Une enquête de Vipérine Maltais : Mortels Noëls, de Sylvie Brien
Retrouvons notre héroïne venue du Québec dans cette série policière remise au goût du jour (en format poche).
Vipérine et sa sœur Olivine sont élèves dans un pensionnat religieux, à Montréal. Nous sommes en plein hiver 1920 et il fait un froid de canard. Mais un fait plus grave vient les tirer de leur torpeur : une des religieuses prétend avoir échappé à une tentative de meurtre durant son sommeil. La directrice convoque discrètement Vipérine dans son bureau et lui demande de faire la lumière sur cette affaire. Miss Maltais mène son enquête, fouillant dans les archives, en souvenir d'une lointaine légende et du conte d'Andersen.
Ce premier tome donne lieu à des présentations d'usage, assez formelles et néanmoins plaisantes. Pour qui aime le dépaysement et le charme vintage, cette lecture est tout à fait engageante. L'héroïne se caractérise par sa débrouillardise et son intelligence (elle prétend avoir un physique ingrat... c'est faux !). Et même si le suspense n'est pas renversant, l'ambiance est assez semblable aux romans d'Agatha Christie... ma foi, un patronage fort honorable.
La couverture illustrée par Caterina Baldi est également ravissante !
Une enquête de Vipérine Maltais : Mortels Noëls, de Sylvie Brien
Folio Junior (2018)
La voix du diable ~ Sylvie Brien
Gallimard jeunesse, coll. Hors-Piste, 2010 - 160 pages - 8,50€
Petite frustration en découvrant ce quatrième tome des enquêtes de Vipérine Maltais, l'illustrateur n'est plus Gianni De Conno mais Nicolas Thers, et j'avoue que cette couverture n'a plus le même charme, ça manque. Dommage.
Heureusement le contenu du roman est toujours égal à lui-même : notre petite élève du couvent Sainte-Catherine est appelée à la rescousse pour résoudre la mort d'un journaliste, Honorius Sarfato, qui a été retrouvé raide dans un bain public. Direction, donc, la ville de Québec et les yeux de Vipérine sont éblouis ! Accompagnée de sa grand-tante, qui va réceptionner le contenu de son petit soulier (un side-car Harley Davidson !) à la barbe de tous, Vipérine va mener son enquête et résoudre l'affaire comme à son habitude - en un final digne des romans d'Agatha Christie, puisqu'elle réunit tous les suspects et expose les faits point par point avant la sentence implacable !
Je suis une lectrice passionnée et enthousiaste des enquêtes de Vipérine Maltais, j'apprécie l'écriture de Sylvie Brien, l'ambiance de ce Québec des années 1920, les réflexions pertinentes et les flèches bien senties des demoiselles contre l'époque qui refusent liberté et droits à la femme, en cela je suggère aussi aux lectrices de se pencher sur la série de Nancy Springer avec Enola Holmes, la pseudo petite soeur du grand détective.
C'est une série intelligente, avec du suspense, des personnages hauts en couleur et très attachants, un peu d'humour, beaucoup de répartie, les filles mouchent facilement les garçons trop insolents, la prise de conscience de l'injustice quant à l'éducation des demoiselles prend d'ailleurs de plus en plus de place, c'est très bien, et en même temps l'intrigue policière est présente, pas un temps mort, de l'action sympathique, la bonne soeur en side-car dans les rues de Québec, par exemple, c'est vraiment drôle ! Enfin, c'est un rendez-vous toujours appréciable, mais j'aimerais qu'on repêche Gianni De Conno pour ses illustrations, c'était un plus qui ne comptait pas pour des prunes, merci !
Spirit Lake - Sylvie Brien
Mai 1915. Un adolescent grelotte au fin fond d'une infirmerie, délirant entre la vie et la mort. Trois mois plus tôt, ce garçon, Peter, débarquait avec son frère Iwan et leur grand-mère sur le territoire canadien. Ce sont des réfugiés austro-hongrois, d'origine ukrainienne, qui ont choisi l'exil au Canada, mais seront dès leur arrivée arrêtés et emprisonnés dans des camps de détention, au large des plaines du nord, à Spirit Lake. C'est un no-man's land de glace, où cohabitent des baraques de bois et la vie à la dure dans un cadre désertique, cerclé de barbelés. Peter n'a que quatorze ans et va devoir subir la privation, le froid, la faim, l'humiliation et l'épuisement. Il est enrôlé pour devenir un interprète pour un militaire soupçonné de pratiquer du marché noir, cette mise en confidence mettra soudainement les jours de Peter en grave danger. Son frère Iwan est tombé amoureux d'une jolie pianiste, Tatjina. Il a décidé de se sauver mais devient à son tour le pion du jeu machiavélique du redoutable Wotton. Les conditions de vie à Spirit Lake n'avaient pas besoin de souffrir davantage de vicissitudes de la part d'êtres retors, Peter s'en rend compte. Le garçon va tomber malade, être envoyé à l'infirmerie où, dans sa somnolence, il voit le fantôme de sa grand-mère à son chevet, persuadé alors que ses propres jours sont comptés !
Spirit Lake ouvre un chapitre nébuleux de l'histoire canadienne sur les camps de détention des réfugiés de la Triple-Alliance, entrés clandestinement sur le territoire du Canada. Ces hommes, ces femmes et ces enfants, de simples civils, ont été considérés comme ennemis de l'Empire britannique et ont été emprisonnés dans des camps, dont Spirit Lake fut l'un des plus rudes (par sa situation géographique et par ses règles drastiques). Ce roman suit un jeune garçon de quatorze ans, qui s'attire les foudres d'un capitaine de l'armée canadienne, entêté et buté. Car Peter n'a pas sa place à Spirit Lake, un site davantage destiné aux hommes les plus endurants, il faudra pourtant qu'il s'accroche. Heureusement, dans cette misère, l'adolescent va découvrir la force des liens affectifs sur lesquels il pourra s'appuyer pour se sortir des situations les plus difficiles.
C'est un roman singulièrement admirable, une superbe leçon de vie, qui donne matière à s'apitoyer, trembler et s'émouvoir. L'histoire est d'ailleurs construite de façon binaire, jonglant entre le présent et le passé pour ménager un suspense permanent. Aujourd'hui il ne reste rien de ces camps de détention, alors peut-être ce roman pourra cultiver la mémoire des disparus et des opprimés de cette époque compliquée. De plus, Spirit Lake fait appel au fantastique, l'endroit étant un lac sacré cher aux Amérindiens, et ce genre n'est pas usité ici à des fins inutiles !
Sylvie Brien est également l'auteur de la série des Enquêtes de Vipérine Maltais.
Spirit Lake, de Sylvie Brien
Gallimard jeunesse, coll. Scripto, 2008 - 237 pages - 9.50 €
Le secret du choriste - Sylvie Brien
Il s'agit donc de la troisième aventure de Vipérine Maltais, jeune élève du couvent Sainte-Catherine, devenue une spécialiste reconnue pour sa grande perspicacité à dénouer les affaires suspectes. Une nouvelle fois, elle est appelée à résoudre l'origine d'un drame qui a presque coûté la vie d'un jeune garçon de 14 ans : Idola Desrochers est plongé dans un profond coma, après avoir été assommé par un lustre, lors d'une représentation de la chorale du collège du Portage. L'incident ne serait pas la source du hasard, mais bien une tentative d'assassinat !
Vipérine et sa grand-tante Saint-Ignace se rendent toutes deux sur place. L'enquête sera-t-elle une affaire de routine, pour notre jeune Miss Marple en culottes courtes ? Gageons que ces entretiens avec les protagonistes de ce mystère vont éclairer sa petite lanterne. On parle des cellules grises pour Hercule Poirot, ici ce sera « l'étincelle, la petite lumière perçant sous les rameaux quasi impénétrables d'une forêt profonde et sombre, qu'on aurait dite sans fin et sans issue ».
Plusieurs points me font apprécier cette série. C'est d'abord très divertissant, une enquête simple et efficace, de quoi bien nous divertir et nous embarquer. Cela se passe dans le Québec des années 1920, dans un pensionnat religieux. L'écriture est colorée, vraiment exaltante, pleine d'humour et de dépaysement. Un régal. Les personnages portent tous des noms joliment excentriques, mais d'une classe folle : Hermance Livernois, l'abbé Télesphore, Philibert Babin, Alphonse Sansoucy, Zotique Huot, Fridaline Philippon... Et la scène finale n'est pas sans rappeler les manières théâtrales d'une certaine Agatha Christie ! De plus, l'édition est soignée, avec la touche de Gianni De Conno pour illustrer le propos.
A noter, au passage, les piques contre un féminisme ronronnant... « Où allons-nous, je me le demande, si les bonnes soeurs et les couventines commencent à s'occuper des affaires de l'Etat plutôt que de l'état de leurs affaires ! »
Gallimard jeunesse, coll. Hors Piste - 155 pages. Dès 10 ans. 8.50 €
Les premiers tomes, disponibles, sont :
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Mortels Noëls (2004)
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L'affaire du collège indien (2006)
L'Affaire du collège indien - Sylvie Brien
Encore une fois j'ai beaucoup aimé parcourir cette nouvelle enquête de Vipérine Maltais, 13 ans et demi, qui part avec sa grand-tante Soeur Saint-Ignace aider un "collègue" du pensionnat de Saint-Elme, victime d'un terrible incendie. Heureusement, aucune victime à déplorer ! Mais le père Cloridan est persuadé d'un acte de sabotage prémédité et criminel, il demande discrètement à Vipérine de fouiner dans les couloirs de Saint-Elme. Sa réputation fait déjà grand bruit, cf. Mortels Noëls.
Embrouilles, mystères, mensonges... tout le monde n'y voit que du feu. Sauf Vipérine, bien sûr.
Et j'ai aimé cette ambiance de Québec, 1921 (le cadre mais aussi le langage). Les personnages ne manquent pas de répondant, mais rarement Vipérine se laisse impressionner. Elle n'a pas sa langue dans la poche, a l'esprit aiguisé et ses cellules grises s'activent bien assez vite, "tous les morceaux de notre jeu de cubes s'assemblent enfin pour former un solide échafaudage". J'ai trouvé l'intrigue particulièrement bien cerclée, encore mieux que dans le tome précédent. Et l'histoire sur les collèges indiens s'inspire de faits historiques appuyés ! Quand le rideau tombe en fin de partie, cette solution pourrait faire rougir Dame Agatha Christie, pas peu fière d'inspirer de jeunes émules ! N'attendez plus. Dès 10 ans.
Gallimard jeunesse, coll. Hors-Piste - 150 pages.
Les enquêtes de Vipérine Maltais : Mortels Noëls - Sylvie Brien
Lire les enquêtes de Vipérine Maltais, 13 ans, procure un réel dépaysement qui envoie le lecteur dans un Québec des années 1920, entre les murs d'un pensionnat religieux, où Vipérine et sa soeur Olivine sont élèves. Les fêtes de Noël ne sont qu'un décor de fond pour cette pièce de théâtre où le mystère frappe le sommeil de la soeur économe, Aurore, persuadée d'avoir été la victime manquée d'un meurtre. Vipérine mène son enquête, remonte quelques pistes d'un Noël ancien, sur les douces et mélodramatiques dernières lignes du conte d'Andersen et de La petite fille aux allumettes... C'était une belle rencontre de faire connaissance avec Vipérine Maltais, fillette très intelligente et qui pense avoir un physique ingrat. Dans "Mortels Noëls", le dénouement ne soulèvera guère de soupirs d'étonnement, surtout si le lecteur a bien suivi, dès la 50ème page les jeux sont faits (du moins, pour moi). Mais j'ai trouvé plutôt amusant que tous les suspects soient réunis autour de Vipérine en train de clamer les conclusions de son enquête, cela rappelle la méthode d'une certaine Dame Agatha Christie... Bref, une petite collection plaisante, qui ne chatouille pas les neurones, qui se contente donc d'être distrayante ET dépaysante !
Gallimard jeunesse, coll. Hors Piste