02/12/08

Birgit Pécuchet n'est pas une sainte - Sophie Chabanel

518J58lBbrL__SS500_Encore un roman dont l'héroïne a 30 ans, elle vit seule, sans amour, sans boulot et sans famille. Inscrite sur un site de rencontres, IDILA2, où force est de constater qu'elle ne casse pas la baraque en attirant les gugus aux abois, Birgit doit réagir. Il faut aussi trouver une solution pour décrocher un job, car son compte bancaire est dans le rouge. Certes, elle est diplômée en psycho, mais ne peut pas exploiter ses connaissances. Elle débarque alors dans le télémarketing, pour une société de cuisine, mais sa côte aussi est en chute libre. On lui raccroche au nez, elle ne sait pas convaincre le client, parce qu'elle n'y croit pas ! C'est la catastrophe, avec une dernière goutte d'eau dans le vase : elle rugit de mécontentement contre ses voisins lors d'une réunion de quartier.

Vient enfin la révélation, sa vocation de sainte, « il vaudrait mieux dire "quête spirituelle", "recherche personnelle", "travail sur soi", une bouillie de ce genre ». Suite à cela, tout va changer. Entre piratage de fichiers, rencontre sans lendemain, sentiment honteux d'usurper son petit monde, sainte Birgit veut avancer et ne plus se planter (ce qui est, en vrai, son lot quotidien !). Heureusement, il y a la très bonne copine Caroline, ses bonnes idées et sa façon de pousser du coude, même à distance, pour sortir notre héroïne de sa mélasse.

Après un premier roman lu et apprécié - Décompte - Sophie Chabanel raconte le parcours d'une femme en total décalage avec l'air du temps. Birgit est inadaptée au système, elle ne rencontre pas les bonnes personnes, ne tombe pas amoureuse et refuse de se plier au consensus, elle voudrait bien mais ne peut point. Son cas n'est certainement pas unique, mais il frise l'humour cocasse et le désespoir naissant. L'histoire refuse de s'embourber, même si elle patine en milieu de parcours, elle sait rebondir à temps pour nous offrir une fin de course désopilante. 

Anne Carrière, novembre 2008 - 232 pages - 18€

Le premier roman de Sophie Chabanel :  Décompte 

 


01/12/08

Il était une fois un chat assassin

J'ai le syndrome d'Ally McBeal, car en même temps que je lisais les aventures de Tuffy le chat, j'entendais Barry White chanter dans ma tête ! Mais cela colle plutôt bien, surtout quand on a une petite idée de la personnalité de Tuffy.

journalchatassassincouvertureC'est un chat assassin, oui. Son journal raconte sa semaine mortifère. Lundi, c'est l'oiseau qui tombe dans sa gorge. Mercredi, c'est une souris morte qu'il ramène sur le tapis du salon. Et jeudi, c'est Thump. Il s'agit du lapin des voisins, et là Ellie et sa famille n'en peuvent plus. Tuffy est jugé de lapincide par préméditation, et ça va barder pour lui. Pourtant le chat plaide non-coupable et nous l'explique avec flegme et humour dans son journal qui remporte un gros succès auprès du jeune lectorat (et du grand, aussi !!!). C'est raconté avec un tel mauvais esprit, une mauvaise foi évidente, et pourtant ce n'est jamais abominable ou répréhensible. On savoure, on déguste et on plaindrait presque ce pauvre Tuffy, victime malgré lui d'un concours de circonstances qui se dévoile au fil des pages.

Il faut lire les apartés du chat et de ses compagnons, lesquels rapportent les péripéties des humains avec un regard porté sur notre espèce tout à fait grotesque et pathétique. C'est du vrai humour en fine bouche, ça fait friser les poils des moustaches !

Et le succès aidant, il existe une suite : Le chat assassin, le retour. Cette fois-ci, Tuffy est aux prises avec le Pasteur Barnham qui ne l'aime pas du tout et le lui rend bien. La famille d'Ellie est partie en vacances, le chat reste à demeure, pensant se payer une bonne tranche de plaisir (farnienter, commettre des menus délits, être libre). Or, son 'chat-sitter' est un monsieur redoutable et pas très sympa. Il préférerait la délicieuse Mélanie qui aime sa jolie fourure toute douce... mais les choses se compliquent aussi.

41lKdXeCv1L__SS500_Et cerise sur le gâteau, un troisième livre vient de paraître : La vengeance du chat assassin. On n'arrête pas la machine en marche et ce serait bêta de bouder son plaisir à replonger dans les aventures de Tuffy. Quel chat ! Cette fois, l'animal s'en prend à la mère d'Ellie et la flagellerait bien sur place avec son regard noir et son air renfrogné. Mais la dame trouve son minois adorable et prend un cliché qui finira en portrait accroché au mur. Horreur et damnation. Toutes griffes dehors, la tronçonneuse de la rebellion passe à l'action et sabote le portrait. Le massacre ne fait que commencer et la guerre des nerfs est déclarée. A ce petit jeu, on devine Tuffy expert et gagnant. C'est un redoutable adversaire, la mère d'Ellie a la malchance de vouloir exprimer son Art (peinture, poterie, etc.). Cela n'est pas du goût de notre chat assassin ... jusqu'à l'arrivée inopinée d'un autre allié, dans cette bagarre. Les pions sont maintenant chamboulés. Et Tuffy n'apprécie pas du tout, mais alors pas du tout, d'être manipulé par ce grossier personnage. Sa vengeance promet d'être vicieuse, espiègle et hilarante !

Naturellement c'est tellement drôle et décalé, on sourit de bout et bout, on ne gobe pas une miette des propos de Tuffy. Ce chat veut donner l'impression d'être un saint avec l'auréole qui brille au-dessus de la tête. Ce n'est qu'une image polie et arrangée. En vérité, Tuffy est rusé, roublard et menteur. Il agit pour son seul profit, d'où sa belle pirouette en fin de roman. Il en sort comme un grand seigneur, surtout aux yeux d'Elie la nouille (comme il la décrit), mais en fait ça le chiffonne d'avoir accompli ce qu'on attendait de lui. Car ce n'est pas dans ses principes... On s'en doute ! Un autre round serait-il en écriture ?

N'attendez plus de faire la connaissance avec le caustique chat assassin ! Tuffy va vous en conter de toutes les couleurs, c'est désopilant. On apprécie le second degré de son journal, et les illustrations de Véronique Deiss entrent littéralement en communion avec le style mordant d'Anne Fine. Il n'y a pas d'âge pour savourer !

Journal du chat assassin - 1997
Le chat assassin, le retour - 2006
La vengeance du chat assassin - 2008

Ecole des Loisirs - 75 pages - de 7 à 8,50€

 

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05/11/08

J'ai fantaisie de mett' dans not' vie un p'tit grain de fantaisie !

 

* Paroles de J'ai fantaisie / Boby Lapointe
chanson reprise par Elli Medeiros

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Ibby passe quelques jours chez ses cousins Alex et Francis. Ils viennent de sortir du grenier la boîte de magie de l'oncle Godfrey (qui a mystérieusement disparu depuis cinq ans) et ont décidé d'expérimenter les sept tours que compte la notice d'instructions. Mais Alex et Francis sont assez dissipés et désorganisés. Ils tentent des tours sans réfléchir et se retrouvent dans des situations qui vont rendre folle la sage et consciencieuse Ibby.

Du rétrécissement à la lévitation, on passe à l'invisibilité et au cycle de la vie (de l'art de vieillir ou rajeunir en un coup de baguette). Les garçons se livrent une compétition acharnée, Ibby reste au centre, impartiale. Elle veut être la voix de la raison, mais ses cousins sont trop bornés. Du coup, les tours de magie les prennent au piège et souvent la police et l'hélicoptère des pompiers doivent intervenir pour les sortir du pétrin.

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Les garçons ne calment jamais le jeu, ce qui finit par les rendre fatigants et insupportables. De l'autre côté, leur mère est d'un laxisme agaçant. Bien évidemment ce sont les éléments indispensables pour rendre cette comédie savoureuse et piquante. (Les enfants adorent !)

Destinée à un lectorat pour les 8-9 ans, cette histoire saura ainsi les séduire par sa dose de fantaisie et son lot de rebondissements. Les apprentis magiciens qui ont la tête dans les étoiles trouveront dans ce roman un moyen d'insuffler du merveilleux dans la vie quotidienne.

Illustrations de Peter Bailey

Le garçon dans la boîte à biscuits
Par Heather Dyer

Gallimard jeunesse, coll. Folio cadet - Octobre 2008 - 7,20€

traduit de l'anglais par Anne Krief

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Il était une fois un crayon, un petit crayon tout seul.
Un jour, il s'est mis à bouger et a commencé à griffonner, dessiner et créer un monde dans lequel un petit garçon s'amuserait avec un chien et un chat. Il habiterait une grande maison avec une famille autour. Il y aurait du bruit, des couleurs, de la vie.
Mais ce petit monde choisit d'entrer en anarchie.
Chacun veut un nom.
Chacun réclame ou proteste.
Il y a de la zizanie dans l'air !

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Le petit crayon choisit alors de dessiner une gomme. Pour réparer les erreurs, pense-t-il.
Or la gomme aussi commence à s'emballer et se rebeller.
Prise de frénésie, la gomme efface... TOUT.

Comment calme-t-on une gomme en colère ? A votre avis ?

Farfelu et bien pensé !
L'album montre aussi la "fabrication" d'une histoire par la magie d'un crayon, d'un pinceau et d'une gomme.
C'est très agréable à regarder, le graphisme est moderne et paraît vivant. Certaines pages sont complètement épurées et d'autres sont plus colorées (peintes à la main ou coloriées).
Et la gomme folle furieuse est une excellente invention.
On tourne les pages avec grand plaisir.

Par Allan Ahlberg
Illustrations de Bruce Ingman

Gallimard jeunesse - dès 4 ans - 12€

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29/10/08

La vie parfois fait plouf *

* Paroles de Plouf / Les Wriggles

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Attention, petite perle de drôlerie !

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Hamster et ses amis de la forêt s'apprêtent à célébrer l'anniversaire de notre petit animal... qui est épatant ! Imaginez un hamster gourmand et égocentrique, qui gribouille dans son journal des mensonges irrésistibles. Il invite ses amis mais attend d'eux qu'on lui offre des gaufrettes et des noix, sinon pas la peine de venir.

C'est lui le plus beau, c'est lui le meilleur. Il rêve en contemplant les étoiles et cultive son narcissisme. Il ne pense qu'à sa petite personne et à son ventre. Il se goinfre, il ne partage pas, il ment et il est paresseux !

Ses petits amis, aussi, sont fort sympathiques dans leur genre : Hérisson rêve d'être doux et de porter un manteau de mousse, Taupe boit du thé dans son lit et écrit un roman, Escargot rêvasse sur le pourquoi du monde et se demande si la pluie va tomber, Lapin est admiré de tous mais jalousé par Hamster... qui ne l'invite pas à son anniversaire mais découvre sa venue et une surprise de taille : une émouvante chorale, avec danse et chant à tout casser !

Bref, c'est indispensable de se ruer dessus !
Les dessins sont simples, le tout est composé à la manière d'une bande dessinée.
Les textes sont délirants, les personnages croqués à point.
J'ai savouré !

Par Astrid Desbordes
Illustrations de Pauline Martin

Albin Michel Jeunesse, septembre 2008 / 12 €

28/10/08

Cachez-moi ça - Kyril Bonfiglioli

9782702434215_GIl est snob et persifleur, insolent et tricheur, roublard et esthète, gourmet appliqué et insolent fini. C'est un Arsène Lupin sous l'uniforme d'un marchand d'art londonien. Il a volé un Goya au Prado et cherche à le faire passer discrètement en Amérique, en le cachant dans le double plafond de sa Rolls. Mais ses faits et gestes sont épiés, car notre bonhomme est suspecté et harcelé par la police spéciale de Sa Majesté - avec, en tête, Martland au volumineux postérieur !

Charlie Mortdecai - ainsi se nomme notre personnage - est un pendant de Bertram Wooster sous acide. Il se joue de l'idée avec cynisme, il a son Jeeves en la personne de Jock, enfin c'est un anti-Jeeves car il est décrit comme son voyou de service, tant il est grossier, saoûlard et bagarreur (rien à voir avec la copie originale !). Ensemble ils nous offrent une escapade sauvage et décadente, de l'Amérique au Nouveau-Mexique avant de se réfugier en Irlande. 

Publié dans les années 70, ce roman est en fait le premier volet d'une trilogie qui a connu un grand succès en Angleterre. C'est une histoire qui fait penser à un croisement entre Woodehouse et Chandler, c'est écrit avec élégance et ironie, l'action est rebondissante, l'intrigue assez noire et malgré tout il y a une légèreté derrière tout cela, exactement là où l'art et l'alcool ont droit de cité. Vraiment hilarant, un peu étourdissant, mais hélas trop méconnu !

Editions du Masque, octobre 2008 - 286 pages - 6,50 €
traduit de l'anglais par Marie-Caroline Aubert
titre vo : Don't point that thing at me


10/10/08

Et si on essayait un peu De voir notre petit monde d'en haut *

* Paroles d' Olivia Ruiz / Thérapie de groupe

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51dtAErOAqL__SS500_Titus a neuf ans, c'est le petit dernier d'une famille où on travaille beaucoup. Maman s'absente souvent pour aller en Chine, papa rentre à pas d'heure et les deux soeurs aînées mènent leur petite vie à leur guise. Bref, Titus est tout seul et c'est son grand-père Papyrus qui vient généralement à la rescousse pour jouer les gouvernantes.

Papyrus n'est pas un grand-père comme les autres. C'est un inventeur aux créations assez dingues, un vrai bricolo jamais à court d'idées, mais Titus n'est pas fan de ses excentricités. C'est souvent trop repérable, trop original, trop incontrôlable. Et généralement Titus est grondé par ses parents à la place du grand-père. C'est comme un grand enfant, donc on ne sait jamais qui doit garder qui.

Papyrus porte le kilt et les moustaches bien troussées jusqu'au ciel, il conduit une 4L écolo, a un chien invisible (ou virtuel, ou immatériel, au choix !). Il sait faire voler les tables et les chaises, cuisiner un gratin de pâtes avec de la crème fraîche et du sucre, traverser la Seine sans bouger un orteil. Si Titus ne sait plus où se mettre à force de se sentir mal à l'aise et humilié, ses copains sont fous de son grand-père !

Tout le monde n'a pas la chance d'avoir un Papyrus ! En plus, sous ses dehors fantasques, il vous apprend les tables de multiplication en rigolant, à plonger dans la fosse sans trembler, à comprendre l'utilité de la grammaire et manger ce qu'il vous plaît, sur le tapis persan de papa.

Cette folle semaine avec Papyrus est racontée avec délice, fantaisie et non sans une certaine réserve par un p'tit gars de neuf ans, pas toujours conquis par la folle du logis que son grand-père abrite. Ce dernier a une petite araignée au plafond, il est farfelu mais pas si siphonné que laissent entendre les apparences.

Une lecture pétillante, avec des illustrations aussi doux-dingues que le propos !

D'Isabelle Jarry
Dessins d'Aurore Callias

Ma folle semaine avec Papyrus
Gallimard jeunesse, coll. Giboulées - Octobre 2008 / 105 pages.  14€
Dès 8-9 ans.

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(aperçu)

12/08/08

La mécanique du monde - Bernard Foglino

Nicolas Angstrom est le King de la photocopieuse. Pas une machine ne lui résiste, son coup de molette est implacable : les bêtes courbent l'échine et redressent la barre. Et un dimanche, appelé d'urgence pour dépanner un client dans la panade, Nicolas cale. La photocopieuse Xenon fait sa forte tête et c'est au tour de l'homme d'abdiquer et reconnaître sa défaite. Pourquoi, comment ? A partir de cet instant, il s'enfonce dans un monde parallèle fait de rencontres atypiques, d'apparitions étranges et d'hallucinations flippantes. Acculé par son chef, Nicolas doit prendre un congé forcé de quinze jours. Tous ses repères se brouillent, notre roi de la frime entre... dans la Quatrième dimension !

Voui... je sais, c'est facile. En ce moment je suis totalement influencée par le programme de Rod Serling et j'ai tendance à flairer partout ce goût du fantastique, du bizarre et de l'imprévisible. Je veux trembler, m'étonner et être bouche bée. Bon, ce deuxième roman de Bernard Foglino n'a pas suffi pour remplir le contrat (je suis compliquée!) et je suis quelque peu fâchée : j'avais tellement aimé son premier titre, Le théâtre des rêves.

Déjà c'était une histoire qui annonçait la plongée dans le monde imaginaire, le délirium tremens associé à une bonne rasade de rire. C'était court, échevelé et vigoureux. J'en voulais encore ! Mais La mécanique du monde est plus complexe, d'abord ce roman veut s'inscrire dans la tendance : insurgeons-nous contre la déshumanisation de notre société, la mondialisation, l'individualisme etc. La cité de verre que traverse notre Tout-Puissant de la photocopieuse rappelle le quartier de la Défense, avec une pincée de bouche en coeur qui me déplaît.

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Ceci étant dit, mettons-le aussitôt de côté... Parce que, en fait, l'histoire de Nicolas Angstrom frôle l'absurde, vraiment le grand-guignolesque. C'est éreintant. Et puis soudain, on découvre que tout ceci cache autre chose : un lourd passé, un secret de famille que le personnage veut occulter. La vie d'Angstrom est jonchée de morts, d'où sa passion pour la mécanique qui est fortement liée à ce désir de faire renaître et réveiller une mémoire trouée. 

Derrière le n'importe quoi, se trouve ainsi une histoire qui traite avec sensibilité de la mémoire, de la mort et de l'identité. C'est assez tordu comme procédé, il faut s'accrocher mais une fois que les choses sont claires et établies, on se laisse surprendre... Etonnant !

Buchet Chastel, février 2008 - 250 pages - 18,90€

 

Feuilleter les premières pages du livre 

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25/06/08

des bourlottes et des mirlimarmitons

Qui, ou que, sont les bourlottes ?  Ce sont des créatures gracieuses de la famille des elfes. Elles ont une particularité, elles se nourrissent que de bruits, aussi, quand elles ont faim, elles déploient leurs grandes oreilles, gigotent et grignotent les sons les plus divers. Pour découvrir ce petit peuple d'écouteurs étranges et farfelus, il faut tendre l'oreille.

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Vivant en tribus dans les monts Agalpuchs, les bourlottes dorment l'après-midi et se lèvent au crépuscule pour faire leurs exercices. Quand la nuit est bien noire au-dessus des bergomiers et des fagalbas, elles vont dormir en tas, tranquilles dans d'immenses hamacs. Les bourlottes se réunissent pour leurs occupations : chasse aux bruits ou brassage des linges.

Tiquetonne est la plus petite des bourlottes. Singulière de par sa venue au monde (elle est née d'une cuisse de nymphému), elle est aussi rapide, pointue, précise, impérieuse. Tiquetonne décide et ordonne. Elle fait tout comme les autres (plier les linges, capturer les bruits) et soudain elle s'arrête et décide : c'est l'heure des cahouettes. Qu'est-ce que c'est ? C'est simple, la cahouette : on trouve une pente, on s'y bascule, on y dégringole, vas-y que je te roule, cul par-dessus tête et jusqu'en bas.

Après la cahouette tous les bruits se brouillent, ça fait de la pâte à bruits délicieuse. Ne pas en abuser, sinon brûlure de trompe d'Eustache.

Gélinotte est la suivante de Tiquetonne. Plutôt ronde, enrobée dans la placidité, elle accepte tout sur l'air de "c'est comme ça". Une étale, pas de vague, mais noyée d'ennui. Une reine d'à-quoi-bon. Gélinotte a quitté son peuple, les Francs-Moisins, en emportant son escargot sur la tête. Elle a trouvé Tiquenotte, elle l'a suivie. Elle la suit, toujours. (Pour les parties de cahouettes, elle pose son escargot.)

Cet album continue de nous enchanter à raconter la fascinante machine de vie des bourlottes, tout est orchestré dans l'harmonie, en chansons et avec poésie. Beaucoup d'imagination et de facétie, la langue est de la confiture pour tartines, les sons aussi guillerets qu'un grelot...

Imaginez la chasse aux bruits. Ici, l'arme au poing est un filet accommodé au bruit à capturer. Il faut le prendre par surprise, le filet doit imiter le décor. Un filet de plumes va pour les chants d'oiseaux, un filet de brindilles avec taches de lumières, pour les bruits de sous-bois.

Les bourlottes sautillent tendant leurs filets, telles de vieilles dames qui jouent au badminton. Tiquetonne, bonne chasseresse, est la reine des bruits de rivière et de torrent. Elle s'est fabriquée des filets d'eau souple qui retiennent les bruits dans leurs parois ondoyantes.

Chaque fin d'automne, on fête les grognes. Dans leur grande sagesse, les bourlottes considèrent qu'il faut honorer régulièrement ses mécontentements, rendre hommage aux bouderies et aux crises de rage si mal considérées. Il n'y a pas de date fixe pour la fête, mais chacun le sent bien, la mauvaise humeur rôde partout.

Il est urgent d'honorer ses chagrins.

Je vous laisse la surprise de découvrir la suite ! N'hésitez surtout pas ! Les bourlottes ont été dessinées par Diane de Bournazel sur une histoire écrite par Jacinthe Hirsch (qui aime bien tripoter les mots). Et cela se ressent à merveille, car cette lecture nous fait explorer un monde merveilleux, aux étranges coutumes. C'est bourré de charme, ça saucissonne les mots en une dégoulinade d'histoire délicate et espiègle. Les chants, par exemple, sont un hommage à la richesse de notre vocabulaire et au jonglage possible entre les sons, les mots et les idées... "grouille mouille ça caracole, ça fait rigole c'est la gargouille sur la coucourde."

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Les bourlottes, de Jacinthe Hirsch - illustrations de Diane de Bournazel.

Gallimard jeunesse, 2008 - coll. Giboulées. 12,50 €

Des spaghettis pour les jours gris, un gratin dauphinois quand il fait froid, des cocktails frais de plein été, des plats musclés pour écoliers. C'est un parcours de petits cuisiniers. Chaque recette leur donne en secret un tour de main. On joue au jeu de la cuisine. On découvre les aliments, leurs saveurs, leurs valeurs, on marie les couleurs. On évite les pièges roses du sucre, jaunes des graisses. On attrape les bons réflexes, on devient champions de l'équilibre alimentaire.

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Sympathique et flashy par ses couleurs et ses illustrations farfelues, ce livre de recettes s'adresse aux bambins qui boudent le chemin des fourneaux (et/ou chipotent le contenu de leur assiette). Il offre la solution de varier les recettes, de proposer un choix simple et goûteux, la cuisine de tous les jours, des boissons ou des gâteaux, les plats musclés ou les mitrons du dimanche, et selon les saisons !

C'est enfin un livre qui se destine très clairement aux enfants, les illustrations sont un appui dans la préparation et les recettes répondent très souvent à leurs goûts.

Mais, de plus, c'est un livre qui pourra faire aimer les légumes : par l'aspect ludique de l'élaboration de la recette, il permet de développer le goût et le plaisir de manger ce qui a été préparé. Pédagogique, il démontre les différentes familles des aliments (en les classant par couleurs), donne un guide pratique pour l'achat des produits et les ustensiles en cuisine.

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Les recettes des Mirlimarmitons, Cuisine Bonne Mine, de Paul-André Tanc - illustrations de Virginie Will.

Gallimard jeunesse, 2008 - Coll. Giboulées. 15€

^^^ Chacun son tour, madame Laure dans son jardin rempli de fleurs, today is yours ! ^^^

20/05/08

Apolline et le chat masqué - Chris Riddell

apolline “Apolline Brun” est une petite fille blonde, qui vit au vingt-quatrième étage de l'immeuble Poivrier (en réalité, cet immeuble s'appelle la tour P.W. Huffledinck, mais il ressemble à un poivrier, du coup, tout le monde le surnomme le Poivrier). Ses parents sont de grands explorateurs, qui parcourent le globe à la recherche de raretés pour peaufiner leurs nombreuses collections. Trop jeune, la demoiselle doit rester à la maison, en compagnie de son fidèle Monsieur Munroe, une petite créature poilue venue de Norvège, qui craint la pluie et déteste se coiffer. Apolline adore patauger dans les flaques, coiffer Monsieur Munroe et résoudre des problèmes compliqués. Et ça tombe bien, car Monsieur Munroe attire l'attention de sa meilleure amie sur une affichette découverte au cours de leur promenade. Des avis de recherche de chiens d'appartement pleuvent dans la presse, très souvent suivis par des constats aberrants de vols à répétition. Cette situation tordue ne peut qu'intriguer notre enquêtrice en herbe. Grâce à la complicité de Monsieur Munroe, ils vont remonter une piste alléchante, concevoir un plan habile, grâce à leur expertise en déguisement,  et révéler le pot aux roses !

 

 

Apolline et le chat masqué est le premier livre d'une série qui devrait plaire à tous les jeunes lecteurs, qui débutent. Le style est un enchantement, c'est drôle, truffé de dessins hyper rigolos, avec des personnages craquants, sur un scénario rondement bien pensé. Le dénouement n'est pas spectaculaire, toutefois on mord avec plaisir dans cette enquête. C'est aussi le portrait d'une petite fille exceptionnelle, qui vit seule dans un grand appartement. Elle reçoit des cartes postales de ses parents, nourrit une passion étonnante pour les chaussures orphelines et accueille très régulièrement une armée de services à domicile pour subvenir à tous ses besoins. Et puis, Apolline n'est pas seule puisque son compagnon Monsieur Munroe est le plus loyal des amis, peu bavard mais toujours à l'affût des bons tuyaux.

 

L'univers de Chris Riddell est atypique, surfant sur une ambiance surannée avec des illustrations en noir & blanc, dans un décor chic, british et joliment désuet. Il y a énormément d'espièglerie dans ses dessins, des détails microscopiques qui ne peuvent que vous faire sourire. J'ai été totalement charmée par ce livre qui a déjà un look à lui tout seul (couverture cartonnée, reliure dorée). Comment résister ?

Editions Milan, 2008 - 175 pages - 11€

Traduit de l'anglais par Amélie Sarn. Titre vo : Ottoline and the yellow cat.

NB : Pourrait-on m'expliquer pourquoi l'anglaise Ottoline a été rebaptisée en Apolline sur notre sol français ? ! C'est tout de même dommage, je trouve...

A été lu (en anglais) par Gaelle la libraire

21/03/08

Made in China - JM Erre

made_in_chinaToussaint Legoupil a été adopté il y a 25 ans à Shengdu en Chine, il a grandi à Croquefigue-en-Provence mais a pris la décision de partir pour retrouver ses racines. Le garçon est intrigué d'être natif de Chine alors qu'il est noir de peau ! Ses parents, Mado et Léon, sont opposés à ce projet, tentent de le retenir, font un ramdan du tonnerre dans la petite ville, ameutent amis et proches pour ficeler le garçon dans le giron familial. Las, Toussaint parvient à s'échapper, mais traîne à ses basques son amie d'enfance, Mimi Labrousse, également accompagnée de sa pipistrelle terroriste !

C'est le grand départ pour Toussaint Legoupil, qui est persuadé de découvrir qui il est vraiment dans le pays du Soleil-Levant. A peine sur place, il est aussitôt embarqué par M. Tao, un entrepreneur chinois, excellent francophone. Il devient son guide, son traducteur, son initiateur à des plaisirs exotiques peu recommandables (et avouables !). Parallèlement, l'enquête pour retrouver ses parents piétine un peu, puis connaît un sursaut de rebondissements, mais ces derniers vont s'accompagner d'une malédiction persistante qui plongerait notre Toussaint Legoupil dans une sacrée panade. Là où il passe, un crime s'inscrit dans son sillage ! La police est à ses trousses, mais la quête des origines n'est pas terminée - loin de là. 

Cocasse ou grotesque, la frontière est mince pour déterminer ce roman qui peut, à tout moment, basculer dans les deux tendances. Or, souvent en craignant le pire, le meilleur arrive au galop. Je me suis surprise à sourire à plusieurs occasions en dévorant ce livre - oui ! on le dévore tellement il est clair, limpide, vivifiant à découvrir !  De plus, c'est une histoire qui se présente comme un jeu de pistes, dans lequel l'auteur glisse des indications et des notes renvoyant à telle ou telle page, baladant le lecteur dans un univers joyeux et enchanteur. En un mot, c'est ludique ! L'histoire est burlesque, truffée d'exagérations et d'invraisemblances. Mais franchement, c'est vraiment drôle ! Imaginez, aussi, une espèce de secte qui porte aux nues Saint Cloclo, le vrai ... « - Grand Maître Jean-Marius !
- Oui, fidèle compagnon du MINOU ?
- Je voulais vous dire que les sirènes du phare d'Alexandrie chantent encore la même mélodie.
- C'est très bien... Saint Cloclo est fier de toi. Mais tu devrais peut-être prendre un peu de repos, non ?
- J'ai plus d'appétit qu'un barracuda !
- Je vois...
- Je boirais tout le Nil si tu n'me retiens pas !
- D'accord... Voilà ce qu'on va faire : tu vas prononcer un voeu de silence pour quelques mois. ça nous fera des vacances. »   
... et qui voit en Toussaint Legoupil l'Elu, soit celui qui va opérer le Grand Renversement, c'est-à-dire l'heure où chaque fidèle trouvera sa vraie place dans la réalité qui lui correspond. Grosse magouille à l'horizon, pour ne pas en dire plus !

Au début je pensais franchement que ça n'allait pas décoller plus loin, que j'allais vite me lasser de tant de loufoquerie. Et puis, c'est scotchant, ça vous colle aux doigts et ça vous change radicalement les idées. Envie de bonne humeur, de légèreté, d'anti-stress et d'une grande rasade de dérision, lisez Made in China ! L'auteur JM Erre confirme son gros potentiel déjà perçu dans Prenez soin du chien, son premier roman.

Buchet Chastel - 258 pages - 18 €

Illustration de couverture : Anne Bénoliel-Defréville

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