La folie des hommes
« Les treize nouvelles de ce recueil ont pour théâtre le Moyen-Orient. Passant de l'humour au drame, elles offrent autant de points de vue intimes et lumineux sur l'une des régions les plus explosives du monde. »
Le cruel dilemme avec les nouvelles est qu'elles sont toutes d'inégales valeurs, parmi celles que j'ai le plus aimé, notons « Un soir à Beyrouth » qui parle d'une famille inconsciente du drame qui court dans les rues de leur ville, mis à part le petit dernier qui implore les siens de se mettre aux abris, quand surgit leur voisin M. Antoum qui fait chorus aux supplications du garçon avant l'arrivée de miliciens tout de vert vêtus...
« Corps perdu » raconte une histoire d'amour passionnel mais hélas vouée à l'échec qui conduira une femme folle (d'amour) prête à briser son honneur et à entraîner disgrâce et répudiation autour d'elle. Brillante démonstration de l'ampleur de la volupté dans cette société figée dans ses carcans !
Cela fait écho à « Premier amour », l'histoire d'un veuf de 79 ans qui revit grâce aux charmes d'une marchande de fruits et légumes, qui porte une petite culotte rouge ! Le scandale tombe sur la famille et les enfants supplient leur père de renoncer à cette passion navrante. En même temps, sa petite-fille de 11 ans se voit interdire à son tour la compagnie des garçons, sous prétexte que « c'est trop tard maintenant » ...
Trop tard aussi pour le grand-père Jiddo, agonisant, qui perd la boule et s'époumonne dans sa maison en réglant ses comptes, le petit-fils est spectateur, impuissant, chatouillant dans sa poche un cadeau précieux légué par cet homme dévasté.
Heureusement l'humour aussi est présent, dans « Le rêve d'Ali » par exemple, quand deux grands amis se chamaillent et réclament réparation devant le grand arbre, comme le veut le Xaar, la loi des Isaas. La chute vaut son pesant d'or !
Mais il est vrai que, personnellement, ce sont les textes décrivant un quotidien presque banal, de femmes, d'enfants ou d'hommes, qui ont leur ligne de vie menacée à chaque instant, à chaque coin de rue, et sans raison apparente, qui ont un réel impact. On retrouve ce sombre constat dans la mélopée du photographe arménien, dans « Jérusalem-photo », qui vit son job sur la corde raide entre juifs et arabes. L'homme est en colère, « Vous dites nous n'avons pas le choix, vous n'arrêtez pas de le dire, mais qu'est-ce qu'il vaut le choix que vous vivez ? ».
Ce petit livre, pas seulement réservé à des jeunes lecteurs, dégage un élixir de séduction, qui touche, blesse, interpelle. La prise de conscience est infime, mais au moins le charme n'aura pas agi dans le vide. Il restera forcément une petite musique après cette lecture !
A l'exception de "Hello ! hello !" et de "Touché !", les nouvelles de ce recueil ont été publiées une première fois en 1991 aux éditions Balland sous le titre L'homme assis.
Un soir à Beyrouth, par Sélim Nassib - Editions Thierry Magnier - 153 pages - 9,50 €
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Un ancien chevalier déchu cherche la rédemption en sauvant la vie d'une fillette de 12 ans, en souvenir d'un chaste amour... Sur les collines du Japon au 16ème siècle, un samouraï décide d'accomplir ses rêves de conquête pour les beaux yeux d'une demoiselle au charme redoutable... Un viking, décidé d'asseoir sa réputation, fait assaut vers le château qui protège un autre fils de guerrier, son homologue par-delà la mort... Un masque blanc au sourire glacial va commettre son acte de vengeance, par deux fois, et sans crier gare... Un militaire russe se trouve face au souvenir de la femme aimée, qui s'est enfuie en provoquant un séisme...
Ce sont au total neuf histoires fortes et implacables de chevaliers, samouraïs, vikings, des forces du mal qui assiègent, trucident sans état d'âme et qui parfois connaissent la damnation éternelle, piégées par des esprits et des revenants qui vont les hanter pour la nuit des temps. Non, la lecture n'est pas morbide ni surchargée de détails sanguinolents, à écarter loin des fortes sensibilités. C'est tout au contraire un piège d'y nicher son nez, l'écriture est vive, ne laissant aucun temps mort. Point le temps de s'épancher, plutôt d'assister à une danse macabre et qui vous emporte vers des temps anciens, révolus mais qui occupent toujours une place importante dans les références épiques.
Ces nouvelles ne semblent pas viser un « public jeune » en particulier, bien au contraire !
Par l'épée et le sabre, d'Armand Cabasson - Ed. Thierry Magnier - 156 pages - 9,50 €