Comment le Prince Cardan en est venu à détester les histoires, par Holly Black
Enchantée par ma récente relecture du Prince Cruel (en audio), j'ai dégainé ce livre de mes étagères pour prolonger le plaisir. Quelle bonne pioche !
Dans ce très court ouvrage, on découvre un Cardan comme il ne vous sera pas permis de connaître dans la trilogie du Peuple de l’Air. On cerne pas à pas son personnage. On suit son parcours d'enfant, puis de jeune homme. On pénètre ses pensées. On pointe ses failles, ses désirs, ses déceptions. On l’observe, auprès de Jude, de son frère Balekin, de ses amis Nicasia et Locke, auprès du troll Aslog dont les contes évoluent au fil du temps.
On sent le personnage douter, s’endurcir, repousser ses limites et se mettre au défi. On le retrouve après les événements de La Reine sans royaume. L’ambiance est toujours aussi vénéneuse et fascinante. Et les illustrations, magnifiques. On savoure franchement cette aubaine.
Cette lecture s'adresse idéalement aux amoureux de la saga. L'ouvrage en lui-même est magnifique, couverture cartonnée, illustrations par Rovina Cai et atmosphère vaporeuse. Tout le charme du Prince Cruel est ici mis à profit.
Ne crois-tu pas que les filles monstrueuses et les garçons maléfiques méritent de connaître l'amour ?
J'avais d'abord hésité à me le procurer jusqu'à ce que je saisisse des extraits et réalise qu'on allait percer la carapace de Cardan. DÉCLIC. Évidemment, je ne regrette pas du tout d'avoir cédé à la tentation !
Rageot, 2022 pour la traduction. Par Leslie Damant-Jeandel
⭐⭐⭐⭐
- Avant d’être un prince cruel ou un roi maléfique, Cardan était un enfant Fae avec un cœur de pierre et une langue acérée.
- Grâce à ce nouvel ouvrage richement et magnifiquement illustré, nous plongeons au fond de son âme et considérons pour la première fois les événements de son point de vue.
- Nous découvrons des petits détails de sa vie avant Le Prince cruel et une aventure qui s’étend au-delà de La Reine sans royaume.
- C’est surtout pour les lecteurs l’occasion d’un délicieux retour au royaume de Domelfe… ou d’une première découverte, pleine de danger, de romance, d’humour et de drame.
La Reine sans Royaume, de Holly Black ( ◡́.◡̀)(^◡^ )
J'ai adoré ce tome trois ! Émotions. Sacrifices. Révélations. Héroïsme. C'était magique et flamboyant. Je ne regrette pas du tout d'avoir enchaîné les livres. J'ai plongé dans un univers faerique si sombre et dénué de tendresse que j'ai souvent failli en pleurer de détresse. Mais j'étais fascinée. Complètement obsédée par l'histoire.
Ma voix n’est qu’un murmure : – J’ai perdu ta cape. Il m’observe. – Menteuse, réplique-t-il, les yeux brûlants de rage. Espèce de sale menteuse mortelle.
Si vous aimez les intrigues royales, les personnalités complexes et les contes à faire peur, saisissez votre chance ! Tout n'est pas parfait mais l'ensemble fait son effet. Cette fois encore, j'ai vécu mille sensations au cours de ma lecture. Depuis le début, je ne savais plus quoi penser de toutes ces âmes tourmentées. Je trouvais Jude tellement compliquée à suivre. Sa relation avec Cardan, presque nocive. Les complots, par contre, sont incroyables. La soif de pouvoir rend dingue. Les prophéties deviennent des chaînes. Et les pièges dans ce labyrinthe infernal sont nombreux.
– Quand j’étais dans le monde des mortels, je te considérais comme mon ennemi, mais tu me manquais quand même, dis-je. – Ma chère ennemie jurée, comme je suis heureux que tu sois revenue.
Finalement, ce tome trois apporte des solutions. Pose les personnages. Lisse. Explique. Réconcilie. C'est un vrai confort à lire. Ouf, merci Holly Black ! Tellement de bonnes choses sont dites ou avouées. Ça n'enlève rien du ton mordant et revanchard. La tension dramatique va d'ailleurs atteindre des sommets. Pfiou, boule au ventre, gorge nouée, estomac serré et frissons dans le dos. J'étais à fond dans ma lecture !
Je suis faite pour les ombres ; pour l’art de manier les couteaux, pour les effusions de sang et les coups d’État ; pour les paroles venimeuses et les gobelets empoisonnés. Je sais comment planter un couteau dans ma paume. Je sais comment haïr et me faire haïr. Je sais aussi comment triompher, du moment que je suis prête à sacrifier tout ce qu’il y a de bon en moi.
...
J’ai dit que, si je ne pouvais pas être meilleure que mes ennemis, alors je serais pire. Cent fois pire.
J'ai dévoré. J'ai adoré. ♥
Comment les êtres comme nous s’y prennent-ils pour ôter leur armure ?
Rageot, 2022 pour la traduction. Traduit par Leslie Damant-Jeandel
– C’est toi, que j’aime, confesse-t-il. J’ai passé une grande partie de ma vie à préserver mon cœur. J’ai si bien réussi que je pouvais faire comme si je n’en avais pas. Aujourd’hui, ce n’est plus qu’un organe scabreux, abîmé et rongé par les vers. Mais il t’appartient.
⭐⭐⭐⭐⭐
– Moque-toi si ça t’amuse, susurre-t-il. Peu importe ce que j’imaginais alors ; maintenant, c’est moi qui serais prêt à te supplier en rampant pour obtenir un mot gentil de toi. Ses yeux sont noirs de désir. – Tu m’as terrassé, souffle-t-il.
🖤
Le Roi Maléfique, de Holly Black ಥ_ಥ
Cette lecture me laisse encore et toujours une sensation grisante. Entre dégoût et incompréhension. Fascination et désolation. C'est un étrange cocktail qui me laisse un goût amer en bouche tout en créant une vilaine dépendance parce que j'ai été complètement obsédée par cette histoire !Cette suite au Prince Cruel reprend en plein chaos. Cinq mois ont passé. Pour Jude, notre mortelle plus ambitieuse que jamais, le poids des actes est sans commune mesure. Elle a trahi. Manipulé. Œuvré en coulisses. Elle a obtenu ce qu'elle n'aurait pu imaginer. Mais à quel prix ! C'est une jeune femme isolée, craintive et méfiante qu'on retrouve. Avec son cerveau en surchauffe toutes les cinq minutes tellement elle a besoin d'anticiper et de projeter chaque interaction. Pfiou. C'est étourdissant. Depuis le début, j'ai du mal à m'attacher à elle. Tout comme son histoire avec Cardan. Ce qu'on nous vend comme une idylle impossible. Or, ces deux-là se détestent. Ne se font pas confiance. Et je n'arrive pas à m'enlever cette image de couple qui avoue détester les sentiments qu'ils s'inspirent.
Tu es la punition que je préfère.
La position est délicate car il n'y a rien de romantique, de doux, de tendre ou de désirable. Par quelle pirouette va-t-on nous retourner cet exercice de défiance ? Hmm. Hmm. Désabusée, je suis. Ceci dit, je suis aussi extrêmement attentive à cette mise en scène en trompe-l'œil. Tout est dans le détail. Et dans le manque de perspective. L'histoire est racontée du point de vue de Jude, après tout. La demoiselle est loin d'être la plus clairvoyante dans certains domaines. Espionne. Main armée. Sénéchale. Elle sait faire, mais décoder les émotions, percer les sentiments. No way José.
De toute façon, elle a d'autres chats à fouetter. Autour d'elle, ça se bouscule pour lui donner un coup de poignard dans le dos. Les courtisans. Les ex rancuniers. Sa famille ! La ronde des tromperies a repris son tour infernal. L'action n'est pas explosive mais n'empêche pas de penser que le danger est bien là. Les intrigues politiques ont d'ailleurs beau jeu et tissent un décor ombrageux. C'est ce que j'aime dans cette saga, chaque moment compte. Chaque mot a son importance. Tout est imprévisible. Les sens sont en alerte. J'ai beau m'énerver après les personnages, m'agacer et soupirer à n'en plus pouvoir. J'ai quand même des griffes à la place des mains tellement je suis accrochée aux pages que je tourne avec fébrilité (et dans l'attente de la prochaine traîtrise). C'est comme ça, on devient des horribles lecteurs avides de coups fourrés. Et ça ne manque pas ! Par contre, je sors de cette lecture avec le moral en berne.
Je voudrais ressentir quelque chose. Je voudrais trembler, avoir la nausée. Être celle qui craque et pleure. Je voudrais être n'importe qui sauf celle que je suis ; celle qui vérifie qu'il n'y a pas eu de témoin ; celle qui essuie son couteau dans la terre, ses mains sur les vêtements du cadavre; et quitte les lieux avant l'arrivée des gardes.
Purée, ça craint...
Rageot, 2021 pour la traduction. Traduit par Leslie Damant-Jeandel
⭐⭐⭐⭐.5
Le Prince Cruel, par Holly Black ٩(˘◡˘)۶
“Je suis obsédée par le battement de cils paresseux de Cardan sur ses yeux brûlants comme des charbons ardents.”
Difficile de flâner au sein de la communauté des lecteurs sans passer à côté de ce phénomène ! Entre Sarah J. Maas, Jennifer L. Armentrout et Holly Black, le terrain est miné. Et il faut se blinder pour résister. Moi, je n'ai pas pu lutter. Trop intriguée par les échos de la foule en liesse. J'ai fini par céder, de bonne grâce.
J’ai été élevée par l’homme qui a assassiné mes parents, sur une terre peuplée de monstres. Je vis avec cette peur, elle a pris racine en moi, et je m’efforce de l’ignorer.
Jude n'avait que sept ans lorsqu'elle a assisté à l'assassinat de ses parents avant d'être enlevée avec ses sœurs du monde des mortels pour vivre parmi les Faes. Malgré la protection de son beau-père, elle va grandir en détestant la peur qu'elle ressent de vivre entourée par des créatures sadiques et cruelles. Elle va donc s'adapter en se perfectionnant dans le jeu de l'escrime, le poids des mots et l'art du faux-semblant. Son pire ennemi s'appelle Cardan. C'est un prince héritier de la Couronne. D'une grande beauté mais terriblement dédaigneux, il se moque du pouvoir et entraîne sa clique à persécuter les plus faibles. Jude pourrait être une proie idéale, seulement elle va leur tenir tête et les défier à leurs propres ruses.
Cette relation entre le prince et Jude n'est pourtant pas le cœur du roman. En fait, ce premier tome met en place l'univers de la faerie avec ses complots politiques, ses ambitions dévorantes et ses retentissements. Qu'on ne me vende pas un truc romantique et glamour, c'est faux. En plus, les personnages sont froids, distants, menteurs ou lâches. Tout le monde se déteste ou se manipule. Il n'y a pas un soupçon de pureté derrière cette façade. Tous sublimes d'extérieur, mais viscéralement affreux et insensibles. Chapeau bas pour ce cocktail d'émotions contradictoires qu'on vit au fil des chapitres ! L'ambiance est douce-amère, l'action se déploie lentement, les personnages ne sont pas attachants, et pourtant on s'accroche, on veut connaître la suite, on a besoin de savoir.
– Dis-moi, pourrais-tu m’aimer ? demande-t-il à brûle-pourpoint. – Bien sûr ! J’éclate de rire, sans savoir si c’est la réponse que j’étais censée donner. Mais la question est si bizarrement formulée que je peux difficilement dire non. J’aime l’assassin de mes parents, alors je dois être capable d’aimer n’importe qui.
Suis déjà en pleine communion avec Le Roi maléfique. Tchüss !
Rageot Editeur, Septembre 2020 pour la traduction. Traduit par Leslie Damant-Jeandel
⭐⭐⭐⭐⭐
– Avant tout, je te déteste parce que je pense à toi. Souvent. Ça me dégoûte, et je ne peux pas m’en empêcher.