Pascal Morin en poche
Quel plaisir de parcourir les pages d'un livre aussi captivant ! Pour une entrée dans l'arène littéraire, Pascal Morin saute à pieds joints et impose applaudissements ! "L'eau du bain" est une histoire à la fois hallucinante, grinçante et ironique. Mortelle !.. On n'en soupçonne pas l'impact au début, et ça nous surprend au détour d'une phrase... paf ! "Je m'approche, je lui dis bonjour, et je le jette à l'eau." ... Le sang nous glace, mais avant ça qui aurait pu s'en douter ? Car le narrateur vient de la ville passer ses vacances à la campagne, lieu de son enfance, où résident toujours le grand-père, le père et les deux frères, Emmanuel et Franck. Tous sont des gars de la terre, des authentiques produits du terroir, du pays que le narrateur a fui, toutes voiles devant. Pourquoi il revient cette année ? profiter du soleil, bronzer, paresser ... et se baigner dans la piscine ! Car ça y est, le grand-père a cédé : une piscine a été creusée à la place du potager ! Victoire ! Le grand-père pleure ses haricots et ses fraises, les trois frères barbotent avec bonheur !
Ce livre a le charme des histoires silencieuses, une piscine, du soleil et la mort. Celle-ci arrive subtilement et avec fracas. "Il va y avoir du malheur" répète à longueur de journée la petite, une fillette qui rôde autour du narrateur, une espèce de Manon façon Pagnol. Parmi ces présences masculines, fortes, redoutables et mystérieuses, il y a les ombres des femmes, on n'en sait rien mais on devine tout. Au centre, le narrateur et ses frères évoluent tout en noirceur, un rien capricieux ("C'est ma piscine que je veux.") et impénétrables. Bref, voici un roman qui vous donne le frisson : bonheur, plaisir, réjouissance, affolement, désarroi, trouble, crainte, etc... (121 pages)
Un homme de quarante ans, au volant de sa voiture, va à la rencontre d'une femme qui fut une adolescente rêveuse, dans les années 60, et qui a eu et abandonné son enfant. On comprend que ce bébé fut Alexandre, qu'on suit dans son évolution, depuis l'enfance à l'adolescence, et aujourd'hui adulte, en perpétuelle quête de ses origines. Tel un fantasme, se dessine également le parcours de Rose, autrement dit Sourde, qui a caché, abandonné son enfant et tourné le dos à celui-ci sans ciller. Entre reproche, état d'âme et nostalgie, l'histoire d'Alexandre et Rose est celle d'enfants rêveurs et utopistes, blessés et solitaires.
"Les amants américains" est un roman plus travaillé, plus fouillé et réfléchi. L'auteur a emprunté de nouveaux sentiers, mais qui se révèlent déconcertants au démarrage. Ce n'est pas un mauvais livre, mais je suis déçue de ne pas retrouver les qualités qui m'avait séduite dans son premier roman. Un peu frustrée, en somme. (122 pages)