California dreamin', de Pénélope Bagieu
Ellen Cohen, petite fille joviale et intrépide, grandit à Baltimore dans une famille juive traditionnelle. Elle voue à son papa une admiration sans borne. Amateur d'opéra, c'est avec lui qu'elle partage son goût pour les chants mélodieux, lui aussi qui l'encourage à croire en ses rêves. Plutôt que de travailler dans le deli ambulant, Ellen veut devenir chanteuse. Avec son physique plantureux, sons sens de l'humour et son extraordinaire voix, Ellen devient Cass Elliot et part à New York tenter sa chance.
On suit son ascension, pas à pas, par le truchement de témoignages de ses proches (sa famille, ses amis, ses amoureux). On la devine sensible, paumée mais animée d'un véritable optimisme et de cette conviction absolue d'être une artiste unique et insoupçonnée. Le chemin de la gloire est long, mais forge l'ambition de Cass. C'est aussi la belle époque des années 60, son esprit communautaire et désinvolte, sa musique folk, le drame de Dallas... Bref. C'est magique ! L'immersion est totale. La sensation, grisante.
La BD est dessinée tout au crayon noir, pour une lecture plus dynamique et à l'esprit psychédélique. On sent une maturité dans le dessin de Pénélope Bagieu, dans son parti pris de raconter les débuts de Mama Cass et de terminer le récit à l'apogée du groupe qui produit enfin son premier single - California Dreamin'. Entre nous, la lecture ne s'arrête pas là et nous pousse même à en découvrir davantage. Car cet album fait plus que nous plonger dans la folie des sixties ou redécouvrir The Mamas and the Papas en écoutant leur musique.
C'est se rappeler l'essor du rock, du mouvement hippie, la Beatlemania, les Beach Boys et The Byrds. C'est danser avec des fleurs dans les cheveux, vivre d'amour et d'eau fraîche. C'est croire en l'impossible et aux étoiles dans le ciel. C'est comprendre aussi que l'histoire est beaucoup plus intimiste et touchante qu'en apparence, avec des thèmes comme l'amour impossible, l'espoir déçu ou la quête désespérée, qui rendent Cass Elliot terriblement touchante. Cet album, à la fois tendre, drôle et sensible, est un beau patchwork d'émotions et de sensations. ♥
Gallimard Bandes Dessinées / Septembre 2015
The Mamas and the Papas, au Ed Sullivan Show en 1968
Cet été-là, de Jillian Tamaki et Mariko Tamaki
Rose et Windy se connaissent depuis l’enfance. Elles se retrouvent chaque été à Awago Beach où leurs familles louent des cottages. Ensemble, elles partagent les baignades, les barbecues sur la plage, les paquets de marshmallow avalés au coin du feu, les films d’horreur visionnés en cachette, mais aussi les mille questions de l’entrée dans l’adolescence. Cet été-là, Rose suit avec beaucoup d’intérêt les démêlés d’un groupe d’ados plus âgés, tandis que Windy rêve de devenir la reine du hip-hop.
Toutefois, chez Rose, l'ambiance n'est pas à la fête. Ses parents ne cessent de se chamailler, un secret plane au-dessus de leurs têtes. Au lieu de s'en libérer, la mère de Rose ressasse son amertume et s'enfonce dans la dépression. La jeune fille fuit le foyer le plus souvent possible pour se changer les idées, mais même son amie Windy ne la fait plus rire comme avant. C'est finalement le garçon du drugstore, celui que les filles surnomment le Dud, qui détournera son attention vers ses amourettes d'été particulièrement mouvementées.
Cette histoire a le goût de l'enfance, des vacances, des espoirs et des désillusions, tout ça sur fond de désir d'enfant, de frustration, d'accident, d'abandon, d'adoption ... L'histoire est assez classique et se présente comme une chronique douce-amère - une tranche de vie qui capture parfaitement les miracles d'été et la période de transition. Mais cet été-là sera-t-il le cataclysme voulu pour tous les personnages ? la fin reste ouverte !
J'ai aimé le charme ouaté de cette lecture, sa délicatesse et sa simplicité, mais j'ai surtout été fascinée par l'art graphique de cet ouvrage, aux illustrations magnifiques et empreintes d'une grande subtilité. Une lecture charmante et débordante de sensibilité, à laquelle il manque néanmoins un petit souffle...
Rue de Sèvres, mai 2014