A l'abri de rien - Olivier Adam
Marie est maman de deux enfants, Lise et Lucas, mariée à Stéphane, chauffeur de bus. C'est son amour de jeune fille, à deux la vie n'a pas toujours été rose mais ils ont réussi à se construire un petit nid douillet, avec cette envie d'y croire.
Ils ont choisi ce pavillon dans un lotissement entouré de voisins, jeunes comme eux, menant la même existence. Un bon départ, pense-t-elle. Mais très vite Marie est anéantie par le néant de son existence. Elle ne travaille plus, elle a perdu son job de caissière au supermarché, elle sombre dans la neurasthénie, n'a plus le goût de son quotidien, tout juste conduit-elle ses enfants à l'école.
Tout glisse, tout lui est insensible.
Et puis un jour, elle est face à la misère des "kosovars", les réfugiés pétris de froid, de faim et de peur dans les rues de la ville, attendant un sauf-conduit pour s'échapper et rejoindre l'Angleterre. Marie s'engage auprès de bénévoles pour leur venir en aide, prenant de plus en plus d'implication dans cette voie.
A tel point que Marie finit par délaisser sa famille. Elle la met de côté, oublie ses enfants, rentre tard dans la nuit. Ce qu'elle vit auprès des clandestins lui noue le ventre, ce qu'elle comprend des autres volontaires la touche également.
Ce qui va suivre a du mal à trouver son cheminement, parce que c'est une suite précipitée de cataclysmes à petite échelle. Une chose est sûre : Marie est complètement perdue.
Parce que c'est un roman écrit par Olivier Adam, lui seul capable de me faire lire le bottin, j'ai plongé tête baissée dans ce livre. Car à vrai dire, le thème ne me plaisait pas du tout.
Mes craintes se sont confirmées au fil des pages, tant l'ambiance redoutée est là, poisseuse, encombrante, flippante et insupportable. Ce qui sauve le récit de tout abandon, c'est bien entendu qu'il soit si bien écrit. Olivier Adam a ce don pour écrire la misère, le moral à zéro, la dépression, la folie émergente et la noirceur absolue ... tout en restant saisissant. Etrangement captivant.
Lectrice inconditionnelle de l'auteur depuis des lustres, j'avais de plus une certaine curiosité de le lire dépeindre la ville où j'ai grandi. Mais quelque chose pêche. J'ai trop ressenti le dénuement et les souffrances amères des êtres qui tentent de garder la tête hors de l'eau. C'est sinistre, oui. Le reflet d'une réalité affligeante ? Plus délicat.
Je sais bien que l'auteur s'est rendu trois ans dans cette ville côtière aux portes de l'Angleterre et a pu capturer la dimension à sa juste mesure. Alors pourquoi je ne retrouve pas dans ce livre ce que je pensais connaître comme ma poche ? Du moins, ce n'est pas bien grave non plus.
L'histoire me touche, mais elle me dérange aussi. Marie et son malaise n'ont pas su m'émouvoir, pas comme j'aurais aimé. Mais le rapport est plus vicieux, car malgré le détachement et l'agacement qu'il inspire, le monologue de Marie m'a envoûtée. J'ai été hypnotisée par son aventure, exaspérée et malmenée, pourtant la fin m'a chavirée.
Ce n'est donc pas pour moi le meilleur roman d'Olivier Adam, mais on ne peut être aveugle et sourd à ce qu'il nous raconte. Parce qu'il a le talent pour l'écrire aussi.
A voir, donc.
Editions de L'Oliver - 218 pages - En librairie le 23 Août 2007.
** Rentrée Littéraire 2007 **