La biographe - Evelyne Bloch-Dano
L'idée est partie du film "La passante du Sans-Souci" avec Romy Schneider qui interprète une allemande qui sauve un enfant juif, puis l'épouse de ce rescapé. C'est un film qui fut important pour l'actrice, une autre façon pour elle de régler ses vieux démons et la réponse à une grande question : "comment peut-on être allemande ?".
En fait, Romy Schneider appartient à cette génération née trop tard ou trop tôt et qui doit se dépatouiller des agissements de leurs parents (qui, eux, ont pris le parti de se laver les mains et cultiver le silence pour aller de l'avant). La mère de Romy, particulièrement, a été une courtisane d'Hitler, soupçonnée même d'en avoir été la maîtresse, mais ceci ne sera découvert que tardivement et un peu abruptement par l'actrice.
Normal de se sentir estomaquée, oppressée et soucieuse de bien faire pour effacer l'ardoise.
Evelyne Bloch-Dano nous raconte ce parcours du combattant dans "La biographe". C'est elle, cette biographe, grande enquêtrice des âmes féminines comme Madame Zola, Flora Tristan et Madame Proust. Avec ce film, elle s'aperçoit d'un seul coup qu'elle se sent plus proche de Romy Schneider qu'elle ne s'était imaginée. Le rôle, la vie, le parcours de l'actrice la renvoient à un passé plus intime, plus vibrant de sa propre famille, allemande et juive. A son tour de se poser la question : "Comment peut-on être juive allemande ?".
C'est un constat qui lui donne le frisson. Avec pudeur, comme pour marcher sur des coquilles d'oeufs, Evelyne Bloch-Dano remonte le fil de l'Histoire, la petite et la grande, celle de sa famille, celle de Romy Schneider. Et ce portrait enchâssé donne une lecture prenante de femmes et de familles empêtrées dans des affaires d'identité, de construction de soi (ou de reconstruction), et fatalement d'auto-destruction pour l'une et de dévoilement pour l'autre. "Cet indicible qui nous lie", écrit-elle. Honnêtement, "La biographe" délivre un message déchirant et sans pathos exacerbé. Simplement sublime.
Grasset