“Avoir dix-sept ans et ne pas avoir peur des mots.” (Contre courants)
Sur les conseils de sa psy, Jérôme, dix-sept ans, tient un journal pour y raconter tout ce qu'il lui passe par la tête. Cela va de ses rapports conflictuels avec son frère aîné ou avec son père, du silence de sa mère, spectatrice impuissante de la débâcle familiale, de son goût des mots et des livres, de son obsession pour une fille croisée dans la rue, surnommée Alcyone, de sa passion pour le plongeon, de sa solitude, son ennui, son errance...
Jérôme est un adolescent paumé, complètement en rade, qui se défoule à coup de mots et de formules lapidaires, à défaut de sortir ses poings pour calmer son entourage. Enfin, c'est plus que ça, c'est compliqué aussi, c'est un engrenage infernal, mais puissant, atterrant, inimaginable. La force du texte vient justement de la véhémence du garçon dans sa manière de s'exprimer, façon poète maudit, à la Rimbaud.
Qu'est-ce que ça cogne ! qu'est-ce que ça colle aux doigts et au cœur ! Le texte aussi est violent, frappant, percutant. Mais surtout, il est surprenant, vers la fin, il vous réserve une sacrée claque... J'ai reconsidéré toute ma lecture, songeuse, admirative, j'ai frissonné et j'ai refermé tout ça en m'ébrouant. Très belle lecture coup-de-poing !
Contre courants, par Richard Couaillet (Actes Sud junior, 2011)
La première chose qu'on regarde (Audiolib)
Le roman s'ouvre sur une phrase étonnante : « Arthur Dreyfuss aimait les gros seins. »
Quelques lignes plus loin, le chapitre se conclut sur cette autre révélation : « Devant lui se tenait Scarlett Johansson. »
C'est donc l'histoire d'un mécanicien au physique de Ryan Gosling, en mieux, qui trouve sur le pas de sa porte la star hollywoodienne. Le gars en tombe des nues. Puis, s'invite à la fête Jeanine Foucamprez, animatrice de supermarchés et autres salons de mariage. Avec son physique de rêve, une beauté à couper le souffle, un petit air de Scarlett, la nymphette fait tourner les têtes. Mais les gens se méprennent sur son compte et Jeanine est lasse de jouer un rôle qui l'étouffe. Elle souhaiterait maintenant être aimée pour elle-même.
Quelle aventure, mais quelle aventure ! Si l'histoire semble promettre un détour saugrenu et particulièrement cocasse, le fond n'en est pas moins sordide. Car très vite, il apparaît que nos deux protagonistes sont deux êtres torturés, par la faute d'une enfance malheureuse. Aujourd'hui ils sont à la recherche d'un idéal qui leur fait défaut. Qu'importe, ils se lancent dans leur aventure amoureuse avec une spontanéité désarmante.
Tour à tour, le roman s'avoue drôle, cocasse, frais, charmant, un vrai vaudeville. Sauf que, derrière le burlesque, se cache une comédie dramatique, où l'on parle d'amour, certes, et plus particulièrement de nos attentes et du fait de renvoyer une certaine image, sur laquelle les regards se posent, souvent sans jamais chercher à percer la façade. C'est le drame de notre siècle, se nourrir d'une apparence. Oui c'est triste, car « ... on n'est jamais aimé pour soi mais pour ce qu'on comble chez l'autre. On est ce qui manque aux autres. ».
C'est foncièrement un roman désabusé et poignant, par contre l'auteur se perd dans des considérations sur le star-system, détaille la filmographie des acteurs, fait de nombreux apartés géographiques aussi... Je ne sais pas pourquoi, mais c'est un peu bizarre. L'histoire en elle-même m'a plu, mais ce qu'il y a autour m'a parfois semblé superficiel. Cela me laisse perplexe, quoi...
La première chose qu'on regarde, par Grégoire Delacourt
Audiolib / JC Lattès (2013)
Texte intégral lu par Marc Weiss (durée : 4h48)
TrAquEUr !
J'ai entamé cette lecture par hasard, sans la moindre idée de ce qui m'attendait, et aussitôt les premiers chapitres avalés, aussitôt j'étais tenue en haleine. Je n'ai plus voulu refermer le livre avant la fin ! C'est l'histoire d'un adolescent de quinze ans, Jake, passionné de comics d'épouvante, qui mène une existence simple et ordinaire. Les parents du garçon travaillent à l'institut Hobarron où se tiennent des activités scientifiques subventionnées par le gouvernement, du moins c'est ce qu'il pense.
Il suffira d'une rencontre avec un type au teint blême, nommé Quilp, et de son familier, M. Pinch, pour comprendre qu'une terrible menace démoniaque pèse sur leurs vies. Jake va l'apprendre brutalement, ce qui ne fait qu'accentuer le rythme de l'histoire. Une course contre la montre vient de débuter, Jake doit décamper et se réfugier dans le Creux d'Hobarron, un village au milieu de la forêt, où plusieurs présages annonçant la Déferlante vont s'abattre. Et c'est le garçon qui serait à l'origine de tout, son père lui a demandé de pousser son enquête, de trouver des réponses pour empêcher la catastrophe, au risque de révéler certaines vérités pas bonnes à entendre.
Bien ficelée, l'histoire joue cartes sur table pour nous étourdir et nous emporter. La cadence est infernale. C'est aussi un vrai récit d'épouvante, avec des tentatives de meurtre, des malédictions, des vengeances et des sacrifices... On y croise des créatures qui font froid dans le dos, des démons, des sorciers, des jeunes gens paumés qui veulent sauver le monde, un chat obèse aussi ! Bref, cette lecture a plus d'un tour dans son sac, elle surprend, elle étonne, elle séduit et elle vous colle à votre fauteuil. Tous les amateurs de la série L'Epouvanteur de Joseph Delaney ne pourront qu'adorer !
Traqueur (tome 1) par William Hussey
Castelmore, 2012 - traduit de l'anglais par Nenad Savic