Un jeune fermier, un navajo, une danseuse de revue et un joueur de poker fauché répondent à une annonce publiée en page nécrologique d'un journal et deviennent tous les quatre les nouveaux agents Pinkerton (l'ancêtre du FBI, pour faire simple). Leur première mission consiste à démasquer le Chapardeur - un voleur sans scrupule qui dépouille les voyageurs du Transcontinental. Coup de bol, Neil et ses collègues arrêtent le lascar, récoltent les honneurs et s'apprêtent à repartir chacun chez eux.
Pourtant, c'est trop facile, Neil trouve ça louche et commence à douter. C'est alors qu'il est lui-même victime d'une agression dans le train et qu'il se retrouve en plein désert. De nouvelles rencontres l'attendent, de nouvelles découvertes aussi... L'intrigue, finalement pas si commune, va s'aventurer sur un terrain inattendu, celui du fantastique, où de vieilles légendes indiennes s'associent aux phénomènes étranges. Une fois la première surprise digérée, ça devient particulièrement grisant. L'histoire aussi dénonce des faits authentiques, comme les conquêtes des territoires de l'ouest et la construction de voies ferroviaires, impliquant l'exploitation de la main d'oeuvre chinoise, les massacres et les sacrifices de vies humaines.
Je ne pensais pas être follement enthousiaste de tout ceci au cours de ma lecture, mais l'ambiance western m'a tellement conquise. Et puis, l'histoire n'est finalement qu'une mise en bouche (tome 1 oblige), je ne doute pas qu'elle va chercher à se développer à travers les prochaines aventures - un deuxième livre est annoncé pour fin août. Certes, il y a quelques facilités et des maladresses, les personnages ne sont pas atypiques (ils sont brossés grossièrement pour certains) mais ils n'en sont pas moins sympathiques. Et puis, j'aime le cadre et l'ambiance, je lirai indéniablement la suite avec grand plaisir.
L'Agence Pinkerton, tome 1 : Le châtiment des hommes-tonnerres par Michel Honaker Flammarion (2011) - 239 pages - 13€ illustration de Benjamin Carré
David, un passionné d'informatique, est convié à un entretien d'embauche au sein d'une prestigieuse firme de conception de jeux sur console. L'occasion est trop belle, le garçon est excité, il a devant lui du temps libre et en profite pour se reposer dans sa chambre d'hôtel. Lorsqu'il se réveille, il découvre avec panique qu'il a loupé l'heure de son rendez-vous. La stupeur le gagne encore, en réalisant qu'il se serait bel et bien présenté devant ses recruteurs et aurait décroché le poste. Premières sueurs froides. Notre adolescent songe avec effroi à Richard, son ami de toujours. Il l'a croisé à l'aéroport, c'était la première fois depuis des années. Ils étaient inséparables durant l'enfance, puis David a pris ses distances. Un mot, aussi, leur colle à la peau : Avelion. Je laisse volontairement planer le doute. Tant de mystère imprègne cette histoire. David, se confiant à son Journal, nous relate son ascencion au sein de son entreprise, non sans mal car un supérieur lui tanne le cuir. Miraculeusement, ce type disparaît de la circulation. Le garçon devient suspect aux yeux de son entourage, mais il se défend du mieux qu'il peut. Au fond de lui, il sait. Il croit. Richard n'est pas étranger à tout ça. Ce dernier se dérobe, mais ne comptez pas sur lui pour partir vivre sa propre vie. Richard et David sont liés. Serait-ce son double ? son ami imaginaire ? Toutes les spéculations volent et on ne sait plus ce qu'il faut penser. Mais la machine est en route et on comprend que l'un et l'autre vont se livrer une guerre terrible si l'un ose ne plus dépendre de l'autre. L'atmosphère est lourde, la manipulation terrible et irrémédiable. Les derniers chapitres dressent un peu les cheveux sur la tête, tout s'emballe. C'est une course folle, plus besoin de chercher la vérité, nous sommes happés par cette quête et confondus par toutes les suggestions. L'histoire est angoissante, l'issue glaçante.
L'ami de toujours - Xavier Mauméjean Flammarion (2011) - 278 pages - 10€
C'est un très, très joli roman qui absorbe toute votre attention pendant 500 pages et qui vous recrache contre votre gré, le coeur lourd et la tête à l'envers, car c'est vraiment difficile de quitter tous les personnages, même si on sait que tout va mieux pour eux. C'est l'histoire d'une ferme, qui s'appelle Le Bout du Monde. Un lieu paumé pour accueillir tous les bras cassés. On y rencontre Marlène, la responsable, et trois adolescents, Solam, Jul et Malo. On ne connaît pas tout de suite leurs histoires, on en aperçoit des bribes et c'est tant mieux. Cela rend la lecture plus intriguante et passionnante.
Le roman se construit autour des pages de journaux intimes de chacun - ils doivent se livrer à cet exercice imposé par Marlène. Tous n'y mettent pas le même coeur à l'ouvrage, certains préfèrent se défouler dans l'agressivité, d'autres dans leur détresse affective ou dans une poignante candeur. Mis bout à bout, leurs confessions nous bouleversent, nous touchent et nous racontent une vraie histoire, dans la lignée de celle d'Anna Gavalda. Ensemble, c'est tout est devenu un slogan à part entière, un slogan qui colle parfaitement à l'esprit du roman de Maud Lethielleux. C'est vous dire le bonheur et le bien qu'il procure.
J'ai ressenti des élans d'amour, de tendresse, de colère, de frustration et d'amertume au cours de ma lecture. Tout est vécu vite et fort, tout s'exprime au centuple. Ce n'est pas un roman banal. Pas une histoire commune. Et j'ai aimé aussi l'idée de créer sa propre famille, de se consoler comme on peut, avec les moyens du bord, jusqu'à l'issue de secours, inattendue mais pas vaine, rassurante et loin d'être mielleuse. Oui, c'est bien que ça se termine ainsi, c'est mieux, ça donne de l'espoir. J'ai réellement apprécié me fondre dans cette aventure humaine, me faire une place parmi cette communauté toute cabossée. Je leur souhaite bonne chance, comme à tous ceux qui grandissent trop vite ou que la vie inquiète.
Tout près le bout du monde - Maud Lethielleux Flammarion (2010) - 508 pages - 10€
Quand elle sourit j'ai l'impression d'être en coton, comme la poupée doudou que j'avais quand j'étais petit, toute molle. J'aimerais bien être un doudou toujours au chaud avec quelqu'un comme Djoule qui me cherche partout.
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Parfois je me sens libre. Je respire, c'est tout ce dont je suis capable : respirer, me nourrir, dormir. Et il m'arrive de penser que c'est suffisant, qu'après tout la vie n'est rien de plus, et que tout le reste n'est qu'un leurre.
Eternels, tome 3 : Le pays des ombres par Alyson Noël
Mes réserves de patience sont épuisées. Ever, la jeune fille censée tenir le haut de l'affiche, brille par sa bêtise et ses actes irresponsables ! Ce tome 3 prouvera encore qu'elle n'écoute jamais rien, ni personne et que son expérience passée - souvent malheureuse - ne lui sert strictement pas de leçon ! Pff. Mais comment peut-on être aussi bête ? Vite fait, ce qu'il se passe : Ever a pu sauver Damen, mais en lui faisant avaler sa potion, elle condamne leur couple à ne plus pouvoir se toucher. Encore une sale coup de Roman... il connaît l'antidote de l'antidote, et fait bouillir Ever en exerçant son chantage habituel. C'est un prodige, car la demoiselle met à chaque fois les deux pieds dans le plat. De son côté, Damen est convaincu que sa longue vie d'immortel n'a pas toujours été clean et qu'il est temps pour lui de rattraper ses erreurs en bichonnant son karma. (Le type canon et qui roule des mécaniques laisse place à un semblant de hippie, on n'y croit pas du tout !!!) Dans ce tome 3, on rencontre aussi Jude. Et on retrouve les jumelles, Romy et Rayne. Mais tout ceci intervient bien trop tardivement pour rattraper mon intérêt perdu, je me suis lassée de cette série. Cela tourne en rond, tout est cliché et les personnages n'ont aucun charme. Trop d'ennui tue l'ennui ! ^-^
Une réplique qui m'a bien fait rigoler... - Ces deux-là ! Ils sont de plus en plus bizarres, je te jure ! Miles daigne enfin lâcher son téléphone et nous lance un regard sceptique. - C'est vrai que vous êtes bizarres. Et puis, excuse-moi, Damen, mais l'hommage à Michael Jackson, tu ferais mieux d'oublier. Même toi, l'ex-top model, tu as l'air ringard avec ton gant.
(Explication : En buvant la potion qui lui a sauvé la mise, Damen s'est également condamné à ne plus pouvoir toucher sa petite copine, ou il passe l'arme à gauche, d'où ce gant qu'il porte à une seule main ! Oui, je sais. Heureusement le ridicule ne tue pas.)
Michel Lafon (2010) - 332 pages - 15,95€ traduit de l'anglais (USA) par Laurence Boischot et Sylvie Cohen
Autre série qui a eu raison de ma patience : Beautiful Dead par Eden Maguire.
Après un premier essai peu concluant, j'ai tenté de lire ce deuxième tome mais définitivement, non je n'accroche pas. C'est dommage, car je trouvais le début un poil meilleur. On ne s'embarrasse plus des détails, on connaît les Beautiful Dead, on n'oublie pas que Darina a perdu son petit copain Phoenix, poignardé lors d'une rixe. Il est devenu une de ces apparitions fantasmagoriques, il attend son heure. Darina est seule capable de les voir et a accepté de leur venir en aide (comprendre la face cachée de leur mort brutale afin qu'ils puissent franchir l'autre rive). Bref, ce deuxième livre est consacré au personnage d'Arizona (oui, les prénoms ont été choisis exprès... c'est bizarre ?). Elle se serait noyée dans le lac, mais des doutes persistent. Au tour de Darina de mener son enquête... Comme toujours, ce drame va révéler des faits sordides et qui dérangent. En fait, je ne me sens pas du tout à l'aise avec cette série, l'ambiance est glauque et les Beautiful Dead m'effraient plus qu'ils ne le devraient. De plus, je me demande vraiment comment l'histoire entre Darina et Phoenix va se boucler. Bientôt son tour de comprendre ce que dissimule sa mort violente. Aussi, curieuse mais pas du tout motivée pour en lire davantage, j'ai été à la pêche aux spoilers (mon sport favori). Bah, bah, bah... ça ne promet rien du tout ! J'avais vu venir le truc dès le premier tome, je suis déçuuue !!! Au revoir Darina et Phoenix, je n'ai pas su vous aimer à votre juste valeur. Tant pis.
Flammarion (2010) - 357 pages - 13€ traduit de l'anglais (USA) par Luc Rigoureau
Bientôt : Bloody Valentine de Melissa de La Cruz ... le recueil renfermant trois histoires courtes de la série des Vampires de Manhattan !
Ce livre bénéficie d'une réédition et c'est un grand bonheur ! Il m'a notamment permis de faire sa découverte, et donc d'apprécier le style de l'auteur à travers cette histoire assez originale et plaisante à suivre. Cela pourrait se résumer à une histoire d'amour entre deux adolescents, sauf que Simon et Rose ne sont pas des personnages ordinaires, comme on pourrait en croiser souvent dans cette littérature. Simon, alias Sa Seigneurie, est une équation avec plusieurs inconnues à lui tout seul. D'extérieur, il est très beau, il cultive une attitude guindée et raffinée, avec tailleurs sur mesure et langage révérencieux, ce qui le met à l'écart de ses camarades de classe, devenant l'objet de leurs quolibets. Car au fond, Simon souffre, il se sent seul et incompris, de plus il nourrit une admiration amoureuse pour Liane, l'amie de sa mère, jusqu'au jour où emménagent leurs nouveaux voisins.
Rose, jolie anglaise sans accent, n'est pas très grande et reçoit comme accueil une remarque déplaisante de la part d'un bougre de l'école. Qui a dit que le lycée était le nouvel enfer sur Terre ? Bref, Rose et Simon vont d'abord se tolérer, s'intriguer, se rapprocher et se toucher. Et puis tout bascule, tout s'accélère. Simon se découvre épris de Rose, qui s'effarouche et veut mettre de la distance entre eux. Patience, incompréhension, souffrance, maladresse et j'en passe vont donc devenir leurs pions dans ce jeu amoureux qui connaît ses hauts et ses bas. J'ai trouvé l'histoire charmante, la personnalité de Simon se révélant séduisante au-delà des apparences. Une douce harmonie règne entre Rose et lui, comme deux sensibilités qui trouvent là un reflet de miroir. Ce fut une bien jolie lecture, pleine de tendresse et de légèreté !
C'est en cherchant un autre livre sur le roi Arthur que mon regard s'est posé sur Graal Noir de Christian de Montella. Un livre vraiment tout noir, par son apparence (allez juger en librairie), de quoi vous faire fondre d'envie et de curiosité. Le contenu, lui aussi, vaut le détour. C'est l'histoire de Merlin. Oui, Merlin l'enchanteur. Mais il s'agit en fait de la jeunesse de Merlin, il aurait ici approximativement dix-huit ans. Il est accompagné de maître Blaise lorsqu'il arrive à Caer Lûdd, le château du roi Uther. C'est jour de fête. Maelgwyn le Gallois rouge, également le meilleur ami du roi, rentre de sa mission avec le fils du Diable enchaîné, prêt à servir de sacrifice. Car le roi a des soucis avec sa tour du Val Vert qui ne cesse de s'écrouler. Dans le grimoire, qui a déjà permis à Uther d'accéder au trône en assassinant son père, il est écrit que l'épandage du sang du fils du Diable permettrait de conjurer la malédiction. Bouche en coeur et sûr de lui, Merlin se présente et fait son show. Il connaît le passé, peut prédire l'avenir et avertit le roi Uther que l'être le plus proche de son coeur le poignardera dans le dos. La vieille reine Gwenhwyar incite son fils à ne pas croire les balivernes de Merlin, qui serait, selon elle, un instrument des druides.
Un vrai nid à complots, trahisons et autres manipulations que tout cela ! J'ai halluciné, et savouré. A ceci, s'ajoute la touche sensuelle, belle et dangereuse de Pamina, délicieuse créature diabolique qui s'est jouée de Merlin et ne compte pas en rester là. C'est vraiment captivant. Et ensorcelant. Merlin ne ressemble pas à l'image qu'on connaît de lui : c'est un jeune homme arrogant, séducteur et insolent, il plaît et il déchaîne les passions. Il possède déjà beaucoup de pouvoirs, mais n'a pas encore rencontré Myrghèle, pour atteindre le paroxysme de ses capacités. Il ne s'agit que du premier tome d'une trilogie qui promet de bien belles heures de lecture. L'histoire se termine sur la rencontre avec Morgane, la belle et redoutable magicienne... brrr j'en ai des frissons. Vivement la suite.
Graal Noir (Le fils du Diable) - Christian de Montella Flammarion (2010) - 324 pages - 13€
Flammarion, 2009 - 350 pages - 19,90€ traduit de l'anglais par Cécile Chartres
Vous êtes à la recherche d'un conte de Noël ? Lisez ce roman de Cecelia Ahern, sinon passez votre chemin (ou vous risquez une crise de diabète). Tout commence dans un commissariat de police, le sergent en tête-à-tête avec celui qu'on nomme le garçon à la dinde, va lui raconter l'histoire d'un type - Lou Suffern, une trentaine d'années, fringant jeune loup aux dents longues, toujours entre deux rendez-vous, ambitieux et sans scrupule, à tel point qu'il en oublie sa petite famille, son épouse, leurs deux enfants, en plus de ses parents, sa soeur et son mari, bref Lou est branché sur cent mille volts, pas le temps de souffler, pas le temps de profiter de la vie qu'il se construit. Sa rencontre avec Gabe, un sans-abri qui squatte en face de son entreprise, va changer la vie de Lou. Il perd quinze précieuses minutes à discuter avec lui, lui offre un café puis lui propose un job. Gabe est un jeune homme étrange, mystérieux, il sait des choses, il anticipe les actes et pensées des autres, il est toujours là où on ne l'attend pas, mais sa présence ne paraît jamais inopportune. Ce type a un don, c'est un cadeau du ciel, se dit Lou, de plus en plus perplexe. Du côté du lecteur, on se dit que Gabe est un ange. On se gausse, on a le sentiment d'avoir déjà tout compris, c'est bon, emballé, pesé, vendu. Mais ne nous précipitons pas. La couverture est jolie, l'histoire pas bien désagréable à lire, fluide et prenante, d'ailleurs cela se lit très vite, hélas ceci n'enlève pas la sensation que tout reste prévisible, même la fin est agaçante. Du pathos facile et bon marché, tsss. Dommage. Toutefois, j'ai aussi trouvé que c'était une lecture toute douce, réconfortante, qui vous rappelle combien il faut vivre l'instant présent et prendre le temps de profiter des petits bonheurs de la vie. Il y a la magie de noël, d'où mon avertissement, si vous êtes allergiques aux bons sentiments, filez vite, vous vous êtes perdus entre ces lignes, vous n'avez pas votre place. C'est le deuxième livre que je lis de Cecelia Ahern, après La vie est un arc-en-ciel (que j'ai largement préféré !).
Flammarion, 2009 - 317 pages - 17€ traduit de l'anglais par Laurent Bury
« - Elle est tolérable, mais pas assez jolie pour me tenter, et je ne suis pas d'humeur à accorder de l'intérêt aux demoiselles que les autres hommes dédaignent. Alors que Mr Darcy s'éloignait, Elizabeth sentit son sang se glacer. Jamais de sa vie elle n'avait été insultée de la sorte. Le code des guerriers exigeait qu'elle vengeât son honneur. En veillant à ne pas attirer l'attention, Elizabeth baissa la main jusqu'à sa cheville, où elle trouva la dague qu'elle dissimulait sous sa robe. Elle avait l'intention de suivre cet orgueilleux Mr Darcy à l'extérieur et de lui trancher la gorge. Cependant, à peine avait-elle saisi la poignée de son arme que la salle se remplit d'un choeur de hurlements, aussitôt accompagnés d'un bris de vitres. Des innommables se répandirent dans la pièce, avec des mouvements gauches mais rapides ; les habits dans lesquels ils avaient été inhumés illustraient toutes les formes de désordre possibles. Certains portaient des robes en lambeaux, si bien que leur nudité en était scandaleuse ; d'autres, des costumes si crasseux qu'on les aurait crus faits de terre et de sang séché. Leur chair présentait des degrés divers de putréfaction ; chez ceux qui venaient de trépasser, elle était souple et légèrement verdâtre, alors que chez ceux dont la mort remontait à plus longtemps, elle était grise et friable. Leurs yeux et leur langue étaient de longue date tombés en poussière, et leurs lèvres se retroussaient en un perpétuel sourire de squelette. Quelques-uns des invités, qui avaient la malchance de se trouver près des fenêtres, furent aussitôt capturés pour être dévorés. Lorsque Elizabeth se redressa, elle vit Mrs Long tenter de se dégager alors que deux monstres femelles lui mordaient la tête. Le crâne craqua comme une noix et projeta des éclaboussures de sang noir jusqu'aux lustres. Tandis que les invités fuyaient en tous sens, la voix de Mr Bennet retentit à travers le vacarme. - Mesdemoiselles ! Pentagramme de la Mort ! Elizabeth rejoignit aussitôt ses quatre soeurs, Jane, Mary, Catherine et Lydia, au centre de la pièce. Chacune des filles détacha un poignard de sa cheville et elles se disposèrent de manière à former les cinq branches d'une étoile, puis s'avancèrent simultanément. Chacun brandissait d'une main un poignard tranchant comme un rasoir, l'autre main pudiquement rangée dans le dos. D'un angle de la salle, Mr Darcy regarda Elizabeth et ses soeurs progresser vers les murs, décapitant zombie après zombie sur leur passage. Il ne connaissait qu'une seule autre femme dans toute l'Angleterre qui maniait le poignard avec autant d'habileté, avec autant de grâce et avec la même précision mortelle. Lorsque les filles atteignirent les murs de la pièce, le dernier des innommables gisait au sol, inerte. En dehors de cette attaque, la soirée se déroula agréablement pour toute la famille. (...) »
Une farce, ce roman ! Pas le temps d'avoir une petite pensée pour Jane Austen, ou tout juste, qui doit se retourner dans sa tombe. Cette parodie est à prendre à la légère, l'intrigue de base est la même que l'oeuvre originale (Orgueil et Préjugés) mais cette fois le Hertfordshire est ravagé par un terrible fléau : des attaques de zombies. M. Bennet ne gamberge plus dans son bureau, parmi ses livres poussiéreux, il a le souci de veiller à la défense de sa maison et passe son temps à aiguiser son poignard, nettoyer son mousquet et entraîner sa progéniture. Les filles Bennet sont des fines mouches, elles constituent l'armée de faction (en jupons et dentelles) à Longbourn et ses environs (elles ont même suivi un entraînement intensif dans l'art du combat à mort !). Netherfield Park accueille ses nouveaux locataires, soit M. Bingley et toute la clique londonienne, dont le très orgueilleux Darcy. Vous l'avez compris, 85 pour cent du texte original ont été préservés, Grahame-Smith s'est ensuite contenté de fondre son grabuge du zombie ultraviolent pour un roman au-delà de toute morale. Les puristes crieront au scandale, les autres lecteurs penseront juste que c'est à prendre au second degré ! Car c'est effectivement cocasse, absurde, grand-guignolesque, invraisemblable, terrifiant et ridicule. Et pourtant, ce n'est pas totalement mauvais non plus, sauf si vous n'aimez pas les zombies et ce qui s'apparente à de la comédie très gore ! Pour ma part, j'ai ricané. J'ai franchement passé un bon moment, en reconnaissant que c'était osé, maladroit, en perte de vitesse au fil des pages et proche du sacrilège. Ce livre de Grahame-Smith n'a aucune prétention, l'auteur a d'ailleurs de l'humour puisqu'il se présente lui-même comme un écrivain et scénariste américain qui ne s'est jamais remis de la lecture de Jane Austen ! Bien sûr, son délire littéraire est voué à l'oubli, en attendant il est bon de rire... Et c'est à souhaiter que les lecteurs qui trouveront ce livre, sans connaître l'original, auront l'envie de découvrir la véritable pépite sans attendre !
D'autres facéties sont à craindre pour la suite : Sense and Sensibility and Sea Monsters ; Mansfield Park and Mummies ... Et un prequel à Pride and Prejudice and Zombies va paraître en mars 2010 sous le titre de Dawn of the dreadfuls, où Liz Bennet devient cette stupéfiante tueuse de zombies qu'on connaît. Les Janeites sont sous le choc ! :o)
L'histoire s'ouvre sur une mission commando dans la jungle de Guinée, puis revient trois mois plus tard à New York. Deux jeunes sdf s'introduisent dans un bâtiment abandonné, mais apparemment possédé par une présence maléfique. Le jeune homme est tué, la jeune fille est sauvée grâce à un clochard venu de nulle part. Confiée aux bons soins de la police, Elsie devient un témoin important, sauf qu'elle refuse de parler et demeure prostrée sur son lit d'hôpital. C'est Bob Single, récemment promu lieutenant dans un bouge du Bronx, qui vient d'hériter du dossier. Son ancien collègue, Trevor Meredith, a été poussé à la retraite, suite au fiasco précédemment lu dans Chasseur noir. Le jeune inspecteur se jure de ne pas tremper dans les affaires louches pour éviter pareille punition, mais sa promotion s'annonce déjà descendante. Ebenezer Graymes est d'ailleurs de retour en ville, prêt à assumer sa charge de Chasseur noir contre les forces occultes. C'est lui qui est intervenu pour sauver Elsie. Single est farouchement allergique à ses théories, selon lesquelles des actes de sorcellerie et de vaudouisme séviraient dans le Bronx. De même, un émissaire d'Afrique, qui s'oppose à des forages pétroliers dans son pays, exprime les mêmes menaces envers une ombre maléfique, prête à tout, même à kidnapper la jeune Elsie, pour accomplir son funeste dessein. L'action est de plus en plus riche, l'ambiance très noire, portée par un personnage difficile à cerner. Ebenezer Graymes, cet expert en démonologie, est un solitaire, qui cherche à accomplir une vengeance personnelle en plus de veiller contre les forces du mal qui grouillent dans l'ombre. Il semble enfin prêt à assumer la lourde charge qui l'attend, devient le locataire officiel du 1, Montague Street mais refuse d'obéir aux ordres d'une confrérie supérieure. Le personnage du policier Bob Single permet heureusement d'alléger cette atmosphère oppressante, grâce à son humanité, sa jeunesse, ses valeurs naïves et héroïques, son rationalisme. Le mélange des deux personnalités promet une belle cohésion, dans ce climat sans cesse plongé dans le clair-obscur. J'aime beaucoup.
Flammarion, coll. Tribal, 2009 - 257 pages - 10€ Existe aussi : Chasseur Noir
« un paysage d'amours et de désirs qui luttaient pour respirer »
A voir cette couverture, on est en droit de s'attendre à un livre qui décolle, avec une héroïne prête à s'éclater. En fait, ce n'est pas tout à fait le cas. Surtout au début. A dix ans, Rumi est reconnue surdouée en maths. Ses parents tombent des nues mais n'en perdent pas une miette. Aussitôt un programme d'entraînement intensif est fixé, l'enfant va bosser dur, s'enfermer dans sa chambre ou réviser à la bibliothèque, pas de temps à perdre pour jouer, se lier avec d'autres camarades de son âge, il faut saisir cette chance unique, cultiver ce don. L'objectif : entrer à Oxford avant les quinze ans de la jeune fille.
Cela paraît dingue à lire comme ça, mais ça l'est véritablement ! On compatit avec Rumi, coincée dans ce carcan d'éducation, en ballotage entre ses désirs et son souhait de complaisance. Soumise et obéissante, Rumi ne veut pas décevoir ses parents. Ses derniers ont quitté l'Inde pour s'installer en Angleterre, mais Shreene, la mère, ne s'y plaît pas du tout. Tout va à l'encontre des principes de leur éducation, la femme va de dépit en dépit en constatant que son enfant lui échappe, qu'elle n'a pas les bases essentielles pour rentrer dans le moule, tel qu'on lui a appris dans son pays natal. Et Manesh, le père, ne plaisante pas avec la discipline. Il est intransigeant, n'autorise pas que sa fille perde son temps à lire des oeuvres romanesques (en cachette, dans sa chambre ou à la bibliothèque, Rumi double de ruses).
A quatorze ans, c'est une adolescente en pleine crise hormonale qui brûle d'aimer et d'être aimée. Elle en a soupé des attentes de ses parents, lesquels fondent sur elle des espoirs insensés. Malgré eux, ils rendent leur fille malheureuse et sont trop aveugles pour l'apercevoir. Ils appartiennent à une autre génération et comptent élever leur enfant selon leurs propres valeurs fondamentales, hélas elles ne correspondent pas à l'Angleterre dans laquelle ils vivent et où Rumi grandit chaque jour, s'inspirant de sa culture, de ses modes et ses codes. La jeune fille se détache et ce n'est pas du goût des parents. Toute discussion semble impossible, que faire ?
L'épilogue du roman est poignant, car il vient expliquer les leitmotivs des parents dépassés par le tapage médiatique créé par le phénomène de Rumi, surdouée de quatorze ans qui entre à Oxford. C'est à travers leur façon de vivre qu'ils seront jugés, d'où la dénonciation d'un certain fondamentalisme de part et d'autre. A ce moment-là, oui j'avoue, j'ai ressenti une immense sympathie pour eux, tant ils étaient désarmés (cela survient très tard, hélas). Je soutiens malgré tout le goût de liberté de Rumi, cette jeune fille sympathique, intelligente et cruche à la fois (elle n'y connaît rien à la vraie vie !), elle a bu des litres de sagas à l'eau de rose ou visionné des tonnes de films bollywoodiens, qui évoquent l'amour tel un cliché énorme, mais pas du tout vraisemblable. Toutefois Rumi l'ignore et vit sa vie comme dans ses rêves, c'est totalement incompatible et cela la plonge dans des situations comiques, où elle pense pouvoir tout résoudre grâce à sa logique mathématique (ou en ingurgitant des graines de cumin !).
J'ai pris grand plaisir à lire ce roman, après un début assez lent (toute la première partie, en fait). La suite est un régal d'humour, le portrait d'une adolescente empêchée de vivre une vie ordinaire, parce qu'elle est surdouée et fille d'immigrés indiens, etc. etc. C'est aussi écrit avec beaucoup de sensibilité et une grande justesse, enfin bref j'ai beaucoup aimé ! A conseiller, encore une fois. :)
Flammarion, 2009 - 334 pages - 19€ traduit de l'anglais par Alexandre Boldrini