part en sucette - son père est partisan vegan, sa mère a viré sa cuti et son grand-père en Ariège casse sa pipe. Le monde s'effondre. Angela a tout juste eu un mois de répit avant de renouer avec les embrouilles.
Vis ma vie d'ado teigneuse et accablée de malchance ! Cest le programme du jour, à travers cette lecture réjouissante et débordante de pep's. Un rendez-vous léger et distrayant, sympa aussi dans la forme (mise en page façon journal, petits dessins rigolos). La formule est sans doute moins surprenante, mais le ton est toujours aussi mordant, plein de mauvaise foi et de dérision. On passe un vrai bon moment, sans prise de tête.
À suivre, j'espère...
éditions du Rouergue, coll. doAdo, 2017
Adieu croquettes ! / Adieu caresses ! de Rachel Corenblit
La collection Boomerang permet aux jeunes lecteurs de découvrir deux courts romans dans un même livre, deux histoires recto-verso à lire ensemble ou séparément dans un sens ou dans l'autre ! Dès 7 ans.
Que d'humour dans ce petit bouquin de 60 pages ! D'un côté, il est question de Pacha, un gros matou qui revendique sa lignée avec le tigre, d'où son besoin de rouler des mécaniques et d'impressionner les habitants du quartier en devenant ENFIN cette bête féroce et carnassière, crainte et respectée par tous. Notre matou tente donc plusieurs approches, auprès du facteur, du chien du voisin et de la fillette de la maison. Gnak gnak gnak... ça va saigner !
Autre profil d'histoire, voici Pipou, le gentil toutou d'Axel qui entend rappeler qu'il appartient à la famille des loups. Cherchez bien et comparez... Son profil sauvage et terrifiant est certes bien planqué sous sa frêle carrure de petit chien qu'on adore cajoler, mais il est temps que ça cesse et Pipou va leur montrer à tous de quoi il est capable ! Tremblez, braves gens.
Le ton des deux histoires est plein de dérision et cultive une ambiance électrique très habilement. On plonge tour à tour dans des récits ménageant judicieusement le suspense, avec une mise en scène rigoureuse, et un vocabulaire choisi exprès pour donner l'illusion d'une intrigue poignante, mystérieuse et redoutable. C'est très, très drôle. Un poil ironique. De plus, on frissonne, on vit l'histoire à fond et on attend le dénouement avec excitation. Une vraie réussite.
Rouergue jeunesse, coll. Boomerang, 2016
Que du bonheur ! de Rachel Corenblit
Mais quelle lecture jubilatoire que ce journal d'une adolescente de quinze ans, Angela Milhat, qui manie l'humour, le sarcasme et la dérision avec une dextérité époustouflante ! Eh oui. Pourtant, ce livre raconte la série de galères qui a jalonné son année, depuis la rentrée scolaire en septembre, où elle se casse le nez devant tout le monde, est évacuée en urgence par les pompiers, dégoulinante de sang, jusqu'à ses deux mois d'été, en Ariège puis au Camping de Palavas-les-Flots, où notre miss va enfin opter pour une philosophie de vie à sa convenance, « dans un monde pas vraiment parfait, pas vraiment à ma taille et à mes dimensions », une grande avancée pour une adolescente qui touchait le fond de la piscine, d'où elle ne souhaitait pas en déloger. Le résultat est drôle, mais franchement drôle à lire ! Angela dégaine vite, et bien. Elle évolue au sein d'une faune hostile - celle du lycée et de son univers impitoyable - où elle se prend sur le front l'étiquette de boulet boulotte (quinze kilos pris en six mois), car pour parer à son stress et ses angoisses, Angela a pris pour habitude de vider son frigo en chronométrant le temps que ça lui coûte (le plus vite possible). Elle va également se brouiller avec sa meilleure amie, encaisser le divorce de ses parents, récolter des mauvaises notes en classe et couler toujours plus profond dans cette existence qui lui échappe. Attention, pas d'apitoiement à bord ! Angela n'est pas hermétique aux coups durs, seulement elle préfère se draper dans un voile d'indifférence en société pour ensuite se lâcher par écrit dans son journal. Sa plume est aussi cinglante, ironique et acerbe que possible. Un pur régal. La lecture est décidément légère, distrayante et désopilante. A glisser dans son sac pour les vacances ! Incontournable. ☼♥
Rouergue, mai 2016
Maths à la petite semaine, par Rachel Corenblit et Cécile Bonbon
Ce weekend, on découvre une nouvelle série “à la petite semaine”, qui se présente sous la forme d'un cahier d'école et s'acharne à revisiter les matières scolaires avec drôlerie. On y découvre Léna, élève en primaire, mais pas forcément bonne élève, qui se pose plein de questions, en pose aux autres et interroge aussi le pourquoi et le comment de ce qu'on lui enseigne.
Léna ne comprend rien aux maths, mais il y a Yvon dans sa classe qui est un vrai génie des chiffres ! Yvon et elle se parlent et se croisent de plus en plus, au cours de cette semaine-là... Et si l'amour, comme les mathématiques, était un langage secret qu'il faut savoir déchiffrer ? Histoire d'amour naissante, sous l'angle des mathématiques... le parallèle entre les deux est pertinent et drôle ! (Lu plusieurs mois auparavant, j'avais adoré !) ♥
éditions du Rouergue, août 2013 ♦ existe aussi : Philo à la petite semaine
Pêle-mêle Clarabel #24
Enfin des nouveaux Zig Zag !
J'étais curieuse de lire le roman de Rachel Corenblit, Ceux qui n'aiment pas lire. Parce que c'est un fait tellement répandu, il ne faudrait pas l'oublier. Imaginez un groupe d'enfants - ceux du club qui n'aiment pas lire - qui lance leur propre révolution en mettant à sac la bibliothèque. Ce qu'ils revendiquent ? D'être libres de lire ou de ne pas lire. De lire seulement s'ils en ont envie et ce qu'ils désirent, pas ce qu'on leur dicte. C'est tellement vrai, le roman rappelle des paroles grinçantes - il faut lire des classiques pour être cultivé (au secours !) - et malheureuses qui s'échappent trop souvent des bouches des adultes. Les enfants n'en peuvent plus, ils se sentent transparents, il est temps d'agir et de faire réagir.
Globalement, ce roman n'apporte rien de neuf et c'est même une pitié de devoir toujours répéter l'un des messages qu'il véhicule, comme de devoir batailler contre de vieilles idées préconçues concernant la jeunesse et les livres... tout ça m'épuise. Alors, que retenir ? La couverture est flippante, mais ça fait partie de son charme. L'histoire est folle, complètement folle. Elle ne m'a, toutefois, pas complètement séduite. Cependant, j'espère de tout coeur que le message sera entendu - un enfant a le droit de ne pas aimer lire, ce n'est pas une honte. (Mais pas besoin de se livrer au vandalisme non plus !)
Ceux qui n'aiment pas lire - Rachel Corenblit
Illustrations de Julie Colombet
Rouergue, coll. Zig Zag (2011) - 6€
Petite bulle de fraîcheur avec le roman de Thomas Gornet ! J'ai beaucoup aimé l'histoire de Zouz, qui doit lutter contre sa surchage pondérale, comme l'a dit le docteur. Sa maman lui concocte donc un programme pour chaque mercredi en diversifiant les activités sportives ! L'angoisse. Zouz déteste le sport !
Chaque expérience est pour le lecteur un grand moment d'humour, mais attention, on ne se moque pas non plus ! On devine le calvaire de Zouz, on le partage, on compatit. Et sa mère qui s'entête et s'acharne à trouver LE sport qui lui conviendrait le mieux... c'est désolant pour le garçon. Or, Zouz ne cherche pas à susciter la pitié, il a un don pour l'auto-dérision qui force l'admiration. Et en même temps, il ne cache pas sa détresse. C'est sur cette belle ambiguité qu'il devra composer et tirer profit, en trouvant l'activité du mercredi où il s'épanouira ENFIN !
Ce petit roman est vraiment génial, il est drôle, un peu ironique (dans le bon sens) et donne franchement envie de connaître Zouz pour de vrai. J'ai également beaucoup aimé les illustrations de Clothilde Delacroix !
Mercredi c'est sport - Thomas Gornet
illustrations de Clothilde Delacroix
Rouergue, coll. Zig Zag (2011) - 6,50€
(démarrage en douceur)
C'est sur un grand éclat de rire que débute cette nouvelle année en lecture, grâce à Rachel Corenblit qui a osé glissé dans son histoire un zest de Cloclo et de Magnolia-forever. Le métier de papa est un roman qui s'adresse aux lecteurs débutants (et plus) et qui nous raconte le désarroi de Paolo dont le père est en prison. Chaque semaine, sa mère se rend au parloir mais l'enfant refuse de l'accompagner. Il est taciturne, il ignore pourquoi son père est enfermé mais il refuse d'en parler. A l'école, une copine va lui donner du pétillant dans le coeur en l'invitant à assister à un concert de son père. Avec son costume en toc, qui brille de mille feux, et sa perruque blonde brushinguée, le papa de Magnolia rend vie à Cloclo ! Aaah... Et de fil en aiguille, Paolo va retrouver le sourire et comprendre qu'il n'a jamais cessé d'aimer son père. C'est un texte réaliste mais pas déprimant, au contraire il est drôle et aussi léger qu'une bulle !
Bien entendu, c'est un titre de l'excellente collection ZigZag du Rouergue... Rachel Corenblit / illustrations de Nikol - 90 pages et 6 euros.
On ne quitte pas Rachel Corenblit puisqu'on la retrouve dans l'autre excellente collection doAdo Noir du Rouergue avec un roman flippant de la mort ! Un petit bout d'enfer raconte l'étrange parcours qui fera rencontrer une jeune fille de quatorze ans et un type d'une quarantaine d'années en pleine rupture sociale. Juliette a été punie par son père et doit passer un mois de vacances chez sa grand-mère dans un bled paumé. Elle profite d'un après-midi de courses pour se rendre au cinéma, ce jour-là son chemin croise celui d'un individu qui ne supporte ni le bruit, ni les mensonges, ni la trahison. Sous son manteau, il porte une arme et il n'hésitera pas à s'en servir. Kidnapping, cavale dans la forêt, fusillade sont attendus, en plus d'une tension horrible et haletante. C'est une lecture qui fait dresser les poils sur les bras, on lit ce court roman d'une traite, en prenant soin de respirer un bon coup après la dernière page tournée. Pfiou.
C'est le long soupir des arbres qui chantent la mort.Rachel Corenblit / 140 pages et 8 euros.
Retour en douceur grâce à ce délicieux roman d'Estelle Lépine (auteur de Demain l'année prochaine, seuil jeunesse), ou comment Hippo se perd au pays des émotions. E comme émotion est l'histoire peu banale d'un enfant décrit comme trop émotif - sensible, doué d'une imagination débordante, réceptif au monde extérieur, curieux des autres et de lui-même ? Hippo va dresser son propre dictionnaire des émotions, vu qu'il est sceptique quant à celui que possède sa famille. Les données sont trop formelles, trop évasives. Hippo est un garçon hors du commun, il comprend que les émotions entretiennent un lien étroit avec le corps. Son dictionnaire ressemble donc à un catalogue d'équations : Gaïa chuchote sur mon passage = mon coeur tombe dans mes baskets.
Ou bien : Mme Réda rend les dictées-surprises = mon coeur résonne dans ma poitrine + embouteillage de salive à l'entrée de la gorge.
Et enfin ce passage que j'aime beaucoup : Les émotions sont impitoyables, elles transforment tout sur leur passage.
Un coeur en gong.
Un bras en gourdin.
Une gorge en entonnoir.
Des jambes en purée.
Un front en radiateur.
Les émotions sont des sorcières.
Tellement malignes que personne ne s'aperçoit que ce sont elles qui jettent des sorts.
Avec ce livre, c'est aussi une gentille réflexion pleine de pertinence et sans prise de tête que le lecteur découvrira. Encore une fois, dans l'excellente collection ZigZag... cette collection est toujours riche en découvertes, son esthétique est repérable entre mille, car ce sont des livres tout en noir et blanc, et les illustrations sont en osmose avec le texte. Le catalogue est une mine d'auteurs tous plus talentueux les uns que les autres.
J'adore !
Estelle Lépine / illustrations de Maud Cressely - 120 pages et 7 euros.
... je jure que je n'ai pas pleuré !
« Mon western préféré s'appelle Vera Cruz. Il se passe dans une ville mexicaine. Ses deux personnages principaux sont à la fois amis et ennemis. Un cow-boy honnête et courageux. Et un bandit sympathique à la gâchette facile. A la fin, tous les deux, ils s'affrontent en duel.
Ce n'est pas le Mexique et il n'y a pas de bandits dans la cour de notre école, mais j'ai repensé à Vera Cruz quand Manu est sorti de la cantine en vociférant dans mes oreilles :
- Je vais tellement te défigurer que tu ne te reconnaîtras même pas dans un miroir !
J'ai tiré une réplique de cow-boy pour tonner à mon tour :
- Je vais te faire mordre la poussière avant que tu puisses lever le petit doigt ! »
Et dire que tout a commencé par un simple match de foot pendant la récréation... des moqueries à deux balles et deux garçons vexés comme des poux ! Pour ne perdre la face devant les copains, ils se font face et se menacent. On assiste à un combat de coqs - on cherche à s'intimider, on sort des noms d'oiseaux et on rivalise d'imagination avec toutes les promesses de souffrance qu'on va infliger à l'autre.
Les esprits s'échauffent, on se retrousse les manches, le pied trépigne dans la poussière, on pourrait presque entendre la petite musique qui fait grimper le suspense, vous savez, quand les deux adversaires se rejoignent pour le duel. Il ne manque plus que les éperons, le colt et la brindille de paille au coin de la bouche, ok ça fait très image d'Epinal, mais on se croit tellement dans un western qu'on réunit très vite les ingrédients. On oublie tout, l'école, la récréation, les copains... Nous sommes dans un désert aride du Mexique, le duel s'annonce saignant. Mais l'arbitre n'est pas loin... pas mal, l'arbitre ! Totalement inattendu. Et ça va rabaisser le clapet de deux insolents ! Non mais. Est-ce que ce sont des manières de parler ?
Beaucoup aimé !
Cette histoire de bagarre est tournée en dérision, grâce à la comparaison du western. Les garçons perdent complètement pied avec la réalité, ils se font un film et ils ne s'aperçoivent même plus qu'ils deviennent ridicules. Et tout ça pour une histoire de ballon ! ...
Une bonne tranche de rigolade pour le lecteur.
La grande bagarre, de Guillaume Guéraud - illustré par Olivier Balez
Milan poche, Cadet ~ Eclats de rire, dès 8-9 ans. 4,90€
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Place à la reine de la castagne, Lili. C'est une dure, elle n'a pas froid aux yeux, elle cogne avec la tête dans le ventre de ses adversaires. Les garçons, ça ne lui fait pas peur. Elle tape, elle fonce, elle aime la bagarre.
Son grand-père, un ancien coco inconsolable, ne comprend pas pourquoi sa petite-fille aime taper des poings. Sa mère aussi a abdiqué, elle ne reconnaît plus son enfant. Le papa, lui, est absent... il rentre tard le soir, ou il pédale à vélo pendant des heures.
Un jour à l'école, arrive Aslan. Sa famille vient de Tchétchénie, un pays en guerre, comme le montrent les images violentes à la télé. Parce que la bagarre, oui c'est moche. Et comme le dit le grand-père, mieux vaut avoir des raisons de se battre plutôt que de se battre pour avoir raison.
Il a vu juste, et Lili a compris que la bagarre est surtout utile lorsqu'on l'emploie à bon escient. Aslan et sa famille n'ont pas de papiers et sont menacés d'expulsion. Alors Lili et ses camarades d'école vont manifester, avec un bon slogan.
« La violence, elle peut être dans les mots, Liloutchka, ça peut faire plus mal que les poings. Mais il faut maîtriser son arme pour être efficace. »
J'ai beaucoup aimé les illustrations de Julia Wauters.
L'histoire de Rachel Corenblit est plus foutraque. Les coups volent, c'est parfois impressionnant. Et puis on ne cerne pas assez bien pourquoi la petite fille aime autant la baston. On devine qu'elle se sent mal, dans sa famille ça ne rigole pas beaucoup, mais c'est trop flou. Tout juste suggéré. Je ne pense pas qu'un lecteur de 7 ans pourra y cerner la nuance.
Par contre le chemin qui conduit à mieux canaliser son énergie et sa colère pour des causes justes est intéressant.
Joli portrait de fillette, en contradiction. Et quelques balbutiements pour éveiller une microscopique conscience politique, mais surtout humaniste.
Lili la bagarre, de Rachel Corenblit - illustré par Julia Wauters
Rouergue ~ Zig Zag, 6,50€
le blog de julia wauters : http://demaindernierdelai.over-blog.com/
Rachel Corenblit est également l'auteur de Shalom Salam maintenant ; L'amour vache ; Dix-huit baisers plus un ... (mes avis figurent dans les archives du blog).
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Dix-huit baisers plus un - Rachel Corenblit
Alex, un adolescent de dix-sept ans, a tenté de mettre fin à ses jours. En 19 chapitres, assez courts, le roman va nous expliquer pourquoi. Quel est le secret d'Alex ? Elles sont nombreuses, les filles, à l'avoir connu, croisé, embrassé. Mais aucune n'a su percer la couche et deviner le drame qui se jouait chez lui. Alex, ce garçon qu'on trouve trop grand, trop maigre, trop blond, trop pâle, trop mal fringué, trop largué, trop mignon quand même. « Alex, c'est le type même du gars qu'on ne voit pas. Il ne s'imprime pas sur la rétine. C'est qu'il est trop transparent, trop invisible, trop minuscule même s'il est trop grand. » Ses copines de lycée, sa jeune voisine de palier amoureuse de lui, une enseignante, un médecin, sa mère dépressive ou sa grand-mère qui dévoile le secret familial vont toutes intervenir à travers des témoignages sans fard. Le roman n'est pas tendre, pas très gai non plus, parfois assez cru, surtout quand les jeunes filles évoquent le sexe et un peu l'amour. Car, au bout du compte, on en revient toujours là : au goût des baisers, au besoin d'aimer et d'être aimé(e) ; en somme ce livre sonne comme un appel (de détresse?) d'un ado en manque de tendresse. Un gros besoin d'amour filtre derrière ce désespoir et sauve toute morosité ambiante.
Rachel Corenblit a publié aux éditions du Rouergue Shalom salam maintenant et l'Amour vache.
Editions du Rouergue, 2008. Coll. doAdo - 128 pages - 7,50€
si tu n'existais pas & l'amour vache
Sa maman, Alice, est folle... de Joe Dassin. Elle connaît toutes ses chansons par coeur. Lui, Fredo, est fan de Mac Spitte (comprenez Mark Spitz, le champion de natation). Tous les jours, il s'entraîne dans sa baignoire et compte jusqu'à combien il peut rester sous l'eau sans respirer.
Tout ça vous enlève quelques soucis de la vie. Parce que la vie, la vraie, n'est pas drôle. Alice est un peu folle (pour de vrai), elle cherche un homme, ou un père, qui pourrait remplacer celui qui a disparu. Elle veut le faire pour son fils, mais Fredo préférerait que sa maman, si jolie, soit un peu plus rangée, raisonnable, prévisible. Vous en connaissez beaucoup qui se rendent à des funérailles pour pleurnicher sur le défunt et provoquer un mini scandale auprès de l'épouse, des enfants et des proches ? Résultat : une bousculade, une maman au fond d'un trou et un tailleur en lambeaux. Pour le jour de la rentrée, c'est pas top !
A l'école, il y a les copains, Nono et ses vacheries, Bien-Bien le prof qui croit en son potentiel de champion, et les cours de piscine, où Fredo devient une étoile filante ! La classe.
Et puis les ennuis, toujours, reviennent et vous emportent une maman qui est partie à Rio. Comme dans la chanson de Claude François. Les copines d'Alice sont là, Mado qui aime le jaune canari et Michel Sardou à en mourir (de plaisir) et la jolie Lulu, une gosse de 20 ans qui a un corps de déesse, mais un amant marié.
Ce roman vous en raconte des belles et des pas mûres, avec des clins d'oeil aux artistes délicieusement kitsches des années 60. Bien sûr, derrière le ton badin, l'histoire est plus amère car c'est un portrait délicat d'un fils sans père et d'une femme qui cherche à se caser à tout prix (mais qui finit par se casser les dents). L'histoire est racontée par un Fredo qu'on adore, et qui n'a pas sa langue dans sa poche, il est flanqué d'une maman foldingue, qui reste très touchante ! Un mélange d'humour, de doute et de tendresse : un beau, bon roman attachant !
Si tu n'existais pas, Williams Crépin.
Editions Thierry Magnier - 169 pages - 8.50 €
Encore un peu d'amour, mais de façon plus vache !
Rachel Corenblit, découverte avec son premier roman Shalom Salam maintenant, propose de décliner en 8 courtes leçons la façon d'aimer de jeunes ados d'aujourd'hui. On peut s'imaginer une approche facile et légère (pourquoi je suis la seule à ne pas avoir de petit copain, pourquoi personne ne m'embrasse jamais ...), la lecture nous ouvre finalement les portes vers des histoires plus touchantes.
On y croise une belle-mère qui fait meuh, mais finalement elle n'est pas si vilaine ni si vache que ça. On tient la main d'un père qui n'en finit pas de mourir depuis un an, et ça coûte et ça dure, mais à quoi ça sert de pleurer ? On donne des ailes à un garçon un peu tordu et qui n'a jamais eu de chance dans sa vie scolaire, parce qu'il n'est pas comme tout le monde. On se trouve à côté d'une ado prise dans l'engrenage du TOC et qui se frotte les mains jusqu'au sang pour se guérir du mal en elle. Et on découvre aussi le combat d'une maman pour sa fille atteinte d'un cancer, ou la fugue d'une soeur et ses frères pour échapper à des agissements horribles sous le regard noyé (de larmes ou de pluie) d'un gendarme empathique.
Bref tout ceci en quelques 120 pages, avec un peu de confiture sur une tartine, et cela vous donne beaucoup de noblesse à l'art d'aimer (un peu vache) ; des situations souvent difficiles, des jeunes blessés, touchés ou écoeurés, mais qui ne manquent jamais d'humour (un peu noir et grinçant)... On se cherche, on ne se trouve pas, mais il n'en reste pas moins beaucoup de vivacité et d'esprit dans tout cela !
« C'est d'amour dont je te cause. L'amour qui remplit et qui fait son boulot. Tordre les coeurs. Raccourcir l'âme. Essorer la volonté. Tombe pas amoureuse, poulette, c'est ce que je disais à ta maman quand elle avait ton âge. Laisse-les chavirer, tous, mais reste à bord du navire. Contrôle la direction du vent. Et si tu tombes à l'eau, pense à respirer.
- Tu te rends compte, papi, tu brises tout mon romantisme, elle disait.
- Va, poucette, vaut mieux être cul que culcul. »
L'amour vache - Rachel Corenblit.
Le Rouergue, coll. doAdo. 122 pages. 7.50 €