264 Papattes sur la banquise, par Philip Reeve & Sarah McIntyre
Cette troisième aventure du fantastique duo - Philip Reeve & Sarah McIntyre - nous emporte vers les paysages glacés et opalescents du Grand Nord pour une lecture dynamique et enjouée !
Shen, un jeune orphelin ayant grandi sur les mers, à bord de La Belle Étoile, va changer radicalement de vie après le naufrage de son navire, prisonnier du gel, et la fuite de son équipage, qui a emporté une partie de la cargaison et abandonné le garçon avec les soixante-six carlins laissés sur le carreau. Or, ces adorables petites créatures vont finalement se révéler d'un courage exemplaire et emmener Shen jusqu'au village de Sika, une fillette déterminée à sauver la vie de son grand-père malade, en participant à une course folle, censée les conduire au Palais des Neiges et voir tous leurs vœux s'exaucer.
La compétition est un brin féroce, du fait du parcours semé d'embûches, des adversaires tous plus redoutables les uns que les autres, de leurs attelages dernier cri, rivalisant de technologie ou de vitesse, sans oublier les pièges et les coups bas pour pimenter l'épreuve. Mais c'est également pimenté d'humour, de fun et de dérision qui rendent cette aventure exaltante de bout en bout. Les personnages sont des clichés ambulants, croqués avec facétie, les petits carlins sont craquants, imbattables sur la piste, malgré leur gabarit, ils tiennent la distance et ne craignent pas le froid grâce à leurs pulls en laine.
On croise aussi en chemin des monstres marins ou des yétis malicieux, qui gavent leurs convives de platées de pâtes, en espérant ne plus se séparer d'eux. Shen et Sika se démarquent par leur jeunesse et leur fraîcheur, deux héros au cœur tendre, prêts à rendre service, à secourir les candidats en détresse, sans faillir, sans frémir. C'est là aussi une belle leçon de bravoure. En bref, l'histoire est truculente, forte de détails palpitants, emballée dans un écrin fascinant (on retrouve la touche bichromie dans les illustrations et les décors). Les enfants, en manque d'aventure à l'esprit loufoque, mais également ponctuée d'émotion, y trouveront leur bonheur à coup sûr ! ;-)
Seuil jeunesse / Septembre 2015
Traduit de l'anglais par Raphaële Eschenbrenner (Pugs of the Frozen North)
source : Sarah McIntyre
Et cet adorable carlin, pour répondre au concours lancé par les auteurs ;-)
source : Suki and the City
Frank Einstein et le moteur à antimatière, de Jon Scieszka & Brian Biggs
Si vous comptez dans votre entourage un grand amateur de sciences, n'hésitez pas à lui tendre ce livre qui va le régaler par son aventure qui aborde sa matière préférée avec force détails et délires assumés, tout ça de façon décomplexée, sans paraître rébarbative pour autant. On y apprécie le ton, l'humour et l'originalité, ainsi que les illustrations à foison.
Lors d'une expérience farfelue, Frank parvient à créer deux robots, ou disons, “deux modèles d'intelligence artificielle auto-assemblées”. L'un s'appelle Tac, érudit et perfectionniste, et l'autre Toc, spontané et en demande constante de câlins. Le garçon est à deux doigts de remporter le concours de sciences de la ville, mais c'est sans compter sur son ennemi juré, T. Edison, et son grand singe, M. Chimp, qui convoitent ses projets secrets pour mieux les lui voler et s'en attribuer tout le mérite.
Un livre faisant référence à Asimov, Aristote ou Einstein, pas seulement sous forme de clins d'œil, n'est pas franchement courant dans les rayons jeunesse ! Aussi, quel étonnement, quel plaisir de parcourir cette lecture pleine de peps et d'intelligence ! Mais il lui manque une présence féminine pour rappeler que les sciences ne sont pas un univers restreint destiné aux garçons ! ;-)
Seuil jeunesse ♦ avril 2015 ♦ traduit par Raphaële Eschenbrenner (Frank Einstein and the Antimatter Motor)
Astra et les gâteaux de l'espace, de Philip Reeve & Sarah McIntyre
Astra et sa famille s'envolent pour la planète Nova Mundi pour un voyage spatial qui durera 199 ans ! Les passagers sont bien entendu plongés dans un sommeil artificiel, au chaud, dans une bulle, avec tout le confort possible. La petite Astra est excitée comme une puce, veut parcourir le vaisseau de fond en comble et découvre ainsi une machine révolutionnaire, capable de synthétiser n'importe quel aliment. D'abord sceptique, Astra se prend vite au jeu et passe des commandes délirantes pour assouvir sa gourmandise... jusqu'à ce que retentisse la sonnerie de rappel.
Tout le monde au lit ! Synthétisor n'a pas fini d'accomplir ses merveilles, la fillette est bien embêtée mais retrouve ses parents et se niche dans sa cabine avec son doudou préféré. Peu de temps après, Astra ouvre de nouveau les yeux. C'est la fin du voyage ? sont-ils arrivés à bon port ? Hélas, non. L'enfant quitte sa couchette et part se gambader seule dans le couloirs du vaisseau. Elle croise son ami robot Pilbeam et ensemble ils se rendent dans la salle du Synthétisor où une catastrophe les attend !
Voilà une lecture enjouée et adorable, avec des illustrations pétillantes et débordantes d'énergie !
On sent que Philip Reeve et Sarah McIntyre prennent plaisir à concocter cette série de livres pour enfants, cf. Oliver et les îles vagabondes. Le ton est facétieux, l'imagination galopante, l'aventure riche et originale. Les personnages sont aussi croqués avec délice. Ils sont attachants, font des bêtises, adorent les friandises. C'est une histoire amusante et pleine de fraîcheur, qu'on peut découvrir à tous les âges.
Seuil jeunesse, novembre 2014 ♦ traduit par Raphaële Eschenbrenner
La Fille qui ne croyait pas aux Miracles, de Wendy Wunder
en poche !
Cam est atteinte d'un cancer incurable, il ne lui reste plus que quelques mois à vivre, et c'est à Promise, petite ville du Maine, réputée pour accomplir des miracles, que sa mère et sa soeur choisissent de s'établir pour y passer le temps qu'il faut.
Mais Cam est une adolescente sarcastique et rabat-joie, elle se veut réaliste et blindée, refuse d'entretenir le moindre mythe. Son attitude exaspère ses proches, décidés à lui démontrer qu'à Promise les miracles existent bel et bien. Et c'est vrai que leur nouvelle existence y ressemble : Cam se sent en meilleure forme, elle a beau trouver des explications métaphysiques aux évènements hors du commun, elle commence peu à peu à douter et à croire en l'impossible.
Elle a aussi une petite liste secrète des choses à accomplir avant de mourir : voler des trucs débiles, coucher avec un garçon, briser les rêves de sa frangine, se comporter comme une adolescente de son âge, normale. (C'est la partie de l'intrigue qui m'a fait rappeler le roman de Jenny Downham, Before I die.) La seule différence, ici, c'est que Campbell est une héroïne qui contient sa rébellion à un degré dérisoire. Elle n'attend pas la mort avec impatience et soulagement non plus, c'est juste son sens de l'ironie qui fait sa force, sans la rendre insensible ou insupportable pour autant.
Campbell est une héroïne bougrement attachante, sa famille aussi est très drôle, et la vie à Promise relève du pur cliché (mais quel bonheur !). Pendant trèèès longtemps, on se prête à y croire, à espérer, à sourire face à l'évolution de la jeune fille. Elle va notamment vivre une très jolie histoire d'amour, c'est mignon comme tout, ça n'occulte pas le reste, la maladie reste présente, la mort aussi, et parfois on se surprend à pleurnicher et à éclater de rire en alternance.
Ce roman est source d'effets secondaires imprévisibles, croyez-moi, c'est un ensemble d'émotions, à la fois beau, doux et apaisant. C'est douloureux de tourner la dernière page !
Livre de Poche, septembre 2014 ♦ traduit par Raphaële Eschenbrenner pour les éditions Hachette (The Probability of Miracles)
Oliver et les îles vagabondes, par Philip Reeve et Sarah McIntyre
Les parents d'Oliver Crisp sont d'insatiables explorateurs. Aussi, lorsqu'ils rentrent chez eux, à Calmeflot, dans leur maison sur la plage et découvrent une dizaine d'îles dans la baie, qui n'existaient pas auparavant, ils frétillent de joie et repartent aussitôt en mission. Mais ils vont tomber sur un pépin et disparaître mystérieusement. Oliver part alors à leur rescousse et s'aventure sur les flots, à bord de son petit canot pneumatique, sans se douter des rencontres incroyables qui l'attendent !
L'histoire est fabuleuse et très originale, riche d'un univers enchanteur, qui fait croiser une île vagabonde du nom de Falaise, un albatros snobinard, une adorable sirène complètement myope, un vilain agacé de porter un prénom de fille, des algues sarcastiques, des petits singes verts, une île féroce qui chipe les affaires d'autrui pour décrocher le 1er prix au concours des perruques, oui, un concours de perruques pour îles vagabondes... Imaginez le tableau !
Je n'avais pas idée de ce qui m'attendait, mais j'avais déjà totalement craqué pour la couverture (et le nom de Philip Reeve était gage de valeur sûre). Aussi, plus j'avançais dans la lecture, plus je m'enthousiasmais pour ce qu'elle me réservait. C'est agréablement surprenant, la combinaison parfaite d'une aventure farfelue et de personnages déjantés mais attachants. Les illustrations sont aussi un vrai coup de cœur et apportent une touche de charme et de facétie très appréciable. Un roman au grain de folie vraiment attachant !
Seuil jeunesse, mai 2014 ♦ traduit par Raphaële Eschenbrenner
La maison des secrets, Tome 4 : Une mystérieuse disparition, par Jacqueline West
Nous sommes déjà au quatrième et avant-dernier tome de la série, inutile de vous préciser que l'étau se resserre pour Olive Dunwoody, en prise avec les maléfiques McMartin. Ces derniers veulent coûte que coûte récupérer la maison qu'occupent Olive et ses parents. Il semblerait qu'ils aient procédé à la ruse ultime en enlevant ces derniers, mystérieusement disparus le soir d'Halloween. La fillette est dépitée.
Bien qu'entourée par ses fidèles amis, Rutherford et sa grand-mère, le jeune Morton et aussi les trois chats qui parlent, Olive veut prendre seule ses décisions et agir au plus vite tellement elle se fait du souci. De plus, Olive se méfie de l'arrivée des trois nouveaux venus à Linden Street, le couple Delora et Byron Widdecombe, et leur neveu Walter, pourtant membres actifs de la lutte contre la magie noire.
Mais à force d'être désespérée, Olive est capable de prendre tous les risques, d'accepter tous les sacrifices pour sauver ses parents, et forcément cela attire les esprits les plus fourbes et pernicieux. Attention, attention, un vent de panique va souffler sur les pages du livre et semer la zizanie ! L'intrigue s'enveloppe ainsi d'une certaine épaisseur, le climat est plus lourd, plus flippant. C'est du moins ce qu'un jeune lecteur (9-12 ans) ressentira pour son plus grand plaisir.
Cette série s'inscrit parmi les meilleures, dans son créneau, sur le marché actuel. Elle propose un condensé d'émotions fortes, goupillant du mystère, de l'amitié, de la magie, du courage, de la solidarité, de la roublardise, du danger et de l'humour. C'est toujours écrit avec élégance et les dessins confèrent un charme noir et pénétrant très appréciable ! Oui, j'aime beaucoup cette série.
Seuil jeunesse, octobre 2013. Traduit par Raphaële Eschenbrenner, illustré par Poly Bernatene.
Un Monde sans rêves - Nicola Morgan
Dans un futur proche, au coeur de la société anglaise, le libre arbitre a été totalement effacé de la conscience des humains, désormais divisés en Citoyens ou en Exclus, ceux qui refusent l'implant d'une puce dans leurs cerveaux pour inhiber toutes émotions. Imaginez une vie sans imagination, pré-programmée, sans la possibilité de rêver, d'espérer ou d'étonner. Un monde sans rêves. Dans cette Cité, la fiction a été interdite, l'émotion proscrite et l'espérance totalement évanouie. Pourtant, il y a les résistants, avec le Poète et Milton parmi les têtes pensantes. Le premier a choisi de s'exiler à Balmoral et recueille les nouveaux-nés que lui confie son camarade qui vit dans les tunnels de la Cité. Plus qu'un meilleur cadre de vie, le Poète offre à ces enfants une motivation pour boucler un projet élaboré de longue date. Et seize ans plus tard, trois adolescents, Livia, Marcus et Tavius, sont rappelés auprès de Milton pour venir en aide à la communauté des Exclus, frappée par une épidémie de peste.
J'ai vraiment beaucoup apprécié ce roman, totalement transportée dans cet univers que je pensais implacable et difficile de prime abord. Je me suis trompée, car j'ai découvert, certes, un monde terne et figé, où les Gouvernants aspirent les expressions de vie chez les Citoyens. Et ceux qui refusent une totale soumission, les Exclus, doivent endurer une vie clandestine et misérable dans les souterrains. Malgré tout cela, l'ambiance de ce livre n'est pas du tout glauque. L'oppression régnante et l'injustice flagrante poussent à encourager nos trois jeunes "soldats" à accomplir leur mission quasi désespérée (se rendre à la Tour centrale pour corrompre le système en place). C'est entre leurs mains que repose l'avenir de leur société, il leur faudra du courage et de l'intelligence, en plus de la bravoure pour affronter les Pols, cette milice qui abat de sang-froid tous les récalcitrants. Et je vous garantis une bonne dose de tension et de rebondissements, ça se lit très vite, c'est prenant. Ce roman de science-fiction n'est pas un produit pur jus, il élabore des théories mais ne s'embarque pas dans des phénomènes étranges et difficilement explicables. C'est simple, l'explication de la fin est même époustouflante, voir très séduisante. Cette histoire a pour atout majeur d'être truffée de clichés littéraires, parfois même c'est la clef pour résoudre l'énigme de ce Monde sans rêves. Oui, ce roman est totalement surprenant, vraiment enthousiasmant.
Albin Michel, 2008 - Coll. Wiz - 230 pages - 12€
Traduit de l'anglais par Raphaële Eschenbrenner. Titre vo : Sleepwalking.