Des filles de la côte Est
Bouh, la claque ! Enfin, celle qui fait mal et donne envie de pleurer. Parce que j'ai été ultra déçue par ce deuxième livre de Courtney Eldridge. J'avais aimé son roman, Record à battre (Phébus, 2005), c'était un bon coup de pied aux fesses au cours d'un été ronronnant, et je pensais que les retrouvailles seraient dans le même genre. Pas du tout ! D'abord, c'est un recueil de nouvelles - comptez sept titres pour 230 pages. Et qu'est-ce que c'est long ! Ohlala. Je n'ai rien contre l'exercice de la nouvelle, alors le problème ne se pose pas. Et Courtney Eldridge, oui j'aime bien. C'est frais, ça parle beaucoup, c'est parfois drôle et sarcastique, c'est fort aussi, car on sent la détresse derrière le grotesque (Becky, la cliente en fauteuil roulant, harcèle au téléphone Rachel, la vendeuse du bloomingdale's. Et pourquoi ? On se le demande !) (ou cette copine qui a la phobie des requins, jusqu'à les imaginer dans une piscine, et qui se prive de tremper le moindre orteil dans l'eau, pff, mais où va-t-on ?!). Non franchement je me suis ennuyée, l'auteur est la reine de la digression, sauf que cette fois l'effet est loupé. On perd vite le fil, on bâille, on soupire, on regarde les aiguilles tourner, on attend, on re-soupire, qu'est-ce que ça peut être bavard. Ahlala. Je ne cache pas mon ennui, malgré un soupçon d'intérêt pour le premier texte, qui évoque en long, en large et en travers le challenge des 5 premiers mots d'un texte. Ceux qui marquent et lancent l'histoire. Ceux qui font tout. Hélas ça duuure... Et finalement mon esprit s'évade. Bref, je suis déçue, vraiment déçue. J'espère que son prochain livre répondra davantage à mes attentes.
Des filles de la côte Est - Courtney Eldridge
Editions 10-18 (2010) - 234 pages - 7,40€
traduit de l'anglais (USA) par Evelyne Gauthier
Présentation de l'éditeur : Elles ont toutes un petit grain, ces filles de la côte Est ! A commencer par Courtney Eldridge elle-même, qui nous conte par le menu, dans la première nouvelle, tous les projets de récits déjantés qui ont fini au panier, étouffés dans l'oeuf par ses angoisses d'écrivain. On la devine ailleurs : dans cette vendeuse en papeterie prise en otage par une cliente névrosée... Et les proches - réels ou imaginaires - de l'auteur ne sont pas en reste : il y a sa meilleure amie et sa phobie des requins de piscine, il y a cette mère alcoolique qui peine à communiquer avec sa fille lesbienne... Courtney Eldridge est une sacrée conteuse, de celles qui savent, définitivement, capter l'air du temps.
Dix petits indiens ~ Sherman Alexie
10_18 , 2009 - 276 pages - 7,90€
traduit de l'anglais (USA) par Michel Lederer
J'aime beaucoup l'écriture de Sherman Alexie, je m'en suis aperçue en lisant son roman pour la jeunesse, Le premier qui pleure a perdu. Depuis, je n'avais pas renouvellé l'expérience même si je m'étais promis de ne pas en rester là. Ainsi, nos retrouvailles ont eu lieu sous le signe d'un recueil de nouvelles, Dix petits indiens. Neuf textes au compteur, pas seulement des petits bouts d'histoire jetés sur le tapis, non, ce sont des récits qui s'installent dans le temps, et qui donnent envie d'en avoir un peu plus, parce que le format de la nouvelle est adéquat pour picorer, mais c'est aussi terriblement frustrant pour qui s'attache et se retrouve le bec dans l'eau quand le point final arrive.
Bref, ce que j'aime chez Sherman Alexie c'est son style alerte, écriture fluide, sans fioritures, un ton humoristique, à la limite du sarcasme, l'auteur a un jugement implacable sur la société, et notamment sur la communauté indienne, il ne baigne pas dans le sentimentalisme et ne joue pas sur la corde sensible, laquelle voudrait qu'on s'apitoie sur ce peuple qui en a bavé dans le passé. Alexie n'y va pas avec le dos de la cuiller, et selon lui l'indien est aussi coupable de son état dépressif, de sa tendance à l'alcoolisme ou sa trop grande facilité à s'apitoyer sur son triste sort. Indien ou blanc, après tout, c'est le même combat pour survivre dans la jungle (hostile et urbaine !).
Comme bon nombre de lecteurs, j'ai beaucoup apprécié le premier texte de ce recueil, Moteur de recherche. C'est l'histoire d'une étudiante d'origine Spokane qui découvre dans les rayons de la bibliothèque universitaire un livre de poésie signé d'un auteur indien, totalement inconnu. Un Spokane ignoré de sa propre communauté ! ? Comment est-ce possible ? Corliss décide de partir à sa recherche. A noter que tous les amoureux des livres et la lecture y savoureront des passages qui leur parleront sans équivoque !
Un petit extrait, en passant, qui explique toute l'histoire de l'identité indienne résumée en quelques lignes :
« Corliss n'ignorait pas combien les Indiens sont obsédés par l'authenticité. Colonisés, exterminés, exilés, les Indiens avaient forgé leur identité en interrogeant l'identité des autres Indiens. Remplis de haine de soi et de doute, ils avaient fait de leurs tribus des sectes nationalistes. Mais peut-on nous reprocher notre folie ? se demandait Corliss. Nous sommes des gens exilés par d'autres exilés, par des puritains, des pèlerins, des protestants et tous ces autres cinglés de Blancs jetés hors de cette Europe plus cinglée encore. Nous qui étions jadis indigènes en ce pays, nous devons immigrer dans sa culture. »
Ce livre est un bon recueil truffé d'autodérision, de grands éclats et des petitesses attachés à notre société, avec des histoires drôles et dramatiques. J'ai bien aimé !
Sherman Alexie est un magicien de la langue et un virtuose de la narration, annonce Florence Lorrain sur Atout-Livre.
Pour donner envie ?
« Quand on arrive, on dit ouf. On dit enfin. On se sent rescapé de la route. Survivant. Des dizaines de morts en un week-end, et des blessés, des estropiés de la vie... pas nous, pas moi.
Pas cette fois ; c'est toujours ça. Pourtant... l'autoroute, les accidents, les fous du volant... ce n'était pas l'occasion de se tuer qui manquait. On l'a échappé belle, en un sens. Et dire qu'il faudra repartir, refaire le chemin dans l'autre sens. Braver tous les dangers, l'autoroute, les accidents, les fous du volants ; survivre peut-être ; peut-être pas.
Alors autant en profiter, maintenant qu'il est temps. On se dit ça tous les ans : c'est les vacances, profitons-en.
D'abord appeler maman. Elle se fait du souci, vous savoir sur la route, mes enfants, je ne vis plus ; s'il vous arrivait quelque chose, ce serait terrible pour moi. Pour moi aussi, maman. Si je mourais, ce serait terrible. Irréversible, pour ainsi dire. Je ne m'en remettrais pas, moi non plus... On le pense dans sa tête, mais on ne le dit jamais à maman. On lui dit : Ne t'inquiète pas, je te passerai un coup de fil en arrivant.
Donc on le fait. Maman est rassurée qu'on soit vivant ; ça se comprend.
On pose les bagages. On prend possession de la location. On regarde partout. On apprivoise l'endroit. Ce sera chez moi pour un mois. Drôle d'idée.
D'un coup ça nous tombe dessus. On se rappelle pourquoi on a choisi d'aller si loin. La chaleur. Avoir chaud, on est là pour ça. L'hiver est si long par chez nous, si gris. On veut du chaud et du soleil. De la lumière. Et ne rien faire.
(...)
Voilà, on s'habitue. La chaleur, le soleil, la mer. Ne rien faire. Pour changer, parfois on va à la piscine ; mais ça ne change pas. On se baigne, on bronze ; on bronze, on se baigne ; ou inversement.
(...)
A force de chaleur, allongé, les yeux fermés, on oublie d'oublier. Alors on prend de grandes résolutions ; des résolutions pour la rentrée. Si on rentre.
Arrêter de fumer, arrêter de boire, arrêter de se coucher tard, arrêter de manger des cochonneries... on a toujours des choses à arrêter. Arrêter de penser à ce qu'il faut arrêter ; on y repensera au nouvel an. Si on est encore vivant.
En attendant, en profiter.
(...) »
- les vacances -
Extrait de Maison Buissonière d'Isabelle Minière (éditions delphine montalant)
Merci Laure pour le prêt ! (lisez son avis!)
Des contes détricotés !
Qui es-tu, Isabelle Sojfer ? En 2006, déjà tu avais commis un premier recueil intitulé A conserver au frais et je t'avais découverte ainsi, totalement scotchée par ton aplomb et ton indécence jamais honteuse. Tu mettais en scène sur un ton ironique des parodies de contes de fée ou de classiques de la littérature. Et le résultat était désopilant ! Cendrillon n'a pas trouvé chaussure à son pied, par contre elle en collectionne des paires. Le roi Lear est chassé de sa tour capitaliste et devient un vieux fou aigri. Le Père Noël est sérieusement déprimé, le Chaperon rouge a perdu de sa candeur et Poucet a été abandonné au royaume du Bon Marché...
En 2007, tu récidives avec Cent quinze romans-fleuves, un autre recueil d'histoires très courtes, à peine dix lignes au maximum. Cela défile, comme un flash continu, et ça débite des histoires insensées, toujours drôles, cruelles et parfois choquantes. Ce n'est pas la volonté de mousser qui se cache derrière, c'est juste l'envie de débroussailler des idées trop belles et qui correspondrait mieux à cette désinvolture. Tu as trempé ta plume dans l'humour noir, il ne faut pas y voir du mal. J'ai lu quelque part que tes textes courts se veulent saugrenus ou méchants, avec tes victimes préférées : les princesses, les personnages de contes ou de littérature, et même des membres de la famille ou d'anciens amants. Un avant-goût : Robinson Crusoé rencontre Vendredi en surfant sur Internet, les rescapés d'un naufrage tirent au sort pour savoir lequel sera mangé, une jeune femme pond des crottes en vrai chocolat... mais il y a du talent dans chaque page. On croirait un carnet rose, à voir cette délicieuse couverture, laissez-vous berner. Cela me plairait infiniment ! ;o)
Restaurant
Le loup n'a pas envie de manger le Petit Chaperon rouge : c'est trop téléphoné, il voudrait se démarquer. Il l'invite à dîner dans un restaurant végétarien. Il commande des haricots blancs, du vin biologique. Il parle de son métier. Il évoque même la psychothérapie grâce à laquelle il a trouvé sa véritable identité. Vers la fin du repas, il tente de poser sa grosse patte poilue sur la main du Petit Chaperon rouge mais la main se dérobe, il se fait tard, demain le Petit Chaperon rouge se lève tôt.
Union
La Belle et le prince sont mariés depuis deux mois. Leur union n'est toujours pas consommée. A la Cour, on s'inquiète. On les interroge en privé pour démêler la cause de leur abstinence. C'est la Belle qui se refuse au prince. Elle le trouvait sexy quand il était la Bête, avec ses poils partout.
Trop tard
Le loup est marié, il ne laisse pas son numéro de téléphone au Petit Chaperon rouge, c'est toujours lui qui appelle. Il lui fixe des rendez-vous au coin du bois à la tombée de la nuit, il arrive en retard. Parfois même il ne vient pas. Un soir, il trouve un épouvantail revêtu d'une pèlerine rouge, avec un mot épinglé sur le col : "Trop tard ! Je donne ma langue au chat."
Les videurs
Cendrillon regrette d'avoir filé comme une voleuse. Rien ne la forçait à partir si tôt. Elle essaye de regagner le bal mais les videurs ne la laissent pas entrer. Elle n'a plus son invitation. Elle a l'air d'une souillon à claudiquer avec une seule chaussure.
Les Petits Matins, 2007 - 128 pages - 15€
# Pas dupe, de Jeanne Balibar http://www.deezer.com/track/224545
Nota Bene : je trouve que A conserver au frais mériterait une deuxième chance en format poche. La personne qui s'occupe de la collection Nouvelles Voix chez Pocket, par exemple, ne pourrait-elle pas faire un petit effort ??? Ou le milieu éditorial est définitivement un royaume inconnu pour moi, ok je sors.
La Couleur de la peur - Malorie Blackman
Si, comme moi, vous souhaitez la surprise, n'attendez pas qu'on vous raconte ce livre, et foncez en toute innocence, vous tomberez des nues !
Mais si vous êtes d'une nature plus prudente, et aspirez à dépasser cette sombre couverture, bien énigmatique, vous pouvez choisir l'option 2 : je vous résume ce qu'il s'y cache. Accrochez-vous.
Le roman commence dans un train, lors d'une banale sortie scolaire, avec un groupe d'adolescents. Mais très vite, tout bascule, le train déraille et se retrouve suspendu au-dessus d'un précipice. Le jeune Kyle semble être le seul passager indemme. Et alors qu'il parcourt le wagon dévasté, tentant de porter secours à ses camarades inconscients, le récit bascule dans le surnaturel : Kyle se trouve projeté dans l'esprit de ses camarades, au coeur de leurs plus grandes peurs, de leurs pires cauchemars.
Quel impressionnant roman ! C'est un livre qui cherche à procurer des frissons, et c'est réussi, tout en distillant une angoisse permanente, qui jongle sans cesse entre la réalité et les cauchemars. Ces derniers nous mangent à différentes sauces, il y en a 13 au total, on y plonge corps et âme, on les vit et on les quitte brutalement. Argh, c'est frustrant. Puis on retrouve Kyle, adolescent de seize ans, au coeur de son propre cauchemar... après tout, vous vous imaginez dans un train suspendu dans le vide, frisant la folie à force de cogner contre les corps de vos camarades, lesquels sont peut-être morts, au mieux inconscients. Et il y a ce sang, cette odeur de métal, ce grincement de ferraille et cette voix qui lui chuchote dans l'oreille. Mais qu'est-ce que tout cela signifie ?
C'est véritablement une lecture singulière, captivante et menée à train d'enfer (désolée du jeu de mots!), très bien écrite aussi. Cela fouille dans vos sensations, vos peurs, vos pires cauchemars. On y adhère totalement. On tremble, on retient un cri, on tourne les pages avec fébrilité... pensant, très fort, mais que nous réserve-t-on encore. Personnellement j'ai été scotchée, même si au début je n'y comprenais rien, je ne voulais pas en démordre. J'étais déjà happée. Je connaissais Malorie Blackman de nom, et surtout par rapport à sa série qui s'ouvre avec Entre chiens et loups, mais ce roman qu'est La couleur de la peur me la fait découvrir. Je n'hésite plus, je suis accro !
Milan, coll. Macadam - 314 pages - 10,50€
traduit de l'anglais par Amélie Sarn
--) d'autres avis : Tvless, Mes Imaginaires,
quand le sentiment... (s'en mêle ou s'emmêle)
Je pense que lorsqu'on n'a pas trop le temps de lire, ou pas trop l'envie non plus de se plonger dans une histoire qui s'éternise sur une centaine de pages, je conseille de piquer du nez dans un recueil de nouvelles, parce que c'est court, c'est bien écrit, c'est le vertige de la chute et c'est aussi indiqué à des jeunes lecteurs, dans un créneau collège et plus.
Les 6 nouvelles de ce recueil de Hubert Ben Kemoun sont centrées sur le sentiment... sujet très large ! On y aborde forcément l'amour, un thème central et porteur, et surtout on trouve qu'on n'est jamais trop sérieux lorsqu'on a dix-sept ans (et avant aussi, et après n'en parlons pas !). C'est la petite moralité à en tirer après lecture de ce livre. Du moins, en ce qui me concerne. J'ai lu avec recul ces histoires mettant généralement en scène des adolescents qui vivent leur première histoire amoureuse et qui mettent un point d'honneur à ne rien bâcler, comme si leur vie en dépendait. A lire comme ça, c'est fichtrement drôle et cocasse. Il faut le prendre ainsi, surtout dans "Mélodie mélodrame", qui raconte la passion naissante et tourbillonnante d'un jeune couple, prêt à tous les sacrifices (piercing ou tatouage, pour ne rien nommer), et la passion s'éteint aussi vite qu'elle a pris feu. Ce n'est heureusement pas la fin du monde, mais je reconnais qu'à treize ou quatorze ans la démesure est souvent chevillée au corps adolescent !
"Sotte en auteur" est l'histoire d'une amitié et d'un secret vieux de quinze ans, quand le destin vient soudain refrapper à la porte, en un constat mi-navrant et mi-burlesque. C'est léger, c'est facile et c'est limpide. On passe à l'histoire suivante, "Cadeau de nuit", qui est plus glaçante. Une animatrice radio reçoit l'appel d'un individu qui lui raconte le départ de sa compagne, et le monologue plonge lentement dans le glauque. Un soupçon de frisson se glisse dans la mécanique ! Et on retrouve nos chers ados, en proie aux feux de leur passion, dans "Malo coeur", un élève aux résultats passables change du tout au tout et passe de longues heures au cdi pour réviser sa grammaire et ses classiques, dans le but d'éblouir la première de la classe, Bettina, qui fait battre son coeur.
Ici, l'amour est associé à la tristesse, à la trahison, à la perte. Les histoires d'amour finissent mal en général, mais d'après Hubert Ben Kemoun il n'est pas utile d'en pleurer, mais juste d'en rire ! Oui, tout à fait. Le ton abordé dans les nouvelles est purement humoristique, il dédramatise les situations tordues (seule exception, peut-être, avec "Cadeau de nuit"). L'ambiance générale est bien d'apaiser et de recoller les coeurs brisés en mille morceaux, la solution proposée serait de sourire, car comme dit Scarlett, demain est un autre jour !
Quand le sentiment - Hubert Ben Kemoun
Ed. thierry magnier, 2008 - 170 pages - 9,50€
(achevé d'imprimer sans guimauve !)
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Mais qui est Hubert Ben Kemoun ? Cet auteur prolixe publie plus d'un livre par an, il s'adresse à tous les âges, brasse tous les genres littéraires, des romans aux pièces de théâtre. Il rédige des scénarios pour la TV, des dramatiques et des feuilletons pour Radio France. Il mélange l'humour au frisson. Le roman policier est le domaine qu'il préfère. Il conçoit ses livres comme des parcours d'apprentissage. Il aime jouer avec les mots et invente des grilles de mots croisés pour la presse. Bref c'est un caméléon ! (Et c'est tant mieux!)
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Voici enfin une très bonne idée cadeau pour vos enfants, Ton livre à écrire par le même Hubert Ben Kemoun. Vos chérubins sont de grands curieux ? Ils posent des questions sur la façon dont naît une histoire, sur comment on écrit un livre, ou sur pourquoi on pense ceci et on écrit cela, et pourquoi on écrit d'abord, comment tous ces ingrédients mélangés donnent une histoire qu'on aime, et pourquoi le livre devient l'élément indispensable dans sa vie de jeune lecteur...
Cet ouvrage se veut donc guide et conseil, il prend la main de l'enfant et l'aide à se lancer dans l'aventure du livre, mais avant tout il parle d'écriture, d'imagination, d'idée et d'astuce. C'est très bien pensé, merveilleusement illustré par Robin, c'est un ensemble instructif et ludique. Ma fille de 8 ans ne jure que par lui !
Présentation de l'éditeur
Attention, ce livre n'est pas comme les autres. Il n'attend que toi, ta plume et ton imagination pour devenir ton œuvre, pour devenir unique... Pour toi, Hubert Ben Kemoun a planté un décor, créé des personnages et imaginé des situations. La suite t'appartient : à toi de faire vivre ces personnages pendant toute une journée. Bienvenue sur la place des Plumes, désormais c'est toi l'auteur !
Par Hubert Ben Kemoun
Illustrations de Robin
Nathan jeunesse, 15,90€
Intimités - Laurie Colwin
C'est maintenant un fait avéré, que j'avais cruellement redouté, mais les éditions Autrement viennent de publier les dernières nouvelles de Laurie Colwin (auteur décédé à seulement 48 ans, pour ceux qui ne le savent pas). Oui, fini. C'est fini. Je n'aurai plus ce plaisir de découvrir d'autres textes de cette talentueuse new-yorkaise, auteur ô combien fétiche (selon moi !). Je devrais maintenant me contenter de RELIRE ses romans et autres recueils de nouvelles. J'ai tout gobé, tout raclé (même les fonds de tiroir). C'est triste.
(Cela me fait d'ailleurs penser à Mary Ann Shaeffer, co-auteur du Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates, et à la regrettée Sylvia Plath ... mais inutile de nous démoraliser plus longuement.)
Donc, à tous les amateurs de l'univers exquis et déliquescent de Laurie Colwin, offrez-vous ce dernier plaisir : un recueil réunissant onze nouvelles. Tout d'abord, soyez prévenus, vous allez être saisis d'un méchant sentiment de déjà-vu en ouvrant la première page. L'histoire est une énième mouture d'Une vie merveilleuse mettant en scène les cousins Guido et Vincent. L'un est séparé de son épouse et l'autre va faire la rencontre de sa vie. Et autour de tout ça, il y a l'énigmatique - mais non moins excentrique - secrétaire, qui porte des lunettes multicolores ! Personnellement je ne m'en lasse pas (de lire et relire les histoires de Guido, Vincent, Holly et Misty).
De même, la dernière nouvelle revient sur l'héroïne d'Une épouse presque parfaite - Polly - qui est mariée et mère de trois enfants, mais va s'émouvoir d'un autre homme, lequel réveille ses instincts endormis...
Il n'y a donc aucune originalité dans ce livre ? (êtes-vous en droit de vous poser comme question). Mais si. C'est incroyable d'avoir la sensation de lire du réchauffé qui n'en a pas le goût ! Je m'explique : toutes les histoires ont un écho semblable, celui d'histoires de couples, des relations sentimentales, des liaisons naissantes, des mariages appliqués, des rencontres inattendues. C'est ce que je nomme plus facilement du chipotage.
Dans Immersion, par exemple, Carl et Lucy ont tout pour être heureux et il a fallu que l'homme découvre le secret de sa femme pour qu'il pleure comme un veau. Et ce secret n'est même pas renversant, puisque Lucy aime nager, tout le temps. Cela équivaut à respirer pour elle, et son Carl de mari ne le découvre qu'après des mois de mariage ! C'est une révélation qui le bouleverse au plus haut point...
Je ne cherche pas à être cynique ou moqueuse, loin de moi cette idée ! C'est juste pour caricaturer la direction que prend très régulièrement le propos de toutes ces histoires. Cela a sur moi un effet galvanisant, car je suis aussitôt sous la séduction de ce que la présentation de l'éditeur nomme si bien : « des petits concentrés de fiction contemporaine, principalement autour du lien amoureux, où chaque détail charme par sa vérité - voire son exotisme américain, façon côte Est ».
C'est tout à fait cela, une touche bourgeoise et délicieusement guindée, un cocon réconfortant et douillet. Je m'y coule avec bonheur. Et puis, c'est vrai qu'il n'y a pas d'action, c'est plat sur toute la ligne mais c'est aussi en connaissance de cause : savoir saisir une autre essence, un autre parfum d'ambiance. Et cela me correspond tout à fait ! J'emprunte même le titre d'une nouvelle pour caractériser ce que tout ceci respire, car nous avons bien là « une histoire à l'ancienne ». C'est d'une élégance folle !
Editions Autrement, octobre 2008 - 168 pages - 17€
traduit de l'anglais (USA) par Anne Berton
Nuits d'Enfer au Paradis - S. Meyer, M. Cabot, L. Myracle, K. Harrison, M. Jaffe
Coupable, je reconnais m'être procurée ce livre car le nom de Stephenie Meyer y figurait ! Forte de mon ensorcellement pour sa série Twilight, je voulais lire autre chose d'elle, dans ce registre de la nouvelle, mais j'ai été épouvantablement déçue. Son texte, L'Enfer sur Terre, présente une démone, habillée d'une sublime robe rouge, qui est chargée de pourrir l'ambiance du bal de promo. Or, elle croise Gabi-aux-yeux-bleus et ses jambes flanchent. Pouah, pathétique ! C'est très pauvre, stylistiquement parlant. Pas du tout enthousiasmant. Je m'en suis rendue compte, aussitôt, en lisant la deuxième nouvelle, celle de Meg Cabot, La Fille de l'Exterminateur. Mieux écrit, le propos de l'histoire ne se révèle pourtant pas transcendant : un pastiche de Buffy the vampire-slayer ! Bof, le résultat est convenu et attendu au tournant. Un peu frustrant, quoi. Le bouquet de Lauren Myracle relève enfin le niveau d'un calme plat. Trois amis, Frankie, Yun Sun et Will, se rendent chez madame Zanzibar, une médium un peu barrée et capricieuse. Elle lance trois prédictions très floues qui remplissent d'insatisfaction la jeune narratrice (Frankie). Celle-ci met alors la main sur un bouquet ayant appartenu à une française qui lui a jeté un sort. Les yeux brillants, Frankie se sauve avec, malgré les recommandations formelles de madame Z. Ce bouquet porte malheur, et les trois voeux à venir vont bouleverser la nuit du bal de promo de nos trois protagonistes. Absolument délirant, au début. C'est très bête, mais très drôle. Puis ça vire lentement au glauque et finit dans le flip, mais heureusement avec une touche de second degré fort appréciable ! J'ai bien aimé, vraiment.
Madison Avery et l'Ange des Ténèbres de Kim Harrison raconte la soirée catastrophe d'une lycéenne de 17 ans, qui vient d'emménager dans un bled paumé chez son père, suite à la décision punitive de sa mère. Le bal de l'école se passe très mal, et Madison a une attitude méprisante. Elle se fâche avec son cavalier et s'apprête à quitter la salle, rouge de honte, quand arrive Seth, séduisant, inquiétant, bref attirant. Elle se sert de lui pour se venger de son ancien partenaire et part à son bras pour d'autres... aventures. La suite est intéressante, mais un tantinet brouillonne. J'ai failli penser à la série Dead like me, avec ce même humour cynique, mais quelques scènes me semblaient pataudes. Somme toute, le résultat est assez concluant. And last but not least, Baisers Fatals de Michele Jaffe, qui ouvre sur une scène fort palpitante avec un garçon et une fille qui s'empoignent, lui les deux mains autour de sa gorge à elle. Puis, l'un des deux s'écroule, KO. La suite ? Cela se passe huit heures plus tôt. Ce n'est pas trop mal non plus, assez long et bien amené. Le portrait de la serial-kisseuse est truculent, les dialogues impertinents. Bref, un bon gâteau moelleux pour mettre un terme à cette lecture qui ne fut qu'un en-cas, pour moi. J'attendais plus, de manière générale. J'ai été fort déçue par le texte de Stephenie Meyer mais agréablement surprise par Lauren Myracle. Cependant, cette lecture n'est pas un aller-simple pour l'Enfer ni les nuits blanches qui L'accompagnent... A tenter (mais les accros de Twilight seront amèrement déçus ! Vivement le tome 4 !).
Nuits d'Enfer au Paradis, recueil de nouvelles écrites par 5 auteurs américaines :
Stephenie Meyer, Meg Cabot, Lauren Myracle, Jim Harrison, Michele Jaffe
Hachette jeunesse, coll. Black Moon, 2008 pour la traduction française (par Maud Desurvire). 16€
On voit la vie en jaune (aujourd'hui) !
Colin Thibert a osé faire drôle avec ce qui n'est pas censé l'être ! Personne ne comprend ? Je m'explique, alors.
Au cours des 10 textes de ce livre, il va choisir des thèmes à faire frémir et mettre en scène des personnages assez pathétiques dans des situations tout aussi sordides et réussir à extirper des sourires, et même des éclats de rire. Un comble ?
Peut-être bien, mais cela serait mentir !
Je n'ai jamais cessé d'être étonnée et franchement déboussolée, mais j'ai adoré ça ! Dans Sardanapale, par exemple. C'est un couple très bourgeois, très clinquant, qui sort son argent pour avoir une belle maison, partir en cure et s'acheter un chat à 400 €. Ce chat au pedigree exceptionnel pose toutefois problème pour les vacances à la neige, et naturellement le couple se tourne vers la voisine, une petite vieille malade. Mme Benoît viendra plusieurs fois par jour soigner la bête, on peut lui faire confiance. Mais la surprise, en rentrant, sera elle aussi à la hauteur de leurs grands airs !
Absolument horrible et démoniaque !
Une autre histoire nous emmène en Birmanie, avec un couple très bobo, passionné de voyages à travers des contrées exotiques, de plus en plus folles et excitantes. Le couple est pourtant prévenu des 'risques', mais qui a cure des ruses de la faune locale ? Au diable tout cela !
Pas de quoi se retourner, mais sûr et certain de s'en mordre les doigts !
Tout est très elliptique, mais il ne faut pas gâcher la chute. Toutes les histoires sont extrêmement bien cousues, elles épinglent en passant les dérives de la société actuelle qui consomme trop vite et très mal, mais l'auteur ne se gausse pas de donner des leçons. Au contraire, il rit de tout facilement, en prenant à témoin le lecteur. Une belle prise d'otage ! En plus de tirer sur l'ambulance, Colin Thibert s'en prend - sans honte - aux ados, aux vieux, aux riches, aux chats. Il plante le clou, ça ne fait pas mal et ça chatouille.
Le rire, lui, sera jaune et un peu grinçant.
Bien, bien, bien...
En moins de 30 mots : Recueil d'une dizaine de nouvelles toujours drôles, souvent cyniques, mais jamais de mauvais goût, dans la tradition de la littérature de genre et de l'humour noir.
Tirez sur l'ambulance ! de Colin Thibert - 190 pages - 9.50 €
Avec le livre de Régine Detambel, ma première impression a été d'applaudir cette limpidité dans l'écriture, ce qui donne immédiatement cette sensation de flotter et de glisser sur une vague, de ne jamais rencontrer d'aspérités !
C'est tout simplement un vrai plaisir, pour le lecteur.
Ensuite, le contenu est aussi un très grand moment de lecture, car pas un instant on ne s'ennuie au cours des 12 textes de ce recueil. Peut-être l'ouverture laisse échapper un petit goût amer, celui du citron jaune, glissé dans un cocktail pour libérer la rancoeur d'une femme désabusée en amour. Mais bien vite, j'ai trouvé l'humour, la grâce, les clins d'oeil et la douce ironie qui sont les retombées afférentes à ce genre d'exercice.
Le drôle, on le croise dans l'histoire de cette adolescente qui suit son petit ami pour une escapade à Paris, contre l'avis de ses parents. Elle pense déjà à leurs angoisses, car pour elle cette virée est une fugue. Et puis, c'est la catastrophe quand son chéri arrive - en retard - avec un pantalon qui casse tout le mythe.
La gravité, on la trouve dans une vérité plus douloureuse, celle qui s'ouvre à un garçon, à force de chercher et de connaître qui était son grand-père, décédé dix ans plus tôt, d'une mort violente, rapporte-t-on dans la famille. Mais personne ne s'ouvre à lui, ne répond à ses questions. Peut-être, parfois, la vérité n'est pas bonne à entendre ...
La bêtise humaine est abordée dans un portrait xénophobe, un père complètement opposé au campement de manouches près de chez lui, sa fille est plutôt fascinée par le garçon qui joue de la guitare sur les marches de sa roulotte. Le choc de deux cultures, une rencontre viendra après quelques nuages de cendres.
C'est tout aussi beau et poétique dans l'ennui d'une lycéenne, dans sa classe, attendant désespérément un signe, un SMS de son petit copain. Et les lentes et belles descriptions de son agonie donnent lieu à de superbes pages, mélancoliques et vraiment lyriques !
Cela peut paraître solennel, à découvrir ainsi, sauf que c'est véritablement des petites perles mises bout à bout. Ce sont des instants fragiles, fugaces, des éclats de vie. J'ai trouvé que l'ensemble était super agréable à lire, très reposant, distrayant, offrant une belle leçon de style, avec des histoires très parlantes, à la fois fortes et amusantes.
Bien joli tout ça !
En moins de 35 mots : Ces petits riens, ce sont de petits moments qui passent comme une ombre, mais qui parfois changent la vie, des moments d'héroïsme ou de lâcheté qui filent sans laisser de trace, la plupart du temps...
Des petits riens au goût de citron, de Régine Detambel - 170 pages - 9.50 €
Tirez sur l'ambulance ! avait été lu par Gawou (la libraire)
Rien que du bonheur - Laurie Colwin
Jetons-nous à l'eau, dans ce recueil qui comporte 8 nouvelles, la 1ère est drôle, la 2ème plutôt vague, la 3ème a fait l'objet d'un roman ("Une vie merveilleuse"), la 4ème est morbide, la 5ème invite à l'évasion, la 6ème est caustique, la 7ème fait quelques pas de danse et la dernière réclame tendresse et attention. Prudence ! Il faut se méfier de ce titre minable traduit de "Passion and affect", l'ensemble de ce dernier recueil de Laurie Colwin laisse un peu penser qu'on a raclé tous les fonds de tiroir de cet écrivain décédé. Le style de Laurie Colwin est fin et élégant, très intelligent. Il met en lumière la subtilité des sentiments des femmes, du couple et se moque avec tendresse et beaucoup d'humour des hommes et de leurs penchants paternalistes et professoraux. J'avoue apprécier davantage les romans de l'auteur, car son univers demande de s'installer dans la durée, pas simplement sur le pouce. Mais étant une inconditionnelle de cette grande dame, je lui voue une admiration sans bornes, et je pense que ceux et celles qui ont les mêmes prédispositions seront tout autant charmés !
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(Lu sur Lire.fr) Est-il bien raisonnable de s'empiffrer de gâteaux surgelés devant son petit écran quand on a une épouse très bio et anti-télé? Comment devient-on la femme la plus intelligente d'Amérique? La rue du Paradis est-elle l'endroit idéal pour se suicider? La phobie des ragondins est-elle une maladie incurable? Un secrétaire un peu trop stressé a-t-il le droit de faire des fautes de frappe pour se calmer les nerfs? A quoi ressemble une femme «aussi adaptable qu'un thermostat»? Les chansons de Rad McClosky sont-elles un bon remède contre l'ennui conjugal? Réponses dans les huit nouvelles de ce recueil insolite, doux-amer et souvent grinçant, de la New-Yorkaise Laurie Colwin, morte d'un accident cardiaque en 1992, à 48 ans.
Autrement