Un truc truc comme un biscuit craquant, d'E. Lockhart
Cette petite brique de 500 pages comprend en fait deux romans préalablement publiés sous les titres L'amour avec un grand Z (ou Journal d'une allumeuse) et L'art de perdre les pédales (Le grand livre des garçons). Casterman croit au potentiel de cette série - moi aussi - car elle est à la fois pétillante, pleine de charme et de lucidité, beaucoup moins girly et frivole qu'en apparence.
Présentation de notre héroïne : Ruby Oliver, 15 ans, 5 crises d'angoisse en 10 jours, 11 rendez-vous chez le psy et 4 grenouilles en céramique. En se confiant à l'impassible Docteur Z., l'adolescente prend conscience de son problème - elle est obsédée par les garçons mais ne récolte que de fâcheuses expériences. Dans le cadre de sa thérapie, Ruby doit dresser une liste de ses prétendants, pas forcément ses amoureux, juste les garçons qui ont compté dans sa vie. Et ils sont au nombre de 15, allant des rumeurs, des erreurs de parcours, des illusions, des quantités négligeables et le reste... C'est un casse-tête à décortiquer. Pas de bol pour elle, la liste est chapardée, reproduite et glissée dans le casier de tous les élèves de son lycée. Sa réputation est scellée - Ruby Oliver n'est qu'une allumeuse ! Ses meilleures copines la traitent en lépreuse. Notre héroïne est seule, plus désemparée que jamais, mais se débat pour laver son honneur.
Si l'intrigue traite vulgairement de batifolages, de baisers baveux et de pelotages en douce, elle ne reste pas non plus au ras des pâquerettes et révèle la détresse profonde et sincère de Ruby, à ne pas traiter à la légère. On y décèle, à travers les lignes, une grande sensibilité, des bouffées d'angoisse et des passages à vide, lesquels s'accompagnent de perte de confiance en soi, de trop-plein émotionnel et de tourbillon affectif. Ruby a néanmoins des réserves d'intelligence et de mauvaise foi pour sauver la face, beaucoup de répartie et un sens aigu du sarcasme, d'où un récit caustique, croustillant et jubilatoire à lire. Son parcours, jalonné de hauts et de bas, illustre à sa façon décomplexée la difficulté de jongler entre relations amicales et amoureuses chez les ados sans pitié et prompts à condamner. Après tout, la vie « c'est finalement un truc truc comme un biscuit craquant » !
Une série à ne pas sous-estimer. Elle renferme un ton subtil et touchant, en plus d'être drôle, et fait le portrait d'une jeune fille qui se vautre dans l'ironie pour masquer sa vulnérabilité. Une lecture distrayante et pleine de pep's, avec une héroïne hyper attachante.
Casterman, 2017 pour la présente édition
Trad. Antoine Pinchot (The Boyfriend List / The Boy Book)
“Les groupes à cheveux gras ont des vertus thérapeutiques insoupçonnées.” ☺
Dans ce troisième tome, nous avons le retour de l'ex maudit, fichtre, mais aussi une équation ô combien complexe sur les relations entre Ruby et son ami Noel, sa copine Nora et le frère de celle-ci, Gideon. Tout ça, tout ça. Forcément, cela signifie le retour des fameuses crises d'angoisse pour notre adolescente névrotique. De quoi offrir au Docteur Z de nouvelles longues séances à picorer ses Nicorette, avec stoïcisme, tout en pointant le doigt sur là où ça fait mal (la fièvre du lapin, vraiment ?!).
Vous l'avez compris, on ne s'ennuie pas une seconde. Les questions existentielles que se posent Ruby semblent tellement superficielles, elles tournent autour des garçons et de sa propension à accorder son cœur pour tel ou tel spécimen, quelle poisse d'avoir l'embarras du choix, et aussi une conscience aigüe de ne pas vouloir répéter les mêmes erreurs (son passé de supposée allumeuse, gare au retour !). Toutefois, Ruby exagère aussi, quand on songe au cas de Noel, tellement trognon, on se dit qu'elle se met des barrières ridicules, ne parlons pas de Jackson, la coupe est pleine ! ...
Il y a dans cette série une fraîcheur irrésistible à suivre les élucubrations d'une lycéenne qui exprime ses souhaits et ses espoirs afin de rendre plus harmonieuses ses relations avec les personnes de son entourage (oui, voilà en gros toute l'histoire !). L'humour ne masque pas la sensibilité de la jeune fille, sa souffrance d'être constamment jugée et incomprise, et même la fin échappe à toute mièvrerie. C'est foncièrement une lecture réjouissante, vive et espiègle, où l'on comprend que la vie est parfois riche d'un enseignement puisé dans le retro metal, avec des répliques cultes du genre : Les groupes à cheveux gras ont des vertus thérapeutiques insoupçonnées ! ^-^
Ce livre a déjà été édité en 2010 sous le titre Le retour de l'allumeuse.
Le journal de Ruby Oliver #3 : Un grand moment de solitude, par E. Lockhart
Casterman poche, 2013 - traduit par Antoine Pinchot
“I still expect life to be like the movies.”
Donc, suite à L'amour avec un grand Z, la vie sociale et amoureuse de Ruby est au point mort, mais la demoiselle ne manquant pas de ressources, il est permis d'espérer un retour d'éclaircie sur sa petite vie d'ado névrosée. Certes, son ancien groupe de meilleures amies ne lui parle plus, son ex souffle toujours le chaud et le froid, non mais quel mufle, Ruby ne sait plus sur quel pied danser, l'andouille, ce type intoxique ses pensées et son cœur, c'est à se demander quand finira-t-elle par enfin se purifier l'esprit !!!
Et pourtant, autour d'elle, les occasions ne manquent pas, certes elle s'étourdit dans les bras d'Angelo, elle s'entend aussi à merveille avec Noel, son partenaire de sciences, mais se demande s'il serait judicieux de briser une amitié, car pour dire les choses franchement, Ruby ne sait pas ce qu'elle veut ! Elle a fêté ses 16 ans, passé son permis de conduire et décroché un job au zoo. Ce sont des petits progrès, mais elle n'est pas peu fière de les rapporter à sa thérapeute, le Docteur Z.
Si le 1er tome vous a plu, alors forcément vous allez prendre plaisir à renouer avec le ton sarcastique et les aventures mouvementées de Ruby Oliver. C'est toujours aussi fin, subtil et touchant, avec une pointe d'humour pour bien faire avaler la pilule de l'amertume, après la débandade de l'année précédente. Haut les cœurs, Ruby ! A signaler : le roman a déjà été édité en 2008 sous le titre : Le grand livre des garçons.
Le journal de Ruby Oliver #2 : L'art de perdre les pédales, par E. Lockhart
Casterman poche, 2013 - traduit par Antoine Pinchot
“Je ne sais pas s'il existe un homme de ma vie. Je crois que je préfère la variété.”
Ce roman est en fait déjà paru sous le titre de Journal d'une allumeuse, mais l'éditeur a choisi de relancer la série au format de poche, et dans un ordre enfin cohérent. Donc, présentation de notre héroïne : Ruby Oliver, quinze ans, cinq crises d'angoisse en seulement dix jours, doit suivre une thérapie auprès du Docteur Z. Son problème, c'est de cumuler des expériences malheureuses ou illusoires avec des garçons, depuis qu'elle est en âge de conter fleurette.
Pour ses séances, il lui fallu notamment dresser la liste des garçons qui auraient contribué à son état de déconfiture. Ils sont au nombre de 15, du plus innocent au plus goujat, même si Ruby s'échine à pardonner l'inexcusable ou jouer à l'autruche pour ne pas assumer ses nombreuses erreurs. Hélas pour elle, la liste va être reproduite et glissée dans le casier de tous les lycéens de Tate. Sa réputation est fichue, elle est traitée de lépreuse et d'allumeuse, même ses meilleures copines lui tournent le dos, Ruby est seule, désemparée. Il est temps de découvrir dans quel micmac elle s'est fourrée !
Ce serait mentir que de cantonner cette série à une lecture girly, même si l'on parle essentiellement d'histoires d'amour, de baisers volés, de dragues et de pelotages en douce, ce n'est certainement pas QU'UNE série sur des sujets futiles. Le mal-être de Ruby est profond, sincère, et pas seulement traité avec légèreté. Il y a une détresse réelle dans son histoire, où l'on cerne une perte de confiance en soi et un besoin d'évacuer le trop-plein d'émotions. C'est assez distrayant, mais sensible et sincère aussi, à travers sa démarche de blablater sur tout et rien, en n'édulcorant jamais le fond du problème.
Cette série gagne à être connue, sous le ton caustique et bassement comique, se trouve un récit poignant et déstabilisant sur les rapports qu'entretiennent les adolescents, à travers leurs relations sentimentales et amicales. La suite comprend L'art de perdre les pédales, Un grand moment de solitude puis Pas très rond dans ma tête.
Le journal de Ruby Oliver #1 : L'amour avec un grand Z, par E. Lockhart
Casterman poche, 2013 - traduit par Antoine Pinchot