La Dame de ses pensées - Cécilia Dutter
Imaginez... Vous venez de vous lier d'amitié avec une jeune femme de votre âge, mère de deux enfants, rencontrée à la sortie des écoles. Un soir, vous faites rencontrer cette nouvelle amie à votre époux, lequel est votre aîné de vingt ans, avocat de renom, véritable esthète. Vous l'ignorez encore mais cet homme vient de tomber en pâmoison devant votre amie, prénommée Alice, et lui adresse des lettres enflammées où il décline sa passion grandissante, sa fascination certaine et les fantasmes qui gonflent au fait de songer à la Dame de ses pensées...
Roman épistolaire et doucement érotique, inutile de chipoter sur l'étiquette de ce livre qui se découvre avec grand plaisir. Court de 150 pages, léger par son contenu et joliment grivois, il renferme une correspondance qui fait naître le désir. Edouard apparaît fin lettré et use d'un langage précieux pour séduire sa belle, alors que celle-ci, railleuse, juge ces effets désuets et alourdis d'arabesques stylistiques d'un autre temps... La claque ! Il faut reconnaître que les premiers échanges ressemblent à une joute verbale. Alice refuse d'entrer dans la danse, trouve Edouard présomptueux, avec des intentions malhonnêtes. Mais celui-ci ne renonce pas facilement et par la force de son imagination il va amadouer la jeune femme. Et lorsqu'elle s'enflamme à la volupté des courriers d'Edouard, la fusion des imaginaires connaît son apothéose !
Joli, tendre et surprenant, ce roman est une invitation à rêver... La fin, totalement imprévisible, est aussi un regard nouveau sur l'entreprise (qu'on peut trouver culottée) d'Edouard.
Ramsay, 2008 - Coll. Papillons de nuit - 150 pages - 15€
Dans le même genre, vous apprécierez (ou avez apprécié) : La tentation d'Edouard, d'Elisa Brune (belfond, 2003) ; L'admiratrice, d'Iselin C. Hermann (robert laffont, 2000)
La Sandale rouge - Guy Jacquemelle
Fraîchement arrivée à Paris, pour son premier emploi de journaliste dans un grand quotidien, Jeanne voit ses illusions doucement ternies pour l'amertume de ses tâches, guère folichonnes, et par sa nouvelle vie dans la capitale, faite de faux-semblants, de solitude et de grisaille. Cette jeune femme de vingt-et-un ans, qui a grandi dans le Sud-Ouest, se retient de tomber dans le désarroi et commence peu à peu à trouver ses marques en débusquant une étrange affaire d'incendies criminels et de pots-de-vin dans un village provençal. Ce coup médiatique lui offre une formidable opportunité : soudaine reconnaissance, ouverture dans son boulot, diversité de ses piges, bref Jeanne décroche de nouvelles responsabilités en un temps record. Elle vient aussi de rencontrer un brillant énarque, Thibault, conseiller en communication à Matignon. L'idylle la transporte et lui fait côtoyer un nouveau monde, assez factice, celui des soirées mondaines.
Un soir, au sortir de l'une d'entre elles, Jeanne arrive sur les lieux d'un accident où un couple de jeunes gens a été fauché par une voiture qui a pris la fuite. L'intervention des ambulanciers est rapide mais inquiétante, Jeanne est vivement invitée à partir, la suite de l'enquête n'est pas de son ressort. Les jours suivants, elle s'interroge et découvre qu'il n'existe plus aucune trace des blessés ni de l'accident. Cet étrange fait divers sent le soufre, Thibault lui demande d'être prudente, son rédacteur en chef n'est pas emballé mais la journaliste va s'entêter et retourner sur le terrain où elle rencontre un témoin capital. Toutefois, la pression devient suffocante, montrant à Jeanne qu'elle vient de mettre le doigt dans un engrenage infernal et très dangereux.
Ce roman signé de Guy Jacquemelle a su me rappeler celui de Tatiana de Rosnay, Moka (qui évoquait la couleur du véhicule en fuite, responsable d'avoir renversé le fils de la narratrice). La sandale rouge est, ici, le seul détail existant et qui prouve qu'un accident a eu lieu, malgré les efforts pour effacer son passage. La suite est une succession de doutes, de but presque atteint, d'espoir insensé et d'énormes déconfitures. L'histoire raconte l'ascension et la descente en enfer d'une jeune femme qui ne cherche pas à devenir justicière, simplement elle nourrit pour son métier de journaliste une véritable passion et une motivation assez naïve, celle d'être juste, de mener jusqu'au bout son article, malgré les pressions et l'onde de choc. Ce n'est pas une quête du sensationnalisme, on comprend vite que tout dépasse cette jeune provinciale à qui le succès toque à sa porte, avec en prime l'amour et les risques du métier.
Le roman est un tout-en-un : l'intrigue est à la fois policière, sentimentale et psychologique ; c'est également un roman d'apprentissage, une plongée dans les coulisses du pouvoir, dévoilant les pièges de la manipulation et de la duperie. Et enfin, on y trouve un portrait de femme juste et touchant. Bref, un roman très prenant, écrit au mode du présent.
Editions Ramsay, 2008 - 360 pages - 23€
http://lasandalerouge.blogspot.com/
On retrouve aussi Guy Jacquemelle sur son site, alalettre.com, consacré à la littérature.