19/05/09

Rose, sainte-nitouche ~ Mary Wesley

L'an dernier, en 2008, les éditions Héloïse d'Ormesson annonçaient leur intention de republier les romans de Mary Wesley, injustement rangés dans des placards et rendus indisponibles sauf sur le marché de l'occasion, en remettant donc au goût du jour La pelouse de camomille (bientôt repris en poche, en juin).
Promesse tenue avec la parution, en 2009, du roman : Rose, sainte-nitouche (je n'aime pas du tout ce titre ! préfèrez l'original : Not that sort of girl).

rose_sainte_nitouche

Rose vient de perdre son époux, Ned Peel. Inutile de perdre son temps à pleurer sur son sort, elle boucle aussitôt ses valises et part se réfugier dans un hôtel pour ressasser les cinquante années écoulées auprès de son défunt mari. Bien sûr, elle avait tout pour être heureuse : la richesse, le confort, la sécurité, l'amour. Et pourtant son coeur battait pour un autre.
Allongée sur son lit, livrée à la solitude, elle se rappelle donc Rose Freeling, une jeune fille naïve, prude et quelconque, qui était venue chez des amis pour jouer au tennis, en fait pour rencontrer d'autres jeunes gens issus de la bonne société. C'est ce jour-là qu'elle croise pour la première fois Mylo Cooper, alors précepteur du fils de famille. Son destin se lie également à Ned Peel, héritier du majestueux domaine de Stepe, et aux jumeaux Thornby, Emily et Nicholas, deux redoutables rapaces aux dents longues.
Poussée par ses parents, snobs et méprisants, Rose se fiance à Ned et renonce à son grand amour. Mais ceci n'est qu'un début, car notre joli monde évolue dans une drôle d'époque. La guerre éclate. Les alliances sont conclues en quatrième vitesse, les séparations se suivent, les secrets naissent, des liaisons dangereuses se nouent.

L'histoire n'est pas très originale et pourrait rappeler la trame aperçue dans La pelouse de camomille. On retrouve un groupe de personnes, des amis, des connaissances, un microcosme de cette société anglaise atypique, bariolée et guindée, les remaniements irréfléchis qu'entraîne la guerre avec ses années de privation, comme un tourbillon qui s'abat sur tous, pressés subitement de vivre et d'aimer, sans le souci de la bienséance. Au centre, Rose a la réputation d'être douce et effacée, pas ce genre de fille à avoir des soucis, à tromper son mari, à butiner allègrement, si ce n'est dans son jardin. Et pourtant...
Mary Wesley nous offre un roman savoureux, qui s'ingurgite avec délectation. Les dialogues sont piquants, le rythme est sans cesse enlevé, avec des scènes à l'humour irrésistible, comme la nuit de noces ou le rendez-vous dans un petit hôtel miteux en bord de mer. C'est espiègle, légèrement insolent et délicieusement ironique. Les personnages ont beaucoup d'allure, ils sont chics, insouciants, arrogants, mondains, baroudeurs, raffinés ou prétentieux. On adore les détester, le couple Thornby en tête.
Mary Wesley se joue des modes et des conventions, elle montre dans ses romans qu'il ne faut jamais juger sur les simples apparences, révélant aussi son attachement pour des personnages immoraux ou qui agissent comme tel. C'est caustique et adorable, « une dragée au poivre » nous annonce-t-on en couverture.

C'est à l'âge de soixante-dix ans que Mary Wesley publie son premier roman, entamant ainsi une carrière aussi féconde que tardive. Elle est décédée en 2002.

extrait :

- J'ai beaucoup d'affection pour toi, Ned, dit-elle tristement.
- Et moi je t'aime.
- J'ai dit beaucoup d'affection, je n'ai pas parlé d'amour.
La voix de Rose se faisait coupante.
- Je t'ai entendue. C'est important d'avoir de l'affection pour la personne qu'on aime. Moi, je t'aime et j'ai de l'affection pour toi, mon chou.
Rose inspira profondément, puis lâcha précipitamment :
- Je sais que c'est idiot, je sais que j'aurais dû te le dire plus tôt, mais je ne supporte pas qu'on m'appelle mon chou, Ned, ça me rend malade.
 

Editions Héloïse d'Ormesson, 2009 - 464 pages - 22€
traduit de l'anglais par Michèle Albaret

Le présent roman a fait l'objet d'une première publication aux éditions Flammarion en 1990.wesley_mary

 


14/05/09

Les arbres pleurent aussi ~ Irène Cohen-Janca

Illustrations de Maurizio Quarello

Dans la cour de la maison 263 Canal de l'Empereur, à Amsterdam, un marronnier est témoin de la vie clandestine d'une jeune fille de 13 ans. Nous sommes en 1942, et Anne vient d'arriver dans la maison après une longue marche sous une pluie battante. Dans son cartable, elle a un cahier qui va devenir son journal intime...

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Encore un ouvrage essentiel, qui traite avec pudeur et justesse de l'Holocauste. Inutile de préciser qu'il se destine à tous.
Pour une question d'originalité et de distance, Irène Cohen-Janca a choisi un marronnier pour être le narrateur de cette triste histoire, du moins triste et grise, mais pas pathétique ou misérable. Parce que le marronnier est souvent cité dans le journal d'Anne Frank, il était intéressant d'avoir l'autre versant de l'histoire, celui de l'observateur observé. Des citations du journal sont donc reprises et montrent à leur façon le cycle de la vie, on découvre un arbre dénudé aux branches, puis totalement en fleurs et bourré de feuilles, et revient l'hiver, le froid, le printemps, l'arbre passablement vert et les premiers bourgeons...
Le marronnier raconte la vie des hommes qui jouent à la guerre et décrètent que les juifs ont interdiction d'exister, il soupire face aux hordes de soldats qui embarquent des hommes, des femmes et des enfants, sans grand espoir de retour... Il est témoin impuissant, muet. Pour lui aussi le temps va passer, il a 150 ans et il est malade de l'intérieur. Avant d'être abattu, il veut raconter son histoire, car  « j'ai donné à une petite fille de treize ans, captive comme un oiseau en cage, un peu d'espoir et de beauté. A elle qui, dans sa cachette, rêvait de sentir sur son visage l'air glacé, la chaleur du soleil et la morsure du vent, j'ai donné par mes métamorphoses le spectacle des saisons. »
Le spectacle de la vie.

Rouergue, coll. Varia, 2009 -  40 pages - 14€

d'autres pistes de lecture :

anne_frank_et_les_enfants_de_la_shoah   anne_frank_journal   anne_frank_mon_amie 

 

 

A noter : 

Irène Cohen-Janca a dédicacé son album à Ilan Halimi qui porte le nom d’un arbre et qui a été tué, après 24 jours de tortures,  le 13 février 2006, jour de Tou Bishvat, le Nouvel an des arbres. Sa mère Ruth Halimi en collaboration avec  Emilie Frèche vient de faire paraître un livre au Seuil 24 jours, la vérité sur la mort d’Ilan Halimi.

Alors que le procès de ses assasins s'ouvre le 29 avril et que la semaine du 21 avril est en Israël sous le signe du Yom Hashoah, je dédie à mon tour ce billet à Ilan, à Anne, à Mona, à Hermina et à tous les jeunes gens qui n’ont pu ni vieillir ni donner de bourgeons. Que leur souvenir soit béni.
Source : Kef Israel

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13/05/09

L'histoire de Clara ~ Vincent Cuvellier

Illustrations de Charles Dutertre

histoire_de_claraClara est un bébé juif né pendant la guerre. Quelques mots qui annoncent la couleur...
La particularité de cette histoire est d'être composée de plusieurs textes qui donnent voix à différents narrateurs, créant ainsi une ambiance nouvelle, chaque histoire s'influençant d'une couleur unique, d'une langue qui n'est jamais la même, entre le ton radoteur d'une vieille dame, la parole espiègle d'une bonne soeur gourmande, l'argot paysan d'un bonhomme dans sa ferme, le babillage insensé d'une sorcière folle etc.
On commence l'histoire par une berceuse, il s'agit de la maman de Clara, elle se cache avec sa famille, grapille quelques heures de bonheur avant l'arrestation. L'enfant est sauvé in extremis, et de fil en aiguille le bébé dans son couffin sera confié entre de bonnes mains. Objectif commun : la protéger des griffes du Mal.
L'histoire rebondit sans cesse, le destin de Clara est sur la corde raide, mais chaque rencontre vaut son instant d'amour, de gloire, de tendresse, de détresse, d'incompréhension, de révolte... Le passage avec le soldat allemand, par exemple, est intéressant (et romanesque) puisque l'homme répète sans cesse « Je croyais pas que je venais faire la guerre à des enfants ». La boucle est bouclée lorsque les dernières notes de l'histoire retentissent sur la berceuse entendue au début...
Avec simplicité, Vincent Cuvellier parvient à nous raconter la guerre, l'injustice et l'ignominie. Pour cela, pas besoin de sortir les violons pour faire pleurer dans les chaumières, il suffit d'un sourire enchanteur et des yeux de bébé qui posent sur le monde un regard rempli d'inquiétude, de reproche et de colère. L'histoire se veut également drôle, et pleine d'espoir. Sans dévoiler la fin, elle nous offre un joli tableau de douceur et de silence. C'est une très belle histoire, un ouvrage qui salue la complicité entre Vincent Cuvellier et l'illustrateur Charles Dutertre, rappellez-vous de La première fois que je suis née ...

Gallimard jeunesse, coll. Giboulées, 2009  - 65 pages  -  13,50€

Je n'ai pas d'idée pour l'âge à conseiller, dans mon cas je l'ai lu à voix haute à ma fille, elle a neuf ans, et je pensais qu'elle était encore trop jeune. Je me suis totalement trompée, cette histoire a su la toucher et lui parler, même si elle est encore ignorante sur la thématique de la déportation des juifs. (J'ai trouvé dommage, par exemple, qu'en classe sa maîtresse d'école n'explique pas pourquoi le 8 mai était un jour férié, que signifiait l'armistice, et à quoi cette date correspondait, sans tomber dans le didactique, mais au moins pour informer cette jeune génération.) Il y a beaucoup de texte dans ce livre, avec parfois un vocabulaire ou un ton qui demandent un accompagnement. En quelque sorte l'histoire se présente comme une leçon sans prétention qui pourra interpeller l'enfant, l'inviter à réfléchir et - pourquoi pas ? - poser quelques questions. Je me suis rendue pour la première fois au Mémorial de Caen avec ma fille qui avait 7 ans. C'était un peu jeune. J'ai tenté de lui expliquer la guerre, à travers l'histoire de mes grands-parents, parce qu'il y a des choses incroyables à dire, mais c'est encore neuf et innocent dans sa petite tête... Mais je pense qu'il est bon de proposer des ouvrages sur la guerre et la Shoah, il y a différentes façons d'en parler et c'est un devoir de mémoire. Surtout.

A lire :   l'explication par Vincent Cuvellier lui-même sur la naissance de ce livre 

31/03/09

EN STOCK : Le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates

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Janvier 1946. Tandis que Londres se relève péniblement des drames de la guerre, Juliet se demande quel va bien pouvoir être le sujet de son prochain roman. Lorsqu'elle reçoit une lettre d'un habitant de Guernesey, cette petite île anglo-normande oubliée, lui parlant d'un cercle littéraire et de tourtes aux pelures de pommes de terre, la curiosité de Juliet est piquée.
Au fil des lettres qu'elle échange avec les habitants - aussi fantasques qu'attachants - de Guernesey, Juliet découvre l'histoire d'une petite communauté sans pareille sous l'Occupation et le destin héroïque et bouleversant d'Elizabeth, une femme d'exception...

Rédigé sous la forme épistolaire, ce roman se lit d'une traite. C'est savoureux ! Au début, on pense vaguement à Helene Hanff et son 84, Charing Cross Road pour très vite l'oublier ! C'est encore mieux ici. On s'embarque rapidement dans une aventure insulaire, à Guernesey, au sein d'une communauté bougrement attachante. Ses habitants ont connu la guerre, en plus de leur isolement. Bien entendu ils se sont serrés les coudes, ont trouvé le moyen de se divertir en créant un cercle littéraire pour parler de leurs lectures. Mais en fait ses réunions servaient d'alibi pour des actes de résistance (han-han). Je n'en dis pas plus !

Vous allez adorer !

Le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates

Mary Ann Shaffer & Annie Barrows

Editeur : Nil, 2009 - 19€
en stock sur amazon.fr

titre vo : The Guernsey Literary and Potato Peel Pie Society

Avant-première ICI

16/02/09

Mille soleils splendides - Khaled Hosseini

« Mariam n'ayant jamais porté de burqa, Rachid dut l'aider à enfiler la sienne. La partie rembourrée au sommet, lourde et un peu étroite, lui enserrait le crâne comme un étau, et le fait de voir à travers le grillage lui parut très étrange. Elle s'entraîna à marcher avec dans sa chambre mais, comme elle était déstabilisée par la perte de sa vision périphérique et que l'étoffe se collait contre sa bouche, l'empêchant de respirer, elle ne cessait de trébucher, se prenant les pieds dans l'ourlet de la robe. »

51jN9vLghDL__SS500_Dans l'Afghanistan des années 70 à nos jours, deux femmes nous font partager leurs destinées en un mélange de passion, d'émotion et de désarroi. Mariam vit seule avec sa mère, répudiée par sa famille pour avoir été la maîtresse de son employé, le grand et riche Jalil. La petite fille idolâtre son papa, qui lui rend visite une fois par semaine, et refuse de donner foi aux propos acrimonieux de sa mère, rendue jalouse et haineuse par le temps. Pour son quinzième anniversaire, Mariam émet une demande : se rendre au cinéma, dans la ville de son père. Mais le rendez-vous tourne au cauchemar et aura des conséquences désastreuses sur la vie de la jeune fille.

Laila a grandi à Kaboul dans un foyer aimant et stable, son père est un intellectuel, il enseigne la poésie, et sa mère a un caractère difficile mais supportable. Elle a surtout peur pour ses fils, partis au combat (nous sommes dans les années 80) et va d'ailleurs perdre la raison en apprenant leur mort. Laila a heureusement son meilleur ami Tariq pour l'aider à surmonter le quotidien morose à la maison, jusqu'au jour où celui-ci annonce qu'il doit quitter le pays avec ses parents. Un monde s'écroule, noyé sous les bombardements.

Mariam et Laila vont se croiser, se rencontrer, vivre ensemble. Elles vont partager le toit du même homme, Rachid, qui est un monstre de violence et de misogynie. Le roman raconte leur quotidien, semblable à celui de milliers de femmes afghanes, dans un pays ravagé par les conflits. La place des femmes, elle, n'a fait que dégringoler dans l'estime des hommes, c'est parfois très révoltant à lire à travers des yeux d'occidentale. Roman prenant et poignant, il est écrit pour être lu d'une traite et pour accrocher le lecteur sensible à ces deux destinées de femmes fortes et remarquables. Jusqu'au bout on a le coeur un peu lourd, peut-être la faute à un sentimentalisme trop poussé. En tout cas, le but est atteint : roman dévoré et fort apprécié !

10/18 - 410 pages - 8,60€
traduit de l'américain par Valérie Bourgeois

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12/01/09

Juste pour le plaisir - Mercedes Deambrosis

Ce n'est pas facile de trouver les mots pour ce roman, mais une chose est sûre : il est bon, très bon !

Au début, au risque de s'y perdre, on s'accroche, on suit à travers les époques et les lieux différents plusieurs personnages en de courts chapitres qui se suivent sans relâche, à vous donner le tournis. Il y a par exemple un commissaire avec quelques années en plus, qui n'oublie pas une affaire douloureuse survenue pendant la guerre, avec le meurtre de trois jeunes filles qui étaient des voisines à Montreuil. Le dossier a été trop vite rangé dans les placards, cela continue de le hanter. Eté 1942, la famille Meïer est arrêtée pendant la rafle du Vel d'Hiv, sur simple dénonciation - pense la mère, un peu dégoûtée de confier les clefs de son appartement au mari de sa bonne, Germaine, qui ne donne plus de nouvelles. Il y a aussi un homme brun, une anguille ou un caméléon, on le voit se faufiler sur tous les sites en ruine et en guerre, il n'a pas de patrie, il n'a aucune moralité, ce type appelé Zacharie file des frissons dans le dos. Fin des années 80, en Allemagne, dans une tour abandonnée de tous, est retenu un prisonnier hors du commun, un criminel de guerre jugé à Nuremberg - un certain Rudolf Hess.

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J'ai déjà lu deux livres de Mercedes Deambrosis, qui est d'origine espagnole mais écrit en français. L'un était un roman léger, acide et amer, sur deux copines qui se retrouvaient après bien des années, elles s'arrêtent prendre un verre et papotent allègrement, et la conversation vire doucement à l'aigreur, attention aux révélations finales qui font bing bang boum. (cf. Un après-midi avec Rock Hudson). L'autre était un recueil de nouvelles dans lequel l'auteur n'hésitait pas à régler quelques comptes avec son pays à l'histoire douloureuse, meurtrie par une guerre civile, et soldée par une tuerie inutile et bête. Comme souvent dans toutes les guerres. (cf. La promenade des délices).

Ce que j'ai souvent constaté chez Mercedes Deambrosis, c'est de pouvoir calfeutrer les dénonciations sous un vernis de douceurs et de paroles gentilles, le genre de politesses glissées dans un sourire, et pourtant elles ne font pas dans la dentelle. Avec ce roman, Juste pour le plaisir, on assiste à un livre « qui a le rythme d'un thriller », un vrai roman noir, où la palette des personnages réunit des gens laids, fourbes, arrivistes, ou opprimés, violentés, bafoués, (« petites gens, salauds, trouillards, naïfs, crapules, femmes violentes, femmes écrasées »). Des bourreaux et des victimes. Des menteurs et des héros. Les périodes les plus troubles révèlent les âmes les plus sombres.

C'est comme un puzzle immense qu'on bricole en plus de 400 pages, et cela tournicote pendant longtemps. Cela a trait à la guerre, à l'occupation et à la collaboration, et par-dessus tout, aux actes des hommes, du commun des mortels sous la couche duquel peut dormir un dangereux tortionnaire. C'est stressant, curieux, d'une absolue et irrésistible cruauté. C'est très bon. 

Buchet Chastel, 2009 - 461 pages - 21€

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16/12/08

Êtes-vous passés à côté de...

La pelouse de camomille, de Mary Wesley ?

51qQohQdBqL__SS400_Comme chaque été, les cinq neveux de Richard et d'Helena se retrouvent en Cornouailles. C'est le temps des jeux, de l'insouciance, le goût de toutes les audaces, au bord de la falaise ou sur la pelouse de camomille, sans autre souci que les tourments de l'amour qui vous rongent une jeunesse.
La petite Sophy donnerait sa vie pour Oliver qui, lui, est fou de Calypso, si belle et si lointaine. Elle a toujours juré d'épouser un homme riche sans amour, elle jettera son dévolu sur Hector, politicien ayant le double de son âge. Car pour mieux pimenter cette belle saga familiale, il faut d'office préciser que l'action se passe durant l'été 1939. La guerre va être déclarée et amène un couple de réfugiés juifs, Max et Monika, chez le pasteur du coin. C'est un éminent pianiste, un brin cavaleur et beau parleur. Il va faire chavirer le coeur d'Helena, pourtant mariée mais ennuyée par sa vie recluse auprès de Richard, son second mari unijambiste. Elle partira à Londres, sans crainte des bombardements, vivre une passion tumultueuse auprès de son musicien juif.

C'est bien ce qui est également très surprenant dans ce roman où la trame ne chôme pas, sans cesse rebondissante et étonnante. Ce n'est pas parce que c'est la guerre que nos personnages vont s'endormir sur leurs lauriers, bien au contraire ! "Nous avons tous vécu intensément. Nous avons fait des choses que nous n'aurions jamais faites autrement. Ce fut une période très heureuse. (...) Tout était exacerbé, surtout l'amour."
Effectivement les passions sont ravageuses !

Ce roman n'est pas une bluette sentimentale. Il fourmille plutôt de vivacité, d'esprit, de dialogues mordants, de personnages flamboyants et uniques en leur genre. Mais ils sont à contre-courant de l'image idyllique des êtres parfaits, car ils sont tous fragiles, odieux, égoïstes et héroïques à leurs heures. Et ce, en dépit des circonstances ! Qu'importe les liens du mariage, l'âge, l'enfant à naître, les bombardements ou la guerre, tout simplement...

L'anglaise Mary Wesley nous offre ainsi une lecture passionnante. En plus de 400 pages, jamais la cadence ne s'essouffle. On ne stagne pas durant l'été 1939, le scénario évolue, voyage dans le temps et nous conduit même sans nous y attendre cinquante ans plus tard ! Je pense aussi que le succès de ce livre repose sur le style fringant et truffé de badinage que nous propose l'auteur. J'ai passé des heures de lecture absolument délicieuses ! Je vous conseille vivement de vous y plonger également !

Ce livre a été publié en français chez Flammarion en 1991, puis en format poche "J'ai Lu". Bravo aux éditions Héloïse d'Ormesson de remettre Mary Wesley au goût du jour ! (D'autres publications sont à prévoir.)

Editions H. d'Ormesson, juin 2008 - 430 pages - 22€
traduit de l'anglais par Samuel Sfez

20/10/08

Plus jamais Mozart - Michael Morpurgo

Journaliste débutante, Lesley McInley remplace une collègue blessée au pied et s'envole pour Venise interviewer l'illustre violoniste, Paolo Levi. Une importante condition a été glissée : ne surtout pas poser la question Mozart. Mais quelle est-elle, se demande Lesley. Perplexe, elle rencontre donc le musicien et perd tous ses moyens. Elle lui bredouille ses plus plates excuses en faisant allusion à la question Mozart qu'elle ne doit pas évoquer, et cela entraîne une réaction tout à fait contradictoire chez Paolo Levi. Il se prend la tête entre le mains et murmure que tous les secrets sont des mensonges. Sur ces mots, il se met à confesser une histoire étonnante. La sienne, celle de ses parents et celle de millions de juifs exterminés.

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Vers l'âge de neuf ans, Paolo a découvert que ses parents ont été de brillants violonistes qui ont choisi de ranger leurs instruments en renonçant au plaisir d'y jouer et d'apprécier tout simplement la musique. Dans la rue, le garçon fait la connaissance de Benjamin Horowitz, un homme de soixante-deux ans, qui lui confie avoir connu ses parents il y a quelques années, dans des conditions cauchemardesques. C'est encore trop tôt pour tout avouer mais Benjamin accepte d'initier l'enfant à la musique en lui enseignant le violon, en cachette de ses parents.

Le pot aux roses sera découvert et Paolo va apprendre le passé des siens, envoyés en camp de concentration et retenus, après audition,  pour jouer dans un orchestre à la solde des officiers nazis. Non, ce n'était pas dans un but de divertissement, c'était bien pire que ça mais le piège était déjà refermé sur Gino, Laura et Benjamin. Et la question Mozart prend alors tout son sens, en une promesse faite à son père de ne jamais raviver cette plaie à vif.

Encore une histoire racontée avec élégance et pudeur par Michael Morpurgo, qui se met au service du devoir de la mémoire et de l'hommage vibrant à tous les prisonniers qui ont pu survivre en jouant de la musique dans un théâtre affreux. Qu'ont-ils pu ressentir de jouer dans des circonstances aussi horribles ? Et associer Mozart à ces heures sombres a-t-il eu une conséquence tout aussi grave et traumatisante ? C'est ce dilemme que traite l'auteur, avec toute la justesse qu'on lui connaît.

L'histoire est tendre, assez émouvante, illustrée par les aquarelles de Michael Foreman. Ici la musique réveille l'écho d'un passé terrible pour nous plonger au coeur de la nuit la plus noire. C'est très beau.

Gallimard jeunesse, octobre 2008 - 75 pages - 11,90€

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21/09/08

^Avant-première : roman coup de coeur ^

Il y a deux-trois ans, j'étais lectrice pour France Loisirs. Cela consistait à recevoir des manuscrits en v.o et de renvoyer des notes de lecture. Facile ! Dans l'ensemble, j'ai toujours eu une bonne pioche. Mais un jour, j'ai eu LA révélation de l'année et je suis très contente de vous apprendre que le roman est enfin proposé dans le catalogue de France Loisirs, en avant-première :

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Le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates

(en vo : The Guernsey Literary and Potato Peel Pie Society)

Son histoire :

Janvier 1946. Tandis que Londres se relève péniblement des drames de la guerre, Juliet se demande quel va bien pouvoir être le sujet de son prochain roman. Lorsqu'elle reçoit une lettre d'un habitant de Guernesey, cette petite île anglo-normande oubliée, lui parlant d'un cercle littéraire et de tourtes aux pelures de pommes de terre, la curiosité de Juliet est piquée.
Au fil des lettres qu'elle échange avec les habitants - aussi fantasques qu'attachants - de Guernesey, Juliet découvre l'histoire d'une petite communauté sans pareille sous l'Occupation et le destin héroïque et bouleversant d'Elizabeth, une femme d'exception...

Rédigé sous la forme épistolaire, ce roman se lit d'une traite. C'est savoureux ! Au début, on pense vaguement à Helene Hanff et son 84, Charing Cross Road pour très vite l'oublier ! C'est encore mieux ici. On s'embarque rapidement dans une aventure insulaire, à Guernesey, au sein d'une communauté bougrement attachante. Ses habitants ont connu la guerre, en plus de leur isolement. Bien entendu ils se sont serrés les coudes, ont trouvé le moyen de se divertir en créant un cercle littéraire pour parler de leurs lectures. Mais en fait ses réunions servaient d'alibi pour des actes de résistance (han-han). Je n'en dis pas plus !

Vous allez adorer !

La page de présentation sur le site de France Loisirs (avec extrait)

Et pour celles & ceux qui me trouvent abominablement injuste (tout le monde n'est pas adhérent !), je ne peux que vous conseiller la lecture en anglais (ce site, play.com, propose le livre au prix de 11,49€  ICI ). Sinon le roman va paraître chez Nil en avril 2009.
Traduction de l'anglais par Aline Azoulai-Pacvon et c'est très bien rendu !

Avé, les lecteurs ! 

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