Marie se réveille dans un laboratoire, le corps recouvert de cicatrices. À son chevet se tient Victor Frank, le médecin qui l'a miraculeusement sauvée... Serait-ce une version moderne du roman de Mary Shelley (Frankenstein) ? J'y ai cru, et puis la suite a su agréablement me surprendre.
Marie cherche à mener une existence normale, mais ignore tout de son passé. Elle fait aussi souvent des crises, avec vertiges et visions morbides. Forcément elle passe pour un phénomène de foire et est rejetée par ses camarades. Seul Liam, le champion de natation, est intrigué par son mystère et n'écoute pas les cancans.
Le démarrage est assez long, avec une exécution très lente, très froide, façon narration chirurgicale, mais qui colle parfaitement à l'esprit du livre, donc ce n'est pas gênant non plus. Au contraire, ce sont davantage les bisbilles entre filles et toutes les considérations adolescentes qu'il faut se farcir qui posent problème.
Le dénouement de l'histoire offre heureusement une perspective d'intrigue plus tordue, plus politique, plus sombre et plus percutante. On se focalise aussi sur ce que représente Marie en tant que « création ». Et là, c'est vraiment bien, l'auteur cogne dur et fort, le rendu n'en est que plus prometteur ! Chapeau aussi pour la couverture franchement saisissante !
Suite des aventures de Jack Vandal, fils du célèbre couple des super-méchants qui veulent constamment détruire la planète. Sauf que, depuis quelques mois, ils se sont calmés dans leurs projets fous et préfèrent passer du temps à peaufiner leur nouveau robot majordome.
C'est l'été, Jack reçoit une mystérieuse invitation à un camp de vacances pour enfants doués et talentueux, auquel participe son amie Sophie. Milton aussi se joint au groupe, composé de ... Miranda et nFinity. Pas la foule des grands jours, et pour cause... l'organisateur a réuni les enfants pour créer l'Alliance de l'impossible, soit une équipe de super-héros les plus doués de leur génération !
Jack est estomaqué. Lui, le fils du couple Vandal, un super-héros ? Une probable erreur de casting. Ajoutez qu'il se voit accoutré d'un ridicule costume effet seconde peau, avec collants peu seyants, une véritable torture. Puis, il décroche la timbale en devenant la coqueluche des médias, le fameux « super-héros Incognito », que ses parents jugent ridicule, sans se douter qu'il s'agit de leur rejeton !
La coupe est pleine. Ou presque. Un vieil ennemi juré refait surface, clame vengeance, s'en prend à Jack et ses amis ... furibonds. Tout le monde se perd dans cette nouvelle répartition des rôles, c'est la soupe à la grimace. Et le lecteur, lui, est emporté dans sa lecture, débordante d'aventures et de rebondissements. Avec des personnages attachants, de l'humour, du suspense... On dirait la version jeunesse de La ligue des justiciers ! Très sympa. Pour bon public (dès 9-10 ans).
Milan jeunesse, janvier 2014 ♦ traduit par Amélie Sarn
Jack Vandal est le rejeton d'un couple de super-méchants, dont les projets de détruire la planète sont souvent contre-carrés par le Capitaine Justice, l'idole de toute une génération. Jack, lui, tente de mener une vie de collégien ordinaire, sous une fausse identité. Mais les choses se compliquent avec l'apparition de son Don (la combustion spontanée), mais surtout de Sophie Martin, la nouvelle élève qui semble aussi avoir un secret à préserver !
En fait, il s'agit de la fille du Capitaine Justice. Jack en reste bouche bée mais ne lui parle pas du poids de son héritage, seulement de son statut de super-héros. Certes, il doit choisir son camp mais ce n'est pas gagné. Être un super-méchant, pour lui, ce n'est pas une sinécure non plus. Ses parents ne le forcent pas, même s'ils le conduisent au Salon annuel du Super-Méchant, en tout bien tout honneur.
Cette lecture est extrêmement drôle et bien rythmée, cela a été une vraie bonne surprise au moment de la découvrir (je n'aime pas beaucoup la couverture). Les personnages sont étonnants, de pures caricatures, mais le trait est forcé exprès, sans jamais être lourd. L'auteur s'amuse à dépeindre un super-héros en véritable businessman en terme de marketing, tandis que les méchants font doucement rigoler (on les aime d'être si redoutables !). L'intrigue est simple, mais sait tenir en haleine. Il y a sans cesse de l'action, du rebondissement et beaucoup d'humour aussi.
Les enfants apprécieront, sans nul doute. Les parents également, en lecture orale notamment.
Jack Vandal, par Lee Bacon Milan jeunesse, 2013 - traduit par Amélie Sarn illustration de couverture : Sébastien Telleschi
Suite au divorce de ses parents, Emma emménage avec sa mère dans une nouvelle ville. Leur nouvelle maison possède beaucoup de charme, mais son ambiance austère lui déplaît. Ce n'est pas seulement la situation qui la rend aussi désabusée, Emma se sent mal à l'aise mais n'arrive pas l'expliquer. La nuit, elle fait de mauvais rêves et s'imagine dans la peau d'une autre avant de découvrir qu'une adolescente a été tuée quinze ans plus tôt dans cette maison, et découverte morte dans la cave !
Particulièrement glauque et flippante, l'histoire promet de titiller mes instincts de poule mouillée dès les premiers chapitres. Emma est en connexion psychique avec la victime, elle revit les derniers instants de celle-ci, elle tente de reconstituer le puzzle avec beaucoup de perplexité. La journée, elle est confrontée à d'autres soucis, notamment lorsque sa meilleure amie s'amourache de son prof de théâtre et ne cherche plus à ôter ses oeillères pour découvrir ses défauts, au risque de tomber dans un piège !
On est très vite pris dans l'engrenage de l'intrigue, à s'interroger sur ses mystères et ses secrets, à vouloir participer à l'enquête. C'est facile, cela paraît évident - ceci dit, j'ai longtemps suspecté un personnage avant de m'apercevoir que je m'étais plantée ! En somme, le roman n'est pas déplaisant et tient la route, niveau suspense c'est assez prenant (sans être renversant). Je reste, malgré tout, perplexe car l'intrigue m'est finalement apparue ordinaire et sans surprise, avec des personnages pas très attachants. Je vous conseille un autre roman d'Amélie Sarn, comme Les proies par exemple.
Clairvoyance : La maison de l'ombre, par Amélie Sarn J'ai Lu, 2012
Par la faute de la couverture, que je ne trouve pas très avenante, j'étais moyennement motivée pour ouvrir ce livre. Et puis, en une soirée, j'ai d'abord jeté un oeil indiscret, lu le début, puis un chapitre, me suis installée dans un fauteuil, j'ai tourné les pages de plus en plus vite, n'ai pas osé interrompre ma lecture pour avaler un morceau, j'étais DANS l'histoire, complètement stupéfaite par ce que je découvrais, et surtout parce que je ne m'étais PAS DU TOUT attendue à un truc pareil.
En gros, ce n'est que du positif ! L'histoire débute bêtement, une adolescente n'a pas de nouvelles de son petit copain ni de sa meilleure amie, de mauvaises ondes à l'école cherchent à distiller le doute dans son esprit, mais un autre évènement vient interrompre le cours de ses pensées lorsqu'un prof s'écroule en classe, raide mort. Dans toute la ville, on ne compte plus le nombre de victimes ! Autre phénomène incroyable : les morts se relèvent et forment une armée de zombies. Sic.
La résistance s'organise, autour de Margot, son père Thierry, Lucas son copain, Pauline sa meilleure amie, Robert l'armurier pâtissier, Enzo le dévoreur de livres... Le rythme est vif, à aucun moment il ne nous est permis de souffler car l'histoire est racontée à un train d'enfer, cela se lit vite et bien, on est immédiatement pris dans le feu de l'action, on se pose mille questions, on se demande jusqu'où ça va nous mener, il y a même des sacrifices en bonne et due forme, on zigouille à tour de bras, on a juste le temps de hausser les sourcils et de lâcher un oh du bout des lèvres...
Enfin bon, vous voilà prévenus, ce roman a plus d'un tour dans son sac, il s'amuse à être trash et endiablé pour mieux nous accrocher à ses pages, et c'est tant mieux, car on passe un sacré bon moment ! C'est une digne découverte qui vaut qu'on ne s'attarde pas sur les impressions mitigées laissées par la couverture. Pour le reste, c'est ... sauve qui peut, zombies droit devant !
Les Proies, par Amélie Sarn (Milan, coll. Macadam, 2012)
Des êtres humains, voilà ce que voit Margot. Avec tout ce qu'il y a de bon et de mauvais en chaque être humain. Et elle espère, de tout son coeur, qu'ils auront un avenir.
Léon est un petit chien dodu, qui porte un béret et un joli pull rouge. Son meilleur ami est une vieille chaussette toute boulochée, M. de la Chaussette-Boulochée (il sent un peu le fromage, mais chut !). Ils vivent chez M. et Mme Beausoulier, un couple très pris par leur travail. Tous les matins ils se sauvent en confiant leur maison à Léon, bien pépère dans son panier. C'est sans se douter des folles aventures que vivent Léon et M. de la Chaussette-Boulochée durant leur absence, car nos deux compères aiment se promener en ville, faire les boutiques, siroter un chocolat chaud au café et avaler un bon repas au restaurant. Parfois ils se rendent dans un musée, ils aident à l'arrestation d'une voleuse, ou vont à l'hôpital et deviennent docteur pour la journée. A ce propos, je suis sûre que vous ne connaissiez pas la onzeurite aigüe !? Méfiez-vous, tout le monde peut l'attraper (pour preuve : un couple de catcheuses, un homme tatoué qui aime la broderie, des trapézistes et même Léon en personne a frôlé l'évanouissement).
Je connaissais cette série dans sa version originale, et je suis ravie de la découvrir sur le marché français. Je suis absolument fan de ce petit chien au look très frenchie (les anglais raffolent, d'ailleurs il s'appelle Claude de son vrai nom, c'est dommage de l'avoir traduit !). Les illustrations sont d'inspiration rétro, délicieusement guindée, tout en conservant cette touche d'humour généralement associée aux auteurs anglais. La lecture touche sa cible, les aventures sont invraisemblables, mais délirantes, on rigole beaucoup et les dialogues sont pertinents. L'ensemble fait aussi très élégant, en plus d'être farfelu, je suis sûre que ce mélange en séduira plus d'un ! A noter que deux autres titres ont déjà paru chez nos voisins.
Les aventures de Léon, par Alex T. Smith (Milan, 2012) traduit par Amélie Sarn
PETITE ANNONCE : j'en profite pour attirer l'attention des éditeurs sur une autre série complètement loufoque, The Great Hamster Massacre par Katie Davies. Lu, testé et approuvé. Merci Mélanie !
Nous aussi, en ce moment, nous sommes engloutis ! Pff.
Juliette et Roméo ont été immortalisés par Shakespeare comme étant les amants maudits par excellence. Stacey Jay a choisi de reprendre cette intrigue en imaginant un Roméo pactisant avec le diable et condamnant sa dulcinée par la même occasion. En se donnant la mort, le couple se vend à des anges vengeurs, les Ambassadeurs et les Mercenaires. Les premiers veulent le bien, préserver les âmes soeurs, les deuxièmes veulent ruiner leurs missions, et ainsi Juliette fait face à Roméo, son ennemi juré. Cela dure depuis 700 ans !
Leur nouvelle mission les conduit dans le sud de la Californie, Juliette se trouve dans la peau d'Arielle, une adolescente marquée par des cicatrices au visage, lorsqu'elle se sort d'un rendez-vous désastreux avec Dylan, alias Roméo. Le couple se déchire, la jeune fille se sauve en montant dans la première voiture et rencontre Ben. Coup de coeur. Mais dès le lendemain, Juliette découvre son aura d'âme soeur et celle de sa moitié. Il s'agirait de Gemma, sa meilleure amie, une horrible pimbêche, aux humeurs changeantes, une fille capricieuse et détestable, beurk. Ses sentiments naissants sont brisés dans leur élan, Juliette est bouleversée. Et Roméo / Dylan n'en loupe pas une pour lui mettre des bâtons dans les roues, avant d'effectuer un virage à 180°. Il veut proposer une issue de secours à Juliette, il posséderait la solution pour mettre un terme à leur vie d'âme damnée, pour cela il faut que Juliette lui fasse confiance et tombe de nouveau amoureuse de lui. Sic.
Bon, j'essaie de résumer au plus juste l'intrigue, peut-être au risque d'en dévoiler trop, désolée, mais c'est dans l'objectif de montrer l'état dans lequel j'étais au cours de ma lecture : cette histoire est tirée par les cheveux ! Pff. Et les motivations des personnages n'aident pas non plus, Juliette est une girouette, elle manque de clairvoyance pour sa mission, de plus elle est animée par la rancune et la haine, ce qui forge son caractère, mais pas dit que cela aide à la cerner ! A côté, Roméo apparaît irrésistible, il est mauvais, égoïste, menteur et volage. Difficile de croire en ses beaux discours, pourtant si tentants... Gemma est horrible, Ben fait preuve d'un dévouement extrême, c'est touchant, mais pas sûr que ça me plaise. Bref, je n'ai pas été séduite par les personnages, j'ai regretté la fin et j'ai trouvé l'intrigue compliquée (alors que le dénouement coulait de source !). Dommage, car le récit est endiablé et l'atmosphère lourde et pesante.
Juliette Forever, par Stacey Jay Milan, coll. Macadam, 2012. Traduction d'Amélie Sarn.
"These violent delights have violent ends And in their triumph die, like fire and powder, Which as they kiss consume." —Romeo and Juliet by William Shakespeare
Un garçon de 17 ans se retrouve avec un bébé sur les bras, lui qui envisageait de partir à l'université, paf ! son univers s'écroule. Dante est donc en colère, contre lui, contre son ex et contre la petite chose, Emma, qui vient lui pourrir l'existence. Pendant longtemps il va se tenir au garde-à-vous, en souhaitant secrètement que cette parenthèse se referme, mais le temps passe et il doit assumer ses responsabilités. Le ton froid et détaché de Dante donne la pleine mesure de son insensibilité et de sa rancoeur, c'est déstabilisant. Il n'est pas, mais alors pas du tout attendri par Emma, contrairement à son frère Adam et à son père Tyler, bougon en apparence, juste et droit en son âme et conscience. Tout de suite, on se faufile dans ce portrait de famille avec crainte et curiosité, la mère brille par son absence, son décès a été un coup dur pour tous, le sujet a été clos, car on évite d'évoquer les sujets trop sensibles. Chez eux, les garçons ne pleurent pas. En fait, ils évitent carrément d'aborder les questions qui fâchent. Adam est homosexuel et ne s'en cache pas, ses proches font l'autruche, jusqu'au drame. Tous ces événements font que, finalement, la famille devra se serrer les coudes, abattre les remparts et ne plus se contenter de partager le même toit. Pour la première fois, ils devront former une vraie famille. Le roman nous fait partager ces instants avec beaucoup de pertinence et sensibilité, sans tralala, pour rendre un portrait de famille aux contours flous, ce qui apporte authenticité, force et justesse à l'ensemble. Toutefois, il m'a manqué le petit truc en plus pour être pleinement conquise.
Boys don't cry, par Malorie Blackman Milan jeunesse, coll. Macadam, 2011 / traduction d'Amélie Sarn.
"Je ne sais pas ce que Papa attendait. Pensait-il que le simple fait de considérer cette chose allait me faire changer d'avis. Croyait-il que je me dirais d'un coup que cuire des steaks toute ma vie était finalement un petit prix à payer pour avoir la chance de chérir cette petite chose ? Espérait-il que j'allais soudain me mettre à l'aimer ? Eh bien, ça ne marchait pas. Je ne ressentais rien."
Milan, coll. Macadam, 2005 - 400 pages - 10,50€ traduit de l'anglais par Amélie Sarn
Sephy et Callum sont amis depuis leur enfance, mais comme leurs familles se détestent, ils doivent se voir en cachette. A quatorze ans, Sephy se prépare à rentrer dans son école bon chic bon genre, et grande nouveauté pour cette année, son ami Callum a été accepté pour rallier les rangs de cette illustre institution. Enfin, lui et quelques-uns de sa caste - les Nihils.
Sephy appartient au milieu dominant - les Primas. Elle est la fille du ministre Kamal Hadley, elle vit dans un monde fait de coton, elle s'excite comme une puce d'aller à l'école avec son meilleur ami mais cette rentrée signera le début de leur dissension. Car dès le premier jour, une manifestation éclate devant les portes de Heathcroft. Les Nihils ne sont pas les bienvenus, Callum et ses camarades sont chahutés, Sephy intervient pour aider son ami et commet son premier impair.
De maladresses en actes manqués, de divergences d'opinion en secrets de famille tous plus oppressants et coupables, la relation d'amitié entre Sephy et Callum n'a plus de beaux jours devant elle. Et pourtant, tous deux s'accrochent désespérément à cette branche qui est prête à rompre. Au départ, ce ne sont que des adolescents dépassés par la politique qui les entoure, écoeurés de vivre au coeur d'une société qui sépare les gens selon la couleur de leur peau, il y a les Primas - les noirs - et les Nihils - les blancs. Et puis, Sephy et Callum sont aussi responsables de leur jeune âge, ils ont des idées, des envies et se nourrissent de belles illusions. C'est difficile à raconter combien leur histoire ne cessera jamais d'être malmenée par la faute des circonstances fâcheuses et désastreuses. Impossible de recoller les pots cassés, et plus on progresse dans le roman et plus l'inéluctabilité de leur situation sans issue nous prend à la gorge.
Vous l'avez compris, c'est un roman très fort, qui remue beaucoup de sentiments et qui fait réfléchir sur la ségrégation, le racisme, la violence, les humiliations, l'injustice. Callum et Sephy sont les nouveaux Roméo et Juliette, et leur histoire est tout simplement belle, émouvante et inoubliable.
Les titres de cette série :
Entre chiens et loups
La couleur de la haine
Le choix d'aimer
Le retour de l'aube (publié en 2009)
Après le succès de la série Entre chiens et loups, Malorie Blackman nous offre un quatrième volet. De nouveau une magnifique histoire d’amour, construite comme une tragédie grecque. Des personnages qui se débattent dans une société pleine d’inégalités et qui doivent faire des choix décisifs, entre espoir et violence.En toile de fond, subsiste le combat entre Primas (Noirs) et Nihils (Blancs). S’y ajoute l’influence des gangs qui vivent de la corruption et du trafic de drogues.
Entre chien et loups a été récompensé du prix 2007 des incorruptibles (3ème/2nde).