Once and for all, de Sarah Dessen
Amour rime avec toujours... Pour Louna, habituée à cette rengaine à travers son travail - sa mère est la célèbre organisatrice de mariage, Natalie Barrett - la réalité est pourtant bien amère car la jeune fille de 17 ans ne croit déjà plus en l'amour.
Un an plus tôt, une rencontre a bouleversé son cœur à jamais. Depuis, Louna tient les autres à distance et concède quelques soirées à sa meilleure amie pour profiter de leur dernier été avant l'université. C'est finalement son nouveau collègue Ambrose qui va la sortir de sa zone de confort. Ce garçon incarne tout ce qu'elle n'est pas pas - un type volage, insouciant et terriblement désinvolte. Louna ne le supporte pas, mais accepte son défi : collectionner les rencontres le temps d'un été, tandis que lui promet d'avoir une relation stable.
Entre eux, l'entente est électrique. Louna est totalement hermétique à son charme et se drape dans une attitude froide... pour ne pas dévoiler ses blessures. Car elle est encore imprégnée de son histoire avec Ethan, un premier amour foudroyant et sans happy end. Cette relation la hante, encore et toujours. Elle refuse d'en parler alors que les souvenirs ne cessent de remonter à la surface et d'emprisonner la jeune fille dans toute projection.
J'aurais aimé succomber à cette idylle parfaite, racontée avec émotion, tendresse et mélancolie. Elle m'est néanmoins apparue peu probable et disproportionnée. Louna traîne ce poids mort comme une martyre... à seulement dix-sept ans. Pire que de l'autoflagellation. Ensuite, débarque Ambrose. On imagine très bien le garçon charmeur et séduisant, électron libre en puissance, détonateur du mode plan-plan de la jeune fille. Oh oui, on imagine très bien ! Par contre, ça coince un peu, Ambrose donnant une image de lui très immature. On a cependant quelques bonnes séquences de complicité : l'alchimie est sincère. Et puis l'aura de Sarah Dessen baigne sur tout le roman, y'a pas à dire, on s'y sent merveilleusement bien. J'ai beau émettre des réserves sur ma lecture, j'ai tout de même passé un doux et délicieux moment entre ces pages. C'est tout ce qu'on aime chez l'auteure : de l'émotion à fleur de peau, de l'authenticité et une sensation de ronronnement diffus qui inspire beaucoup de sérénité.
Lumen (2018) - traduit par Sofia Tabia & Diane Durocher
Décroche-moi la lune, de Sarah Dessen
Emaline, 17 ans, a toujours connu la même petite vie parfaite à Colby : elle travaille en famille dans l'agence de location saisonnière, sort avec son amoureux du lycée, est entourée par une multitude d'amis et choyée par sa famille. Pourtant, ça ne lui suffit plus. Son prochain départ à l'université, mais aussi sa rencontre avec des vacanciers new-yorkais, lui offriront peut-être ce souffle nouveau qui lui fait défaut. Ivy, réalisatrice stressée, maniaque et épuisante, et son assistant Théo, qui se plie en quatre pour satisfaire ses caprices, sont arrivés à Colby pour tourner un documentaire sur Abe, le propriétaire du Washroom (la laverie qui sert des pâtisseries maison et n'ouvre que la nuit, cf. En route pour l'avenir). Ils viennent extirper de l'oubli son passé d'artiste peintre et bousculer ainsi sa retraite tranquille. Sollicitée pour leur venir en aide, Emaline se sent tiraillée entre son appartenance à une communauté qui se protège jalousement de l'extérieur et son envie de chambouler ses habitudes et son confort pour une autre aventure. L'histoire est certes sans surprise, mais elle réussit son objectif en donnant l'impression au lecteur d'en être partie intégrante et de le bercer de douces illusions. C'est toujours un plaisir de revoir des visages familiers et de se sentir dans un cocon douillet. Par contre, je n'ai pas été touchée par les personnages principaux. Pour moi, Emaline manque de fantaisie, Luke est très décevant et Théo est insupportable (seul Morris tire son épingle du jeu !). Aussi, suit-on leur histoire sans tomber en pâmoison. C'est tout sage, tout propre. Mais un peu ennuyeux. Ce n'est donc pas mon titre préféré, mais ça ne veut pas dire que je regrette de l'avoir lu, car jamais on ne se sent totalement floué avec un roman de Sarah Dessen !
PKJ. ♦ mai 2014 ♦ traduit par Véronique Minder
“See you in dreamland” (Au bout du rêve)
Le jour de son seizième anniversaire, Catlin apprend que sa sœur Cassandra a quitté le foyer familial pour voler de ses propres ailes et rejoindre son amoureux à New York. Suite à cette annonce, son père s'enferme dans son bureau, sa mère pleure toute la journée et Catlin rejoint la troupe des cheerleaders sur un coup de tête. Un soir, elle rencontre le beau Matthew et son cœur fait boum.
Catlin plonge dans un rêvé éveillé, elle est folle amoureuse, elle qui se sentait invisible ou l'éternelle seconde existe enfin aux yeux d'un autre, un garçon différent, brillant, mystérieux et fascinant. Progressivement, elle s'éloigne de son petit univers ouaté, elle largue les amarres, elle plane sur son petit nuage, elle oublie ses soucis, car rien n'a plus d'importance que son bonheur avec Matthew.
Voilà un roman de Sarah Dessen qui ne verse pas seulement dans la douce félicité, la tendresse et l'émotion. C'est au contraire une histoire beaucoup plus complexe et déchirante que l'auteur nous propose. Au centre, Catlin est une jeune fille qui ne cesse de se dévaloriser et qui va se mettre en danger à force de douter d'elle-même. Elle bascule aussi dans une spirale infernale, car elle refuse d'avouer combien le départ de sa soeur a creusé un gouffre sans fond. Il devient pourtant urgent de sortir de l'ombre de son aînée, de parler à coeur ouvert avec ses parents, de fuir les paradis artificiels et les rêves qui virent au cauchemar.
C'est un roman bouleversant, qu'on lit avec intensité et beaucoup d'émotion. Les personnages sont à fleur de peau, et c'est donc tout naturel de ressentir leur détresse, leur amertume et leur désespoir, mais c'est aussi un petit cocon extrêmement attachant. C'est du Sarah Dessen, après tout. La famille de Catlin n'est pas parfaite, mais leurs amis et voisins (Boo et Stewart) sont des gens en or. Je pense que ce livre nous fait vivre une multitude de sensations, entre révolte, agacement, compassion et bouleversement. C'est un très beau rendez-vous, fort et poignant.
Au bout du rêve, par Sarah Dessen
PKJ (2013) - traduit par Véronique Minder
"If you're that comfortable with someone, you don't have to talk."
Après deux ans de vie de bohème, à suivre son père dans ses déplacements professionnels, Mclean découvre à Lakeview une possibilité de se redéfinir elle-même. Désarçonnée par le divorce de ses parents, et surtout par le choix de sa mère de refaire sa vie avec un autre, brisant ainsi l'image idyllique que la jeune fille avait de leur famille, Mclean doit tout réapprendre pour accorder sa confiance et ne plus se cacher sous une fausse identité. Elle trouvera aussi un appui considérable auprès de son voisin, David Wade.
C'est le parfait petit geek fort sympathique, intelligent, avec aussi quelques lubies. Par contre, ses parents lui serrent la vis au moindre dérapage mais ça ne semble pas le perturber plus que ça. Ce petit couple est donc très attachant, pas seulement parce qu'ils sont sur la même longueur d'onde et éprouvent une attirance flagrante l'un pour l'autre, en fait l'auteur a choisi de dessiner leur relation de manière plus banale, en prenant le temps, en construisant quelque chose, au lieu de se contenter d'un coup de foudre qui rend souvent les héroïnes complètement idiotes.
Chaque roman de Sarah Dessen est un rendez-vous important, à anticiper en se frottant les mains. On sait d'avance qu'on va se bercer au son d'une mélodie douce et romantique, tandis que l'histoire, elle, nous apparaîtra encore plus sincère et presque réelle. A chaque fois, l'auteur a ce don pour nous transporter dans son monde. J'aime notamment sa façon de présenter ses personnages, de nous faire partager les moments de complicité, de donner l'impression de faire partie d'un groupe. Et puis la manière d'aborder les problèmes n'est pas truquée, on suit Maclean et ses questions existentielles, son besoin de se retrouver et de faire la paix. C'est tellement ça, simple, vrai, honnête, sans tricherie. Et les lecteurs le comprennent, ils n'en demandent pas davantage, juste voler un bout de vie avant de refermer le livre.
Te revoir un jour, par Sarah Dessen
Pocket jeunesse, 2012 - traduction de Véronique Minder
"You can't just turn your heart off like a faucet; you have to go to the source and dry it out, drop by drop."
C'est un des premiers romans de Sarah Dessen, et franchement il est très beau, annonciateur de toutes les qualités qui seront sa marque de fabrique.
Halley, bientôt seize ans, rentre de vacances en découvrant la mort d'un garçon dont sa meilleure amie Scarlett était amoureuse. (Quelques mois après, elle découvrira qu'elle est enceinte et fera tout pour garder son bébé.) De son côté, Halley est tombée folle amoureuse de Tristan Faulkner, un garçon très différent d'elle, et parce qu'il incarne l'interdit et l'impertinence, elle est attirée par lui. De fil en aiguille, elle se coupe de l'attention trop protectrice de ses parents, elle commet des petites bêtises et elle ment. Alors qu'elle entretenait une relation de confiance et de complicité avec sa mère, elle réalise qu'elle veut autre chose, vivre de nouvelles expériences, avoir ses propres opinions, mais le dialogue entre la mère et la fille passe mal.
Ouhlala. Voilà donc un très joli roman qui aborde, avec tendresse et douceur, les liens qui se tissent dans une vie, ceux avec nos parents, nos amis et nos amoureux. C'est souvent compliqué à gérer, mais il y a un temps pour tout. Halley doit apprendre à grandir en se cassant les dents, sa mère doit se tenir à distance mais garder un oeil sur elle, parce que c'est son rôle aussi, et en même temps celle-ci découvre ce que c'est de "redevenir" une fille lorsque sa propre mère vieillit et perd la tête. *Instant d'identification totale.*
Plus d'une fois je me suis sentie proche des personnages, parce qu'on commet tous des erreurs, on est trop ou pas assez présent pour les autres, on pense bien faire, et ce n'est pas vrai, ou on panique et c'est pire encore. Halley, qui se sentait comme une coquille vide, apprend donc à piocher des couleurs ci ou là pour donner une dimension à ce qu'elle est, selon ses goûts et ses propres attentes (non pas selon celles des autres, c'est tellement courant !). De manière générale, j'ai trouvé que ce roman donnait un vrai sens au fait de grandir et de devenir femme à travers les différents portraits croisés dans l'histoire. Vraiment, un très joli moment à partager.
Quelqu'un comme toi, par Sarah Dessen
Pocket jeunesse, 2011. Traduction de Véronique Minder.
Merci Alya ! ♥
“There are some things in this world you rely on, like a sure bet. And when they let you down, shifting from where you've carefully placed them, it shakes your faith, right where you stand.”
En route pour l'avenir
L'instant est émouvant : il s'agit de mon tout premier roman de Sarah Dessen. Depuis le temps que je croisais son nom sur les supports, que les couvertures de ses romans me tapaient dans l'oeil, que sa réputation me chantait une douce mélodie à l'oreille, bref l'heure était venue pour moi de faire sa rencontre. Grosse, grosse pression.
Cela a d'ailleurs failli me coûter car, non contente de ne pas accrocher à cette couverture, j'ai aussi trouvé le début peu enthousiasmant. On y présente l'héroïne, Auden, une jeune fille de dix-huit ans qui a brillamment réussi dans ses études. Elle envisage d'ailleurs de passer l'été chez son père à bûcher comme une dingue pour sa rentrée à l'université. A Colby, petite station balnéaire, Auden doit cohabiter avec la nouvelle épouse de son père, Heidi, et leur nouveau-né qui pousse des cris stridents jour et nuit. Auden n'est pas un personnage très sympathique, elle est horriblement snob, méprisante, porte des jugements sur tout, pense que s'investir socialement n'est qu'une perte de temps et d'ailleurs elle ne s'abaisse guère à fréquenter les jeunes de son âge.
Et puis, les choses lentement se mettent en place. Auden va bosser tous les soirs sur la comptabilité de Heidi, propriétaire d'une boutique de mode, où travaillent également Maggie, Leah et Esther. L'entente est d'abord glaciale, Auden se doit de faire son mea culpa car elle a osé flirter avec l'ex de l'une d'entre elles, et puis les filles vont lui paraître beaucoup moins frivoles et futiles. Leur solidarité féminine commence à la griser, Auden va peu à peu se joindre à leurs activités et s'ouvrir au monde qui l'entoure. La jeune fille a aussi un secret : insomniaque depuis des années, elle tue le temps au volant de sa voiture ou dans un café qui reste ouvert toute la nuit. C'est comme ça qu'elle va rencontrer Eliot, lui aussi ne peut pas dormir, lui aussi a le regard voilé par des démons, lui aussi a des soucis. Ensemble, ils vont beaucoup discuter, faire des courses, se rendre dans un Lavomatic, manger des parts de tarte et boire du café. En confiant qu'elle a tout échoué sur le plan social, Auden va s'engager dans une quête du temps perdu initiée par Eliot.
Finalement, j'ai vraiment beaucoup aimé lire ce roman. Je m'y suis sentie très à l'aise, confiante et heureuse de partager cette chère complicité qui unit la petite bande de Colby. De plus, ce sont les vacances, le rythme est nonchalant, on apprécie de suivre ce train-train ponctué d'instants ordinaires, touchants et nostalgiques. Sarah Dessen a vraiment su me séduire, tant son univers est doux, réconfortant, traité avec justesse, sans mièvrerie. Les lecteurs peuvent s'identifier aux personnages non sans mal, l'histoire est franchement réaliste et le tout est raconté avec simplicité et beaucoup d'authencité. Je comprends maintenant pourquoi cet auteur remporte toute l'adhésion de son public ! Je relirai très prochainement ses autres livres.
En route vers l'avenir ~ Sarah Dessen
Pocket (2010) - 440 pages - 18 euros
traduit de l'anglais (USA) par Véronique Minder