Vengeances romaines ~ Gilda Piersanti
En tournant la dernière page de Jaune Caravage, qui fermait le cycle des Saisons Meurtrières, j'avais émis le souhait (muet) de retrouver un autre cycle avec les personnages récurrents créés par Gilda Piersanti. J'ai donc été très heureuse d'apprendre la parution de Vengeances romaines, et à la fin de cette lecture je sais désormais qu'il y aura d'autres livres avec Mariella De Luca et sa coéquipière Silvia.
L'intrigue policière est bien nébuleuse dans ce roman, on signale la disparition d'une veuve, mère de famille, qui n'a plus donné signe de vie après le réveillon du Nouvel An. Dans le même temps, Silvia, subjuguée par une réfugiée roumaine, enquête également sur la disparition de sa mère, une badante arrivée en Italie, pour subvenir aux besoins de sa famille restée au pays. Et également, les agissements mystérieux d'un couple de personnes âgées les rendent de plus en plus suspects d'un crime qu'on ne saurait comprendre !
Au coeur de la cité romaine, l'histoire inscrit son rythme latin envoûtant, et riche culturellement (comme souvent, on retrouve des références à l'art qui participent à résoudre les affaires criminelles). Mariella est une jeune femme amoureuse, sa liaison avec Paolo la rend plus douce et posée, ce qui ravit son supérieur. Mais Silvia est plus soupçonneuse, intriguée par la chambre fermée à clef dans l'appartement luxueux du fiancé, incapable de saisir l'attachement de sa camarade. Cette insistance laisse présager un nuage sombre, et la belle romance pourrait y prendre ombrage.
Ce qui devient une signature dans cette série, c'est la présence des sentiments et de la nostalgie dans l'enquête policière, on n'y trouve pas du tout de cavalcades échevelées, de crimes sanguinolents. Le charme opère autrement, grâce à l'ambiance, à la personnalité des personnages, à la complexité de l'intrigue (trop de disparition, trop de vengeances voilées...). C'est toujours très bon de se plonger dans les romans de Gilda Piersanti. Ce titre ne fait pas exception à la règle. L'auteur a su étoffer une romance qui aurait pu virer plan-plan et qui, finalement, ouvre la porte de l'anti-chambre des tragédies romaines. Point de commedia dell'arte dans ce théâtre. C'est sombre, tendrement mélancolique. Ai-je besoin de préciser que je suis totalement sous le charme ?!
De plus, la fin de ce roman apporte des révélations stupéfiantes. Je suis impatiente de lire la suite des événéments.
Le Passage, 2009 - 260 pages - 18€
A signaler : Les 3 premiers volets des Saisons meurtrières sont déjà disponibles en poche, chez Pocket.
(plus d'infos en cliquant sur les couvertures)
Amulet, Livre Un : Le gardien de la pierre ~ Kazu Kibuishi
Ce livre traînait dans la chambre de ma fille depuis plusieurs mois, je voyais bien le marque-page dépassé, à mi-parcours, donc la demoiselle avait soit calé, soit pas aimé du tout... ou que sais-je. J'ai donc chipé le bouquin pour m'en faire une idée, et j'ai compris le dilemme : en fait mademoiselle ma fille a eu les jetons ! :))
Deux ans après l'accident qui a coûté la vie de son père, Emily, son petit frère Navin et leur mère emménagent dans une maison de famille abandonnée depuis des années, héritée d'un grand-père mystérieusement disparu, Silas Charnon. Il y règne une drôle d'ambiance dans cette maison sans électricité, sans confort, et seul le bureau du grand-père rutile, tel un modèle de laboratoire pour ingénieur fou. Emily fait une étrange découverte, un collier avec une amulette qu'elle décide de porter autour du cou. Ce médaillon est en fait magique, la nuit une voix murmure de faire très attention car la famille est en danger.
Quelques heures plus tard, la mère d'Emily est enlevée sous les yeux des enfants, avalée par une créature immonde. N'écoutant que son courage, la fillette et son frère partent à l'aventure pour sauver leur maman. Ils vont se rendre dans des territoires inconnus, croiser des êtres extraordinaires, devoir affronter des dangers et se frotter à un inconnu au teint pâle et aux yeux lumineux qui convoite Emily et l'amulette qu'elle ne quitte plus. Ce médaillon dégage un vrai pouvoir, mais exerce une ascendance qui n'est pas du goût de Navin. Et on se rend compte qu'il y a une succession d'événements pas toujours profitables, enfin bref je ne raconte pas davantage !
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J'ai beaucoup aimé ce premier tome (trilogie en route) et j'ai trouvé certaines planches d'une beauté à couper le souffle, par contre j'ai aussi trouvé que les visages de la mère étaient souvent loupés... L'ambiance d'Amulet est magique, fantastique, épique, ok le scénario est parfois exagéré en mettant en scène cette fillette pleine d'énergie et de courage qui affronte des monstres plus gros qu'elle sans trembler une seconde. Ouah, chapeau ! ;o))
Certaines scènes peuvent choquer les plus jeunes lecteurs (il faut compter à partir de 10 ans, je crois), on parle de disparition, de mort, de kidnapping et les créatures ne sont pas toujours très sympathiques, il faut se méfier ! D'un autre côté, l'aventure est au coeur de l'histoire, les décors sont splendides, l'intrigue ne manque pas d'originalité, on trouve aussi des personnages attachants, des petits robots très rigolos, ou un doudou peureux. Cette épopée qui plonge dans une dimension fantastique ne manque décidément pas de souffle ! Le tome 2 sort très prochainement.
Akileos, 2008 - 192 pages - 12€
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Les droits ont été achetés par Will Smith, en vue d'une adaptation au cinéma.
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On peut lire le début ici sur digibidi
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Retrouvez aussi les avis des libraires: La soupe dans l'espace (à qui je dois cette découverte) et M'Lire
L'orgue de Quinte ~ Hervé Picart
Frans Bogaert est en vacances à Provins. Il a confié sa précieuse boutique brugeoise, l'Arcamonde, aux mains de son assistante, la troublante et délicieuse miss L. (double parfait et confondant de l'actrice Lauren Bacall). Frans séjourne dans la maison de Lamartine avec son beau-père, Victor Brunel, qui vient d'emménager en France pour une raison personnelle (la disparition de sa fille, en fait) et se révèle un compagnon érudit et passionnant dans la cité provinoise.
Sur la place du marché, un dimanche matin, l'antiquaire fait la trouvaille d'un objet curieux, vendu comme étant l'orgue à liqueurs de des Esseintes (célèbre personnage du roman d'Huysmans). Bogaert flaire l'arnaque et marchande l'objet car sa curiosité est piquée au vif, il veut connaître le secret de cet objet. Avec délicatesse, il va le dépouiller, le caresser d'un fin pinceau et révéler des initiales gravées. Mais les découvertes ne s'arrêtent pas là !
Cette série décrite comme un roman-feuilleton en douze épisodes est définitivement un rendez-vous incontournable ! Ce volume 2 nous offre une aventure encore plus singulière, qui fourmille de passion, d'érudition et d'énigmes !
On retrouve avec bonheur le personnage de Frans Bogaert, l'antiquaire perspicace et gourmand de savoir, dans un cadre qui n'est plus Bruges (qui n'est pas totalement absente, merci la sublime Lauren qui intervient avec brio et beauté !). Provins n'a pas à rougir et se montre à la hauteur de toutes les espérances. La ville offre un cadre idyllique et historique, chargé de mystères, idéal pour alimenter l'intrigue, qui est tout bonnement extraordinaire, riche et excitante. On découvre l'histoire étonnante d'un maître-verrier, obsédé par sa quête du cristal parfait, mais inutile d'en lâcher plus.
Entre les lignes, on commence à percer une autre piste sur la disparition de Laura Bogaert, l'épouse de l'antiquaire, ce mystère (cf. Le dé d'Atanas) figure comme un fil rouge et la suite promet monts et merveilles. Comble de tout, ce texte est servi par une plume à faire pâlir d'envie, le style d'Hervé Picart est léché, fluide et agréable. Un régal.
Ne résistez plus ! C'est une perte de temps et d'énergie. Une impardonnable erreur, en plus !
Le Castor Astral, 2009 - 216 pages - 13€
Déja annoncés : Le coeur de gloire (tome 3) en novembre 2009 - La pendule endormie (tome 4) en mars 2010.
L'Arcamonde vous ouvre ses portes : http://arcamonde.hautetfort.com
Les recettes de l'Arcamonde :
« Victor Brunel a tendu à son beau-fils un élégant verre ballon où danse un précieux liquide doré, qui happe la lumière pour mieux scintiller.
- Qu'est-ce que c'est ?
- Du vin de glace. Cela ne peut que vous réchauffer, non ?
- Du vin de glace ? s'étonne Bogaert. De quoi s'agit-il ? Encore une de ces richesses de bouche de nos amis français ?
- Tout à fait. Ce régal est le produit miraculeux de la plus tardive des vendanges. Les vignerons alsaciens attendent que les premières fortes gelées viennent crisper les derniers pampres. Sous la peau fripée du raisin se produit alors une exceptionnelle concentration des sucres. Ainsi s'élabore ce divin breuvage, à mi-chemin entre un Riesling ancien et un vin de paille. »
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« Bogaert a commandé une grouse à l'hydromel. Il attaque la bête avec un bel entrain, la narine tout émoustillée par le fumet aigre-doux qui monte de son assiette. La chair du gibier, à l'arrière-goût de réglisse, se marie à merveille au miel de la sauce. Le régal lui fait baisser paupière.
- Excusez cette faiblesse, croit-il bon d'ajouter aussitôt, de peur de paraître excessivement ridicule ou gourmand. Ce plat est somptueux. Vraiment, cette grouse me grise. Vous auriez dû vous laisser tenter. Votre thon au poivre jaunet me semble un tantinet austère.
- Un peu d'austérité ne peut nuire au bonheur, monsieur Bogaert. C'est juste un condiment de vie comme un autre : elle produit une douceur aigrelette qui rappelle celle de votre grouse. »
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La mode est au rouge sang - Valerie Stivers
Le temps d'un été, et sous la pression de sa tante Victoria, Kate McGraw accepte un poste de stagiaire au sein du prestigieux magazine de mode, Tasty. La jeune fille, future étudiante de médecine à Brown, déteste la mode et tout ce qui s'y approche. Elle a certes un don pour la création, mais cela lui rappelle trop sa mère Eva qui a mystérieusement disparu.
Son entrée dans la gigantesque tour noire aux vitres teintées fiche un frisson, et Kate s'y sent pataude et inadaptée. Son look vintage cloche, du moins le pense-t-elle à force de scruter ses collègues toutes plus filiformes les unes que les autres, totalement lookées et vêtues de noire, et d'une beauté glaciale mais fascinante. Pour le lecteur, avisé par le titre et la couverture (un peu moche), il n'y a aucun doute possible sur la double facette des employées de Tasty. C'est un nid de vampires ou je ne m'y connais pas !
En attendant, on reste un peu sur la touche, à suivre les pérégrinations de la narratrice, alias Kate, qui a vent des rumeurs mais pense, au début, qu'il ne s'agit que de remarques imagées. Elle commence sérieusement à s'inquiéter lorsqu'elle est témoin de crimes dégoûtants (un chien vidé de son sang et abandonné dans un placard, ou des filles retrouvées mortes au cours des soirées vip...). Petit à petit, elle regroupe certains détails (interdiction stricte de servir de l'ail à la cantine, toutes les filles du magazine ne boivent qu'un jus visqueux qui passe pour du jus de betterave, au matin les bureaux sont vides, ou on y trouve d'étranges caisses en bois qui ne sentent pas la rose, et ce sont tous d'infatigables noctambules, sur qui les traces du temps n'ont vraiment aucune emprise !).
La rédactrice en chef n'est pas sans rappeller une certaine Miranda Priestly (cf. le roman de Lauren Weisberger). On est proche du Diable s'habille en Prada, simplement dans l'idée (une patronne effrayante, une jeune stagiaire innocente), mais comme l'indique le titre et la couverture du livre de Valérie Stivers on devine ici qu'on a affaire à des buveurs de sang ! Pas de mystère défloré. L'intrigue reste aguicheuse, bien tendue sans filer de sueurs froides, car cela reste de la lecture de divertissement. La narratrice, et héroïne, est une jeune fille moderne, naïve mais pas idiote. Ses questions apportent le cheminement nécessaire pour alimenter la tension et les énigmes qui fleurissent ci et là dans le roman.
Au final, on a un livre correct, léger, pas mémorable mais tout indiqué pour les vacances et la détente.
Fleuve Noir, avril 2009 - 14,90€
Le Paradoxe du menteur - Martha Grimes
« C'est un homme qui est entré dans un pub et qui me l'a racontée.
- Tu te moques de moi.
- Exactement ce que je lui ai retorqué. Je lui ai dit qu'il me menait en bateau. Bref, le pub se trouve dans la City. C'est l'Old Wine Shades. J'étais là, assis au bar, à broyer du noir, sans raison spéciale...
- Sans raison spéciale de quoi ?
- De broyer du noir.
- Ah. Continue.
- Un homme est entré, manifestement friqué, des vêtements comme les tiens...
- Cette veste pourrie ? dit Melrose, louchant sur son revers.
- ... et il s'est assis près de moi. Ça fiche les jetons, pour un début, non ?
- Oui, c'est digne de Winnie l'ourson. Continue.
- Et il m'a raconté cette histoire... »
Il y a un an, une femme et son fils se rendent dans le Surrey visiter deux propriétés et disparaissent sans laisser de traces. Seul le chien est revenu, quelques mois après. Depuis, le mari, en état de choc, séjourne dans un hôpital pour grave dépression. Il a contacté la police et des détectives privés, mais rien. Aucune piste. Richard Jury, commissaire à New Scotland Yard, rencontre un homme dans un pub qui lui raconte cette histoire. Cela dure tous les soirs de la semaine. L'individu, Harry Johnson, prétend que c'est une histoire sans fin. Ou une histoire à tiroirs. Chaque rendez-vous rapporte un nouveau chapitre, l'histoire grossit. Cela devient louche, mais Jury veut y croire, contre l'avis de ses proches (son inspecteur associé hypocondriaque, Wiggins, sa charmante voisine, Carole-Anne et même son meilleur ami, Melrose Plant). Il sort d'une enquête difficile, il a été poussé à un congé forcé par son chef, il a donc besoin de se changer les idées.
Et Jury est sérieusement intrigué par cette double disparition, de même il se demande si sa rencontre avec l'homme du pub n'est qu'une pure coincidence. Il va fouiller, c'est obligé. Et pour cela, il est accompagné de son inénarrable compagnon, Melrose Plant, un aristocrate excentrique, qui habite la petite bourgade de Long Pliddleton avec sa tante snob et acariâtre, Agatha. Pour échapper à cette vieille bique, il se rend à Londres, où il apprécie le refuge du Boring's, club très sélect et fermé, réservé uniquement à la gente masculine.
En fait, c'est clairement une ambiance qu'on aime retrouver chez Martha Grimes, au fil des livres publiés. On a l'embarras du choix entre les petits villages anglais, le pub, le manoir du Comte de Caverness, les bureaux de Scotland Yard ou l'appartement de Jury et de sa délicieuse voisine... C'est ainsi un petit monde qu'on retrouve, Richard Jury est un incontournable de la série. Il a la quarantaine, il dégage un charme fou, il est réservé, réfléchi et cultivé. Il n'hésite pas à trouver des métaphores littéraires dans les enquêtes les plus tordues. C'est un homme qui plaît, mais qui n'en profite pas. A ses côtés, Melrose Plant possède une séduction aristocratique, il a du flegme à revendre, il aime bouquiner, boire du bon cognac et paresser dans un fauteuil au coin du feu. Ce n'est pas un homme d'action, mais il ne rechigne pas à s'associer à son meilleur ami pour des situations parfois mouvementées.
A l'instar d'Elizabeth George, Martha Grimes est américaine et écrit avec bluff des romans d'énigme à l'anglaise. Vous ne connaissez pas (encore) ? Les éditions Omnibus viennent de faire paraître un volume regroupant les quatre premières aventures de Richard Jury. A ne pas louper !
A noter : tous les romans de Martha Grimes ont pour titre des noms de pub, en vo. Dommage, la traduction française n'a jamais joué le jeu.
Presses de la Cité, 2009 - 380 pages - 21€
traduit de l'anglais (USA) par Dominique Wattwiller
titre vo : The Old Wine Shades
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Les Enquêtes de l'inspecteur Jury
(qui, en fait, est commissaire...)
Long Piddleton est un charmant village du nord de l'Angleterre. Mais une série de meurtres abominables vient entacher le manteau de neige immaculé de cette bourgade paisible. Des cadavres sont retrouvés dans des positions insolites dans des auberges de campagne aux noms pittoresques et évocateurs. Pour arrêter cette hécatombe, Scotland Yard dépêche sur place l'un de ses meilleurs limiers : Richard Jury, un homme aussi tenace que chevaleresque. De la ténacité, il va lui en falloir pour démasquer le tueur en série parmi une foule de suspects : un aubergiste, un haut fonctionnaire déchu, une jeune poétesse romantique, un pasteur, un auteur de polars, une poule de luxe et bien d'autres. Par bonheur, Jury trouvera un précieux allié en la personne de Melrose Plant, châtelain dilettante que la nature a pourvu d'un cerveau fort efficace.
L'énigme de Rackmoor
Tout le monde vous le dira, il ne se passe jamais rien à Rackmoor. Que pourrait-il d'ailleurs bien se passer dans un petit village du Yorkshire accroché au flanc d'une falaise, battu par les vents et perdu dans le brouillard... Or, un jour, on retrouve le corps ensanglanté d'une inconnue. Une inconnue qui - vous diront certaines personnes bien informées - pourrait être Dillys March, la pupille du riche sir Titus Craël. Disparue depuis quinze ans, quelques langues venimeuses ajouteront qu'elle serait venue pour réclamer sa part d'héritage. Ce qui est troublant, c'est que la moitié des habitants de Rackmoor ne reconnaissent pas Dillys. Pupille ou usurpatrice ? Une affaire complexe dont triomphera l'inspecteur Jury de Scotland Yard au terme d'une plongée dans le passé obscur de la petite ville.
Le collier miraculeux
Une violoniste est sauvagement assassinée dans le métro de Londres. Elle était originaire d'un village répondant au nom charmant de Littlebourne. Or un chien vient de découvrir une drôle de friandise dans le bois voisin : un doigt humain ! Richard Jury et Melrose Plant vont arpenter les couloirs du tube londonien et les abords de la ténébreuse forêt de Horndean. Et les suspects les plus hétéroclites se présentent à eux : un couple de hobereaux d'un snobisme odieux, une vieille ornithologue revêche, une veuve habitant un manoir glacial et une petite sauvageonne qui sait dompter les chevaux les plus rétifs... mais pas le duo le plus flegmatique du Yard !
Le vilain petit canard
Stratford sur Avon, ville natale de Shakespeare et villégiature préférée du discret commissaire Jury, voit défiler à la belle saison des hordes touristiques accablantes. On aurait presque pu se réjouir, cette année-là, de découvrir des cadavres d'Américains faisant partie d'un voyage organisé. Mais des corps sauvagement mutilés, bien dans la tradition insulaire inaugurée par Jack l'Eventreur, font tout de même un peu désordre dans le décor pastoral des rives de l'Avon. Avec son ami Melrose Plant, douzième comte de Caverness, aussi titré qu'instruit des splendeurs du théâtre élisabéthain, le commissaire Jury va démonter le mécanisme d'une monstrueuse vengeance.
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--) C'est excellent ! C'est plus qu'un simple roman policier, même si l'intrigue sur ce plan est bien ficelée, c'est avant tout pour les petits riens autour que j'apprécie cette série. Les personnages sont beaux, touchants, humains. Ils aiment, sont trompés, ont le cafard, et nouent aussi des liens extraordinaires d'amitié. L'ambiance à Long Piddleton aussi vaut le coup d'oeil, ça donne envie tout ça... C'est british, en plus. Je fonds complètement !
Omnibus, 2009 - 26€
Tu sais qu'il y a un bateau qui mène au pays des rêves Là-bas où il fait chaud, où le ciel n'a pas son pareil *
* Paroles de Libertad / Pep's
On m'avait dit p'tit gars
Là-bas on t'enlève tes chaînes
On te donne une vie
Sans t'jeter dans l'arène
Comme ici tout petit après neuf mois à peine
On te plonge dans une vie où tu perds vite haleine
(...)
Alors une petite fille aussi belle que nature
Me prit par la main et m'dit : "Suis cette aventure"
On disait même, oh oui que la mer l'enviait
Que la montagne se courbait pour la laisser passer
Elle m'emmena au loin avec une douceur sans fin
Et ses bouclettes dorées dégageaient ce parfum
Qui depuis des années guidait ce chemin
Ton chemin, mon chemin, le chemin
(...)
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Avis à toutes les mamans qui ont grandi devant Heidi la petite fille dans les Alpages... Voici un petit bouquin pour vos bambins qui peut-être leur donnera une petite idée du bonheur (le nôtre, celui de notre enfance !). Anna, héroïne de 11 ans, et ses parents quittent leur ville d'Aulnay-sous-Bois pour s'installer dans un village de montagne où ils vont ouvrir une boulangerie. Un vrai décor de carte postale s'offre à eux, avec en prime un climat différent, un rythme de vie plus lent et des relations assez frileuses. La communauté est réservée, elle jauge avant de souhaiter la bienvenue et de vous compter parmi elle. Anna et ses parents pensaient que les idiots ne vivaient qu'en ville et étaient éloignés de ce havre de paix. Erreur : leur venue n'est pas bien perçue par le boulanger itinérant, fâché de perdre sa clientèle. Intimidation, menaces, sentence élémentaire : vous n'êtes pas d'ici, retournez d'où vous venez... Le père d'Anna va perdre son sang-froid et commettre le geste de trop.
De son côté, Anna a le blues et souffre du mal du pays. Elle n'ose pas le dire à ses parents, qui ne comprendraient pas. Elle a tout pour être heureuse, n'a aucune raison d'être insatisfaite et pourtant l'isolement, la solitude, le déracinement s'associent férocement pour miner son moral. Ou est-ce aussi le manque de sa meilleure amie Lina qui cause son cafard ?
Un texte gentil, sensible et lucide sur le déménagement et les relations avec les autres (parents, voisins, amis). De jolis passages sur la nature, les paysages montagnards apportent la petite touche de couleur au tableau.
* 10 ans et plus *
J'habite en bas du ciel - Bruno Gibert
Syros, coll. tempo - août 2008 - 136 pages. 5,90€
Pour les nostalgiques ;o)
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En vacances chez sa grand-mère, Mathilde s'inquiète de ne pas avoir de nouvelles de son amie Jocelyne, restée à Paris. Elle parvient à rentrer chez elle en avance et se rend presque aussitôt chez Jocelyne, où le quartier a totalement perdu de sa vivacité et de sa couleur. C'est anormalement calme, les lieux sont vides et abandonnés. En s'introduisant par effraction dans l'immeuble de sa copine, elle découvre des appartements délabrés, où la vie de tous les jours a subitement pris fin, sans explication.
Sa mère lui suggère alors de se rendre au commissariat mais l'accueil est froid. La rentrée au collège s'effectue, aucune trace de Jocelyne, ce qui inquiète de plus en plus Mathilde. Elle retrouve Gretsch, un garçon qui vient de Tchéchénie, pays qu'il a fui à cause de la répression sanglante, et elle sera alors témoin d'une scène qui lui apportera la réponse qu'elle n'attendait plus.
C'est sur une intrigue policière que se base l'histoire de ce roman, dont le sujet concerne la clandestinité et les sans-papiers. Cela devient un thème de plus en plus exploité dans la littérature jeunesse, cf. L'ami l'iguane d'Alex Cousseau chez Le Rouergue. Ici, Christian Roux a mis l'accent sur le mystère autour de la disparition d'une jeune Malienne, la meilleure amie de l'héroïne, en créant une ambiance pesante (il parle de 'tristesse infinie' ou de 'catastrophe permante' pour planter son décor).
C'est bien vu, Mathilde s'improvise détective et c'est à travers elle qu'on passe au peigne fin les 'lieux du crime'. Le passage en revue est souligné par son innocence et son inquiétude (bien légitime), mais cela n'empêche pas le lecteur de vite décrypter les messages cachés. En fait, l'auteur nous donne assez facilement les bonnes pistes à suivre, mais il a l'habileté de faire travailler Mathilde, la forcer à fouiller et réfléchir pour arriver à ses propres conclusions.
Le récit s'entoure aussi de brillantes introspections pour rappeler l'amitié sincère entre les deux filles, ce que l'une avait su apporter à l'autre. Il met aussi en valeur la précarité des familles démunies, sans aucun misérabilisme. C'est juste, écrit sans fard, sans état d'âme. Et cela touchera davantage les lecteurs de niveau collège.
Les maisons aux paupières crevées - Christian Roux
Syros, coll. Souris Noire - 146 pages - 5,90€
11 ans et +