Plaine, ô ma plaine...
Attention, troisième et dernier tome !!! Nous retrouvons Nina, à bord du Transsibérien, en compagnie de Sacha et d'un vieil ami, Boris Nikitine, afin de sauver sa mère, déportée dans un goulag de la Kolyma. Au cours de ce long voyage, nous découvrons un paysage désolé et désolant, le froid, le manque de nourriture, le troc, la police omniprésente, la délation, mais aussi les convois de prisonniers, des femmes désespérées et brutalisées, des soldats embrigadés dans un système corrompu, dont ils échappent en noyant leur impuissance dans la boisson. A côté de ça, passe le majestueux Express Bleu, le train des officiels et des nantis, à bord duquel on croise la ravissante Véra !
Et là, un drame s'opère : Sacha tombe sous le charme, instantanément. Nina, elle, a le cœur blessé et gonflé d'amertume. Car c'est une chose surprenante dans ce roman, puisque nous découvrons notre héroïne confrontée à ses premiers émois amoureux. A elle son lot de souffrance, jalousie et déception maintenant ! C'est assez soudain, mais après tout Nina a tout de même 16 ans, sous ses airs de fillette coincée dans un corps qui ne connaît la puberté que de nom.
Il lui faudra de la patience, beaucoup de patience, ainsi lui avait enseigné son vieux maître Arkadi Tchernigov, avant de toucher au but. En attendant, place à toutes ses missions : sauver sa maman, retourner à Moscou, délivrer Dima, livrer son dernier Souffle, affronter son oncle, etc. On s'imagine que ça va tourbillonner dans tous les coins, et finalement il n'en est pas question. C'est un peu ma petite déception, car le dénouement n'est pas flamboyant, mais très posé, très rigoureux. A chaque problème, sa solution. Dossier après dossier. Tchac, tchac. Au suivant !
Cela ne gâche nullement la très bonne appréciation que j'ai de cette série, car l'auteur en profite pour glisser des notes historiques, biographiques, culturelles, etc. On trouve des tableaux, des poèmes, des détails affligeants sur la vie en Russie sous le régime de Staline. Un glossaire est d'ailleurs disponible à chaque fois pour expliquer les termes difficiles ou moins évidents. En bref, non seulement cette série aura eu le goût de me séduire, de m'étonner, de proposer un style neuf et changeant dans le paysage actuel, mais elle a également introduit une belle intelligence dans son propos. Cette série n'a que du positif pour elle !
Nina Volkovitch, tome 3 : Le Combat, par Carole Trébor (Gulf Stream éditeur, mai 2013)
"... elle savait avec certitude que le seul travail qu'elle voulait faire, c'était être elle-même."
Comment, en seulement 72 pages, vous raconter l'essentiel d'une adolescence qui tâtonne ? C'est l'exercice auquel s'est brillamment plié Martin Page, en accomplissant un petit miracle. Car il dit tout en quelques phrases, quelques mots jamais choisis au hasard, et qui sonnent justes. Il saisit l'essence même de l'âge ingrat, cette période de transition, faite d'indécision. Et il dessine un portrait de jeune fille avec pudeur, sensibilité et émotion. C'est merveilleux !
C'est donc l'histoire de Séléna, élève au collège, qui a pour unique amie, Vérane, clouée dans un fauteuil roulant. Un soir, en rentrant chez elle, ses parents lui annoncent, avec la mine solennelle, que jamais, ô grand jamais, il ne briserait ses ambitions de devenir une artiste. D'ailleurs, ils insistent pour qu'elle se destine à choisir cette branche. Ils vont tout mettre en œuvre pour réveiller cette fibre artistique, qui sommeille en elle. Ils en sont convaincus et plus motivés que jamais !
Séléna, par contre, est déconcertée. Elle ne comprend pas cette soudaine décision, ce qui dicte ses parents à vouloir la guider dans une voie, plutôt qu'une autre, ce qu'ils cernent en elle pour croire qu'elle est une artiste en herbe. L'adolescente est paumée ! Elle, qui promène son spleen dans la ville avec une aisance propre à elle, qui ne croit pas non plus qu'on peut décider pour un autre et le forcer à agir de la sorte, bref Séléna est en quête d'elle-même, de ses idées et de son identité. Et ça, c'est déjà un métier à temps plein !
Ce petit texte dit vraiment beaucoup de choses, malgré sa brièveté. C'est de toute beauté, tendrement farfelu mais animé d'une sincère ambition de rassurer les jeunes, qui veulent suivre leurs envies et ne pas se laisser influencer par les diktats des parents.
Plus tard je serai moi, par Martin Page
Rouergue jeunesse, coll. doAdo, 2013