15/04/14

Du son sur les murs, de Frantz Delplanque

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Ancien tueur à gages, Jon Ayaramandi a pris sa retraite dans un petit coin isolé du Sud-Ouest avec sa musique, ses livres et ses potes. C'est sa jeune et adorable voisine, Perle, qui va le tirer de son train-train quotidien en lui signalant l'étrange disparition d'Al le pêcheur, qui a abandonné son matériel à sa place habituelle et n'est pas rentré à la maison.

C'est accessoirement son petit copain, aussi redoute-t-elle le pire et tanne Jon de se bouger les fesses. Lui n'est pas très chaud pour se mouiller, mais il ne peut rien refuser à Perle. Il mène donc sa petite enquête, recontacte son ancien patron, éprouve un mauvais pressentiment en tombant sur un vieux collègue, puis tente de cerner le disparu et réalise que celui-ci aurait aussi des petits secrets bien enfouis. Pour lui, Al a été zigouillé. Et puis, bon ...  

ATTENTION, roman absolument génial ! Rock-n-roll dans l'âme, dans l'écriture, dans les références, avec son étiquette “roman noir”, il est peu conventionnel, très original dans son histoire, ses personnages, son parcours. On n'y entre pas avec l'espoir de dégoter une intrigue révolutionnaire, menée à fond de train, c'est tout le contraire, et c'est tout un monde qui s'ouvre à nous, l'auteur fait sa popote, avec force humour, punch et décontraction, le résultat n'en est que savoureux. Une découverte, une vraie, qui pousse à suivre ce Frantz Delplanque à l'avenir ! J'ai adoré. 

Points ♦ coll. Roman noir ♦ Mars 2014

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18/10/12

Asphyxie progressive.

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Vincent Fournier, salarié d'un centre d'appels, n'en peut plus de subir la pression de ses supérieurs. Son médecin du travail, le docteur Carole Matthieu, est à son écoute. Un soir, après une longue discussion, elle s'empare de son Beretta et lui tire une balle dans la tête. Hop, ni vu ni connu. Le crime est découvert dès le lendemain, la police enquête et Carole fait profil bas. Elle sait qu'elle est coupable mais ne compte pas se dénoncer dans l'immédiat. Elle a l'autre Histoire, comme elle dit, à écrire.

Se présente alors une lente plongée au sein de l'entreprise, de ses arcanes et de ses révélations perfides et dérangeantes. Un réseau oppressant, un cercle vicieux, au centre duquel Carole elle-même est prise au piège. Se consacrant à son boulot corps et âme, elle réalise avec écoeurement qu'elle a été trompée par le système dans son intégralité.

Pour l'anecdote, j'ai terminé ma lecture juste avant d'éteindre la lumière pour dormir. Quelle erreur. Impossible de fermer les yeux après ça ! C'était comme si j'avais avalé une enclume. Je ne cessais de ressasser l'histoire de Carole, femme usée, droguée, abrutie par son monde du travail. L'histoire aussi est sordide et tellement réaliste, elle fait écho aux drames des dernières années (le harcèlement moral au sein de l'entreprise, des employés au bout du rouleau, poussés au suicide, une direction qui encaisse les coups en se lavant les mains, une opinion publique alertée avec un train de retard...).

C'est conscient de cette gangrène qu'on ne décolle plus le nez du livre. Qu'on absorbe ce récit éprouvant, au rythme saccadé, effréné, poussé dans ses retranchements. Ce livre est judicieux, écrasant mais percutant dans son approche. Quelque part j'étais gênée, mais j'étais aspirée par cet appel du vide. Et c'est prise d'un frisson d'effroi que j'ai tourné la dernière page, soulagée, sonnée mais admirative du tour de force.

Les visages écrasés, par Marin Ledun
Points, coll. Thriller, éd. 2012 / Grand Prix du Roman Noir (Festival du film policier de Beaune)

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23/10/08

Remington - Joseph Incardona

Matteo Greco, vingt-neuf ans, mène une vie de peu : chômeur, il bosse par interim pour Fixe Gardiennage, fait de la boxe, se rend à un atelier d'écriture, arpente les rayons de la fnac et sort sa carte bleue pour gonfler sa collection de films. Il vit seul dans un petit appart' avec son chat Basile et il découpe tous les faits divers trouvés dans la presse.

Cette petite vie insipide va être bouleversée par la rencontre d'une femme fatale. Elsa Duvivier. Elle vient aux ateliers d'écriture, joue les serveuses dans les soirées pour chicos et séduit à tour de bras tous les hommes qu'elle croise. Matteo tombe dans le piège, malgré les mises en garde. Il vit auprès d'elle une liaison forte mais fragile, il est utilisé par Elsa, ne s'en rend pas compte. Il a notamment accepté de revoir son manuscrit en lui apportant quelques corrections. Et sans le vouloir, Matteo le réécrit complètement et lui donne un titre plus accrocheur : Treize à table.

Il s'absente quelques jours pour un job à Paris et s'inquiète de n'avoir plus de nouvelles d'Elsa. En cherchant davantage, il découvre qu'elle est folle de rage contre lui et ne souhaite plus le revoir. Cependant, elle s'abstient d'annoncer que son roman va être publié et qu'elle fréquente quelqu'un d'autre. Le sang de Matteo ne fait qu'un tour. La pilule sera encore plus amère lorsque le bouquin deviendra un triomphe.

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J'ai l'impression d'avoir quasiment raconté tout le roman, oui et non.
Parce que le roman s'écoule aussi assez lentement, il n'y a jamais d'action trépidante, de renversement de situation et on entend encore moins les trois coups de théâtre qui sonnent le glas de cette intrigue frissonnante.
En fait, l'histoire elle-même ne nous surprend pas, le coup du pauvre type gentil mais niais qui se laisse entuber par une mante religieuse est assez commun. A ceci s'ajoute la trame du manuscrit volé par essence...
Par bien des aspects, cette lecture est donc prévisible. Jusqu'au bout du tunnel, on suit son chemin et on n'en sort pas aveuglé. Ceci ne veut pas dire que c'est mauvais, trop copié ou souvent imité. Car finalement on s'interroge, on ne quitte pas un instant le personnage principal, on vit dans la peau de Matteo Greco. On sue sang et encre, on a de la sympathie pour lui et on ressent toute sa frustration, sa jalousie et sa peine. Bien sûr on ne porte pas dans notre coeur Elsa Duvivier, une vraie garce. On la déteste, on devine son jeu et on en vient à réclamer le divorce auprès de Matteo qui reste bêtement aveugle à sa machination diabolique.

« On a beau dire, on écrit pour se raconter soi-même, le plus souvent, les autres ne sont qu'un prétexte. Meubler le vide est une imposture. »

Ce qui tient en haleine, dans ce roman plus noir que noir, c'est la tension qui ne lâche jamais sa prise, même dans les moindres détails, dans le dédale d'une vie courante ou l'accomplissement de gestes anodins, dans le cadre d'une routine. On s'attend toujours à être saisi à la gorge par je-ne-sais quelle harpie en folie au détour d'une rue, ou dans les rayons de la fnac ! C'est appliqué, au millimètre carré près. La violence est distillée au compte-goutte, elle n'intervient pas gratuitement. Elle n'est même pas assise, bien à l'aise dans les vicissitudes de cette histoire tordue. On sent qu'il faudra qu'elle intervienne tôt ou tard, rien ne nous surprend de toute façon !
Et pourtant, si. On a peut-être tenu la main de Matteo, on ne la lâche pas si facilement. Car c'est un personnage affable de prime abord, mais pas seulement. Froid, implacable, cynique et sans état d'âme. Et si on s'était gourré de victime sur toute la ligne ?
A vous de voir.

Fayard Noir, Octobre 2008 - 316 pages - 19€

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