10/03/09

... je jure que je n'ai pas pleuré !

51Jg99MXlWL__SS500_« Mon western préféré s'appelle Vera Cruz. Il se passe dans une ville mexicaine. Ses deux personnages principaux sont à la fois amis et ennemis. Un cow-boy honnête et courageux. Et un bandit sympathique à la gâchette facile. A la fin, tous les deux, ils s'affrontent en duel.
Ce n'est pas le Mexique et il n'y a pas de bandits dans la cour de notre école, mais j'ai repensé à Vera Cruz quand Manu est sorti de la cantine en vociférant dans mes oreilles :
- Je vais tellement te défigurer que tu ne te reconnaîtras même pas dans un miroir !
J'ai tiré une réplique de cow-boy pour tonner à mon tour :
- Je vais te faire mordre la poussière avant que tu puisses lever le petit doigt !
»

Et dire que tout a commencé par un simple match de foot pendant la récréation... des moqueries à deux balles et deux garçons vexés comme des poux ! Pour ne perdre la face devant les copains, ils se font face et se menacent. On assiste à un combat de coqs - on cherche à s'intimider, on sort des noms d'oiseaux et on rivalise d'imagination avec toutes les promesses de souffrance qu'on va infliger à l'autre.

Les esprits s'échauffent, on se retrousse les manches, le pied trépigne dans la poussière, on pourrait presque entendre la petite musique qui fait grimper le suspense, vous savez, quand les deux adversaires se rejoignent pour le duel. Il ne manque plus que les éperons, le colt et la brindille de paille au coin de la bouche, ok ça fait très image d'Epinal, mais on se croit tellement dans un western qu'on réunit très vite les ingrédients. On oublie tout, l'école, la récréation, les copains... Nous sommes dans un désert aride du Mexique, le duel s'annonce saignant. Mais l'arbitre n'est pas loin... pas mal, l'arbitre ! Totalement inattendu. Et ça va rabaisser le clapet de deux insolents ! Non mais. Est-ce que ce sont des manières de parler ?

Beaucoup aimé !
Cette histoire de bagarre est tournée en dérision, grâce à la comparaison du western. Les garçons perdent complètement pied avec la réalité, ils se font un film et ils ne s'aperçoivent même plus qu'ils deviennent ridicules. Et tout ça pour une histoire de ballon ! ...
Une bonne tranche de rigolade pour le lecteur.

La grande bagarre, de Guillaume Guéraud - illustré par Olivier Balez
Milan poche, Cadet ~ Eclats de rire, dès 8-9 ans. 4,90€

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51NaZCCTQWL__SS500_Place à la reine de la castagne, Lili. C'est une dure, elle n'a pas froid aux yeux, elle cogne avec la tête dans le ventre de ses adversaires. Les garçons, ça ne lui fait pas peur. Elle tape, elle fonce, elle aime la bagarre.

Son grand-père, un ancien coco inconsolable, ne comprend pas pourquoi sa petite-fille aime taper des poings. Sa mère aussi a abdiqué, elle ne reconnaît plus son enfant. Le papa, lui, est absent... il rentre tard le soir, ou il pédale à vélo pendant des heures.

Un jour à l'école, arrive Aslan. Sa famille vient de Tchétchénie, un pays en guerre, comme le montrent les images violentes à la télé. Parce que la bagarre, oui c'est moche. Et comme le dit le grand-père, mieux vaut avoir des raisons de se battre plutôt que de se battre pour avoir raison.

Il a vu juste, et Lili a compris que la bagarre est surtout utile lorsqu'on l'emploie à bon escient. Aslan et sa famille n'ont pas de papiers et sont menacés d'expulsion. Alors Lili et ses camarades d'école vont manifester, avec un bon slogan.

« La violence, elle peut être dans les mots, Liloutchka, ça peut faire plus mal que les poings. Mais il faut maîtriser son arme pour être efficace. »

J'ai beaucoup aimé les illustrations de Julia Wauters.
L'histoire de Rachel Corenblit est plus foutraque. Les coups volent, c'est parfois impressionnant. Et puis on ne cerne pas assez bien pourquoi la petite fille aime autant la baston. On devine qu'elle se sent mal, dans sa famille ça ne rigole pas beaucoup, mais c'est trop flou. Tout juste suggéré. Je ne pense pas qu'un lecteur de 7 ans pourra y cerner la nuance.
Par contre le chemin qui conduit à mieux canaliser son énergie et sa colère pour des causes justes est intéressant.
Joli portrait de fillette, en contradiction. Et quelques balbutiements pour éveiller une microscopique conscience politique, mais surtout humaniste.

Lili la bagarre, de Rachel Corenblit - illustré par Julia Wauters
Rouergue ~ Zig Zag, 6,50€

le blog de julia wauters : http://demaindernierdelai.over-blog.com/

Rachel Corenblit est également l'auteur de Shalom Salam maintenant ; L'amour vache ; Dix-huit baisers plus un ... (mes avis figurent dans les archives du blog).

 

 

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22/01/09

Retour au pays bien-aimé - Karel Schoeman

51pkkdx1RhL__SS500_George, profitant d'une semaine de congés, retourne sur les terres de sa mère défunte, en Afrique du Sud. Il souhaite visiter Rietvlei, la ferme familiale, mais ne découvre que des ruines. En chemin, il s'est arrêté chez des voisins, les Hattingh et leurs quatre enfants, qui lui ont forcé la main en en lui demandant de séjourner plus longtemps chez eux. C'est l'occasion, surtout pour la femme, de se remémorer une époque plus heureuse, plus faste. Les fermes étaient opulentes, les soirées guindées, il y avait de la richesse, de la liberté, de la joie. Et puis tout est parti, en commençant par les fermiers, exilés à l'étranger. George a suivi ses parents, il n'avait que cinq ans. Il pensait ses souvenirs éventés, mais une fois sur le terrain, il est submergé par des images, des sons et des sensations insoupçonnés.

C'est un roman qui a été écrit en 1972, en plein apartheid. Le décor y est âpre, rancunier et lourd de tension. Il y a eu de la perte, de la rancune, du gâchis aussi. On sent le climat oppressant, la violence dans le fond. Les rares personnages croisés sont teigneux, le décor n'est qu'amertume. Il n'y a aucun exotisme comparable au roman de Rosamund Haden, par exemple. Mais à travers le voyage de George, on devine un autre secret, on essaie de comprendre ses motivations. Sa présence suscite de la suspicion, ce n'est pas possible de fouiller le passé en ignorant que ce monde-là a volé en éclats. Pourquoi ce retour ? N'a-t-il pas conscience du danger ? Ou est-il aveugle par convenance ? Mais le roman a démontré que tout ce monde était enfermé dans ses souvenirs et ses rêves de temps passé. Et c'est cette nostalgie qui plane sur l'histoire, cette atmosphère de sombre résignation, de leurre et de silence.
C'est étrangement captivant.

10-18, 2009 (Phébus, 2006)
250 pages / 7,90€
traduit de l'afrikaans par Pierre-Marie Finkelstein

l'avis de Cathe

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03/11/08

Noir américain - Armand Cabasson

Aux jeunes lecteurs, amateurs de la société américaine vue à travers les feuilletons et autres films, voici un recueil qui prolongera ce goût prononcé pour une culture où la violence trop souvent gratuite s'étale dans un quotidien sans peur ni reproche. En bref, c'est cru, c'est violent, c'est noir. Sans appel, et pourtant fascinant.

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Dix nouvelles composent ce recueil d'Armand Cabasson, dont j'avais déjà lu (dans cette même collection) Par l'épée et le sabre l'an dernier. Dans Noir Américain, on croise d'abord une petite fille et son monstre Grapp qui se met en colère contre l'homme qui partage la vie de sa maman, parce que c'en est assez que cet individu soit méchant avec Jenny et qu'il est temps de le supprimer...
Un employé pas du tout modèle est las d'être harcelé par son supérieur par la faute de son manque de zèle. Ses chiffres de vente dans son secteur de l'automobile sont lamentables et n'atteignent pas le quota exigé. Il sent qu'il plonge dans le grand vide, quand un soir dans une station-service il est otage malgré lui d'un braquage. Un brusque instinct s'éveille en lui mais réveille d'autres démons...
Sur une route qui mène à Los Angeles, en pleine nuit, Will est au volant de son break et roule comme un abruti. Il allume la radio et entend la voix de Michka - éraillée, bizarrement à la fois sûre d'elle et légèrement teintée de fragilité. Il est fasciné par ses discours, il est incapable de changer de station et les heures défilent. Le but de son voyage est précis, particulier. Vengeur. Et peut-être une voix nocturne lui fera chasser ses démons qui le rongent depuis sept ans...
Louis est un monstre, dans le sens où il a été victime d'un grave accident de voiture quand il était enfant et en a gardé des séquelles au visage. Mal-voyant, il vit dans la solitude et noue très peu de contact avec l'extérieur, jusqu'à sa rencontre avec Shelley, la très belle et envoûtante Shelley. Elle s'invite chez lui, le séduit et se révèle machiavélique. Mais qui a dit que tel est pris qui croyait prendre ? ...
Le shérif d'une petite bourgade a toujours rêvé devenir agent du FBI. A la place, il n'est qu'un sous-fifre dans une petite ville de l'Amérique profonde. Quand un crime crapuleux est commis dans sa circonscription, le type saute à pieds joints pour accueillir la grosse artillerie qui arrive avec tambour et trompettes, la presse à ses trousses, vraiment le genre super-star-aux-lunettes-noires. Or, notre homme tombe de haut lorsque l'agent du FBI le traite avec mépris. Il serait temps de remettre les pendules à l'heure et de couper l'herbe sous le pied de ce supposé Superman...

Et d'autres histoires suivent et ne se ressemblent pas. On a souvent l'impression de voir un bout de scène tiré d'un feuilleton ou d'une série tv policière. Il y a des crimes et des enquêtes, des flics au bout du rouleau ou à la logique implacable, mais aussi des portraits de tueurs à la recherche de la rédemption. On croise aussi des démons et des revenants, mais sans que cela prête à confusion (on ne franchit jamais les frontières au-delà du réel, Scully et Mulder restent dans le petit écran).
C'est peut-être rasoir de penser ainsi, mais j'ai eu le sentiment tenace de lire dans ses nouvelles un condensé de tout ce qu'on nous abreuve à la télévision pour nous présenter la société américaine. On passe du thriller au polar psychologique, on évoque la violence et la justice toute-puissante. Alors oui le rêve tourne au cauchemar, on peut être Monsieur Tout-le-monde et devenir demain criminel. C'est tout et c'est assez tragique, mais le rendu de ce recueil est brillant, d'un beau noir nacré qui vous éblouit presque.
A tenter ! Pour grands ados et adultes.

Ed. Thierry Magnier, octobre 2008 - 173 pages - 9,50€

A ce propos, voici un programme à vous conseiller : "Rachid au Texas"

 


Bande Annonce Rachid au Texas (France 4)

 

C'est un road-movie dans lequel Rachid Djaïdani traverse le Texas à mobylette, la tête pleine de clichés (alimentés par la télévision, principalement !). C'est vraiment très drôle !