L'été où j'ai vu le tueur, de Claire Gratias
Coincé pour l'été dans son petit village tranquille, pendant que ses copains sont tous partis en vacances, Hugo a déjà prévu de dévorer des romans d'épouvante. Sa rencontre avec Vadim va chambouler son programme. Pour impressionner le chef de la bande, il commence à raconter qu'il existe la Porte du Diable - un conte à dormir debout - dans la cave de sa maison. Son pote mord à l'hameçon et demande à en savoir plus.
Commence donc un vrai challenge pour Hugo : donner le change avec des détails croustillants et ne pas montrer qu'il meurt de trouille au fond de lui. Car le garçon est loin d'être téméraire. Les frissons, les nuits blanches, il les réserve pour ses lectures. En vrai, il a peur de son ombre.
En plus, une drôle de rumeur enfle dans son village. Le chien de ses voisins a été empoisonné. Puis un autre, et encore un autre. Cette hécatombe n'est pas le fruit du hasard. Hugo est persuadé qu'un criminel court dans sa verte et paisible campagne. Il entraîne alors Vadim à sa suite pour résoudre ce mystère.
Que de suspense entre les pages de ce roman ! Les jeunes amateurs vont se délecter. Le déroulement de l'intrigue n'est peut-être guère surprenant (j'ai passé l'âge aussi) mais le reste est bichonné avec soin : on a une ambiance pesante, un climat angoissant, un vrai roman noir. On joue avec les codes du genre, on se prête au jeu et on tourne les pages avec excitation. Le décalage avec le charme bucolique en toile de fond est également admirable.
Une réussite en la matière. Très sympa.
rouergue jeunesse, collection doado noir (2019)
La plus belle de toutes, de Rachel Corenblit
LPBDT revient pour sa deuxième saison avec six nouvelles candidates en quête de gloire, de fortune et de célébrité ! Elles ont seize ans et signé un contrat en béton, dans lequel elles s'engagent à partager six jours et cinq nuits dans un Palace, sous les yeux des caméras, jouant le jeu de la production avide de séquences fortes. Pas de place pour les états d'âme. Le public réclame des larmes, du buzz et du glamour. Que le show commence !
Sous le vernis artificiel, au-delà des portraits figés sur papier glacé, se dévoilent finalement des personnalités beaucoup moins anecdotiques et superficielles. Ainsi, nos six prétendantes - Eloane, Juliette, Barbara, Sacha, Kamélia et Shannon - vont prouver qu'elles ne sont pas de simples étiquettes, et encore moins des marionnettes entre les mains d'un système perfide et malsain.
Le procès n'est pas nouveau et Rachel Corenblit livre une analyse caustique de la téléréalité dans ce roman cruel et amer (cf. le dénouement). La mise en scène est assez expéditive - on assiste à peu de coups bas entre ados aux dents longues. Celles-ci vont au contraire s'entraider et faire capoter les plans du programme. On s'attend alors à une dénonciation dans les règles de l'art, et bim ! l'orchestration finale est verrouillée par les mains habiles d'une animatrice mégalo et rancunière.
La couverture est géniale, l'idée prometteuse et insolite. Cette lecture rappelle qu'au-delà du strass et des paillettes - « La télé est plus forte que tout. L'amitié, l'amour. Même la possibilité de se révolter n'existe plus. Tout est faux. » - amen. ☺
doAdo aux éditions du rouergue (2018)
Brouzouf Tour ou la folle virée avec ma grand-mère complètement barrée, de Cécile Chartre
Victorien, quatorze ans, a des rêves en grand et une grand-mère toujours partante pour le soutenir dans ses projets. Lassés de regarder les candidats lambda décrocher le pactole à un jeu télévisé, ils décident de tenter leur chance pour remporter, à leur tour, “un maximum de brouzoufs” !
Contre eux, les obstacles s'accumulent - ils vivent à 800 kilomètres de Paris, n'ont pas un sou en poche et misent sur le covoiturage pour se rendre aux présélections. Mais l'aventure ne refroidit pas leur enthousiasme. Colette s'offre même le luxe d'un détour à Saint-Étienne pour revoir son premier grand amour.
Et que c'est drôle ! J'ai franchement souri sur toute la ligne - péripéties déjantées, rencontres improbables, échappées belles et humour à tous les étages. Le ton est pétillant, savoureux et cocasse. On ne s'ennuie pas un instant. L'histoire est farfelue et néanmoins pleine de tendresse. En gros, un petit bouquin franchement extra pour se détendre les neurones.
doAdo chez rouergue (2018)
96 pages
Thèmes : Famille, Humour, Relation enfant/personne âgée, Travail / Argent / Chômage
Mes nuits à la caravane, de Sylvie Deshors
Gros cœur rouge sur ce roman, où l'on rencontre une bande de potes hyper attachante, dans la verte campagne limousine, autour d'une histoire simple mais bouleversante.
Lucile vit seule avec son père, qui a tendance à oublier son désespoir dans l'alcool. Sa mère est morte d'un cancer, le restaurant familial a brûlé dans un incendie criminel, l'assurance n'a pas remboursé les pertes. Le moral est donc au plus bas, mais Lucile refuse d'en accepter davantage.
Ne supportant plus l'attitude indigne de son père, elle claque la porte de la maison et part s'installer dans la caravane au fond du jardin. Ce lieu servait autrefois de refuge à sa maman, qui aimait peindre et s'isoler dans sa bulle. La caravane est donc imprégnée de ses souvenirs. Du coup, tout remonte à la surface, les émotions, le passé, les vieilles histoires d'amour et de jalousie, les rancunes tenaces, les dettes, les trahisons... Bref.
C'est en compagnie de ses meilleurs amis - Ben, Djoul et Léna - qu'elle se bricole un cocon douillet, lequel deviendra également le point d'ancrage pour les amateurs de musique et de poésie. Le cadre est féerique, l'ambiance festive et joyeuse. C'est feutré et réconfortant comme j'aime. Et puis les paysage sont magnifiques. On met en avant une région au charme bucolique insoupçonné (Bellac et ses alentours), en plus d'une communion parfaite entre ces jeunes gens en plein apprentissage de la vie.
C'est idylllique, avec juste ce qu'il faut d'espérance, de folie, de désarroi, d'amitié et d'amour. J'ai beaucoup aimé ! À lire et découvrir comme une parenthèse enchantée.
Rouergue, coll. doAdo (2018)
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Comment maximiser (enfin) ses vacances, d'Anne Percin
Je pensais être guérie de mon béguin pour Maxime Mainard, lorsque j'ai découvert la sortie de ce nouveau roman, soit une 4ème saison inopinée, sachant la trilogie bouclée depuis 2012. J'étais partagée entre la surprise et la panique, bonne ou mauvaise nouvelle, dans les premières pages, j'ai douté, trouvant que le garçon exagérait bêtement le ton de l'éternel insoumis, opposé au système par principe - allait-on nous réchauffer une vieille recette sans la même saveur ?
Foin de tout ça. En vrai, j'ai totalement succombé. C'est toujours aussi bon, toujours aussi drôle, toujours aussi dérisoire et toujours aussi déjanté. On retrouve nos fidèles camarades dans des aventures improbables - une série de concerts sur la route des vacances - et c'est du bonheur en barre. Je n'ai pas pu m'empêcher de glousser au fil des pages.
Le bac en poche, Maxime plane sur son petit nuage mais rechute lourdement après son admission loupée à Sciences Po. Totale remise en question et perspective d'avenir dans le flou. Notre jeune ami fonde ses derniers espoirs dans son groupe de rock, Kremlin, et décroche un contrat inespéré pour jouer dans un festival sur la côte Atlantique. Quinze jours à se doper de rock et d'océan, ambiance camping où l'on répète dans les sanitaires, une licorne gonflée sous hélium flottant sur la tente !
Ah, sûr qu'il faut le voir pour le croire. Maxime a réuni sa bande au complet - Stéphane à la batterie, Christian à la guitare, Julius à la basse - sans oublier sa Kévinerie, mascotte attitrée, son amoureuse Natacha, sa pote d'enfance Alexandra et sa groupie de frangine Alice. La suite de l'aventure promet monts et merveilles, mais est surtout désopilante et vous communique une vraie fraîcheur de vivre.
C'est le remède radical pour une cure de bonne humeur ! Prenez-en à fortes doses !!!
éditions du Rouergue, 2017
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Vendus à plus de 100 000 exemplaires, les trois premiers tomes ressortent sous de nouvelles couvertures pour brasser toujours plus large un public qui n'aurait pas encore eu la chance de connaître le personnage. ♥
Encore plus de bonheur, de Rachel Corenblit
Nouvelle saison pour l'héroïne de Que du bonheur ! dans laquelle Angela est décidée à tout déchirer et se défaire de son image de boulet du lycée.
Donc, maintenue en seconde après des résultats très moyens l'an passé, l'adolescente prend de haut ses camarades qu'elle juge mal dégrossis, en particulier ce Félix Arthaud immédiatement classé parmi les irrécupérables. De toute manière, Angela a d'autres priorités et encore le cœur brisé par ses précédents déboires.
Sur le plan familial, tout part en sucette - son père est partisan vegan, sa mère a viré sa cuti et son grand-père en Ariège casse sa pipe. Le monde s'effondre. Angela a tout juste eu un mois de répit avant de renouer avec les embrouilles.
Vis ma vie d'ado teigneuse et accablée de malchance ! Cest le programme du jour, à travers cette lecture réjouissante et débordante de pep's. Un rendez-vous léger et distrayant, sympa aussi dans la forme (mise en page façon journal, petits dessins rigolos). La formule est sans doute moins surprenante, mais le ton est toujours aussi mordant, plein de mauvaise foi et de dérision. On passe un vrai bon moment, sans prise de tête.
À suivre, j'espère...
éditions du Rouergue, coll. doAdo, 2017
Une histoire de sable, de Benjamin Desmares
Jeanne accompagne ses parents dans une maison en bord de mer pour y passer les vacances d'hiver dans le froid et la solitude, pendant que son père et sa mère ont le nez collé sur leurs ordinateurs. Jeanne est particulièrement hargneuse, elle déteste tout, du lieu de villégiature à l'ambiance sinistre de cette ville fantôme qui n'a aucun charme. Il n'y a pas âme qui vive aux alentours, à part deux frangins qui traînent devant chez eux et s'amusent à compter les grains de sable. Quel ennui. Et pourtant, Jeanne retourne chaque jour auprès d'eux, Bruno et Alain, qui semblent s'être échappés des années 80. Ils lui ont d'abord tapé dans l'œil en raison de leur look ringard, leur prénom a fini d'interpeller la jeune fille. Mais Jeanne tombe également sous le charme de l'aîné, elle aime être en sa compagnie, parler, rire et oublier ce qui les entoure.
La promesse d'une histoire pleine de surprises tient évidemment le lecteur en alerte, et l'incite à veiller aux moindres détails. Le dénouement n'est donc plus source de stupéfaction, mais la pirouette n'en est pas moins habile. Rien que l'idée de proposer une intrigue aussi troublante est déjà une réussite. Benjamin Desmares est un auteur doué qui nous emmène, livre après livre, dans des univers inattendus et captivants (cf. Cornichon Jim ou Des poings dans le ventre). Chaque histoire se renouvelle avec intelligence. Pour “Une histoire de sable” il est question d'une histoire d'amour insolite, avec une adolescente bougonne, un poil trop grossière à mon goût, perdue au milieu d'une station balnéaire désertifiée, et deux garçons mystérieux, complètement décalés avec notre époque. Cette drôle d'ambiance, à la fois évanescente et hors du temps, n'est pas sans rappeler celle du film Les Autres avec Nicole Kidman - moins pour l'intrigue que pour le décor, les personnages et leurs secrets. C'est à la fois étrange et fascinant, mais la lecture sort franchement de l'ordinaire !
Editions du Rouergue - coll. doAdo - Février 2016
Le Bureau des Objets perdus, de Catherine Grive
« Je passais ma vie à chercher mes affaires ... »
Ce court roman de 120 pages nous régale par son écriture légère et poétique et son histoire insolite d'une adolescente habituée de perdre ses affaires. Mais quand disparaît son blouson fétiche - un cuir usé, offert par le frère de son grand-père et donc chargé de souvenirs - elle va remuer ciel et terre pour résoudre ce mystère.
C'est un fait, l'héroïne a coutume de vivre dans sa bulle et ne voit plus les indices sous son nez, ni la menace qui plane sur son cocon douillet. Et de s'interroger alors sur le détachement de la jeune fille ou la place des objets dans sa vie. L'approche est sympathique, avec juste ce qu'il faut de fantaisie, car le portrait de cette rêveuse est brodé avec beaucoup de tendresse.
L'histoire au format court reste constamment sur la retenue, de manière subtile et délicate, et propose une jolie réflexion existentielle (« cette mémoire de ce qui avait disparu, nous allions la placer contre notre cœur en nous forçant à bien regarder le monde qui nous entourait »). Le plaisir est fugace, mais la lecture ne demande qu'à se dévoiler. Premier roman. Doux et prometteur.
éditions du Rouergue, février 2015
❀ Aile d'ange, par Ingelin Røssland ❀
Que de réjouissances à découvrir ce roman, qui se passe sur une île en Norvège, avec pour héroïne une jeune fille délurée, bornée, intelligente et intrépide ! Engel n'a certes pas sa langue dans sa poche et aime fureter partout. Elle vient de décrocher en job d'été le poste de journaliste à la gazette locale. Elle rêve de sujets brûlants, comme cette affaire de bungalows, masqués en hangars à bateaux, construits sur une zone littorale protégée, face à une réserve naturelle. Son rédacteur en chef l'oblige à freiner des deux pieds, ce qui a le don d'agacer la jeune fille, encore plus déterminée à aller au bout de son enquête, même si les difficultés s'accumulent.
Très vite, elle se heurte aux notables du patelin, se casse les dents face aux trop nombreuses difficultés, se prend la tête avec le jeune flic beau gosse, qui ne la lâche pas d'une semelle (et vient parfois à sa rescousse sans qu'elle lève le petit doigt). Bien entendu, derrière cette carapace de jeune fille têtue et coriace, Engel cache aussi sa détresse et sa solitude. Elle vit chez sa grand-mère depuis la mort de sa mère, son père travaille à l'étranger et lui demande de le rejoindre, mais la jeune fille refuse. Elle n'est pas encore prête à se livrer, à tout confier ... Et ça tombe bien, puisqu'il s'agit du tout premier tome d'une série de trois livres !
Tant mieux, tant mieux, car il y a encore de bonnes choses à tirer de cette découverte ! D'abord, Engel et ses enquêtes infernales, son attitude échevelée, son bagou considérable, ses relations avec ses proches, et plus particulièrement la complicité naissante avec le jeune flic ! C'est charmant, très attachant, absolument dépaysant. Mais il y a aussi toute la partie autour de la trame journalistique, sa quête de la vérité va la conduire sur des sentiers chaotiques et dangereux, révélant la face sombre du récit. C'est assez glauque et déboussolant, mais ça n'en enlève en rien l'excellente appréciation que m'a laissé ce roman ! Vivement le prochain.
Rouergue, coll. doAdo noir, octobre 2013 - traduit par Jean-Baptiste Coursaud
Desert Crossing (La fille mirage) ★
Jamie et sa sœur Lucy se rendent pour les vacances chez leur père, à Phoenix. Kit, un ami d'enfance, est également du voyage. La route est longue, ennuyeuse, la chaleur est accablante, les garçons tentent de tromper l'ennui en avalant une petite bière. Quand soudain, en plein désert, le ciel vire au gris orageux et une averse s'abat sur la route. La visibilité est nulle. Et c'est le choc, la voiture cogne contre un corps inconnu, les adolescents sont pétrifiés avant de revenir sur le lieu de l'accident pour y découvrir ... une jeune fille décédée.
Ils trouvent refuge chez une femme, Beth, qui vit seule et fait de la sculpture pour gagner sa vie. La police arrive peu de temps après. Les dépositions sont prises, Jamie est emmené au poste, comme le veut la procédure. Lucy est au bord de la crise de nerfs, non seulement elle s'inquiète pour son frère, mais elle s'interroge aussi sur l'identité de la victime et sur les raisons qui l'auraient poussée à se balader seule sur la route. Au fil des heures, et des jours, cela devient même une obsession. Sans rien dire à personne, Lucy avait dérobé le bracelet de la fille et cherche à travers lui des indices.
Car l'histoire va se transformer en enquête criminelle, pas de façon échevelée, avec musique de fond un poil grinçante, le niveau de stress poussé à son maximum, non, non, c'est plus diffus. Le roman distille une aura plus sourde, plus oppressante, on partage les pensées de Lucy, on ressent son angoisse, sa perplexité, quand son frère flirte avec Beth ou quand Kit se rapproche d'elle alors qu'ils ne se supportent pas, c'est comme si la tragédie dont ils ont tous été témoins venaient les secouer pour les forcer à agir de façon erratique ou irraisonnée.
On découvre ce roman surtout pour son ambiance, pour sa tension psychologique et pour ses personnages qui se révèlent forts et fragiles à mesure que l'histoire avance... J'ai une préférence pour toute la première moitié du livre, plus pointilleuse sur l'aura dramatique, la deuxième partie est plus convenue (mais c'est aussi là que se construit l'enquête). A tenter.
La fille mirage, par Elise Broach
éd. du Rouergue, coll. doAdo, 2013 - traduit par Etaïnn Zwer