28/01/15

Sacrifice à la lune, de Marcus Sedgwick

Sacrifice à la lune

Flirtant avec un thème classique (un amour frappé d'une malédiction), le roman surprend par sa construction originale et enchante par son caractère romanesque et poétique ! Tout commence en 2073, sur l'île de Blessed, un journaliste vient enquêter sur le secret de longévité de ses habitants, qui détiendraient un élixir de jouvence grâce à la culture d'une orchidée.

Sur place, Eric tombe sous le charme de la ravissante Merle mais n'a pas le temps de conter fleurette que déjà le patriarche, Tor, le convie chez lui à boire une infusion, discuter du bout de gras, adoucir son séjour en lui apportant tout le confort nécessaire. Eric se laisse étourdir et tombe dans une étrange torpeur.

La suite des événements viendra réveiller le lecteur également sous hypnose pour le transporter à sept reprises, selon les sept cycles de lune (floraison, fenaison, moisson, fruitière etc.), dans des intrigues de réincarnation, toutes plus ou moins surprenantes, mais veillant à toujours replacer au cœur de l'action notre couple maudit, voué au sacrifice ultime. La tournure du récit est, certes, déconcertante mais réussit à nous charmer par sa subtilité, sa grâce et son sens de la dramaturgie.

C'est aussi très romantique, mais jamais mièvre. Marcus Sedgwick combine des contextes historiques (Viking, 2nde guerre mondiale) à un imaginaire fantastique (fantôme, vampire etc.). Et c'est franchement bluffant. J'ai beaucoup aimé me perdre à travers le temps, au fil des rencontres et des anecdotes, autour du même couple qui ne cesse de se croiser, se retrouver puis se perdre. C'est comme écouter un conte au coin du feu, avec les ombres vacillantes sur les murs, qui font délicieusement frémir. On se sent comme envoûté !

éditions Thierry Magnier, août 2013 ♦ traduit par Valérie Dayre (Midwinterblood)

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20/03/12

Même les morts racontent une histoire.

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Le père de Sig, Einar, vient de mourir de froid en tombant dans le lac gelé. Tandis que sa soeur et leur belle-mère se rendent en ville pour chercher de l'aide, le garçon veille sur le corps. Quelques instants après, un homme s'invite chez eux et réclame son or. Celui que Einar lui aurait volé dix ans plus tôt.
Nous sommes en 1910, dans un coin paumé en Suède, à Giron, près du cercle polaire. Wolff est une brute épaisse, qui n'a jamais cessé sa traque en réclamant justice, sauf que Sig ignore tout de cette magouille et défend farouchement l'existence d'or dans leur modeste bicoque. La famille n'a jamais eu le moindre sou, comme le prouvent les longues années de galère et d'errance, depuis Nome en Alaska.
Commence alors un tête-à-tête pesant et angoissant, entre le vieux baroudeur et le garçon qui sort tout juste de l'enfance. Celui-ci se sent dépassé par la situation, il est mort de trouille et songe de plus en plus à se faufiler dans le cellier pour récupérer le précieux Colt de son père.
Et c'est dans cette atmosphère étouffante, qui glace pourtant le sang, que le roman se construit, alternant les scènes antérieures aux évènements présents afin de mieux comprendre d'où sort ce Wolff et qu'aurait pu faire Einar pour l'agacer à ce point.
C'est habile, remarquable et bluffant. Pas moyen de reposer le livre avant la fin. Le suspense est tendu au cordeau, dans un cadre peu ordinaire, ce qui ajoute au charme du roman. L'auteur a su jouer avec nos nerfs, c'était tellement bon, terriblement stressant mais vraiment bon !

Revolver, par Marcus Sedgwick smileyc002
éditions thierry magnier, 2012 - traduit par Valérie Dayre 
illustration de couverture : Séverin Millet 

28/09/11

"Commence à te souvenir."

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Voilà un très bon roman sur la manipulation mentale, les faux-semblants, les limites à franchir et le premier véritable amour. Un roman passionnant, glaçant et stupéfiant.
Nous sommes à Candor, une ville créée de toutes pièces par Campbell Banks suite à un drame familial. Son but est de proposer un monde parfait, et illusoire, où les soucis et problèmes n'ont pas droit de cité. Pour y parvenir, l'homme bidouille des messages subliminaux diffusés dans une musique d'ambiance qui passe en boucle afin de modeler la jeunesse de ces familles richissimes, souvent poussés à bout et voulant le meilleur pour leur progéniture. 
Seul le fils de Banks, Oscar, n'est pas dupe de ce manège. En apparence, ce fiston est parfait et ne déçoit pas son père. En douce, Oscar gère un marché secondaire en proposant des messages à contre-emploi pour ceux qui veulent s'échapper de Candor, en échange de fortes sommes d'argent bien entendu. Il a aussi une petite amie parfaite, Mandi, mais cette existence lisse et insipide connaît soudain un grand bouleversement avec l'arrivée de Nia. 
Elle vient d'emménager à Candor avec sa famille, et c'est la jeune fille rebelle par excellence. Elle porte du noir, aime l'art et se promène en skate. Elle dit haut et fort ce qu'elle pense, se moque des autres et ne supporte pas l'atmosphère mielleuse de Candor. Lors de leur première rencontre, Oscar est dicté par un désir de désobéissance incontrôlable et bombe de peinture orange un poteau de la ville. Il ne sait pas encore qu'il vient de mettre le pied dans un engrenage infernal. Il a juste conscience que la personnalité de Nia le fascine et qu'il refuse qu'elle change, alors lui glisse-t-il ses propres musiques avec ses contre-messages, sa manière à lui de la garder telle quelle le plus longtemps possible. Car Nia ignore, comme tous les gamins de cette ville, qu'elle est manipulée par des messages. Oscar n'ose pas encore le lui révéler, mais une épine dans le pied va lui arracher les pires grimaces. Sherman Golub, un cas difficile, a payé Oscar pour échapper de cet enfer mais l'opération a été un échec. Il est devenu un électron libre imprévisible. Chaque geste, chaque parole peuvent condamner Oscar d'un instant à l'autre.
Le temps est compté.  
La deuxième partie du roman est plus riche et angoissante. La tension psychologique du roman est exacerbée, les évènements se précipitent et les issues sont incertaines. La fausse ambiance de calme et d'apaisement de Candor coule le long des pages et des chapitres, l'exercice d'intoxication est cruellement efficace et pendant un bon bout de temps on a l'impression de ne plus savoir ce qu'il faut penser ou accepter. La rébellion est insidieuse, Oscar Banks n'a plus aucun secret pour nous et ça devient difficile de s'attacher à lui ou de lui faire confiance. Et c'est parce qu'il tombe dans le piège de l'amour qu'il devient, véritablement et enfin, lui-même, qu'il ôte son masque et se rend vulnérable, là, oui je suis de tout coeur à ses côtés, désireuse de voir réussir ses projets de fils désabusé et d'amoureux désespéré. 
En somme, après 380 pages de tours et détours sournois, haletants et carrément flippants, je pense que cette lecture demande du temps pour qu'elle fasse son bout de chemin, mais elle vaut le coup d'oeil en tout cas !

Candor, par Pam Bachorz
Editions Thierry Magnier, 2011 - 380 pages - 17€
traduit de l'anglais (USA) par Valérie Dayre 

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20/12/10

C'est à la fois triste et drôle à quel point les souvenirs de deux personnes à propos de la même chose peuvent être différents.

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Encore un roman doux-amer de Sara Zarr, et franchement ça me plaît énormément.
Deanna traîne une solide réputation de Marie-Couche-toi-là depuis que son père l'a surprise dans la voiture de son petit copain. Elle avait treize ans. Plus de deux ans ont passé depuis, mais à Pacifica les vieilles histoires ne s'effacent pas d'un coup de baguette magique. A la maison, la vie est morose. Son père ne lui a plus jamais adressé la parole. Son frère aîné vit avec sa copine et leur bébé au sous-sol. La situation est tendue et prête à éclater.
Ce sont les vacances d'été, Deanna dégote un job dans une pizzeria. Et là, elle retrouve Tommy, celui par qui le scandale est arrivé. Sera-t-elle capable de gérer la tension entre eux ? Elle a besoin de cet argent, elle rêve de quitter la maison et d'offrir un nid d'amour pour son frère auprès de qui elle a envie de vivre. C'est un projet secret, un peu désabusé. Car Deanna se sent mal dans sa peau, elle ne sait plus ce qu'elle veut. Elle pense que son passé a pourri son avenir. Elle s'imagine aussi que c'est la principale raison qui aurait poussé son meilleur ami Jason dans les bras de Lee, également sa meilleure amie depuis peu.
Et ainsi défile le roman, dans une atmosphère teintée d'amertume, dépeignant une petite ville américaine où tout est figé, ancré à jamais dans les esprits. Toutefois, comme le souligne l'un des personnages, à quoi bon fuir un lieu si les problèmes demeurent ? C'est le nerf de la guerre, et si l'on ne choisit pas d'affronter ses fantômes, de les combattre, de vivre avec ou de les chasser, on peut parcourir la planète entière, sans jamais trouver la paix ou le bonheur.
C'est loin d'être une lecture légère, l'histoire nous laisse une saveur amère, le ton est désenchanté, et pourtant c'est scotchant. Le portrait de l'adolescente complètement paumée est juste, tendre, attachant, sans concession aussi. Et puis le style, secondé par la traduction de Valérie Dayre, est de grande qualité !

Une fille comme ça (en VO : Story of a Girl) - Sara Zarr
Editions Thierry Magnier (2008) - 218 pages - 10,50€
traduit de l'anglais (USA) par Valérie Dayre

Posté par clarabel76 à 18:30:00 - - Commentaires [3] - Permalien [#]
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