Un Noël au bord de la Tamise, par Anne Perry
Dans ce roman court, l'esprit de Noël est bien présent (ce qui n'est pas souvent le cas dans cette collection) ! Anne Perry nous rappelle l'essentiel des fêtes à travers le regard de Worm, cet orphelin qui a échappé à la rue pour vivre chez Squeaky Robinson dont le passé sulfureux se découvre dans la série Monk. Le gamin, qui ignore tout des traditions et de la signification de Noël, écoute avec curiosité les explications parfois évasives de son bienfaiteur.
Toutefois, Worm a également en tête une scène étrange à laquelle il a assisté au moment de traîner dans le quartier - une demoiselle blonde et charmante aurait été emmenée de force par deux individus peu commodes. Il harcèle Squeaky pour retrouver sa trace et s'assurer que tout va bien.
Squeaky Robinson est attendrissant dans son rôle paternaliste. Il a vite compris qu'il ne fallait pas s'appesantir sur le sort de cette inconnue mais ne souhaite pas briser les espoirs de son jeune ami. Après quoi, c'est une histoire de cambriolage et de butin perdu, de chantage et de duperie. Une petite intrigue dont le suspense ne nous coupe pas le souffle. C'est surtout l'ambiance générale qui est notable - un Londres populaire et engourdi par le froid. Assez sympa, donc.
Et puis j'aime beaucoup le personnage de Squeaky Robinson (ancien tenancier de bordel reconverti en comptable dans une clinique pour demoiselles en détresse). On évoque beaucoup Miss Claudine et sir Oliver Rathbone aussi. Non, ce n'est pas un handicap de ne pas connaître la série Monk. L'intérêt du roman repose sur la relation très forte entre Worm & Squeaky et sur les messages subliminaux (bienveillance, entraide et amitié) qui font penser à Noël. Un bon rendez-vous parmi les nombreux Crimes de Noël qui ne sont pas toujours à la hauteur.
10x18 Coll. Grands Détectives - Trad. Pascale Haas - Nov. 2020
⭐⭐⭐
Le club des philosophes amateurs (Sunday Philosophy Club, #1), par Alexander McCall Smith
Depuis le temps que je tourne autour de cette série ! À lire sa présentation, j'ai des yeux de merlan frit à vouloir la découvrir au plus vite (pressentant que je vais également succomber à son charme). Et finalement... je suis amèrement déçue.
Certes, je perçois les contours de son potentiel : ambiance cosy et personnages ordinaires vaquant à leurs basses besognes (hum-hum). Au centre, Isabel Dalhousie se distingue (et peut paraître privilégiée), une gouvernante veille sur son petit confort pendant qu'elle dirige une revue d'éthique appliquée. Sa nièce Cat tient une épicerie qui fait aussi office de bistro. De beaux jeunes hommes croisent souvent sa route. Ceci dit, Isabel veille au grain car Cat est volage.
Et voilà qu'un soir, à l'opéra, Isabel Dalhousie est témoin de la chute mortelle d'un jeune homme. Cet accident la perturbe profondément. Même en tentant de l'effacer de sa mémoire, des détails surgissent pour l'inciter à y songer. Ceci l'affecte, au même titre que le nouveau fiancé de Cat dont elle veut sonder les intentions.
Le dilemme de cette chère Isabel pourrait se résumer à ce passage : « Ce dont j'ai besoin, c'est de quelques jours sans intrigues. Besoin de reprendre mon travail pour la revue, de finir mes mots croisés sans m'interrompre et de marcher de temps en temps jusqu'à Bruntsfield pour bavarder avec Cat de choses insignifiantes. Ce dont je n'ai pas besoin, c'est de passer mon temps à conspirer avec Jamie dans des bars et des restaurants, ni de me frotter à des financiers retors aux goûts artistiques dispendieux... »
Calme plat, donc, sur cette lecture... assez ennuyeuse (si ce n'est qu'elle est bavarde et superflue). Il n'y a aucune intrigue criminelle mais une histoire creuse avec des personnages peu attachants, pour l'instant. J'hésite encore à lire la suite.
éditions du Masque, 2018 - Traduction révisée de François Rosso
⭐⭐⭐
Hollywood Monsters, par Fabrice Bourland
« Souviens-toi des minutes qui ont précédé l'instant où cette créature est apparue sur Mulholland Highway, au beau milieu de la nuit : un épais brouillard s'était mis à envahir les montagnes, on s'était trompés de route, on avait choisi un autre itinéraire que celui initialement prévu, un silence funèbre régnait partout autour de nous.
- Ah ça ! Une ambiance angoissante, digne d'un film avec Boris Karloff !
- Tu viens de le dire toi-même : une ambiance angoissante. C'est comme si on avait eu sur l'écran une succession de plans rapprochés d'une même force suggestive : un coin de paysage abandonné, un manteau de brume au-dessus de la route, la lune dans un ciel d'encre... Et soudain, au milieu de ce décor sinistre, une créature fantastique jaillie de nulle part court à perdre haleine dans notre direction. Cet être a l'aspect physique d'un homme-loup, et un air terrifié...
- Tu ne crois pas que tu renverses un peu les choses, là ?
- Pas du tout. C'est lui qui avait l'air terrorisé, mais les autres éléments de la séquence ont influencé notre cerveau et nous avons donné à cette scène une interprétation contraire à ce qu'elle était. Toute la charge négative que l'imaginaire collectif confère à la figure du loup-garou, nous l'avons spontanément affectée à cet inconnu. Pour nous, ce n'était plus lui qui était terrifié : il était devenu terrifiant ! »
Andrew Singleton et James Trelawney sont en vacances sur la côte californienne et profitent des petits plaisirs de la vie mondaine sous la houlette de leur ami journaliste et critique du cinéma. Un soir, au retour d'une soirée, ils se trompent de route et tombent nez-à-nez avec un loup-garou ! Le lendemain, ils apprennent qu'une femme a été assassinée au même endroit et décident d'en informer la police.
N'attendez pas une enquête oppressante avec un écheveau impossible à démêler. C'est assez cosy & vintage comme lecture. Par contre, c'est aussi un texte extrêmement érudit et truffé de références à la gloire du cinéma hollywoodien, pendant son Âge d'Or des années 30. C'est super distrayant pour qui s'en soucie et c'est du petit lait à boire !
C'était également la dernière enquête des Détectives de l'Étrange car à ce jour ils n'ont pas réapparu pour hanter mes nuits avec leurs sombres histoires teintées de fantastique. Dommage.
Éditions 10-18 Grands Détective - 2015
Série : Le Fantôme de Baker Street - Les Portes du sommeil - Le Diable du Crystal Palace - Le Serpent de feu
#ChallengeHalloween #MonstresCréatures #AmericanHalloween
Le songe de l'astronome, de Thierry Bourcy & François-Henri Soulié
Nous sommes à Prague, en 1601. L'empereur Rodolphe II de Habsbourg a prévu une somptueuse cérémonie en l'honneur de l'astronome Tycho Brahé. Ce dernier promet en effet une grande annonce au cours de la soirée, ce qui n'a pas lieu d'enchanter l'assemblée car l'homme est retrouvé mort dans sa chambre.
Suspectant un empoisonnement, tous les convives sont assignés à résidence et ne doivent pas quitter le palais jusqu'à nouvel ordre, le temps que le capitaine Joseph Kassov mène son enquête, assisté de son neveu Mattheus.
La cour, rassemblant les plus grands penseurs, artistes et notables de l'époque, gronde de mécontentement. Mais tous sont des assassins plausibles et n'auront de cesse de brouiller les pistes à force de dissimulations et de révélations étonnantes.
Parmi eux, on trouve le peintre Sprangler, l'alchimiste Michael Maier et l'inquisiteur Roberto Bellarmin... mais également des intrigantes, doublées d'espionnes pour la cour d'Angleterre, un nain lubrique et comploteur, des courtisanes sans vergogne et des domestiques faibles et abusées.
Le tableau dressé est vraisemblable d'authenticité. Les auteurs ont en effet habilement mélangé le romanesque à des faits historiques (la mort de l'astronome est demeurée longtemps une énigme... jusqu'à la récente conclusion, en 2012). On apprécie donc ce voyage dans le temps, avec une peinture de la Renaissance fastueuse et haute en couleurs.
Plus largement, on ressent également la pression de l'enquête tenue à huis clos. La facture est classique mais efficace. Quelques longueurs à mi-parcours mais sans pénaliser la lecture qui s'avère distrayante et instructive !
Très bonne écoute audio : texte lu par Patrick Donnay avec une emphase tout à fait séduisante.
©2016 10-18 Grands Détectives.
(P)2018 Lizzie. Texte lu par Patrick Donnay (durée : 7h 30 env.)
L'attentat de Lancaster Gate, d'Anne Perry
Une bombe vient d'exploser dans une maison de Lancaster Gate, faisant cinq victimes parmi les rangs de la police. Les premiers soupçons de l'enquête se focalisent sur les anarchistes, mais Thomas Pitt, commandant de la Special Branch, découvre au gré des témoignages que les agents auraient été piégés et envoyés dans un guet-apens. Un suspect sort rapidement du lot, seulement son identité doit demeurer secrète pour ne pas compromettre les négociations en cours entre le gouvernement et la Chine. Autre cas de conscience pour Thomas Pitt, il doit convaincre son ancien sergent, Tellman, de fouiller dans les archives de ses confrères pour vérifier si une possible erreur judiciaire, avec corruption passive, est à déplorer.
Ambiance tendue et délétère dans ce 31ème épisode ! Les copains d'hier font grise mine et sont contraints à une posture désobligeante. De son côté, Anne Perry avance à pas mesurés pour déployer les ficelles de son intrigue (minutieuse) où l'on constate que les personnages sont tous mis à mal et pataugent dans un contexte particulièrement difficile. C'est une lecture qui ne manque ni de charme ni de raffinement. J'ai ainsi pris plaisir à retrouver Charlotte, sa sœur Emily, leur tante Vespasia ou Gracie Phipps autour d'un feu de cheminée, d'une tassé de thé ou dans un salon cossu. Cela pantoufle pas mal aussi mais il faut dire que tous les couples sont casés, plus besoin de s'attendre à de grands chamboulements, encore moins depuis que l'auteur a franchi le cap des 30 épisodes. En fait, Anne Perry ne me surprend plus mais bichonne tendrement ma fibre nostalgique (j'ai tellement vibré au rythme des premières enquêtes de Thomas et sa suffragette d'épouse). Désormais ses romans deviennent trop longs, avec des enquêtes qui se bouclent sans esbroufe, et se perdent parfois dans des atermoiements ronflants. Dans cet épisode, j'ai apprécié le procès final, sa mise en scène et ses révélations retentissantes. Ce dénouement a su me tirer de ma torpeur et me tenir en haleine jusqu'au tout dernier point ! Rien que pour ça, c'est déjà pas mal.
On reste dans une lecture audio impeccable, orchestrée par les éditions Thélème et lue par Frédérique Dufour. C'est lisse, sans chichis inutiles et d'une très grande sobriété. Je reste cependant sceptique quand au choix de proposer les derniers titres de la série. À quand le tout premier tome, L'Étrangleur de Cater Street ? Un peu d'ordre, maintenant !
©2017 Éditions 10/18, département Univers Poche. Traduction de Forence Bertrand
(P)2018 Éditions Thélème. Durée : 9h 53
#moisanglais_2018
La dernière expérience, d'Annelie Wendeberg
Après une première rencontre dans Le Diable de la Tamise, on retrouve Anna Kronberg - une femme médecin qui a longtemps caché son identité car la profession était interdite aux femmes - dans une nouvelle affaire sordide. Exilée dans son cottage du Sussex, Anna a finalement été pistée par le Professeur Moriarty - droguée, enlevée puis séquestrée chez lui, à Londres. Elle doit lui fournir une nouvelle arme chimique et n'a pas d'autre choix que de se plier à ses exigences - son père est également retenu en otage. S'installe alors une étrange cohabitation entre notre bactériologiste et son geôlier, l'un et l'autre ne se faisant pas confiance, tous les coups possibles sont permis - quitte à succomber au capiteux parfum de l'interdit. Ambiance opiacée, séduction veloutée, soirée à l'opéra, souper aux chandelles... Anna tombe sous le charme vénéneux de James Moriarty. Quid de Sherlock Holmes ? Lui aussi avait exercé un puissant ascendant sur notre héroïne - femme fatale et maîtresse de son corps, bravo ! - mais le fin limier avait également tracé son chemin sans demander son reste. Entre Anna et lui, l'attirance est palpable mais la raison domine la passion. Ceci dit, il ne faut pas chercher loin pour que la coquille se brise... Aussi troublante et sulfureuse soit-elle, la relation entre Anna et Moriarty ne nous laisse guère dans l'indifférence ! Le résultat est à la fois dérangeant et excitant, à l'image de la série. Pour tout dire, j'aime beaucoup le contexte historique, l'Angleterre victorienne, la société à double vitesse, les rôles controversés que l'auteur attribue à Holmes et Moriarty, les joutes verbales avec la scientifique, par contre l'intrigue est assez complexe et un peu lente pour faire battre mon cœur. Et l'idée d'une Anna Kronberg au centre des convoitises, suscitant les plus fervents penchants, c'est un peu fort de café ! Passons, car cette lecture me perturbe en exerçant une réelle addiction, ce qui m'a fait lire d'une traite les 300 pages du roman. Dernier tome disponible : L'Héritier de Moriarty aux Presses de la Cité.
10 X 18 Grands Détectives (2018) - traduit par Mélanie Blanc-Jouveaux
Presses de la Cité, 2017 pour la traduction française
#moisanglais_2018
Un traître à Kensington Palace, d'Anne Perry
J'aime beaucoup Anne Perry - dont je lis sans déroger toutes les parutions spéciales pour les fêtes de Noël - par contre j'ai accusé beaucoup de retard dans sa célèbre série du couple Charlotte et Thomas Pitt, dont voici le 32ème volume ! Ahem. Je tiens donc à saluer l'initiative des éditions Thélème qui proposent la version audio du titre. Pourquoi celui-ci, et pas le tout premier - L'étrangleur de Cater Street ? J'avoue que cela m'échappe, mais je n'ai pourtant pas boudé mon plaisir. Si je peux enfin recoller les wagons éparpillés et suivre cette série par livre audio, ce serait pour moi une formidable aubaine ! Un autre titre est d'ailleurs annoncé pour avril 2018, soit L'attentat de Lancaster Gate (n°31), qui confirme le choix de publier la série à rebours. Un détail discutable, malgré tout.
La vie de Thomas Pitt a grandement évolué depuis ses débuts dans L'étrangleur de Cater Street, et près de vingt ans ont passé quand on le retrouve dans Un traître à Kensington Palace ! Marquée par son veuvage et la vieillesse, la Reine Victoria convoque Thomas dans ses appartements privés pour évoquer la mort de son ami John Halbert, dont le corps a été repêché dans la Serpentine. Si l'enquête policière a conclu à une noyade accidentelle, la Reine souhaite en avoir le cœur net et demande à Pitt de dissiper ses soupçons. Ses rapports avec son fils Edouard ne sont pas au beau fixe, le Prince semblant s'attirer des amitiés à controverse, il revient à Thomas d'enquêter en toute discrétion pour éviter l'incident diplomatique. La mission est tendue, car Thomas est livré à lui-même et ne peut se confier à personne. Son épouse Charlotte ressent toute sa frustration mais va parvenir, avec sa vivacité légendaire et la complicité de sa sœur Emily, à aiguiller habilement les démarches de son mari.
L'intrigue policière est basique, on suit un Thomas Pitt confronté à sa conscience et forcé d'éprouver les limites de sa loyauté, d'où ce sentiment d'un homme tiraillé tout au long de son affaire, mais l'évasion historique est irréprochable (l'époque victorienne et son tableau sociétal). C'est la grande force de la série, en plus des personnages et de la satisfaction de les retrouver, livre après livre. La lecture audio faite par Frédérique Dufour pour les éd. Thélème est sobre et épurée (sans réalisation sonore). Cela peut déconcerter au début - le texte est livré dans son jus, sans artifice. La simplicité a du bon aussi !
10/18 Collection Grands Détectives (2017) / traduit par Florence Bertrand
(P)2016 Éditions Thélème. Lu par Frédérique Dufour. Durée : 9h env. -- Téléchargeable sur Audible
Le mot de l'auteur
La série Pitt démarre en 1879 – le décor idéal d’un roman policier. Entre faste et misère, optimisme et désespoir, rien n’est plus romanesque que ces somptueux costumes, l’éclairage au gaz, les fiacres ou des empreintes dans la brume… Et puis, l’envie, la crainte, l’espérance, la disgrâce et l’avidité restent entièrement semblables hier ou aujourd’hui. Comme, malheureusement, les maux de cette société victorienne. Avec la famille Pitt nous explorons autant la pittoresque histoire de Londres que les vies singulières, les liens, ou encore les triomphes et les désastres de ses membres.
ANNE PERRY
Les premières enquêtes de Miss Silver : Le Masque gris, de Patricia Wentworth
Fuyant une déception sentimentale, Charles Moray a longuement voyagé loin de son Angleterre natale, qu'il retrouve avec une pointe de nostalgie. Mais le soir où il se rend dans la grande demeure familiale, il surprend une réunion secrète dans la chambre de sa mère. Des individus complotent le meurtre d'une jeune héritière. Or, Charles reconnaît parmi eux la silhouette de Margaret Langton, son ancienne fiancée. Impossible pour lui de prévenir la police. Il parvient alors à la recontacter et la découvre en compagnie d'une jolie blonde, qui n'est autre que Margot Standing, la riche héritière qu'on cherche à éliminer. Sur les conseils de son ami Archie Millar, Charles embauche les services discrets de Miss Silver, “une petite personne, à la mine chiffonnée, aux traits insignifiants, aux cheveux grisonnants, soigneusement réunis en une lourde torsade sur la nuque”. Cette détective affable passe son temps à tricoter, tout en prêtant une oreille attentive aux confidences des uns et des autres. D'abord méfiant, Charles Moray va rapidement s'étonner de la vivacité d'esprit de cette étrange personne.
Miss Silver n'occupe toutefois pas le rôle clef de cette histoire, et même si elle est la contemporaine d'une certaine Miss Marple, notre héroïne est loin de l'égaler. Ceci dit, la lecture n'en reste pas moins charmante et pleine d'élégance ! L'intrigue policière se révèle habile et distrayante, avec ce soupçon de désuétude absolument ravissant, où l'on plonge avec délice dans une ambiance fin des années 20 - début des années 30, riche en insouciance et légèreté. Les personnages sont des caricatures frivoles et soupe au lait, mais inspirent aussi beaucoup de sympathie. En somme, c'est chic et sophistiqué. Pétillant comme une bulle de champagne.
La couverture signée Emmanuel Romeuf pour cette édition spéciale réunissant les trois premières enquêtes de Miss Maud Silver (Le masque gris, L'affaire est close, Le chemin de la falaise) vaut à elle seule la raison d'acquérir cet ouvrage !
10-18 collector, 2017, trad. Sophie Vincent pour Le Masque Gris (Grey Mask)
Un Noël à New York, de Anne Perry
En ce mois de décembre 1904, Jemina Pitt traverse l'Atlantique pour se rendre à New York avec son amie Delphinia Cardew qui doit épouser le fils de l'associé de son père. Accueillie chaleureusement par la famille Albright, Jemina est également séduite par le nouveau continent et par son ambiance cosmopolite. Harley Albright, le frère du fiancé, s'est même offert d'être son guide personnel durant son séjour. Ainsi, au détour de leurs flâneries, celui-ci s'épanche sur la possible menace qui plane sur les prochaines noces. En effet, il a eu écho du retour en ville de la mère de Delphinia, qu'on croyait disparue depuis des années. Harley craint qu'elle ne s'approche de sa fille pour lui extorquer de l'argent. Afin d'empêcher tout scandale, Jemina accepte de faire équipe et de mener une enquête discrète. Mais les affaires de famille peuvent parfois se révéler périlleuses, entraînant dans leur sillage la réputation et l'innocence de notre héroïne.
L'ambiance hivernale et le paysage new-yorkais à l'approche des fêtes plantent le décor et sont les principaux atouts de cette lecture. L'histoire est délicieuse, nous présentant la fille de Thomas Pitt comme étant une demoiselle indépendante, au tempérament affirmé et doué de bon sens. Ce qui se trame en coulisses est également charmant et captivant (dîners dans la haute société, secrets et non-dits). J'étais pleinement intriguée, curieuse d'aller plus loin et désireuse de fouiller encore. Hélas, le format du conte traditionnel est court (moins de 200 pages), ce qui ne permet guère à l'histoire de se déployer. Or, j'avais envie d'ampleur et de ne pas m'arrêter en si bon chemin. Au lieu de ça, le livre se termine trop tôt, avec un dénouement précipité. Je suis franchement frustrée, car j'avais anticipé un rendez-vous à la hauteur des promesses vendues. Dommage. La lecture est loin d'être mauvaise, mais nous laisse une sensation de dispersion et de brusquerie en raison de son format imposé. Les contes de Noël façon Anne Perry demeurent, malgré tout, une rencontre incontournable en cette période ! ☺
10-18 Grands Détectives, 2016 - Trad. Pascale Haas
Un Noël en Sicile, de Anne Perry
“En ce mois de décembre, la neige ne tarderait pas à tomber chez lui en Angleterre, mais là, tout près de la Sicile, la brise chargée d'embruns était d'une extrême douceur. (...) Passer trois semaines à Noël sur une île volcanique de la Méditerranée changerait-il quelque chose ? Ce séjour le guérirait-il de ce sentiment de désespoir, de petits échecs sans fin ?”
Âgé d'une quarantaine d'années, James Latterly se sent déjà vieux et rongé par l'amertume. L'homme vient de perdre son épouse, mais n'éprouve aucun réel chagrin. Outre un parcours professionnel gratifiant, James pose un regard vide sur le reste de son expérience. En s'isolant sur l'île de Stromboli, il espère au mieux oublier ses idées noires et retrouver l'élan qui lui fait défaut. Dans la petite pension qu'il occupe, notre homme croise d'autres vacanciers en déroute - un écrivain pompeux, un colonel guindé, des époux mal assortis et un vieillard malade. Seule une jeune adolescente, Candace Finbar, détonne en débordant de joie et de vie dans ce paysage sinistre. S'ajoutent, en toile de fond, les grondements sourds et insistants du volcan situé non loin de leur logis. Débonnaire, leur hôte assure que la situation est sous contrôle, mais James pressent un drame en puissance. Bingo. Quelques chapitres plus loin, c'est une avalanche de catastrophes qui s'abat sur l'histoire et les personnages. Quel revirement de situation ! La lecture, qui affichait pourtant un rythme de croisière pépère, devient soudainement plus intense et tragique. C'est aussi dans une atmosphère apocalyptique que l'on avance dans ce récit, où les corps tombent comme des mouches, mais où l'instinct de survie prévaut. Si James en doutait encore, cette réalité brutale va lui secouer les puces.
Au final, j'éprouve la sensation confuse d'avoir lu un roman décousu et échevelé, mais où le charme et l'élégance d'Anne Perry priment et travaillent en force pour vaincre les réticences. Je ne suis pas profondément déçue, les récents titres de cette collection ont déjà prouvé leurs limites, toutefois c'est enrichissant d'aller à la rencontre des personnages secondaires des sagas fétiches de l'auteur (James est le frère d'Hesther Monk). De plus, la promesse d'évasion est remplie, à défaut de baigner dans une ambiance de Noël digne de ce nom. ☺
10-18 Grands Détectives, 2017 - Trad. Pascale Haas